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mardi 19 mai 2020

Beth Hart and Joe Bonamassa : Live In Amsterdam


Live from Amsterdam: Beth Hart & Joe Bonamassa, Beth Hart & Joe ...

«Dans le port d’Amsterdam
Y’a des marins qui meurent
Plein de bière et de drame »

Si le blues est une force salutaire se nourrissant des drames des terres qu’elle visite, alors Amsterdam ne pouvait que devenir le nouveau Chicago. Il y’a quelque chose de magique dans ses nuits où, alors que les promeneurs cherchent un peu de joie dans ses rues , les lumières projettent leurs reflets d’or sur une eau ténébreuse. Sorte de dominos flottants, certaines bâtisses semblent boire l’eau du fleuve. Et les rues, qui ont gardé le style des siècles derniers, donnent l’impression que Van Gogh va se présenter au prochain croisement.

On rencontre d’ailleurs son nom , inscrit sur le fronton d’un de ces impressionnants musées , qui sont de véritables forteresses culturelles. Le Carré Theatre n’a rien à envier à ces monumentales constructions, et moult seigneurs auraient pu affirmer leurs pouvoirs en ses murs. Ce soir de mars  2014, c’est Joe Bonamassa et Beth Hart qui prennent possession de ce fort, le roi et la reine du blues réunis dans cette cathédrale musicale.

Leurs visages trônent fièrement sur le fronton du bâtiment, un peu comme ces belles affiches sur le fronton des grands cinémas. Le jour où l’on donnera à la musique la place qu’elle mérite, il faudra que c’est deux-là aient leur chapitre dans la longue histoire culturelle de l’humanité.  Seul, ils sont déjà brillants, mais ne s’approche de la perfection qu’a quelques occasions. Bonamassa est trop versatile et traditionaliste, il se contente trop souvent de mettre son talent au service d’un revival blues ou hard rock.

Ecouter certains de ses disques , c’est comme aller voir le remake de la planète des singes . La technique est bonne, les effets numériques impressionnants, mais on attend toujours l’arrivée de Charlton Heston. Bonamassa a le même problème, quand il joue le blues on entend BB King, et quand il passe au hard rock on attend un trait de génie de Jimmy Page.

Beth Hart lui apporte une bouffée de fraicheur, ses influences jazz l’obligeant à sortir de ses sentiers battus. Elle est le cadre, et son guitariste pose les couleurs. La voix de la chanteuse, plaintive sans être hargneuse, puissante sans hurler, est faite pour s’épanouir dans le grand décor cuivré que son groupe plante ce soir de mars 2014. Le saxophone lui taille une mélodie sur mesure, il habille ses complaintes dans un mariage éblouissant, une formule perdue depuis la sortie du sous-estimé  « I Got Dem Ol' Kozmic Blues Again Mama!». 

Alors forcément, la guitare n’ose pas hurler, elle chante, se calle sur le rythme pour tisser ses mélodies. Mêmes les solos se font plus chaleureux, comme si cet édredon cuivré gommait le tranchant de ses riffs, lui imposant une plus grande finesse. Puis le blues reprend ses droits, les titres tels que « well well well » ou « chocolate jesus » ressuscitant ce bon vieux boom boom des pionniers.

On passe des lamentations classieuses à une célébration fiévreuse, Beth Hart célébrant le swing comme si il vivait ses dernières heures.  Elle ne manque pas non plus d’énergie sur le poignant « your heart is black as night », mais c’est une énergie d’une autre nature.

Quand la mélodie prend de nouveau le pas sur le swing , sa voix réchauffe les cœurs et bouleverse les âmes. C’est peut-être d’ailleurs ces titres qui illuminent le plus ce live, rappelant le blues de marin chanté par Brel.

Comme je l’ai dit au début de cette chronique, ce soir-là Amsterdam devint la capitale du blues. Alors, posez délicatement la pointe de la platine sur le sillon, et enivrez-vous de cette musique au charme d’un autre âge.

