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mardi 1 juin 2021

flower kings : flower power

 


Nous sommes en 1999, quelques mois après la sortie de stardust we are, et un nouveau double album des Flower kings débarque dans les bacs des disquaires. Beaucoup pourraient trouver ce rythme trop soutenu, mais cette productivité montre simplement que Roine Stolt a gardé les habitudes de ses jeunes années. Quand le guitariste commença sa carrière, il n’était pas rare de voir les grands groupes sortir deux disques à quelques mois d’intervalle. La concurrence était rude et, pour ne pas tomber dans l’oubli, il fallait sans cesse renouveler sa musique.

Le titre Flower power est bien sûr un clin d’œil à ces années bénites, plus précisément au mouvement hippie, dont le groupe a toujours défendu les idéaux. Ce titre est aussi la déclaration de foi d’un groupe qui , pour oublier la pression liée à son nouveau statut, continue plus que jamais à faire vivre l’héritage des seventies. Flower power s’ouvre donc sur garden of dream , qui bat le record du titre le plus long de l’histoire du rock progressif. Cette distinction ne lui sera reprise qu’en 2009 , lorsque Transatlantic sortira l’épique the whirlwind. Tourné vers un psychédélisme plus virulent que celui de stardust we are, garden of dream s’ouvre sur une procession robotique digne d’Emerson Lake and Palmer.

Des arpèges font progressivement pleuvoir leurs notes délicates sur ce rideau d’acier. Cette ambiance de plus en plus bucolique laisse le chant fredonner une folk sublimée par un synthétiseur plus mélodieux. En arrière-plan, quelques effets sonores rappellent les grands délires de Pink floyd. Les synthétiseurs sonnent de plus en plus comme le chant de visiteurs venus d’un autre monde, les sons se répondent dans une débauche planante aussi riche que complexe. Ce n’est pas encore cette fois ci que l’impressionnante virtuosité des Flower kings sera prise en défaut.

Les observateurs les plus snobs se réjouiront de cette complexité , mais quelque chose cloche dans ce décor aux apparences idylliques . Ce quelques chose est symbolisé par les sifflements de ces synthétiseurs si Emersonnien. A force de s’imprégner de ses modèles historiques, le groupe de Roine Stolt finit par copier leurs travers. Le bruitisme de ce clavier glacial représente exactement ce que certains détestaient à la grande époque du rock progressif , c’est-à-dire une complexité froide et sans âme. Rien ici ne renoue avec les mélodies charmeuses de stardust we are, l’inventivité du groupe devient un handicap qui le pousse à surcharger ses titres de fioritures absconses.

On a ici l’impression que ces musiciens ont réuni leurs reliques les plus sacrées,  les ont sauvagement explosées, avant de mêler les débris dans une nouvelle construction sonore. On a déjà parlé de ce clavier Emersonnien , qui est malheureusement le véritable fil conducteur de flower power. Il n’est pas le seul à pâtir d’une parenté trop flagrante, certaines parties de guitare semblant tout droit sorti du mur de Pink floyd.

Il y a du King crimson dans ces instrumentaux paranoïaques, du Genesis dans le lyrisme de ces chœurs dramatiques, et je ne parle même pas de ces grandes explosions symphoniques dignes de Yes. Les Flower kings sont un groupe encore jeune, ils n’ont pas fini de revendiquer leur héritage. Sur ce flower power, ils donnent malheureusement l’impression de se cacher derrière leurs héros.

Les notes explosent finement, comme les bulles du topographic ocean de Yes , une mélodie baroque ressuscite le charisme moyenâgeux de Gentle giant , alors que la noirceur de certains passages atmosphériques flirte avec la galaxie de starless. On reste d’ailleurs dans l’univers de King Crimson lorsqu’une envolée assourdissante pousse le baromètre sonore dans le rouge.

Comme le montre cet inventaire, Flower power est un disque qu’on ne peut apprécier qu’avec l’académisme austère d’un historien du progressisme rock. La multiplicité de références trop voyantes, la surcharge d'envolées trop lourdes, l’ennui de mélodies trop chargées , et d'effets sonores parfois absurdes, tout cela noie chaque parcelle de beauté dans une cacophonie symphonique.

Il est vrai que ce n’est pas encore avec un tel album que la virtuosité du groupe sera prise en défaut, cette complexité froide parvenant parfois à susciter une certaine admiration. Mais le rock progressif ne doit pas se noyer dans ce genre de déferlements virtuoses, ses titres ne doivent pas avoir pour objectif de jouer un maximum de notes sur des titres interminables. Si certains verront dans ce disque un nouvel aboutissement, la suite prouvera qu’il marque en réalité le début d’une quête de renouveau longue et erratique.       


                                           

lundi 31 mai 2021

The flower kings : Paradox hotel

 


Stardust we are est le point d’orgue et la malédiction de la carrière des Flower kings. Après avoir atteint un tel sommet, le groupe de Roine Stolt n’a cessé de tourner autour de ce monument indépassable. Il accentua l’agressivité de ses envolées sur the rainmaker , célébra la splendeur de ses mélodies dans les songes atmosphériques d’Adam and Eve. Le groupe n’a ainsi cessé de courir après la perfection de ce troisième album. Même le plus original sum of no evil était foisonnant comme un classique de Yes , cette référence qui suivra Roine Stolt tout au long de sa carrière.

