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samedi 16 octobre 2021

Petit orchestre pour maxi son : Yes - Time and a word (1970)

 



« L'alternative consistant à recourir au mellotron n'ayant pas été jugée convaincante, il est décidé d'enregistrer Time And A Word avec le renfort d'un orchestre. L'idée est en vogue sur la scène progressive depuis le « Days of future passed » des Moody Blues, suivi d'expériences inégalement convaincantes de Deep Purple, The Nice, Procol Harum et bientôt Barclay James Harvest ou Pink Floyd. YES n'ignore cependant pas qu'à moins d'un succès phénoménal, la possibilité de se produire sur scène en configuration orchestrale se limitera à un concert exceptionnel dans une salle londonienne. »


(Yes, Aymeric Leroy, éditions Le mot et le reste, p.33,34)


Encore un album dénigré dans la discographie de YES que je ne découvre qu'à rebours et il est flamboyant ma parole ce disque ! Dites les fans, il se passe quoi dans vos têtes, parfois ? ...Dit lui-même un fan qui avait d'ailleurs jamais vraiment eu le temps de se pencher sur le disque. Ahlàlà... :)

YES avec un orchestre symphonique, quelle bonne idée !
Non franchement, je le dis sans ironie, appréciant d'autant plus l'album « Magnification » de 2001 où le groupe se remettait à l'exercice du rock prog plus ou moins symphonique avec un certain bonheur et la fabuleuse et passionnante tournée live qui suivit (les fans comprendront si je leur dis que « Gates of delirium » avec un orchestre de musique classique... mamma mia. Érection, quoi).

Ici, toutes les potentialités envisagées ne sont pas forcément obtenues, l'orchestre ne faisant pas forcément pleinement corps avec le groupe (disparaissant parfois sur 2,3 morceaux ou apparaissant à intervalles sur d'autres) mais, et c'est tout aussi intéressant, souligne les notes et construit régulièrement une ambiance.

On est donc à la fois dans un travail d'arrangement qui charpente de solides mélodies (chose qu'on a alors plutôt dans la pop baroque) mais également la prise en compte d'un univers sonore dont cette fois YES prend pleinement conscience et choisit de commencer à pousser de plus en plus dans les registres élevés de son potentiel.

Et ici, chaque composition a constamment un petit quelque chose qui dénote les progrès d'un groupe qui a choisi de constamment revoir sa copie et ne pas s’asseoir simplement sur des lauriers qu'il n'a d'ailleurs pas encore. Oui, en plus du prétexte de l'orchestre symphonique, YES expérimente, s'amuse sur chaque piste avec un bonheur plus que palpable. Pas de coup de mou au milieu d'album ici et le groupe (1) semble uni pour parer au mieux un exercice d'emblée casse-gueule qui à l'époque devait passer crème mais qu'on juge avec plus de recul aujourd'hui, disposant sur chaque compositions de petites trouvailles sonores, d'agencements de notes, d'idées à foison...

Sacré mélanges jouissifs.

De l'ouverture à l'orgue comme un bruit de réacteur au décollage suivi de l'attaque des violons d'emblée sur « No opportunity necessary, no experience required » (avec cette basse fabuleuse de Squire qui zigzague majestueusement déjà comme un serpent) au rock aux influences hard-rock (écoutez bien, l'orgue de Kaye sonne presque comme issu de Deep Purple) de « Then » qui, dès que les violons surgissent semble se changer en ballade pop survitaminée. L'ouverture magique et planante de « Everydays » avec ses petites notes de cordes de violons pincées en suspension comme les ailes d'un papillon (2) avant qu'un riff violent ne déboule pied au plancher à 2mn25 (3) et change la donne. Les petits bruits de percussion sur « Sweet dreams » vers la fin de la chanson. Le développement en progression à l'orgue avec les violons qui ouvre « The prophet » et ses changements de tempos qui augurent des grands titres épiques à venir qui changeront régulièrement de climats sans oublier les cuivres délicieux qui l'ornent...

Comme sur l'album précédent, on retrouve deux reprises ici (4), faisant partie des meilleurs titres de l'album sans cette fois que les autres compositions n'aient particulièrement à en rougir. Cela souligne la qualité et l’homogénéisation obtenue par un groupe qui, tout en se cherchant, choisit cette fois d'aller clairement de l'avant, bien conscient de leur potentiel monstrueux à explorer de bout en bout. Sans compter le petit hit bien senti qui sera l'un des deux singles (5) et qui donne son titre à l'album, « Time and a word ».