Vous entrez dans un décor musical qui procure ce sentiment de quiétude, que l’on éprouve en marchant au milieu des vieux villages français. Vous oubliez alors le temps et la laideur de vos décors urbains sans âme. Ce disque, vous l’habitez pendant quelques minutes, ces mélodies sont le battement qui donne vie à votre évasion blues.  Vous avez atteint le paradis près « des ports d’Amsterdam ».
                                                                                                                                      

dimanche 17 mai 2020

Beth Hart and the ocean of souls : 1993 original recording


BETH HART: Beth Hart And The Ocean Of Souls: AVIS/CHRONIQUE

Je veux aujourd’hui quitter les rives du missisipi , abandonner temporairement leurs mythiques troubadours misérables , pour revenir sur les plaines de woodstock. Le nom évoque déjà l’image iconique de milliers d’utopistes, venus vivre la plus belle expression de liberté du monde moderne. Et puis Janis Joplin arriva, dans ses apparats de reine hippie, et sa voix hypnotisa littéralement l’auditoire.

Je veux revivre cet instant suspendu, cette force lyrique que les hard rockers ne cesseront de déformer, pour le meilleur et pour le pire.  Janis avait un avantage sur eux, ses accompagnateurs savaient rester à leur place. Le culte du guitar hero n’était pas encore devenu une religion musicale, et sa voix n’avait pas à lutter avec une six cordes trop bavarde. Résultat, ses gémissements donnaient plus de puissance émotionnelle au blues , ils l’éloignaient de la philosophie plaintive de ses débuts.

Derrière elle, les musiciens étaient de bons artisans, chargés d’habiller ses lubies du moment . Le blues , elle le chanta dans un décor psychédélique, cuivré , ou groovy. Mais toujours avec une conviction dévote, qui ferait passer Howlin Wolf pour un fonctionnaire apathique. Et puis la formule a disparu en même temps que sa représentante, le blues se repliant dans un traditionalisme un peu snob. Il faut dire qu’il y’avait désormais led zepp et deep purple , et le blues ne voulait pas se noyer dans leurs brulots tapageurs. 

Pour retrouver la puissance vocale de Pearl, il fallait donc regarder dans le rétro , se consoler en écoutant plus attentivement Grace Slick ou Ruth Copeland. Le blues passait de Muddy Waters à Johnny Winter, avant le succès inattendu de Bonamassa. Ses protagoniste étaient brillants , mais rares sont ceux qui s’éloignaient du boom boom habituel, et aucun ne tentait de placer le chant au même niveau que le reste.

Et puis, en Californie , une femme préparait le retour de la splendeur perdue. Beth Hart fait d’abord des études de musique, mais sa passion est ailleurs. La jeune fille est fascinée par le jazz, et ne prend pas longtemps avant de nourrir le même amour pour le blues. Les deux genres ont toujours fait très bon ménage, et son caractère très sociable lui permet de rapidement monter un groupe. Vient alors l’éternelle épreuve des clubs, où il faut lutter pour trouver l’attention de son premier public.

Pour elle, le combat ne sera pas trop compliqué , son accoutrement excentrique rappelant les premiers pas de la reine de woodstock. La voix de Beth Hart est plus douce, elle n’a pas ce timbre taillé au Jack Daniels, ce qui lui permet de développer un chant plus mélodique. L’auditoire est rapidement conquis et, dans un endroit comme Los Angeles, les rumeurs courent vite. Beth Hart et son groupe atterrissent donc  sur les plateaux télé, où sa voix chaleureuse et puissante pénètre lentement dans des millions de foyers Américains.  

Ce n’est pas encore réellement le succès, mais c’est suffisant pour pouvoir enregistrer un premier disque. Si les bandes sont sorties, le retentissement fut très faible. Le blues venait de vivre un moment historique dans l’indifférence totale. Les producteurs ont pourtant soigné leur coup , donnant à la jeune femme une production typique de l’époque. Après être revenues des fourvoiements synthétiques des années 80 , les maisons de disques privilégiaient désormais un son léché mais puissant. Les solos jaillissent glorieusement au détour de chœurs fervents , rappelant au passage que Beth Hart flirte aussi avec le gospel. Ce son est lumineux sur « love surfer all » et « I felt him cry » , c’est la finesse pop de Tom Petty portée par une voix langoureusement bluesy. 

