J’ai déjà planté le décor lors de la chronique de Comes a time , il n’a pas changé lorsque sort le nouvel album de Neil Young. A l’époque, Neil fut impressionné par la vivacité de la scène punk, qu’il fréquenta en jouant notamment avec les musiciens de Devo. Sur le tee shirt d’un de ces musiciens au look excentrique, il remarque une inscription prophétique « rust never sleep ». La rouille ne dort jamais, voilà un magnifique slogan pour l’un des derniers survivants de sa génération. C’est que notre canadien avait déjà 34 ans, ce qui est un âge avancé pour un rocker. Pourtant, aucun nihiliste à crête n’osa toucher au barde hippie , Johnny Rotten ayant déjà avoué son admiration pour le loner.
Mis à l’abri par une nouvelle génération qui l’admire, le canadien écrivit le « the time they are changin » de la génération no future. L’affaire commence sur ces arpèges reconnaissables entre mille, puis viennent les mots.
« Hey Hey my my ! Rock n roll can never die ! » Les vieilles idoles peuvent flancher, cette musique durera tant qu’il existera une jeunesse pour l’écouter. La première phrase chantée par Neil Young n’est pas une lamentation, c’est le cri de guerre d’un homme qui veut continuer d’être l’avenir du rock.
« King is gone but is not forgotten . This is the story of a Johnny Rotten. » Il existe des hasards troublant. Alors que les contemporains des Sex pistols prennent le monde d’assaut, le king rend son dernier souffle dans les toilettes de sa villa. Une fin destroy pour le king et un avenir nihiliste pour le rock, voilà le programme de cette année 1977. Lorsqu’il apprit la nouvelle de la mort du king , Johnny Rotten se contenta de dire « Il était temps , sa grosse bedaine masquait le rock depuis de trop nombreuses années. » L’heure n’est pas aux hommages ou aux célébrations , il faut que le passé s’éteigne pour que l’avenir se dévoile.
« It’s better to burn out ! Rust never sleep ! » Le voilà le slogan de l’époque, il est aussi vrai pour le king que pour le rocker le plus misérable. Toute la mentalité punk est dans cette phrase, plutôt mourir que devenir un notable, quand l’énergie n’est plus là il faut avoir le courage d’arrêter. L’époque est à la violence, violence qui deviendra vite une mode musicale. Avec cette ouverture acoustique, Neil devient le punk ultime, celui que même le courant des sauvages à crêtes n’arrive pas à récupérer. Les riffs des jeunots sont mitraillés avec rage, l’arrière garde tombe sous la mitraille, et le loner raconte la bataille comme un Dylan résumant les utopies de son époque.
Des sublimes accords de trasher à la country de sail away, en passant par le conte Pocahontas , cette première face est le prolongement logique de Comes a time. Powderfinger met ensuite la fée électricité sur le devant de la scène. Ce changement de décor fait en douceur, le riff mélodieux et les chœurs rêveurs rappelant la finesse de Zuma. Pourtant, sur les scènes où furent enregistrées ces titres, le public se doutait bien que l’impressionnant mur d’amplis placés au fond de la scène n’était pas là pour faire de la figuration.
Au delà de sa mélodie , Powderfinguer permet à Neil Young d’enchainer les solos où le son gras est à la limite de la saturation. Welfare mother libère pleinement cette énergie sur un mojo binaire cher au Crazy horse. Ces solos sursaturés tissent un boogie crasseux, la puissance du riff ringardise un mouvement punk venant à peine de naitre. Les premières traces de ce qui deviendra le grunge sont à chercher du côté de ce riff orageux et de l’ouragan électrique sedan delivery. Sur ce dernier titre, le cheval fou sonne comme un troupeau de mammouths hystériques. La rythmique est un assaut de pachydermes d’une violence inouïe, un tsunami ensevelissant définitivement les restes d’un passé moribond.
Le loner a beau se savoir respecté par cette nouvelle
génération qui ne respecte rien, il met le paquet pour lui montrer qui est
encore le patron. Le feu d’artifice proto grunge se clôt sur une version électrique
de hey hey my my. Ce riff tonnant comme le tir d’une section de tanks, c’est la
violence d’une épuration à laquelle notre canadien vient d’échapper. « Rock
n roll will never die », clame t-it une dernière fois avant de refermer Rust never sleep. Plus que le rock , c’est sa propre légende que le loner
vient de sauver ici.
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