On reproche toujours à la critique d’être cartésienne, de
prétendre séparer le bon grain de l’ivraie, d’écrire un évangile rock qui, dans
son appellation même, est une aberration.
La critique, au contraire, est saine parce qu’elle incite à la réflexion et au
doute, qui resteront toujours de puissants remèdes contre le fanatisme.
Plus que croire, les fanatiques exigent que nous ne
doutions pas, que nous prenions leurs opinions brutes et complètes. Le critique,
lui, ne peut que douter, chaque disque lui ouvrant les portes d’une nouvelle
vision de sa musique.
Quand le coffret mental train est sorti*, il n’a pas du
s’en vendre beaucoup. Ceux qui achetaient encore des disques suivaient le plus
souvent les conseils avisés des magazines, et des « discothèques rocks
idéales » qui se multiplient sur les étals des libraires. Or, mott the
hoople n’a jamais était la tasse de thé de la critique rock, qui fut juste
forcée de reconnaitre son talent lorsque Bowie les aida à accoucher du superbe « all
the young dude ».
Les plus aventureux y ajoutaient les plus rugueux « mott »
, « the hoople », et le sulfureux live. La messe était ainsi dite, et
on oubliait tous les passionnants tâtonnements qui précédèrent la sortie de ces
albums. Car, avant que Bowie ne les convertisse à l’esthétique glam, Mott était
un gang de sauvages maudits.
A ses débuts, le groupe trouve une rampe de lancement en Italie
, où il déploie un rythm n blues d’une puissance à faire rougir les compagnons
de Pete Townshend. Une petite maison de
disque s’intéresse rapidement au groupe, mais , si elle lui permet d’enregistrer
ses premiers titres, elle ne parvient pas susciter l’intérêt des gros
distributeurs que sont EMI et polydor.
Le groupe rentre donc à Londres , qu’il fait swinguer
plusieurs années après le passage des who , stones et autres kinks.Là-bas ,
ceux qui se nommaient the shakedown sound sont renommés mott the hoople par
leurs manager , et island record décide de sortir les albums de ce qui est
alors un groupe prometteur.
Parait ensuite un disque qui est à mott the hoople ce que
« john mayall and the bluesbreaker » fut pour Clapton , l’expression la
plus pure de ce que les musiciens souhaitaient offrir. L’ouverture cueille le
rock à froid, en faisant de « you really got me » un magma sonore, d’une
puissance que même Van Halen ne parviendra à égaler quelques années plus tard.
Si il existe une version définitive du brulot des kinks ,
elle se trouve bien dans ce raffut instrumental , où les riffs fulgurants
viennent gifler la concurrence proto hard rock. La plupart des critiques de l’époque
prirent d’ailleurs ce disque pour une autre réponse aux riffs stridents des
yardbirds , le condamnant ainsi à un succès éphémère.
D’autres, plus fins, lui reprochent cette hésitation entre
mélodie Dylanesque et rugissement de rocker crasseux. Cette hésitation entre
classe et spontanéité qui tiraillera le groupe tout au long de sa carrière , et
qui s’exprime ici dans son plus simple appareil a même trouvé une étiquette
pour la qualifier : garage rock.
Mais c’est vite oublier le travail du producteur Guy
Stevens qui , tout juste sorti de la production du premier free, décide de
mettre un peu d’ordre dans le grand foutoir produit par le groupe. Et,
contrairement à Bowie, il ne fera rien d’autre, et se contentera de donner un
feeling presque stonien à ces envolées juvéniles.
Comment résumer ce disque ? C’est les stones
singeant les who , c’est Dylan déversant ses mélodies devant le clavier de Keith
Emerson , c’est ce que le rock a de plus puissant tout en prenant le temps de
soigner sa grâce pop.
« Wrath and roll » et « rock n roll queen »
sont des riffs irrésistibles, dont le minimalisme est un véritable « fuck ! »
envoyé aux enfants d’Hendrix, un rock carré et efficace que seul Keith Richard
semblait encore capable de produire.
Juste avant , Ian Hunter s’était pris pour Dylan,
annonçant les mélodies campagnardes de wildlife sur « Laugh At
Me » et « Backsliding Fearlessly » . Et puis le groupe a tout foutu en l’air
, clôturant la mélodie grandiloquente de « laugh at me » dans un
monumental chaos sonore, sans doute un des moments les plus rock capturé sur
disque.
Ici , mott the hoople n’est pas seulement une formation
tiraillée entre ses influences , c’est un réceptacle ardent, qui s’est imprégné
de ce que le rock a produit de meilleur, et qui décide de le dégommer
violement. Ian Hunter disait que Bowie voyait le groupe comme « un gang
de bikers maudit ». La malédiction réside surtout dans le fait que ce
premier disque soit tombé dans l’oubli.
*Coffret regroupant la période island de Mott , soit les quatre premiers disques, un live , et une compil de singles.
*Coffret regroupant la période island de Mott , soit les quatre premiers disques, un live , et une compil de singles.
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