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dimanche 4 octobre 2020

The Edgard Broughton Band : Meat Album


Le Edgard Broughton Band est né dans une formidable époque de doute. Du psychédélisme, la plupart ne retiendront que la vitrine pompeuse de Woodstock , le sergent poivre et son grandiose orchestre , et la fin tragique du rêve hippie à Altamont. Ces images inscrites au fer rouge dans l’inconscient collectif ne sont qu’une belle vitrine, et l’arrière-boutique était peut être encore plus intéressante que cette devanture. En Amérique, une arrière garde sentait déjà que la musique était en train de se standardiser, et que derrière les mélodies doucereuses des illuminés hippies se cachait le germes des drames à venir.

 A une époque où les maisons de disques étaient richissimes, des disques aussi merveilleusement uniques et radicaux que outsideinside de Blue cheer, ou trout mask replica de Beefheart, sortaient à coté de leurs contemporains vénérés. Ces disques tombèrent vite dans les bacs à solde, puis furent condamnés à l’oubli d’une époque bénie mais imparfaite. Il fallait comprendre les jeunes. Comment prêter attention à des outsiders à peine promus, alors que les géants tel qu’Hendrix , Beatles , Stones , Bob Dylan , et j’en passe , sortaient un chef d’œuvre par an. Du coup, on pardonnera à nos ainés d’avoir précipité le Edgard Broughton band dans les oubliettes de l’histoire.

Brûlot révolutionnaire, wasa wasa sonnait comme une version moins vulgaire du MC5, et son blues Beefheartien empêchait sa foudre de sonner comme les flatulences grasses des hard rockers. Wasa wasa est un disque que l’on aime grâce à ses défauts , un échec si unique qu’il relève du génie. Ces trois néandertaliens cognaient sur leurs instruments en ayant l’air de ne pas savoir où ils allaient. Si cette bombe semblait annoncer la radicalité des jours à venir, ses auteurs semblaient se contenter d’entretenir tant bien que mal une flamme, dont ils ne comprenaient pas la nature. Au milieu du déluge, Edgard Broughton chantait comme un Don Van Vliet qui aurait oublié ses plans géniaux au milieu d’un morceau.    

                                                                                                                                                                      Le seul objectif du groupe était d’obtenir un son unique , mais un tel miracle ne réussit qu’une fois. Une carrière ne peut se bâtir sur des essais aussi hasardeux, et même les musiciens les plus radicaux ont dû apporter un peu plus de stabilité à leurs folies géniales. Après deux live corrects , le groupe d’Edgard Broughton s’offre donc les services d’un ex bassiste des Pretty things, avec qui il prépare son album de la maturité.

Le trio devenait une formule trop restrictive, elle obligeait bien souvent ses membres à parcourir sans cesse les chemins trop balisés du heavy rock. Pour un « band of gypsys » , des milliers d’ersatz de l’experience promènent leurs bourbiers plus ou moins réussis.

 

Affectueusement appelé « meat album » par un public averti,  « edgard broughton band » sort donc en 1971. Symphonie d’homo sapiens hippie, superbe pièce montée vomissant ses glaviots fulgurants sur les tendances de son époque, ce disque fait partie des sergent pepper de l’underground.

En 1971 , la folk et la country ont remplacé le psychédélisme hédoniste , les hippies se consolant du chaos d’Altamont dans les bras rassurant de la tradition musicale américaine. Sur le « meat album » , ce retour à la terre devient une symphonie de troglodytes, un enchevêtrement de cordes tissant la plus merveilleuse des couvertures sonores. Evening over the rooftop ouvre le bal sur les crissements d’un violon angoissant, qui débouche sur un folk poignant. Blues de fin de carnage, symphonie désespérée capable de faire passer Procol harum pour un groupe pour midinettes, cette ouverture enterre définitivement le grandiose amateurisme de wasa wasa.

Sur ce titre, Edgard Brougthon troque son costume de druide hurleur pour celui de Jesus portant la croix d’un rêve moribond. Si il chante avec autant de grâce, c’est qu’il sent venir les pierres de ses contemporains, il sait que les grosses machines commerciales de son époque ne manqueront pas de l’écraser. Pourtant, sur cette ouverture, son groupe dépasse toutes les expérimentations pompeuses des sixties seventies. Après un début aussi solennel, il fallait hausser le ton pour éviter de rejoindre le moule gluant des prog rockers. Les pieds trempés dans le blues «  birth » est un boogie de lutin s’agitant autour d’un cratère en éruption. Satire ivre mort, démon conduisant le déluge de sa voix de fou furieux, Edgard Broughton permet à son groupe d’égorger tous les gorets hurleurs à coup de heavy rock sanguinaire.

Ce meat album est le brûlot incendiaire qui balance ses dynamites dorées sur toutes les chapelles de ce début de seventies. Peace of my own et poppy montrent d’ailleurs qu’on peut jouer de la country sans transformer son auditoire en ramassis de larves léthargiques. Mais les meilleurs passages restent ceux où country/ blues et douceurs symphonique se mélangent dans un ballet fascinant. Ils se trouvent dans les guitares acoustiques tissant une fresque dont les violons fixent les couleurs, dans les blues electro acoustiques portés par la voix de prophète fou d’Edgard Broughton.

Ce choc électro acoustique digéré, on regarde la pochette de ce disque d’une autre façon. Planté au milieu d’abats dont on ne peut certifier l’origine animale , les corps pendus par les pieds s’apparentent aux repères musicaux que le groupe vient de ridiculiser.