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mardi 20 novembre 2018

[DOSSIER] Frank Zappa


Zappa, Not In It For The Money 

(par Benjamin Bailleux).

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Le but de l’article qui va suivre n’est pas de présenter un récit complet de la carrière de Zappa, un livre entier n’y suffirait pas. En quelques années, Zappa à construit une œuvre d’une richesse exceptionnelle, fonctionnant par cycles. Cet article propose quelques-uns de ces cycles, durant lesquels la petite histoire du génial moustachu a rejoint la grande histoire de la Pop.










Zappa , et l’Amerique parfaite


Dans la petite maison familiale, Zappa trompe son ennui en feuilletant un magazine musical laissé là par ses parents. Au bout de quelques pages, il tombe sur une chronique incendiaire de Ionisation, une œuvre du compositeur contemporain Edgard Varese. Le chroniqueur termine sont article en affirmant que « cette musique est inécoutable », affirmation qui suscite l’intérêt de ce jeune homme farouchement anti conformiste. Les disques de Varèse l’amèneront à apprendre à composer, alors qu’il passe ses heures de cours à satisfaire son autre grande passion : le rythm n blues.


Johnny Guitar Watson rejoint ainsi Varèse dans l’univers musical de Zappa, qui commence à composer en 1958. Il s’agissait alors d’une BO pour le film Run Home Slow, un western qui ne verra jamais le jour. L’événement est tout de même important dans la carrière de Zappa, qui recevait sa première commande, un premier signe de reconnaissance qui lui vaut le respect de ses proches.
Il quitte rapidement le domicile familiale, pour vivre une vit de bohème, qui l’oblige souvent à enchainer les petits boulots pour payer les factures. Après une interpellation pour obscénité, le compositeur ayant réalisé un enregistrement de « bruit érotiques » pour un client lubrique, le cinéma l’appel de nouveau.
Cette fois ci, c’est Tim Carrey qui demande ses services, pour son film The Word Greatest Sinner. Ce film est une violente critique de la pudibonderie américaine, dont Zappa ne recevra les Royalties que plusieurs mois après sa réalisation. Allié au fruit de son travail pour une émission de télévision, les bénéfices lui permettent de racheter un studio à l’abandon, et du matériel d’enregistrement. Dans ce studio, il enregistre quelques morceaux de Rythm 'n Blues, qu’il part vendre à quelques maisons de production Hollywoodienne.

C’est lors d’un de ces voyages que, en 1964, il rencontre les musiciens avec qui il forme sontt groupe. D’abord nommée les Soul Giant, la formation se renomme les Mothers Of Invention lors de la fête des mères, et part jouer un Rythm 'n Blues loufoque dans les bars d’Hollywood.

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C’est entre ces concerts que Zappa compose les premiers titres des Mother, comme "Hungry Freak Daddy". Un rock corrosif qui sera finalisé sur le premier album. Lors du passage du groupe au Whisky A Gogo, ils sont repérés par Tom Wilson. Producteur reconnu, l’homme a notamment travaillé avec Bob Dylan.

Nous sommes alors en plein renouveau du rock, et toute une génération de jeunes blancs accèdent aux sommets des ventes en reprenant les formules de Muddy Waters et autres Howling Wolf. Les Rolling Stones sont en pleine ascension, le Paul Butterfield Blues Band pose les bases du blues rock…

Lorsqu’il entend la prestation des Mothers, Tom Wilson croit avoir repéré un autre représentant Rythm 'n Blues blanc, et emmène rapidement ces Freaks en studio pour enregistrer leur premier album. Perfectionniste à l’extrême, Frank Zappa écrit des partitions complexes, qu’il fait répéter à ses musiciens jusqu'à atteindre la perfection.

Lorsqu’il entre en Studio, Zappa ne se sert presque pas de sa guitare, préférant diriger son groupe, tel un chef d’orchestre partant dans des expérimentations soigneusement élaborées. Lorsqu’il assiste à ce spectacle surréaliste, Tom Wilson court prévenir ses patrons. Finalement ce disque ne sera pas tout à fait un album de Rythm 'n Blues.

Cela n’empêche pas le label de laisser une liberté totale à son nouveau protégé, qui invite une légion de Freaks à improviser des percussions, avant de bricoler les bandes d’enregistrements. Le moustachu profite alors des possibilités offertes par les studios pour accélérer certaines bandes, quand il n’agrémentait pas ses compositions de gémissements loufoques et autre bruitages.


Freak out sort en 1966 et entre immédiatement dans l’histoire. Les ventes sont médiocres, le public ne comprenant pas le sens d’un tel bazar sonore, mais McCartney avoue que les folles inventions de cet album l’ont inspiré lors des sessions d’enregistrement de Sergent Pepper.


