Les Flower kings entament-ils ici un nouvel âge d’or. Il
faut dire que toutes les conditions sont réunies pour faire de ce sum of no
evil un autre sommet du groupe. Tout d’abord, unfold the future lui a permis de
reprendre son rôle de leader de la renaissance rock progressive. On ne
reviendra pas en détail sur les mérites de ce double album, qui sont largement
exposés sur la chronique précédente. Toujours est-il que cet album a rassuré
une formation déstabilisée par les changements de son époque et fragilisée par
les projets annexes de son leader.
En cette année 2003 , Roine Stolt n’a plus que les Flower kings pour publier le fruit de son impressionnant travail. Alors il retombe dans ses vieilles lubies, replonge avec bonheur dans le folklore spirituel et les déchainements symphoniques de Yes. L’arrière-goût jazzy de l’introduction rappelle d’abord les bluettes joyeuses chères à Robert Wyatt , puis une puissante percussion déclenche une avalanche de notes. Ces instrumentaux retrouvent l’effervescence de classiques tels que fragile ou close to the edge, réconcilient le rock avec son passé symphonique.
Après avoir produit deux albums solos très rock, Roine
contrebalance la complexité de ses avalanches virtuoses avec des solos plus
incisifs. Il faut dire que, pour se faire entendre au milieu de ces éruptions ,
le synthé monte progressivement dans les aigus. On atteint parfois un
sifflement robotique qui semble convoquer le fantôme de Keith Emerson. Comme avec
le leader de Emerson Lake and Palmer, les enchainements de claviers restent
assez mélodieux pour ne pas tomber dans une agressivité irritante. Dans la
lignée du charisme Ermersonnien , ces sifflements forment une symphonie robotique.
Ils font le lien entre le désir qu’a le
groupe d’aller toujours plus loin dans l’innovation , et son ambition d’installer
son œuvre derrière celle des grands virtuoses d’hier et d’aujourd’hui.
Quand les crescendos lyriques s’apaisent, un orgue forme une chorale dévote, complainte mystique digne des plus belles symphonies rock. On retrouve alors ces grands espaces méditatifs , sur lesquels les instruments soufflent comme une rassurante brise. Les envolées électriques s’emportent parfois dans de grands séismes hard rock , le martellement d’un riff orageux semblant éclater au milieu de décors paisibles. Les Flower kings absorbent ainsi la violence musicale de l’époque, la dompte pour l’intégrer à ses paysages merveilleux. Certains verront, dans cet orage éclatant au milieu de décors yessiens , une façon de fixer le rock dans son passé.
Ce serait une bien injuste caricature d’un album qui a tant à offrir. Avant que Steven Wilson n’en garde que la violence oppressante, in absentia était lui-même une façon d’absorber le courant métallique dans un ensemble plus traditionnel. Il est vrai que Porcupine tree développait cette puissance plus largement que les Flower kings. Si la verve métallique est présente sur ce sum of no evil , ce n’est que le temps d’un riff tonitruant , mais la proportion a peu d’importance.
En plaçant cet orage au milieu de décors autrefois explorés par les contemporains de Ian Anderson , les Flower kings réaffirment le mot d’ordre lancé par Anglagard en 1993. Le rock progressif ne mourra pas, il ne peut mourir. Méprisé par la majeure partie du grand public c’est une bête colossale dont le destin est de croitre infiniment, jusqu’à ce que sa gigantesque carcasse ne devienne impossible à ignorer.
Les géants des seventies n’eurent que le temps d’esquisser un décor qu’il convient désormais d’étoffer. Le résultat est en partie ce sum of no evil , contrée lumineuse située entre les décors les plus somptueux de Roger Dean. Pour éviter que cette virtuosité ne tombe dans le pompiérisme, un clavier rieur flirte parfois avec la gaieté d’un Frank Zappa
Cet album n’appartient ni au passé ni au présent, c’est
encore une beauté sans âge qui a peu d’équivalent.
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