« Comme le souligne à juste titre Bill Bruford à sa sortie, Time and a Word constitue « un grand pas en avant » pour Yes. Les progrès sont conséquents sur plusieurs points. L'assise rythmique gagne en puissance et en précision, et n'a plus à rougir de la comparaison avec celle de King Crimson. L'ampleur symphonique à laquelle aspirait Yes trouve une incarnation tangible, à défaut d'être tout à fait la bonne. Enfin, Jon Anderson assume de mieux en mieux son identité vocale aux antipodes de la virilité obligée du rock. Malgré la concurrence de l'orchestre, Peter Banks et Tony Kaye ne déméritent pas forcément quand on les laisse s'exprimer, mais rétrospectivement, ils constituent bien une entrave au plein épanouissement de Yes et à la concrétisation des rêves formulés par Anderson et Chris Squire au moment de leur rencontre. »

(Yes, Aymeric Leroy, éditions Le mot et le reste, p.39)

Que ne serait l'histoire d'un groupe si elle ne contenait pas à chaque fois ses moments de tempête cela dit ?

Yes n'échappe pas à la règle, bien évidemment et il me semble opportun d'en parler un peu sans toutefois qu'il y ait besoin de trop s'étaler.

Il semblerait visiblement qu'en premier lieu le manque d'implication et d'envie de Peter Banks dans la fabrication de « Time and a word » lui ait coûté un peu préjudice. Son caractère visiblement de cochon aussi même si l'anecdote serait à prendre avec des pincettes : Au producteur Tony Colton lui demandant de jouer plus puissant et bourrin, je cite « comme Jimmy Page » (6), Banks n'appréciant visiblement pas des masses la musique de Led Zeppelin, lui aurait balancé sa guitare électrique en pleine gueule. Bonjour l'ambiance. Un Banks qui se serait plaint constamment d'être sous-mixé face aux cordes des étudiants du Royal College of Music de l'orchestre alors que c'est plus ou moins grâce au même Colton que Squire finit par trouver son « son de basse » qui sera sa marque principale.

Jon Anderson, plus pragmatique, avouera (et c'est en soit d'après Aymeric la réponse la plus convaincante même si je suppose de mon côté aussi que comme indiqué précédemment, Banks ne devait parfois pas être facile à vivre, et ça, ça joue au sein d'un groupe) que le guitariste était d'une autre école, « de l'école Pete Townshend », ne rejouant jamais deux fois les mêmes notes au sein des morceaux en live. Ce qui en l'état pouvait satisfaire Yes sur plusieurs titres mais pas forcément la nouvelle configuration de morceaux plus longs et plus complexes qui se dessinait (7). Or Yes va se mettre à rechercher un guitariste capable et désireux de rejouer les mêmes notes, souvent avec une parfaite exactitude, sans problème.

Ce qui n'est visiblement pas le cas de Banks.

Première victime collatérale d'un groupe qui recherche un certain idéal musical. Et il y en aura d'autres dans la longue histoire du groupe, quitte à ce que ses fondateurs se perdent en chemin et leur musique avec eux.

Cela mis à part le constat est plus que positif et l'on peut reconnaître sans mal que « Time and a word » en plus d'être un excellent disque de rock (et aussi rock prog) est aussi également le premier grand disque de YES. Son utilisation de l'orchestre utilisée non constamment mais dans ses arrangements saillants et parfois minimalistes à quelque chose de moderne en fin de compte puisque cela s'est redécouvert aussi d'une certaine manière avec le trip-hop à la fin des années 90 (réécoutez le travail de Craig Armstrong (8) sur les passages orchestraux ajoutés avec modération sur l'album « Protection » de Massive Attack) et même le renouveau du rock psyché et pop des années 2010 (je pense au premier album de Temples en 2014 par exemple). Bref, de nos jours on redécouvre « Time and a word » avec un certain œil ébahi devant tous ses trésors mélodiques et ce n'est que justice. 

Du temps et un mot (traduction très littérale du titre je vous l'accorde) ? 

Le premier a certainement joué à la longue sur le second au final et c'est pas plus mal.


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(1) Dans sa première mouture alors, rappelons le : Jon Anderson au chant, Chris Squire à la basse, Bill Bruford à la batterie, Peter Banks à la guitare et Tony Kaye à l'orgue.

(2) Celui qui ornerai cette jolie madame nue qu'on voit sur la pochette ?

(3) Un brin adouci ici. Dans la version de démo qu'on peut entendre dans les bonus de l'édition « remasterised & expended » du premier album juste avant, « Everydays » cogne alors méchamment dur comme du hard rock U.S qui se serait avalé toute une armée de viets sévèrement burnés (YES ayant parlé justement un peu de la guerre dans les paroles un brin gentillettes d' « Harold Land » peu avant sans être encore dans la fureur d'un « Gates of delirium »). Ce travail vers une version définitive de la composition qui inclus la place de l'orchestre montre bien que YES a pleinement conscience de sa dimension bourrine (qu'il développe également en concert) mais oriente de plus en plus son travail vers une dimension prog et une écriture bien plus stylisée et ça c'est remarquable.