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La réponse de Zappa ne se fait pas attendre
 « contrairement à eux je ne suis pas la que pour le pognon ». 
Cette phrase ne tardera pas à devenir le titre d’un album lorsque, après un Absolutely Free plus rock, Zappa se mit en tête de montrer le ridicule du mouvement hippie. Absolutely Free était plus rock, et s’en prenait aux mœurs d’une société américaine aliénée à grand coups de télévision, de morale religieuse et sociale, et de consumérisme boulimique. On connaissait le Zappa compositeur, voila qu’il se présentait à nous comme un guitariste exceptionnel, avec les superbes lignes de guitares de "Call Any Vegetable / Invocation And Ritual Dance Of The Pumpkins".
Absolutely Free ressemble à une version musicale des spectacle de Lenny Bruce, avec qui Zappa a collaboré plusieurs fois. Et le fait que Terry Gillian se cache dans certains cœurs ne fait qu’ajouter au charme de cette attaque de l’American Way Of Life. 

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Sorti quelques mois plus tard, We’re Only In It For The Money est plus ciblé sur les excès d’une culture Pop triomphante. Dès la pochette, Zappa s’en prend au plus grand symbole de cette hystérie populaire, les Beatles. Paul McCartney négociera d’ailleurs avec lui pour que la sortie de l’album soit repoussée, afin de ne pas nuire au monument Pop qu’est tout de même Sergent Pepper.

Les Beatles ne sont pourtant pas au cœur des compositions de ce disque, qui reprend le format des Pop Song à la mode, pour mieux les détourner. We’re Only In It For The Money se débarrasse des références classiques trop visibles, pour partir dans une Pop accessible au public visé par ses textes.   


A tous ces hippies adeptes d’une révolte qu’il juge artificielle, Zappa prévoit un avenir conformiste digne du vide existentielle de leurs « parent plastique ». Pour lui
 «[...] la partie la plus laide de leurs corps est leurs âmes »
, pollué par  une mode éphémère. Le disque ne rendra pas encore les Mothers riches, mais sa Pop corrosive et intemporelle est à inscrire à la suite des grands délires des années 60. 



L’odeur du jazz


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En 1969, Zappa retrouve Captain Beefheart exsangue, sa maison de disque a finit par le lâcher après des mois de galère. Ayant fondé son propre Label, Zappa récupère alors le groupe de son vieil ami, et vient enregistrer son prochain album dans la communauté où il règne en tyran.  
Tous les musiciens sont contraints à rester dans le studio pendant la durée de l’enregistrement, et travaillent des heures pour aider leur leader à donner vie à ses idées folles. L’homme se voit comme un artiste, qui manipule les sons comme un peintre réparti ses couleurs. Il ne sait pas composer, et a appris le piano en autodidacte, le groupe doit donc être capable de suivre ses indications sommaires.
Cela ne l’empêche pas d’avoir une idée très précise du Blues déstructuré qu’il veut obtenir. Dans la tradition du Jazz , le Magic Band jam donc jusqu'à trouver la formule parfaite, qui est mise en boite par Zappa sans retouches.

Il participe ainsi à l’élaboration d’un chef d’œuvre qui ne sera reconnu que des années après sa sortie. Mais surtout, Zappa se remet à partager ses coup de cœurs musicaux avec son vieil ami, et redécouvre le jazz. 

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Cette redécouverte est le point de départ d’un nouveau cycle discographique, et le voila qui affirme sur scène 
« le Jazz n’est pas mort il a juste une drôle d’odeur ».
Cette même année 1969, Zappa travail donc sur la bande son de Uncle Meat, un film qu’il souhaite réaliser.
Le film ne verra malheureusement jamais le jour, mais la bande son devient le nouvel album solo de Zappa. La mutation de la musique est flagrante. Les textes revendicatifs ou ironiques sont remplacés par de longs délires instrumentaux, et une plus grande liberté est laissée aux musiciens.



Inspiré par les leçons de Coltrane et autres Miles Davis, Frank Zappa ne cherche plus à tout contrôler, ce qui n’empêche pas ses instrumentaux d’être soigneusement travaillés en studio.  De même, le compositeur continue d’expérimenter, retravaillant les bandes afin d’obtenir les instrumentaux foutraque qu’il imagine. Cette liberté laissée aux musiciens, alliée à son amour des compositions complexes, et à son perfectionnisme, font d’Uncle Meat son œuvre la plus aboutie, et la préférée de bien des fans.   


