Quel album représente le mieux le génie des Who ? En
ce milieu des seventies la question n’est pas aisée. Les plus puristes vous
diront que ce ne peut être que le live at leeds , le groupe n’ayant jamais réellement
réussit à restituer en studio la folie qu’il déployait sur scène. C’est à cette
catégorie que l’on doit la controverse qui entoura la sortie de tommy, une
partie saluant le chef d’œuvre pendant que l’autre s’indignait de cette musique
pompeuse, qui semblait rapprocher les who des grands excentriques pop.
Who’s next réconciliera tout le monde , son enchaînement
de tubes, rehaussés par les sifflements futuristes du clavier, faisant entrer
leur rythm n blues primaire dans la nouvelle décennie seventies. La conception
fut pourtant un traumatisme pour Townshend , qui voulait au départ concevoir un
opéra rock encore plus ambitieux que Tommy. Pour éviter de reproduire le même échec,
il produit seul les démos de l’album suivant, jouant de tous les instruments
pour s’assurer de la bonne reproduction de ses idées. Le groupe se retrouve
ainsi face à des démos très abouties, qu’il est prié de reproduire le plus fidèlement
possible.
Voilà pourquoi Quadrophenia est aux Who ce que the wall
fut à pink floyd , un monument à la gloire de la mégalomanie de leur leader. D'une
certaine façon, on peut voir dans cette démarche la fin d’un âge d’or, et nombreux
sont ceux qui, encore aujourd’hui, n’hésitent pas à partir dans cette conclusion hâtive.
Ils pourraient ajouter que cette histoire de mods paumés
fut trop anglaise pour séduire l’Amérique , et passa sans doute pour une œuvre passéiste
pour les fans de rock de l’époque. Sur l’album précèdent , les who s’imposaient
comme les maîtres de leur époque , apportant le son de synthés qui venaient
juste d’émerger, et les voilà qui reviennent avec une histoire plantée dans une
angleterre poussiéreuse.
La fête parait déjà se terminer quand le disque sort en
1975 , les premières difficultés économiques se font ressentir en Angleterre ,
et donneront bientôt naissance à des légions de jeunes à crête jouant une
musique à la simplicité nihiliste. Ces hordes de sauvages à collerettes
devaient tout aux who , qui annoncent d’ailleurs leur avènement avec « the
punk and the godfather », la guitare cinglante prédisant les futures pavés sonores des sex pistols.
Quadrophenia ne partage avec Tommy qu’un concept
dramatique, et inspiré du mal être de leur géniteur, le son de quadrophenia
étant à l’opposé de son ainé. Tommy fut froid et mesuré, Quadrophenia s’avère
chaleureux et exubérant.
Les cuivres apportent plus de consistance au son
tranchant du groupe, pendant que Keith Moon peut déchaîner ses fûts, pour
annoncer des refrains aussi mémorables que les grands classiques mods des années
60. Et puis il y’a cette production unique, qui rendra la reproduction de ses
titres impossible en concert.
Sorte de pont entre les expérimentations des grands
génies du son (beatles, Spector) et l’agressivité qui marquera les années à
venir, ce son entre deux ages est sans doute le plus proche des ambitions de
Townshend.
Les bruitages s’insèrent dans les titres, comme pour
planter le décor d’une œuvre qui ressemble à un grand film musical, la version
cinématographique ne tardera d’ailleurs pas à sortir. Ce côté conceptuel n’empêche
pas quelques titres de sortir du lot. On retiendra bien sûr surtout les
passages les plus sauvages , précurseur d’un futur où l’énergie comptera plus
que tout autre détail technique (the punk and the god father , bell boy).
Mais il ne faudrait pas oublier la puissance lyrique qui qualifie le son des
who autant que sa violence, et qui trouve encore sa plus belle expression sur
des titres comme love reign o er me , ou le plus doux et presque Nashien almost
cut my hair.
Une chose est sûre , quadrophenia est une œuvre dont la
richesse parait déjà d’une autre époque, les tendances extrêmes des années à
venir balayant la finesse de la génération des who, à coups de riffs envoyés
comme des décharges, ou lourds comme des secousses sismiques.
Les ventes du disque seront encore plus que correctes,
mais la tournée qui suivra tournera au fiasco. Incapables de s’accorder sur les
bandes préenregistrées censées planter le décor musical qu’ils ont inventés,
les Who avaient commis l’irréparable : produire un disque injouable en
live.
Comme si , à travers cet échec , c’était la fin de leur règne
qui s’annonçait. On ne me retirera néanmoins pas l’idée que ce Quadrophenia
reste un de leurs disques les plus brillants et somptueux.
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