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lundi 13 avril 2020

Captain Beefheart safe as milk

Safe as Milk (Mono) de Captain Beefheart & His Magic Band sur ...

Passionné de sculpture dès sa plus tendre enfance , Don Van Viet est repéré par un artiste portugais alors qu’il n’a que huit ans. L’homme , reconnu comme une référence de l’art contemporain , propose ses service pour aider l’enfant à développer ses dons. Ses parents , ne voient pas d’un très bon œil la vocation précoce de leur fils.

Après tout, comment pourrait-il accéder au bonheur des 8 heures de travail par jour avec un métier si peu sérieux ? Non, il fallait le dévier de cette pente pernicieuse. Ils n’eurent pas grand-chose à faire et, découragé par la désaprobation parentale, le jeune Van Viet semble abandonner sa vocation pendant quelques mois.

La suite est floue et, si il jure ne pas être allé à l’école, Don Van Vliet connut tout de même Frank Zappa lors de ses études d’art. Il est vrai que Don séchait la plupart des cours , ce qui explique une dyslexie qu’il gardera toute sa vie. Les études furent pour lui l’occasion de s’éduquer musicalement, en partageant son amour du rythm n blues avec le jeune Zappa.

Cette initiation pousse rapidement les deux hommes à déserter définitivement les bancs de l’école, pour construire divers projets avortés. C’est ainsi qu’ils inventèrent le scénario tordu de « captain beefheart and the groung people ». Le film ne verra jamais le jour par manque de moyen, mais Van Viet décide de garder le nom de son personnage principal.

Don Van Viet devient ainsi Captain Beefheart, et forge son chant en copiant les râles plaintifs d’Howlin Wolf. Le résultat impressionne tous ceux qui le fréquentent. C’est comme si ce petit homme rondouillard était parti faire la tournée des bars du Missisipi , où le Jack Daniels lui forgea une voie de crapaud plaintif.  

Les maisons de disques refusent toujours de produire la musique « bizarre » qu’il joue avec son ami Zappa, mais les musiciens locaux commencent à s’intéresser à lui. C’est ainsi qu’il forme, avec Alex Snouffer et Jerry Handler, la première version du magic band.

Grande secte dirigée par le capitaine cœur de bœuf, le groupe ressuscite le blues du Delta . Pour eux, le blues est comme une bête fascinante, qu’ils doivent maitriser pour accéder à des territoires inexplorés. La réputation du groupe ne cesse de gonfler dans le milieu underground, et la maison de disque A et M décide de tenter l’aventure proposée par ces bluesmen débraillés. 
                                  
Un premier 45 tours est enregistré mais , malgré le succès du single « diddy wha diddy » , la maison de disque ne souhaite pas aller plus loin. Qu’importe , le magic band décide de se refaire une santé sur scène. Là, face à son premier public, le groupe rôde ses blues aux textes surréalistes. Buddha record les récupère, et les envoie rapidement graver leur folie sur un premier album.   

Safe as milk annonce la couleur dès son premier titre. « Sure nuff yes i do » est un boogie que n’aurait pas renié Howlin Wolf lui-même, une reproduction de la classe du missisipi si parfaite, qu’elle ferait passer les stones, Johnny Winter et autres Eric Clapton pour des poseurs. Les guitares callent leur boogie sur le croassement surréaliste de Beefheart , offrant ainsi les prémices des délires surréalistes à venir. 
                                                                                                
Le magic band réussit à donner un souffle délirant à ses influences , et les mélodies sous LSD se trouvent elles mêmes transfigurées par l’esprit tordu de ce gourou délirant. Zig Zag wandered ressemble à l’airplane singeant les grands bluesmen noirs un soir de défonce.

Si safe as milk est parcouru de chœurs faisant référence aux mélodies Californiennes, ce n’est que pour les détourner. La douceur des enfants fleurs est parcourue par une folie dissonante encore timide, mais bien présente, un chaos naissant accentué par la poésie folle de Beefheart.

Comme si cela ne suffisait pas , Ry Cooder vient poser sa guitare sur ces blues acides , leur faisant ainsi bénéficier de ce feeling irrésistible , qui fera les beaux jours de Taj Mahal. Bien qu’encore timide, la touche expérimentale qui commence à émerger sur ce disque fera vite fuir les enfants fleurs.

Comble de l’ironie, le disque est aujourd’hui décrié pour son soi-disant manque d’originalité. Celui qui n’a pas réussi à conquérir le cœur de la génération woodstock est ainsi vu comme un chapitre insignifiant de son histoire.

Il est temps de redonner à cette réinvention du blues psyché la place qu’elle mérite dans la mythologie rock. Si vous n’êtes toujours pas convaincu, rappelez-vous que ce disque fit partie des albums de chevet d’un certain John Lennon.      

dimanche 7 avril 2019

Captain Beefheart and his Magic Band : Trout Mask Replica (1969)







En voilà un album clivant. Pour certains c'est un coup de génie, pour d'autres c'est une faste fumisterie. Personne ou presque ne se situe entre les deux.