Parfois erratique mais souvent passionnante, la quête de renouveau des Flowers kings leur offre aujourd’hui le rôle de maitre incontesté du traditionalisme progressif. Toujours est-il que, quand les suédois annoncent un nouveau double album de plus de deux heures, les fans sont effrayés par l’ampleur du projet. Le double album était déjà une exception à l’époque du vinyle, alors qu’il ne pouvait à l’époque trop dépasser l’heure de musique. Il s’agissait d’ailleurs souvent d’albums live, rares étant les musiciens assez inspirés pour produire une œuvre cohérente d’une durée aussi longue. A moins de penser que les artistes actuels sont des génies dépassant les limites des bénites sixties /seventies , on ne peut qu’en déduire qu’un exploit comme stardust we are ne se réalise pas tous les jours.   

Il est vrai que le groupe de Roine Stolt a eu besoin de deux ans pour finaliser ce paradox hotel , ce qui calme un peu nos appréhensions. Inutile de maintenir un suspense aussi intenable : paradox hotel est une réussite comme on en rencontre peu. L’affaire commence sur check in , où une sorte de responsable de la nasa annonce le décollage de cette nouvelle fusée progressive. Cet effet sonore passé, le piano installe une mélodie chaleureuse typique de la virtuosité rêveuse du groupe. Plus puissante que sur le disque précèdent, la batterie martèle un rythme hypnotique, autour duquel synthé mélodieux et guitare aérienne dressent un décor que nous ne connaissons que trop bien.

 Si Adam and Eve misait sur une musique très douce sur la plupart de ses pistes, le jeu plus démonstratif du nouveau batteur désinhibe une instrumentation plus énergique. Pas de chœurs solennels ou d’orgue grandiloquent ici, mais le plaisir communicatif de musiciens déchainant de nouveaux torrents yessiens. Pour faire bonne mesure, Roine Stolt vient régulièrement poser sa voix de vieux sage scandinave sur des accalmies plus épurées. Paradox hotel montre un groupe plus cohérent, on ne retrouve pas ici les grands écarts rythmiques de l’album précédent. Les allers venues entre un space rock contemplatif et un heavy rock grandiloquent pouvait marcher sur un disque d’une heure , pas sur un pavé deux fois plus long.

Dans un souci de cohérence, les Flower kings ont troqué les contemplations cosmiques d’Adam and Eve contre un rock symphonique plus nerveux. Les solos se font alors plus véloces, le lion qui poussa ses premiers cris sur retropolis reprend possession de ses terres. Pour ce paradox hotel , les Flower kings firent le choix de l’accessibilité , la production plus crue accentuant la vivacité de pièces qui ne manquent pas de rebondissements. Cette production allégée permet surtout à des ballades telles que jealousy de gagner en intensité, alors que les excentricités rock telles que hit me with s’épanouissent dans des territoires d’une profondeur rare.

Au bout du compte, le premier disque s’écoute sans ennui. On aura d’ailleurs bien du mal à trouver une baisse de régime dans ce premier feu d’artifice. Vient alors l’angoisse de celui qui plonge une nouvelle fois dans l’inconnu. Faut-il vraiment gâcher un si bon moment en prenant le risque d’être déçu par une seconde partie moins éclatante ?

Prenant son courage à deux mains, l’auditeur consciencieux finit tout de même par incérer le second disque dans le lecteur cd. Roine Stolt sait le rassurer d’entrée de jeu, minor giant step accueillant l’auditeur sur une fresque délicieusement yessienne. Il est vrai que notre guitariste n’est pas Jon Anderson, mais il compense ses limites vocales par un chant plus émotif. Ce procédé est connu depuis la sortie de the sum of no evil , mais on se laisse facilement séduire par la beauté de cette vieille formule. Porté par une impressionnante intensité mélodique , cet hôtel paradox voit les Flower kings retrouver la gaieté de leurs jeunes années.

Porté par cette convivialité, Roine Stolt atteint une grâce que David Gilmour semble avoir perdu depuis le début de sa carrière solo. Si paradox hotel subit aujourd’hui les foudres de certains fans , ceux-ci devraient essayer de l’écouter en oubliant le nom de ses auteurs. Débarrassés d’un fanatisme les poussant vers une sévérité exagérée, ils comprendraient alors le tour de force que constitue cet album. Car force est de constater que ce pavé sonore a la légèreté et l’incroyable cohérence des grandes réussites.

Nous n’irons tout de même pas jusqu’à dire que cette œuvre est aussi impressionnante que stardust we are, elle manque un peu d’originalité pour cela. Cette limite n’empêche pas cet humble hotel paradox d’avoir des allures de palace.           

samedi 29 mai 2021

Flower kings : Adam and Eve

 


Le clavier chante dans un écho gracieux, une voix familière décrit de nouveaux mondes merveilleux. Sorti en 2004, Adam and Eve est un des disques les plus atmosphériques des Flowers kings. Alors que l’opus précédent devait sa beauté à une débauche de notes lumineuses, Adam and Eve est plus apaisé. Tenant le premier rôle, le synthétiseur arrondit les angles d’instrumentaux souvent très mesurés. Pour donner une colonne vertébrale solide à ce géant de coton, la batterie dirige la marche sur un rythme puissant sans être agressif.                                  

