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lundi 12 avril 2021

VARIATIONS : Nador


Dans les années 60 le rock en France c’est le quasi néant : quelques artistes rock’n’roll qui la plupart du temps font des reprises des standards US du genre (Dick Rivers, Eddy Mitchell, Johnny Halliday) ou d’autres davantage yéyé que rock (Antoine et ses problèmes, Jacques Dutronc et encore Johnny qui rentre, lui, dans les deux catégories !).
Et alors que le rock est denrée rare dans l’hexagone voici qu’en 1970, quasiment à la même période que Magma, débarque dans les bacs le premier album de Variations (selon certaines sources l’album est sorti en 1969 ! Difficile de trancher !).
Formé par Jo Leb (chant), Marc Tobaly (guitare), Jacky Bitoun (batterie) et Jacques "p'tit pois" Grande (basse) , tous d'origine juive marocaine, fans de rock et notamment des Rolling Stones, Variations a déjà plusieurs 45 tours à son actif et une flopée de concerts (notamment en première partie de Johnny et de Led Zeppelin en 1969) depuis sa création en 1966 ; il faut dire que c’est avant tout un groupe de scène, inspiré par MC5 et les Stooges.
« Nador » montre un groupe qui évolue d’emblée entre blues rock et hard blues (avec des ingrédients soul et psychédélique sur certains morceaux) et si ce n’est ni Cream, ni Led Zeppelin, ni Ten Years After, ni Humble Pie, ou encore Grand Funk Railroad (ces trois derniers s’avérant être musicalement les plus proches de Variations), le groupe, sans complexe, n’a pas à rougir et l’album tient parfaitement la route, démontrant que Variations est non seulement le précurseur du genre en France mais un groupe de qualité musicale indéniable.
Dès « What a mess again » qui ouvre le disque on découvre une voix blues/soul vraiment de haut niveau et un guitariste pas manchot du tout et pour tout dire vraiment très bon ; ça explose, ça crie, ça arrache, ça vibre, du très bon blues hard.
Le groupe alterne brûlots hard (« What a mess again » et « Waiting for the pope », d’autres blues rock (« Generations » exceptionnellement chanté en français, « Free me »), ballades (la très hippie blues « We gonna find the way » qui se rapproche assez de Jefferson Airplane), instrumental blues psychédélique « Nador » qui n’est pas sans rappeler le « Black Mountain Side » de Led zeppelin et boogie rock (« Mississipi Women »).
Le tout sonnant très anglo-saxon certes et très typique d'un hard blues des années 69-70 mais Variations sait apporter sa petite touche personnelle.
Tout cela était sans doute trop beau pour être vrai car le public français ne suivra pas entièrement et le groupe devra se contenter d'une popularité réduite mais néanmoins pas totalement inexistante. Trop clivant peut-être les Variations en ces années-là. Certains chroniqueurs rock pensent que le look et le côté frimeur du groupe les ont desservi, d'autres pensent que le groupe aurait dû chanter en français - éternel débat ; quant à Patrick Eudeline dans le livre de Philippe Manoeuvre "Rock français : de Johnny à BB Brunes / 123 albums essentiels" il estime que Variations était à la fois le groupe le plus populaire et le plus détesté du rock français. Mais Variations aura ouvert la voie à d’autres groupes bien qu’il faudra encore attendre quelques années pour voir apparaître Ganafoul puis Silvertrain, Shakin’street, Océan et dix ans plus tard Trust. Signalons qu’ensuite Variations mettra, notamment avec l'album "Moroccan roll" (1973), sur certains titres des ingrédients de musique arabe dans son rock et si ces albums sont plus inégaux ils contiennent quelques petits bijoux assez remarquables et là encore le groupe, dans un style différent, sera un précurseur des Carte de Séjour ou Dazibao qui reprendront la formule dans les années 80.
Et Variations fut non seulement un bon groupe mais un groupe précurseur, qu’il convient de ne pas oublier quand on évoque les formations françaises qui ont apporté leur pièce à l'édifice dans un pays où le rock n'a jamais eu la même exposition que dans d'autres pays.
Car après sa séparation en 1975 le groupe disparaîtra quasiment des radars.