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Il faut dire que, de 1969 au milieu des années 70, le Jazz va fortement marquer la culture Rock, à travers la Pop Progressive de Soft Machine. Celle-ci donnera naissance à toute une scène Jazz-Rock Canterburienne , et Miles Davis ce joindra à la danse après avoir découvert le génie Hendrix.

Le cheminement qui va mener Zappa à Uncle Meat, puis à Hot Rats, avant de terminer par le superbe Grand Wazoo, est d’ailleurs le même que celui suivit par Soft Machine à partir de son second album.




L’homme démarre par une musique expérimentale, où le Jazz apporte ses notes chaleureuses et ses instrumentaux décomplexés, avant de lentement glisser vers une musique de plus en plus virtuose. Le Jazz, qui était au départ une coloration, devient progressivement l’ingrédient essentiel d’une musique qui cherche à s’approprier sa virtuosité. 

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Beaucoup de guitaristes seront d’ailleurs scotchés par la complexité de certains solos contenus dans Hot Rats, alors que Waka / Jawaka mêlera cette virtuosité à des compositios beaucoup plus complexes. Enfin, The Grand Wazoo brille surtout grâce à la somptuosité d’instrumentaux qui n’ont plus grand-chose à envier à Miles Davis.

Il faut dire que l’homme s’en été donné les moyens, en s’entourant d’un véritable orchestre, constitué de pointures issuent du Jazz. Le nombre de musiciens devra ensuite être diminué pour des raisons budgétaires mais, selon Zappa, ce groupe restera le meilleur qu’il ait jamais eu.

Pour boucler ce cycle , Zappa reprendra ce groupe diminué pour enregistrer Apostrophe et Overnight Sensation, deux disques où il reprend le format de la chanson Pop, sans perdre la chaleur et l’exigence musicale du Jazz.  Jazz qu’il quitte après la glorieuse célébration contenue sur le Live Roxy & Elsewhere.



Rock 'n Roll Again


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Concluant le cycle Jazz, Overnight Sensation et Apostrophe, sortis en 1973 et 1974, montraient clairement une envie de séduire le grand public sans trahir l’identité musicale de Zappa. Le coup sera relativement réussit avec Apostrophe, un album certifié disque d’Or, mais dont les ventes sont loin d’égaler celle des géants de l’époque.

Zoot Allure, paru en 1976 montre alors un musicien bien décidé à descendre dans l’arène du Rock-à-Guitares, pour imposer son image dans un paysage Mainstream qui n’a jamais vraiment voulu de lui.
Cette ambition est claire, le groupe reprenant la structure simple et efficace du Hard-Rock, alors que son leader montre qu’il peut bien rivaliser avec Led Zeppelin et autres héros de la guitare hurlante.

L’efficacité est au rendez vous, bien que l’on puisse regretter que la singularité des Mother ait été largement sacrifiée sur l’hôtel du Rock sur-amplifié. Alors qu’il représente une initiation idéale pour ceux qui ne connaitrait pas encore Zappa, le succès n’est toujours pas au rendez vous, comme si le grand public avait définitivement banni Zappa du paysage Mainstream. 


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Quatre ans plus tard, en 1979, il revient à la charge avec le plus original Sheik Yerboutit. Certes, le disque se conforme largement à des règles de production qui domineront durant les années 80, avec un son propre et l’intervention de synthés modernes. Mais paradoxalement, sa musique retrouve une certaine singularité.
Le  ton plus sarcastique, des délires musicaux est aussi farfelu que les premiers méfaits des Mothers, et on retrouve ce soucis de mêler musique travaillée et passages humoristiques. Zappa en profite pour désacraliser Dylan avec l’imitation bouffante de "Flakes", alors que les hurlements de sa guitare semblent dire aux Hardos qu’ils n’ont pas le monopole de la puissance.

Le disque obtiendra un succès respectable, sans atteindre les sommets auxquels Zappa semble aspirer. Semblant prendre conscience qu’il ne sera jamais « aussi gros » que les Stones et autres Led Zeppelin, il continue de complexifier son Rock.


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L’Opéra-Rock Joe’s Garage sort la même année et voit Zappa trouver le parfait équilibre entre le Rock efficace qu’il souhaite désormais produire, ses ambitions artistiques, et un ton sarcastique qui n’a jamais totalement quitté son œuvre. 
L’histoire, qui nous plonge dans un monde dystopique, où jouer du Rock est interdit, lui permet de déverser sa verve sur le Show Business, et la société américaine. Le funk vient s’ajouter à sa palette d’influences, mais c’est bien le Rock qui domine ce pavé de trois vinyles, qui reste pour beaucoup la dernière grande œuvre de Frank Zappa.