Loin de ses bavardages habituels , la guitare souligne les passages les plus enjoués , ponctue ces discours charmeurs de quelques notes nébuleuses. Vient ensuite, le temps de l’intermède plus terre à terre placé au milieu de love suprem, un blues mélodieux entretenu par le dialogue nostalgique de la guitare et du synthétiseur. L’ombre de musique plus terrestre plane régulièrement au-dessus des fresques paradisiaques de cet Adam and Eve. Au détour d’un nuage symphonique, une guitare slide joue la country d’un paradis perdu. Puis viennent ces grandes envolées lyriques, lointains échos de la nostalgie de dark side of the moon.

Dans ses meilleurs moments, une chorale céleste retrouve le charisme poignant de the great gig in the sky. L’ombre du Floyd s’impose encore quand un synthé bucolique chante un folk d’un autre monde. Cosmic circus est un poème musical digne de wish you where here, un intermède de trois minutes que l’on voudrait prolonger à l’infini. Vient ensuite le rythme martial de vampire view , riff sombre semblant annoncer l’assaut des cavaliers de l’apocalypse.

Il y a du Genesis dans cette tension dramatique, Roine Stolt prenant une voix de chanteur d’opéra rock que n’aurait pas renié Peter Gabriel. Lors de ces huit minutes, le rythme passe alternativement d’une marche militaire à une douce lamentation symphonique, les instruments décollent ensuite sous l’influence d’un orgue solennel. Le rock s’élève ensuite au-dessus de cette ascension angélique, guitare et basse terminant le bal dans un déchainement hard rock. Le piano de day go by ramène un peu de calme, sa mélodie baroque ouvrant la voie à une nouvelle symphonie paradisiaque.

Cette contemplation sera de courte durée, une débauche électrique s’empressant de nous ramener sur les rives plus terre à terre de l’acid rock. Cette puissance plus simple ouvre la voie à des récits plus triviaux. C’est ainsi que Adam and Eve nous compte le péché originel avec une gouaille Rabelaisienne, la brutalité de son rock semblant exprimer la violence de ce coït interdit. Ceux qui affirment que Roine Stolt ne sait pas jouer de riffs devraient écouter ce déluge, le dialogue guitare synthé ressemble à un tonitruant croisement entre Birth Control et Deep Purple.

Starlight man est plus quelconque, sa mélodie pop ressassant les vieilles recettes de stardust we are . Le riff clôturant cet intermède est toutefois assez lumineux pour que cette bluette ne laisse pas un mauvais souvenir. Roine Stolt ouvre ensuite timeline sur un tempo digne des grandes heures de Chicago. Synthé et violons emportent progressivement ce mojo tranchant vers des contrées plus lunaires. Le blues a toujours fait partie de l’ADN du rock progressif, les musiciens de Pink floyd ayant d’abord choisi son charisme sophistiqué pour faire oublier leur passé de mauvais bluesmen. On ne s’étonnera donc pas de voir ce qui était au départ un blues aussi bien exécuté que quelconque décoller naturellement grâce à une série de solos Gilmouriens.

Timeline se clot sur un déluge où guitare heavy et clavier paranoïaques réaffirment que le heavy métal n’a pas le monopole de la puissance sonore. Adam and Eve se termine avec un driver seat dans la plus pure tradition du progressisme des années 70. Dans cette lignée traditionnelle, blade of gain referme le rideau sur une pop aussi anecdotique que sympathique.

Sans être révolutionnaire, Adam and Eve est assez varié pour compter parmi les belles réussites des Flower kings. Si il n’invente pas la poudre , le groupe continue de donner vie à une certaine idée de la grandeur musicale.           

The flower kings : unfold the future

2002 marque un nouveau tournant pour la scène progressive. Voulant se libérer de toutes limites, Neil Morse claque la porte de Spock’s beard pour démarrer une carrière solo. Avec cette émancipation, c’est la survie du rock progressif qui est menacée. L’aventure solitaire de Neil Morse met aussi fin aux activités de Transatlantic , figure de proue d’un traditionalisme progressif qui commençait à peine à renaitre. Pendant ce temps, Porcupine tree sort un autre album majeur de l’histoire du progressisme musical, le troublant in absentia.

Ce dernier marque un tournant, non seulement dans la carrière de Porcupine tree mais aussi dans l’histoire de sa musique. Avec un concept flirtant clairement avec la noirceur des chamanes du heavy metal , in absentia déclenche un véritable raz de marée plombé. Derrière ce succès, la nation des métalleux se lève comme un seul homme pour achever un rock progressif gémissant comme une bête blessée. Opeth a déjà sorti le très populaire blackwater park sous la direction de Steven Wilson , Dream theater durcit ses compositions sur l’agressif six degree of inner turbulence, et une relève tout aussi agressive s’apprête à grossir le rang de ces barbares.

Avec in absentia et sa participation à l’album le plus connu d’Opeth , Steven Wilson devenait le chef de file de la révolte métal progressive , courant dont Porcupine tree deviendra la figure de proue pendant quelques années. De son côté, le camp traditionaliste parait à bout de souffle, coincé entre des figures de plus en plus inconnues et le déclin de ses chefs de files.