Si ses chœurs donnent au disque un vernis séduisant, n’allez pas croire que la pop a encore eu la peau du rock, c’est tous le contraire. Ce premier album est rempli d’envolées déchirantes , de grand-messes rock digne de l’intro de Cheap Trills. D’ailleurs tout le monde ne peut pas sortir une telle réadaptation de « lucy in the sky with diamond ». Entre les main de Beth and the ocean of soul , le titre qui annonçait le début de la grande fête psychédélique devient un gospel rock digne de Don Nix.
On a ainsi droit à une partie plus vintage, comme cette guitare moelleuse qui ressuscite le fantôme de Mike Bloomfield sur « Am I the one ».   

« 1993 original recording » est un disque à la croisée des chemins , donnant un coup de fraicheur au blues tout en étant solidement ancré dans son époque. Alors, insérez ce disque dans le lecteur, et laissez le son vous parcourir comme une énergie vitale. Cet album, c’est le retour inespéré d’une énergie que l’on croyait perdue.   

vendredi 1 mai 2020

Beth Hart : Fire On the Floor



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Depuis 2015 , Beth Hart a atteint un succès devenu rare dans le milieu du blues rock. Invité par Jeff Beck ou Joe Bonamassa, la Californienne a ressuscité une ferveur qui semblait enterrée depuis des années. On évitera pourtant de la cantonner aux formules immuables du blues du delta, tant Beth Hart aime aussi flirter avec le jazz , la country , et bien sur le rock n roll.

Toujours entourée de pointures , elle prêche l’élitisme autrefois incarné par les grands labels de motown et autres maisons de disques légendaires. Ecouter un disque de Beth Hart, c’est se replonger dans une époque où un grand disque de Miles Davis succédait à un classique de John Lee Hooker , où les styles se croisaient et se mélangaient dans une éruption impressionnante.

La liste des musiciens présents sur ce « fire on the floor » annonce d’ailleurs la couleur. On y retrouve l’élite des cadors de studios, des hommes ayant aussi bien travaillé pour Iggy Pop , que pour le grand Miles Davis , Joe Cocker , et John Lennon. Tous sont réunis pour donner à cette voix le tremplin qu’elle mérite, c’est un orchestre capable de l’aider à explorer tous ses registres. 

Sur les titres les plus langoureux, comme jazzmen et love gangster, elle célèbre les retrouvailles du jazz et du blues. Ces deux facettes de la musique américaine sont faites pour se compléter. Lou Reed voyait le blues comme un jazz en trois accords, c’est oublier qu’une bonne section de cuivres transcende le feeling irrésistible du grand blues. Bonamassa l’avait bien compris, mais se servait plutôt de ses cuivres pour donner à son blues rock une ambiance de music hall. Beth Hart part dans un registre plus introspectif, et la chaleur jazzy sert surtout à renforcer ses mélodies sombres.

On a ensuite droit à une série de riffs brulants, un retour au registre exploré sur les disque de reprises de Bonamassa , et sur scène en compagnie de Jeff Beck. La guitare, puissante sans être extravagante, réconcilie le feeling stonien avec la puissance de bombardier de Jimmy Page. A ce titre, le riff de fat man pourrait faire le pont entre le blues et le hard rock. Son riff primaire part dans des envolées corrosives, rappelant que led zepp et autres withesnake étaient surtout des bluesmen fous de gros son. 

Du rock au rythm n blues il n’y a qu’un pas, que Beth Hart franchit magnifiquement sur my baby shot me down. On est alors transporté dans les bars louches du Mississipi , le pianiste swingue comme si sa vie en dépendait, et la voix rageuse de la chanteuse se mêle au rugissement électrique de la guitare sur un rythme presque boogie. 

On fait ensuite un détour du côté de la pop, mais il ne s’agit pas de la pop sirupeuse qu’on nous sert depuis les années 80. La voix se fait alors plus douce, la guitare plus discrète, mais c’est encore à la grande Janis que « Good day to cry » et « woman I’ve been dreamin of » font penser. Si vous ne pensez pas à « cry baby » * , quand la voix de Beth atteint des sommets à vous donner la chair de poule , c’est que vous êtes amnésique.

