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samedi 26 janvier 2019

[CHRONIQUE] Ty Segall and White Fence - Joy (2018)




A non ne vous barrez pas déjà après avoir lu le titre !

Oui, j’ai déjà causé de Ty Segall, ici et sur d’autres sites. Oui j’ai déjà dit tous le bien que je pensais du bonhomme, mais ce n’est pas de ma faute si même le plus brouillon de ses disques contient plus d’inventivité que les trois quarts de la concurrence. Alors que Greta Van Fleet commence à sérieusement rejeter une filiation avec Led Zep trop lourde à porter, Segall n’a jamais pu, et ne pourra jamais, être réellement apparenté à un vieux schnock. Il y a bien-sur des références, mais elles sont si malaxées, broyées, ré-sculptées dans une matière foisonnante, qu’il parvient toujours à atteindre une originalité incroyable.


Je pense aussi que ce jeune Californien a le complexe de l’Underground et soigne régulièrement sa liberté chérie en créant un torchon magnifique, pour succéder à chacune de ses œuvres trop propres. L’artiste sent venir le succès comme un apache sent arriver le flingue de Custer. Alors il bousille tout, oublie les mélodies qu’il vient à peine d’inventer et va exactement là où il sait que le plus grand nombre ne le suivra pas. Freedom's Goblin était trop accessible ? Ce n’était qu’une pause après un chaos sonore digne des plus belles heures des Stooges. « Baby, casse ta guitare. Moi je serais au bar », dit il, comme si la musique de l’album Ty Segall n’était pas déjà un puissant bras d’honneur à ce qu’il reste du musique business. Parce que, à une époque où le Rock est devenu horriblement respectueux, Segall passe son temps à danser sur le cadavre du Wok 'n Roll. Aucune étiquette ne semble réellement lui aller, et il passe son temps à les remettre en question. Son début de carrière, il l'a utilisé pour revisiter les genres, se faisant les dents en déchiquetant le Grunge , le Space Rock , le Stoner… Et puis il a commencé à tout mélanger et sa musique faisait alors penser à la phrase de Beefheart « Je manie les son comme une palette de couleur », Segall était arrivé à cette même pureté innocente.  Comme si ça ne suffisait pas, le voila qui demande à White Fence de le rejoindre, cette collaboration étant sensée augmenter sa créativité.
Les deux hommes partagent la même obsession pour l’originalité, l’inédit, le jamais vu, bref pour tout ce qui devrait être le Graal de tous rocker qui ce respecte.

Autant dire que, maintenant plus que jamais, le respect du passé ne les atteints pas. Joy se moque des techniques de jeu et de composition. C’est la réunion de deux fous-furieux qui partent dans tous les sens. Les mecs ont enregistrés le bazar en quelques semaines, sans doute sans savoir où ils allaient, comme deux gamins qu’on auraient laissé s’amuser dans un magasin de musique. Coté production, la musique et le son sont si basiques qu’on croiraient entrer dans une caverne, pour écouter les Pierrafeu faire rugir les amplis.  Segall et Fence essaient, et en profite pour ridiculiser Kurt Cobain sur un Grunge caricatural. Il est bon de tuer régulièrement ces vielles badernes. D’ailleurs les voila qui dansent sur le macchabée le plus regretté du monde, fredonnant "Rock Is Dead" comme pour annoncer « il serait peut être temps de passer à autre chose non ? ». Et les musiciens moulinent, manquant de ce casser la figure à chaque accord faussement bancals, avant de rétablir l’équilibre dans une fiesta de riffs acidulés. Sur Joy, Ty Segall et White Fence semblent au bord du gouffre en permanence, mais la chute tant redoutée est toujours miraculeusement évitée.

On n'a plus entendu d’exercice de funambules Rock pareils depuis le "Trout Mask Replica" de Beefheart, et c’était il y a déjà cinquante ans ! Ce disque n’est pas un simple album de Rock, c’est un lavement salvateur pour tous ceux qui, comme la majorité du monde occidental, mangent du conformisme à longueur de journée. Joy les prendra aux tripes, nettoiera tout ça, et ils pourront entrer dans le rang des rares individus sains d’esprit de cette époque de tarés !