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vendredi 23 juillet 2021

Neil Young : This note's for you

 


Le rock n’est plus le son de la révolte , ses vieilles idoles sont rentrées dans le rang et leurs rares remplaçants ne rêvent plus que de gloire. Eric Clapton et Steve Winwood sont sponsorisés par de grandes marques, Dire Strait chante qu’il « veut son MTV ». Le capitalisme a fait du rock un outil servant ses intérêts, il l’utilise pour vendre ses sodas, ses assurances, bref pour grossir toujours plus. Porte-drapeau de cette marchandisation du rock, MTV est devenu un média essentiel pour tout artiste souhaitant conquérir le monde. Alors tous se mirent à enregistrer des clips censés passer en boucle sur cette chaine. En voyant cette évolution, Keith Richards annonça sur un ton péremptoire « le vidéo clip a tué le rock ». Les rockers se préoccupaient désormais plus de sortir « la vidéo de l’année » que de produire le disque le plus abouti depuis Sergent pepper.

Cette tendance commençait déjà lorsque Bowie produisit le mini film de promotion de Let’s dance. Il y eut aussi la fameuse voiture rouge de ZZ top , le coming out de Freddy Mercury sur I want to break free etc…

La plupart des vieilles gloires produisant ces clips étaient en plein déclin artistique , mais la puissance de la machine commerciale leur permettait de vendre plus d’albums qu’ils n’en ont jamais vendu. C’est dans cette époque, où l’image semble avoir remplacé la musique, que Neil Young retrouve un peu de sa superbe. Nous sommes alors en 1988, et le chanteur monte sur scène accompagné par un nouveau groupe. Derrière lui, une section de cuivres ressuscite les grandes heures de Chicago, quand bluesmen et jazzmen se succédaient devant un public fait de gangsters et de maquereaux. Pour porter ce blues cuivré , la section rythmique swingue comme les musiciens de Duke Ellington perdus au milieu du big bang de BB King.

Pour immortaliser cette nouvelle énergie, Neil Young embarque son big bang en studio pour enregistrer This note’s for you. Dans la foulée, il décide de se payer la tête d’une chaine qui fait désormais les grandes carrières musicales. C’est ainsi que , pendant quelques jours , MTV diffuse régulièrement un clip où l’on peut entendre : « I don’t work for pepsi . I don’t work for coke ». Pendant que cette phrase est scandée par le chanteur, on peut voir un Michael Jackson en feu se faire arroser par une canette de la fameuse marque de soda. MTV finira par censurer le clip, avant de le nommer « meilleur clip musical de l’année ». This note's for you sort peu de temps après ce coup d’éclat.

Beaucoup ne virent dans ce disque qu’un sympathique exercice de style , une façon pour son auteur de retrouver un peu de vitalité en voyageant dans le berceau du rock n roll. C’est vite oublier que le blues fit toujours partie de l’œuvre du loner , qui le jouait déjà avec brio à l’époque de Tonight the night. Contrairement à cette époque, This note's for you ne déploie pas un blues froid et austère, mais un mojo grandiloquent et chaleureux. Ce swing, c’est celui de BB King , éternel parrain d’un blues spectaculaire. La rythmique reste basique, presque boogie sur des titres comme Ten men workin, où cette union entre la chaleur jazzy des cuivres et l’énergie du blues flirte avec les grandes heures de l’Allman brother band.

Dans cette cérémonie enjouée , Neil retrouve le gout des riffs binaires, se laisse parfois aller à quelques solos Claptoniens. On retrouve ici la chaleur bluesy inventée par les frères Allman , on flirte avec ce rock sudiste que Warren Hayne ne tardera pas à ressusciter. Ranger cet album dans le rang des exercices de style honorables sous pretexte qu’il s’éloigne de ce que Neil fit jusque-là, c’est considérer que sa carrière n’est qu’une succession d’exercices de styles plus ou moins brillants. Neil Young a toujours été un artiste cleptomane pillant cette magnifique caverne d’ali baba qu’est le patrimoine musical américain, un conquistador rock s’appropriant les contrées qu’il explorait.

Hier il disait qu’il considérait la country comme sa seule voie , aujourd’hui il joue le blues comme BB King ou Mike Bloomfield , demain il aura déjà changé de lubie. Il fallait toute la grandiloquence de This note's for you pour le ramener dans le rang des grands artistes. Dans son genre comme dans la carrière de son auteur, This note's for you est avant tout un grand album.          

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