Voilà pourquoi unfold the futur, sorti quelques mois seulement après in absentia, est un album important. Dernière forteresse assiégée de toute part, le groupe gomme les égarements agressifs de the rainmaker, pour s’imposer comme le dernier rempart face à l’hégémonie métallique. L’introduction monte lentement, les notes de clavier virevoltant comme des lucioles illuminant un premier solo, qui annonce une grande transe psychédélique. On retrouve ici les envolées intenses et progressives des premiers albums du groupe, on se délecte de nouveau de ses intermèdes lumineux et mélodieux. Les grandes fêtes instrumentales, où les notes sautillent comme une horde de lutins euphoriques, s’apaisent dans des mélopées délicieusement légères.

Le premier cd de ce double album élargit donc le décor planté par stardust we are. Si l’effet de surprise n’est plus au rendez-vous , il faut avouer que truth will set you free contient assez de rebondissements pour être comparé aux grandes fresques du groupe. Ayant retrouvé toute sa légèreté, la batterie passe d’une partie explosive à un instrumental rêveur, sans briser l’unité de ce voyage de trente minutes. Nous assistons à une première partie où les Flower kings se rassurent après le fiasco que fut the rainmaker. 

Oui , le groupe sait toujours construire de grandes pièces épiques , oui ses pastilles pop ont encore la beauté légère que le rock grand public a perdu. A ce titre, ses mélodies courtes et improvisations montrent que l’on peut encore créer des enchainements originaux et accessibles en 2002. En ce qui concerne cette première partie, l’objectivité n’est plus permise.

Il est vrai que quelques petits écueils noircissent un tableau que l’on attendait de revoir avec impatience. Quelques débordements instrumentaux virent parfois au chaos bruitiste, laissant ainsi entrevoir la naissance d’une effervescence free jazz encore mal assumée. Pourtant, dans l’ensemble , cette introduction mêle énergie rock , timides teintes jazzy , et sucreries acid rock avec assez de virtuosité pour marquer les esprits.

Le rock saturnien  de monkey business s’imprime dans des esprits encore marqués par la splendeur symphonique de the truth will set you free . Pour éviter de nous lasser de cette splendeur, black and white s’ouvre sur des chœurs un peu plats. Les expérimentations des musiciens apportent ensuite assez d’énergie pour transformer ce mauvais départ en intermède aussi anecdotique qu’agréable.

Issu des scéances de bridge accross forever , silent inferno côtoie les plus hauts sommets du chef d’œuvre de Transatlantic. La face traditionnelle de unfold the future se clôture ensuite sur la beauté plus épurée de the naviguator et vox humana. Si ce premier disque permet au groupe de retrouver ses racines , le second le voit s’élever vers d’autres horizons.

Alors que l’époque semble vouée à l’esbroufe agressive d’un heavy métal triomphant, les Flowers kings préfèrent se ressourcer dans les eaux cuivrées du jazz. Les cuivres, très présents, donnent à des titres très variés la chaleur de leur souffle swinguant. Les Flower kings groovent comme James Brown perdu dans des galaxies floydiennes, swinguent comme Chuck Berry sous acide , inventent le mojo de l’espace dans un blues cosmique. Le rock progressif entre dans une nouvelle impasse, et unfold the futur voit les Flower kings lui proposer plusieurs portes de sortie.

Seul le temps dira si les nombreuses qualités de ce disque suffisent à en faire un classique. Une chose est sure, si toute la scène progressive n’a pas basculé du coté obscur de la modernité, c’est en grande partie grâce à unfold the future. En trouvant un nouveau terrain de jeu, les Flower kings sauvèrent leur peau ainsi que la scène qu’ils représentent.               


jeudi 27 mai 2021

Flower kings : the sum of no evil

 


Les Flower kings entament-ils ici un nouvel âge d’or. Il faut dire que toutes les conditions sont réunies pour faire de ce sum of no evil un autre sommet du groupe. Tout d’abord, unfold the future lui a permis de reprendre son rôle de leader de la renaissance rock progressive. On ne reviendra pas en détail sur les mérites de ce double album, qui sont largement exposés sur la chronique précédente. Toujours est-il que cet album a rassuré une formation déstabilisée par les changements de son époque et fragilisée par les projets annexes de son leader.

En cette année 2003 , Roine Stolt n’a plus que les Flower kings pour publier le fruit de son impressionnant travail. Alors il retombe dans ses vieilles lubies, replonge avec bonheur dans le folklore spirituel et les déchainements symphoniques de Yes. L’arrière-goût jazzy de l’introduction rappelle d’abord les bluettes joyeuses chères à Robert Wyatt , puis une puissante percussion déclenche une avalanche de notes. Ces instrumentaux retrouvent l’effervescence de classiques tels que fragile ou close to the edge, réconcilient le rock avec son passé symphonique.