Ces ballade plus sombres annoncent la direction que Beth prendra sur l’incompris « war on my mind ». On ne saurait dire si elle est plus à l’aise sur la légèreté pop de « coca cola », le rythm n blues orgiaque de « my baby shot me down » et « fat man » , ou les apitoiements poignant de « no place like home ».

Ces sonorités forment une seule matière , à partir de laquelle elle transforme ses tourments en beauté universelle. De cette manière, elle est aujourd’hui une des musiciennes les plus intéressantes de notre époque.

*titre issue de Pearl , l’album posthume de Janis Joplin

mardi 3 mars 2020

Bonamassa Beth Hart : Don't Explain


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On le croyait perdu, déchiré par les fils spirituels d’Hendrix, écartelés par les riffs mitrailleurs du heavy metal. Le blues, ce vieil hôtel qui survécut même aux piteuses eighties, se mourrait. Jack White était bon, mais son amour des stooges l’éloignait des grands anciens.

 Chercher le blues, le vrai, celui qui soigne l’âme et sonne comme un puissant cri du cœur, est devenu une mission complexe. Bloomfield était plus grand que Hendrix, mais les solos grandiloquents du second furent plus séduisants que la classe un peu austère du premier. Nous sommes donc les héritiers d’une culture falsifiée , d’un mauvais choix lourd de conséquence, et qui conditionne encore le son de la plupart des groupes actuels.  

On ne parle plus de rock n roll, mais de rock. Keith Richard lui-même sentait que ce changement de terme était lourd de sens, et regrettait de ne plus retrouver « ce putain de roll ». Aujourd’hui, on sait ce qu’il est devenu, il a disparu quand une violence féconde est venue noyer le feeling des origines. Le résultat de ce basculement était parfois brillant, mais laissait tous les puristes, ceux pour qui une note pleine d’émotion vaut tous les solos du monde, orphelins.

Quand la tempête créative est passée, elle a laissé le blues et le rock tiraillés entre deux chapelles. Hendrix et Bloomfield sont toujours les dieux à l’origine de ces chapelles, les icônes incarnant l’affrontement entre le théâtral et le traditionnel, les tripes et l’esprit. 
                                                                                                                    
Bonamassa , mieux que tout autre , incarne parfaitement ce tiraillement. Passé du hard rock tapageur de black country communion, au purisme de redemption , c’est un bluesmen amoureux du rock anglais. Tel un mari infidèle, il fait parfois quelques escapades dans l’univers de led zepp et black sabbath , avant de revenir humblement consoler sa muse abandonnée. 

Et il ne l’honore jamais mieux, que quand il rend hommage à ceux qui firent l’histoire du blues. Son respect du matériel original l’incite alors à plus de sobriété, et chacune de ses notes semble contenir tout une partie de lui-même.

Invitée à célébrer cet héritage avec lui, Beth Hart sublime le tout d’une voix qui s’apparente au fruit d’un mélange entre la puissance grasse d’un Muddy Water , et le charisme spirituel de Janis Joplin. Sur « your heart is black has night » ou « i’d rather go blind » , sa voix atteint des sommets émotionnels oubliés, depuis que Plant a chanté « le plus beau blues chanté par des blancs » (since I’ve been lovin you ).

Son guitariste ménage ses effet, sa guitare devient le prolongement de son esprit, un objet sacré qu’il laisse s’exprimer. Même quand il lâche un peu prise, comme sur le boogie « something get a hold on me », la rigueur reste de mise.

Le jeu est rythmique, presque Richardien, et les riffs, s’épanouissent dans de grands silences, qui laissent résonner les notes. Les pédales d’effet sont rares, les solos au service des mélodies, et la voix mesurée n’a pas besoin de crier pour transmettre son émotion.

Ce n’est pas seulement une certaine idée du blues qui ressuscite ici , c’est une certaine idée de la musique.