« S'il existe une seule chose dans l'histoire de la musique populaire qui puisse être décrit comme une œuvre d'art, au sens compris par ceux qui travaillent dans d'autres domaines de l'art, Trout Mask Replica est probablement cette œuvre. » John Peel


On ne peut pas comprendre Trout Mask Replica sans savoir qui est derrière. Captain Beefheart, né Don Glen Vliet mais se faisait appeler Don Van Vliet. il aurait rajouter le Van pour marquer ses origines néerlandaises. Passionné par l'art il rencontre à l'université celui qui deviendra son ami et complice musical, Frank Zappa. Les deux hommes vont se découvrir un amour commun du rhythm and blues. C'est à cette époque qu'il trouvera son nom de scène venant du scénario d'un film écrit en commun et qui ne verra jamais le jour : Captain Beefheart vs. the Grunt People. Le Capitaine Coeur de Boeuf était né. Il commence à jouer avec Zappa et en 1965, il est contacté par un guitariste de Blues, Alex Snouffer avec qui il forme un groupe, c'est la naissance du Magic Band. Plusieurs autres membres rejoignent le groupe dont un jeune Ry Cooder. Après plusieurs changement de line up, John French arrive à la batterie. Il sera l'un des plus fidèles compagnons de travail du Captain, restant jusqu'en 71 dans le Magic Band. En 1967, sort Safe as Milk, le premier album du groupe très marqué par le Blues. En 1968, c'est Strictly Criminal, dans la mouvance Blues aux influences psyché. L'album retouché par le producteur n'a pas plus au Captain qui s'est senti trahi. Il part s'isoler quand son pote Zappa lui propose de faire un album ensemble

Mais en 1969, c'est un tout nouveau Magic Band articulé autour de Beefheart et de French qui prépare un double album de 28 titres. Les musiciens sont tous affublés d'un pseudonyme : John French devient Drumbo, Bill Harkleroad devient Zoot Horn Rollo, Jeff Cotton devient Antennae Jimmy Semens, Mark Boston devient Rockette Morton et Victor Hayden (c'est le cousin de Beefheart) devient Mascara Snake. A partir de là, Beefheart se lâche totalement pour accoucher d'un album avant-gardiste influencé par le mouvement Dada.

A partir de là, avec l'aide de Zappa, le Magic Band et son leader vont aller plus loin, a l'époque, que n'importe qui dans l'histoire de la musique populaire.

La pochette est réalisé par Carl Schenkel, un vieil ami du Captain. Beefheart porte un manteau, un chapeau avec un volant de badminton sur le chapeau. Puis sa tête est remplacé par une tête de poisson. Si le titre de l'album est "Trout Mask Replica " (Réplique d'un masque de truite en Français), le poisson présent sur la pochette est une carpe. Plus précisément une tête de carpe acheté chez un poissonnier, vidée et collé sur la tête de Beefheart. La main droite tient la tête en même temps car elle était trop lourde pour tenir toute seule. Le tout est sur un fond magenta. Juste à la pochette on sait qu'on va voyager dans un autre monde, très loin d'ici.

Mené par un Beefheart tyrannique, de nombreuses histoires courent sur l'enregistrement. Beefheart aurait écrit toutes les chansons au piano en 8h30, les musiciens auraient été obligés de jouer 14 heures par jour et d'apprendre le saxophone. L'enregistrement ce passe dans des conditions difficiles. Des musiciens sous-alimentés (ils ont même été jusqu’à voler de la nourriture dans un magasin, quand ils se sont fait prendre par la police, c'est Zappa qui a payé leur caution), devant apprendre à "déjouer" de leur instrument. Mais Beefheart n'a jamais tari d'éloge sur eux et si eux n'aurait pas été aussi loin sans lui, lui n'aurait probablement non plus pas pu faire ce disque sans eux. Mais il ne crédita pas pour autant dans les compositions ni dans les arrangements, ce présenta seul à la presse ce qui ne fit qu'accentuer le malaise des musiciens. Cette mouture du Magic Band se disloquera rapidement.

En résulte un album déconstruit, sorte de Free Blues  influencé  à la fois par Bo Diddley et Ornette Coleman, des chansons courtes accompagnées par une guitare slide omniprésente , le tout soutenu par la voix du Captain et ses saxophones parfois de manière simultanés. Quant aux paroles c'est encore autre chose. Faites d'argot .américain, de jeux de mots et de figures de style, elles sont difficiles a traduire et à interpréter pour des non -initiés (ça parle de la Shoah, d'amour, de sexualité, de politique...)

Ce fut Zappa qui enregistra et produisit le tout, la relation entre les deux amis se détériorer car Beefheart en a voulu à Zappa de ne pas avoir tout fait pour que le disque marche. Le disque entra dans les charts anglais jusqu'a la 21 ° place mais pas aux Etats-Unis.

Beefheart nous a donc offert en 1969 un disque inclassable, pas rock, pas complétement Blues, un peu jazz, pas complétement psyché; Ni un disque hippie, ni un disque de freak. Bref un album trop avant-gardiste pour son époque, devenu aujourd'hui objet de cultes pour beaucoup de gens. Influence revendiqué de la frange la plus extrême de la scène expérimentales des années 70 (Nurse with Wound) ou d'une partie de la scène post-punk (PIL, Pere Ubu, Devo). Mais 50 ans après, il reste pour certains un objet de raillerie, il suffit de voir certaines critiques internet ou certaines listes de disques à posséder pour faire bien ou l'album est souvent en bonne place. Pour se faire une idée juste de ce disque on dit qu'il faut l'écouter 5 fois en entier, beaucoup s'y sont essayé, la plupart n'ont pas passé la troisième écoute.

C'est un album qui demande des efforts pour être bien compris. on a le matériel devant nous mais on doit l'assembler nous mêmes. Jamais Beefheart ne refera aussi extrême, en 82 il se retire de la musique pour se consacrer à la peinture. Il décèdera en 2010 d'une sclérose en plaques dont il souffrait depuis plusieurs années nous laissant une des œuvres les plus radicales de la musique populaire.