Après avoir produit deux albums solos très rock, Roine contrebalance la complexité de ses avalanches virtuoses avec des solos plus incisifs. Il faut dire que, pour se faire entendre au milieu de ces éruptions , le synthé monte progressivement dans les aigus. On atteint parfois un sifflement robotique qui semble convoquer le fantôme de Keith Emerson. Comme avec le leader de Emerson Lake and Palmer, les enchainements de claviers restent assez mélodieux pour ne pas tomber dans une agressivité irritante. Dans la lignée du charisme Ermersonnien , ces sifflements forment une symphonie robotique. Ils  font le lien entre le désir qu’a le groupe d’aller toujours plus loin dans l’innovation , et son ambition d’installer son œuvre derrière celle des grands virtuoses d’hier et d’aujourd’hui.

Quand les crescendos lyriques s’apaisent, un orgue forme une chorale dévote, complainte mystique digne des plus belles symphonies rock. On retrouve alors ces grands espaces méditatifs , sur lesquels les instruments soufflent comme une rassurante brise. Les envolées électriques s’emportent parfois dans de grands séismes hard rock , le martellement d’un riff orageux semblant éclater au milieu de décors paisibles. Les Flower kings absorbent ainsi la violence musicale de l’époque, la dompte pour l’intégrer à ses paysages merveilleux. Certains verront, dans cet orage éclatant au milieu de décors yessiens , une façon de fixer le rock dans son passé.

Ce serait une bien injuste caricature d’un album qui a tant à offrir. Avant que Steven Wilson n’en garde que la violence oppressante, in absentia était lui-même une façon d’absorber le courant métallique dans un ensemble plus traditionnel. Il est vrai que Porcupine tree développait cette puissance plus largement que les Flower kings. Si la verve métallique est présente sur ce sum of no evil , ce n’est que le temps d’un riff tonitruant , mais la proportion a peu d’importance.

En plaçant cet orage au milieu de décors autrefois explorés par les contemporains de Ian Anderson , les Flower kings réaffirment le mot d’ordre lancé par Anglagard en 1993. Le rock progressif ne mourra pas, il ne peut mourir. Méprisé par la majeure partie du grand public c’est une bête colossale dont le destin est de croitre infiniment, jusqu’à ce que sa gigantesque carcasse ne devienne impossible à ignorer.

Les géants des seventies n’eurent que le temps d’esquisser un décor qu’il convient désormais d’étoffer. Le résultat est en partie ce sum of no evil , contrée lumineuse située entre les décors les plus somptueux de Roger Dean. Pour éviter que cette virtuosité ne tombe dans le pompiérisme, un clavier rieur flirte parfois avec la gaieté d’un Frank Zappa

Cet album n’appartient ni au passé ni au présent, c’est encore une beauté sans âge qui a peu d’équivalent.          

samedi 22 mai 2021

The Flower Kings : Space Revolver

 


Le public pleurait comme une femme laissée sur le quai par un amant indélicat, la belle Angleterre voyait ses quatre plus fameux enfants s’émanciper de son amour maternelle. Alors bien sûr, les fils prodigues la consolent en lui expliquant l’importance de leur nouvelle mission. Les Beatles arrêtent surtout les concerts  parce qu’ils ne supportent plus une hystérie qui n’aura jamais d’équivalent. Peu de temps avant cette annonce, ils goutèrent à la sérénité des studios modernes, dont ils admirèrent les possibilités infinies. Pour prendre conscience de l’importance de cette découverte, il faut avoir lu «  en studio avec les Beatles » , le livre où Geoff Emerick raconte la folie créative des quatres de Liverpool.

De cette effervescence nait d’abord Revolver, foisonnement sonore à travers lequel la pop psychédélique pousse ses premiers cris. Space revolver est bien sur un clin d’œil à l’album des Beatles. Il est vrai que la situation des Flowers kings à l’époque est loin de l’hystérie qui entourait le groupe de Paul Maccartney , mais space revolver représente un tournant dans la carrière des suédois.

Cantonnée jusque-là dans le registre d’une pop atmosphérique majestueuse, la tribu de Roine Stolt avait atteint un premier aboutissement avec l’album stardust we are. Répéter une formule aussi aboutie, c’était prendre le risque de lasser un auditoire gavé de splendeur par l’impressionnante créativité des Flower kings. Alors , influencé par l’expérience Transatlantic , Roine Stolt décide de laisser plus d'espaces à ses musiciens. Le synthé remplace donc la chaleur des précédents albums par une froideur robotique , iceberg musical semblant cacher une agression à venir.

Dans son écho, le bassiste Jonas Reingold guide les solos sur les terres inquiétantes explorées par Ayreon et autres Tool. Dans ces conditions, le synthé accentue le tranchant d’envolées plus tendues. Cette agressivité est contrebalancée par des mélodies qui n’ont jamais été aussi soignées . Reingold n’est pas qu’une brute voué au culte de la puissance électrique, c’est aussi un virtuose dont les touches jazzy illuminent une power pop bouillonante.

Roine Stolt n’a pas abandonné ses ambitions populaires, elles s’expriment encore dans des refrains disséminés comme autant de sucreries sonores. La guitare hurle ainsi à travers le rideau soyeux de mélodies irrésistibles, la fraicheur d’un rock FM léger vient réconforter des tympans secoués par une série d’éruptions free jazz. Ces influences opposées donnent à space revolver un aspect plus hétéroclite que stardust we are , mais c’est justement ce foisonnement qui fait son charme.

Si revolver voyait les Beatles explorer les capacité sans limites des studios, space revolver montre un groupe s’immergent avec plaisir dans ses influences. Cet album est une main de métal dans un gant de velours , une œuvre furieusement moderne drapée dans la grandeur éternelle du jazz et d’une pop aventureuse. Ce disque fait partie des œuvres qui semblent réconcilier les rockers progressifs et les métalleux avides de grandes compositions épiques. Un disque comme celui-ci construit un pont entre deux mondes que l’on croyait irréconciliables. 

Ce pont ne va pas tarder à être renforcé par le virage heavy de Porcupine tree , avant que Steven Wilson n’entérine le rapprochement en produisant les death métalleux d’Opeth. Rock et metal progressif s’assemblent donc pour le meilleur et pour le pire, chaque groupe semblant piocher dans ces deux mondes comme dans une grotte pleine de trésors. Si les passages pop montrent que les Flower kings restent profondément attachés à une musique plus apaisée, Space revolver montre qu’ils ont eux aussi aboli toute les frontières.

Une musique marginalisée trouvait un nouveau souffle dans la popularité de chorus rageurs, et un métal arrivé à maturité pouvait puiser dans la grandeur des grands aventuriers rock pour soigner sa postérité.  

 

             

lundi 17 mai 2021

The Flower Kings : Stardust we are

 


Et les flowers kings inventèrent le triple album , une œuvre monumentale de plus de deux heures. Alors forcément, quand l’objet sort en 1997, on l’aborde avec une certaine méfiance. La perfection est une anguille qui ne cesse de glisser entre les mains de l’artiste, rares sont ceux qui parvinrent à la maintenir sous leur étreinte plus d’une trentaine de minutes. Cette poussière d’étoile dont parle le titre, n’est-ce pas de la poudre aux yeux pour éblouir les observateurs impressionnables ? Le groupe le plus fascinant du rock progressif moderne ne se perd t’il pas dans un délire mégalomane ? 

Comme pour accentuer les inquiétudes, stardust we are est annoncé comme un concept album centré autour de réflexions spirituelles de Roine Stolt. La première partie de l’album s’ouvre sur un sifflement martien, signal stellaire faisant pleuvoir les notes comme autant de météorites frappant un sol lunaire. On a l’impression d’entendre Yes perdu au milieu de la face cachée de la lune, son exubérance symphonique se diffusant dans l’écho du cosmos. La guitare devient le centre d’une danse héliocentrique folle, ce soleil rayonnant au milieu de constellations qui se croisent et se percutent. Les instruments déchainent une explosion de splendeurs célestes. Le feu d’artifice cosmique vire progressivement au théâtre spatial, grâce à une voix réinventant le charisme grandiloquent de Peter Gabriel.

Une telle entrée en matière donne le ton d’une première partie très aventureuse. Roine Stolt n’oublie pas pour autant de caresser les oreilles néophytes dans le sens du poil. C’est ainsi que des bluettes telles que « room with a view » permet aux tympans sensibles de se reposer sur un nuage cotonneux. Just this once démarre ensuite en fanfare, un clavier schizophrène dialoguant avec une guitare au lyrisme rageur. Progressivement, les contraires s’harmonisent, le toucher mélodieux de Stolt emportant ces claviers nerveux sur des terres plus apaisées. Le titre s’emporte alors dans de grandes envolées enthousiastes, les notes se succèdent avec la frénésie lumineuses des grandes fresques Yessiennes. 

Puis tout se calme, les comètes de cette galaxie se mettent à flotter majestueusement, l’auditeur se laissant bercer par ce slow cosmique. Comparé à cette procession, church of your heart semble renouer avec la grandiloquence un peu niaise du rock FM. Pourtant, le charme opère vite, l’orgue et une guitare aérienne permettant à l’auditeur de ne pas quitter les sommets stratosphériques des premiers titres. On se surprend alors à fredonner ce refrain de Beatles space rock , profitant ainsi d’une bonne chanson pour se détendre entre deux explorations.

Poor Mr Rain ordinary guitar perpétue ensuite ce rythme apaisé, ses arpèges chantant une folk mélodieuse, blues automnale gracieux et tranquillisant. The man who walk with king renoue ensuite avec les accents baroques des grands troubadours rock. Après une ouverture rappelant les fêtes royales de la renaissance, le toucher de Roine Stolt redonne un peu de lyrisme aérien à cette fresque poussiéreuse. Entre voyage dans le temps et méditations spirituelles , the man who would be king est un monument d’intensité compilé dans un format pop ( à peine 5 minutes).

Circus bringstone marque un nouveau déchainement des éléments, les décors sonores se succédant encore avec autant de rapidité que de fluidité. Le festival progressif a déjà durée plus d’une heure. Ces splendeurs nous ont pourtant enivrés au point de nous jeter sur le second disque comme un alcoolique en manque de boisson.

C’est un univers plus pop qui s’ouvre alors à nous, l’orgue ecclésiastique de pipe of peace ouvrant ce festival populaire. Populaire, cette seconde partie l’est dans le sens le plus noble du terme. Entre relent floydien et chant charmeur, cette seconde partie sait soigner ses mélodies en les rendant le plus accessible possible. Les petites trouvailles instrumentales et l’harmonie parfaite de ballades telles que different people et kingdom of lies montrent que l’on peut encore produire une musique exigeante et populaire.

Alors , bien sûr , cette suite est moins folle que les premières minutes , et les auditeurs les plus exigeants pourraient voir dans ces chœurs et refrains une relative baisse de régime. Pour fermer le claque merde de ces infâmes salisseurs de mémoire , les Flower kings referment leur symphonie sur le monumental « stardust we are » , qui regroupe tout ce que le groupe fait de mieux. Dans un défilé d’une incroyable cohérence, chacun des décors que nous avons visités vient nous saluer une dernière fois. La production somptueuse permet à cette dernière fresque de se dévoiler un peu plus à chaque écoute. On redécouvre ainsi des détails ratés lors de notre première contemplation, des subtilités cachées derrière le rideau lumineux de cette harmonie.

Arrivé au bout de notre long voyage, le périple parait presque trop court. Seul le temps pourra dire si stardust we are est un chef d’œuvre, il est néanmoins certain qu'il s’agit d’un très bon album.               

The Flower Kings : Retropolis


Il n’aura fallu que six mois pour que les Flower kings donnent un successeur à back in the word of adventure. Conçu au départ comme un concept album, Retropolis est en réalité fait de titres composés à diverses époques. Cette sélection, qui s’étend de la fin des seventies à aujourd’hui, permet de voir la sincérité d’un homme resté fidèle à l’inventivité des seventies. Autre surprise, Retropolis est en grande partie instrumental, ce qui ne l’empêche pas de brasser large. Concernant l’orientation des titres, cet album confirme les préoccupations pop et progressives de son prédécesseur.

L’opus s’ouvre sur retropolis, titre le plus ambitieux de l’œuvre, dont la durée dépasse les dix  minutes. Comme souvent avec les Flowers kings, le mellotron plante le décor , qui parait plus inquiétant qu'à l’accoutumé. Des violons tendus font monter une pression explosant dans un solo plombé, guitare et clavier entrent ensuite dans un dialogue angoissé. Si cette intensité doit être comparée à King Crimson, on pense plus facilement au groupe tonitruant de Red qu’à la cour du roi cramoisi.

A mi parcours, des gargouillements robotiques introduisent une inquiétante marche militaire. La tension monte de nouveau pour exploser dans un solo de guitare rageur. Dans un final grandiloquent, guitare et orchestre s’affrontent dans une bataille épique, avant que la harpe ne gémisse comme les derniers combattants au milieu des corps de leurs camarades. Retropolis est une grande pièce, où l’angoisse glaçante d’expérimentations électroniques introduit des symphonies stellaires chers aux fils de Robert Fripp. 

Pour réussir une telle union de deux mondes, il faut des musiciens en parfaite osmose. Là encore on ne peut que saluer la régularité d’un Roine Stolt qui sut toujours bien s’entourer. Je vous défie de différencier à l’oreille les titres écrits dans les seventies des nouvelles compositions. Les titres plus courts parviennent enfin à faire cohabiter rock FM et symphonie progressive, l’ambition est aussi présente sur les titres les plus progressifs que sur les mélodies pop.

Seconde et dernière composition purement progressive,  there is no more to this word montre une union plus apaisée entre la modernité électronique et la chaleur progressive. Portée par des chœurs rêveurs, sa progression se montre progressive , ses envolées se font plus lyriques que puissantes. On retrouve ses accords de guitares, explosant comme des bulles de savon, sans troubler la forêt bucolique et moderne érigée par les autres musiciens. Retropolis représente la solennité du progressisme des Flower kings , there is no more to this word montre une beauté plus légère.

Cet album est centré sur une opposition incontournable depuis les années 80, celle du progressisme et du désir d’être entendu par le plus grand nombre. C’est ainsi que la beauté immédiate de tubes comme « back home » laisse place à la complexité progressive de titres plus travaillés, sans que l’on ait l’impression de changer de monde. La solennité tendue des premières minutes refait régulièrement surface , son angoisse moderne servant de fil conducteur à un album dont l’ambiance rappelle parfois vaguement la dystopie robotique de brain salad surgery (d’ELP). Au milieu de ce fond robotique, un titre comme the melting pot peint un décor épique digne de grands péplums rock tel que shéerazade , le classique du groupe Renaissance.

Si les parties les plus pop pèchent parfois par excès de conformisme musical, si leurs chœurs sont parfois enlaidis par un lyrisme trop forcé, quelques trouvailles leur évitent toujours de tomber dans le bassin fangeux du rock FM. En mêlant anciennes compositions et créations plus récentes , les Flowers kings jouent avec un enthousiasme communicatif. C’est cette énergie qui donne un supplément d’âme aux refrains un peu niais de silent sorrow et judas kiss, il permet aussi au groupe d’étaler sa virtuosité sans tomber dans une démonstration stérile. Rares sont les albums parfait de bout en bout , et Retropolis n’en fait pas partie , mais il contient cette force fédératrice qui est la marque des grands groupes.

Nous ne tenons pas ici le meilleur disque des Flower kings , mais c’est celui où tout se met enfin en place , où les jeunes espoirs atteignent un niveau que peu de leurs contemporains peuvent égaler. Plus moderne sans quitter le traditionalisme des débuts, varié sans répéter les erreurs de back in the word of adventure , Retropolis concrétise pour la première fois tous les espoirs placés en Roine Stolt.               

vendredi 14 mai 2021

The flower Kings : Back in the word of adventure

 


Le succès du premier album met à Roine Stolt une pression digne des Beatles après l’annonce de l’arrêt de leur concert. Il est vrai que la popularité du suédois n’est pas comparable à celle des quatre garçons dans le vent, mais il est déjà porté au pinacle par un public qui voit en lui l’avenir d’un progressisme prêt à renaitre de ses cendres. Pour se défaire de ce poids, Roine Stolt forme un véritable groupe, the flower kings , qui va étendre les décors esquissés sur le premier album.

Alors que les suédois travaillent sur le premier disque d’un groupe amené à devenir culte, un autre héros de la musique progressive moderne vient de trouver sa voie. Steven Wilson avait fondé Porcupine tree comme une farce, une récréation entre deux sessions de son groupe No man. No man ne trouvant pas son public, il récupère plusieurs de ses musiciens pour former le nouveau noyau dur de Porcupine tree. Ce que le guitariste considérait jusque-là comme une récréation devient son principal projet. De ce changement nait « the sky move sideway », disque dirigé par un homme qui est autant fan qu’artiste. Steven Wilson est un musicien fasciné par un âge d’or qu’il n’a pas connu, une éponge toujours en quête de reliques à absorber. « Les morts gouvernent les vivants » disait Auguste Comte, et « the skie move sideway » montre que l’avenir appartient plus que jamais aux amoureux du passé. Culminant sur deux longues suites instrumentales, le premier album de Porcupine tree s’apparente à un savant mélange entre la beauté rêveuse de Pink Floyd et le futurisme froid de Tangerine dream. 

Sorti quelques semaines plus tard,  back in the word of adventure annonce ses influences dès la pochette. Au premier plan, un roi tout droit sorti des décors genesiens semble redonner vie à la colombe présente sur le premier album d’Emerson Lake and Palmer, un soleil au trait proche du roi cramoisi éclairant la scène d’une lumière scintillante. Là où Porcupine tree trouva son originalité dans les décors froids des savants fous allemands, les Flower kings perpétuent les fresques plus chaleureuses du premier album. On regrette juste que l’irréprochable cohérence de l’album précédent ait laissé place à un grand bazar mélodique. Back in the word of adventure est une suite de peintures sonores où le sublime côtoie le banal, les musiciens semblant chercher un nouvel équilibre qu’ils ne trouvent qu’épisodiquement. 

Du coté des réussites, on trouve bien sur « big puzzle » et « word of adventure » , les deux pièces maitresses de plus de dix minutes. Ce qui frappe sur ces longues fresques , c’est la chaleur mélodique d’instrumentaux s’abreuvant aux sources d’un Genesis période « Selling england by the pound ». Véritable soleil au milieu de ces contrées nuageuses, Ulf Walander fait cohabiter son free jazz cotonneux avec l’extravagance de mélodies proches des grands dandys anglais. 

Si l’inspiration de cet album parait inégale, c’est avant tout parce que ses auteurs ne surent pas se limiter à la splendeur de « word of adventure » et « big puzzle ». Le cd incite souvent les artistes à ne plus sélectionner, comme si l’auditeur était devenu un consommateur réclamant son heure de musique. C’est ainsi que les rockers modernes produisent des doubles albums à la chaine, là ou un honnête disque d’une demi-heure aurait été bien plus réussi. Sur la plupart des titres séparant les deux grandes fresques de l’album, le groupe semble écartelé entre ses ambitions artistique et son souci de rester accessible pour le plus grand nombre.

Le résultat donne une série de minis thèmes à peine esquissés, de pastilles pop engraissées par des une production trop lourde. En refusant de choisir entre ses deux ambitions, les flower kings passent souvent pour une bande de virtuoses complexés, de calculateurs sans âme. Parfois un oasis de beauté apparait au milieu de ces tâtonnements, mais la scène s’achève trop vite pour que l’on puisse réellement en apprécier la splendeur. 

L’esprit humain est souvent pessimiste, il retient plus facilement les moments irritants que les quelques passages réussis. Résultat, ce qui aurait pu être une demi-heure lumineuse est souillé par la niaiserie de quelques égarements rock FM. Plus saturées, les envolées guitaristiques semblent parfois tenter maladroitement de séduire les fans de Dream Theater. Mis hors de son contexte, Back in the word of adventure n’est que l’essai maladroit d’un groupe cherchant son équilibre. Et puis, les premières déceptions passées, on revient vers cet album pour commencer l’inventaire de ses fulgurances. On se prend alors à apprécier le charme d’un disque qui, malgré ses imperfections, laisse entrevoir que quelque chose de grand se prépare. Certaines expérimentations auraient sans doute mérité de rester dans les placards, mais le reste ne fait que décupler les espoirs que les fans de prog placent dans le groupe.

Disque partiellement raté, back in the word of adventure ne fait que repousser la consécration de ses auteurs.