(4) «  No opportunity necessary, no experience required » est initialement écrite par Richie Havens tandis que «  Everydays » est de Stephen Stills et issue du second album du légendaire Buffalo Springfield. Une nouvelle fois je ne peux que saluer le bon goût de YES ainsi que leur intelligence dans l'art de la reprise. Il suffit d'écouter les versions originales et ce que le groupe en fait, retravaillant tout en gardant l'essence du titre de base. Monstrueusement bluffant.

(5) L'autre étant « Sweet dreams » avec en face B l'inédit (et excellent) « Dear Father » que l'on peut dorénavant écouter sans problème sur le net ou dans les éditions « remasterised & expended ». A noter qu'il existe en deux versions bonus sur les albums « remasterised & expended », à la fois sur le premier album de YES comme version de travail démo et sur la version « complète » de « Time and a word » où quelques violons se font timidement sentir. Visiblement que ce soit sur le premier ou second disque, ce titre n'aura jamais véritablement trouvé sa place, peut-être parce qu'à chaque fois le groupe ne le jugeait pas dans le climat d'ensemble ? A tort car c'est une des nombreuses pépites cachées que YES nous laisse avec le recul.

(6) Page 44 du livre d'Aymeric Leroy.

(7) Au passage si l'on remarque bien, il y a deux morceaux longs de 6 et 6mn30 sur le premier album déjà et ici 3 morceaux de 6 à presque 7mn (« Astral Traveller »). Discrètement, YES fait sa mue pour se préparer à mieux sauter.

(8) Qui reprendra d'ailleurs du King Crimson au passage. Si ça c'est pas un travail de passeur/passionné nourri d'influences quand même hein.



jeudi 14 octobre 2021

Au commencement... : Yes - Yes (1969)

 



« Le choix de « I see you » des Byrds (issu de l'album Fifth Dimension) apparaît en revanche des plus pertinents, et peut prétendre au titre de sommet de l'album. Les qualités de l'original (harmonies vocales en tête) se voient transcendées par un arrangement inspiré, tant dans sa composition chantée (les « la la la, la la la » qui répondent aux « I see you », absents de la version des américains) que dans les développements instrumentaux qui lui ont été adjoints. Yes se pare d'accents jazz, de la batterie tout en cymbales de Bill Bruford au jeu fluide et délié de Peter Banks, bien plus attrayant avec un son clair qu'affublé d'une saturation mal maîtrisée, et leur improvisation en duo dans la partie centrale (souvent portée en concert à plus de dix minutes) est d'une grande intensité, en même temps qu'elle montre que les horizons de Yes ne se limitent pas qu'au rock. »

(Yes, Aymeric Leroy, éditions Le mot et le reste, p.31)


Il faut toujours se méfier des préjugés : La majeure partie du temps, en plus d'être tenaces ils se révèlent étonnamment faux. Ou erronés suivant la subjectivité de chacun.

Où avais-je lu que le tout premier album de YES ne valait pas le coup ?
Sur le net, et parfois plus qu'abondamment.

Or, l'écoute tardive de ce premier album (1) permet de volatiliser un peu pas mal de faux jugements à l'emporte-pièce. Si on resitue dans le contexte de toute la discographie à venir du groupe, certes on pourra trouver cet album mineur. Et pourtant il contient déjà tous les germes embryonnaires du style de la bande à Jon Anderson, pas encore stabilisés. Mais, à mon grand étonnement, la patte YES est déjà là, et de fort belle manière.

Même si le groupe ne décolle pas avec de longues pièces épiques d'emblée à la différence de King Crimson qui sort également son premier album la même année 69, quelques mois après (2), on dénote d'emblée deux pistes longues de 6mn qui sortent déjà un peu des carcans.
Sans surprise, elles s'avèrent les meilleures de l'album dans un registre « proto-prog » ou « pré-prog » avant l'heure.

Dans l'une, « I see you », une reprise des Byrds où la différence fait tout (3) et où sous l'impulsion d'un Bruford passionné de jazz mais ne pouvant pas encore donner pleinement cours à ses envies (4), on assiste à un premier petit mariage de raison entre rock pur (déjà la fameuse « basse qui claque » de Chris Squire même si « le son Squire » n'est pas encore trouvé – il le sera au prochain album) et improvisation jazzistique (batterie qui donne le rythme tandis que Peter Banks est à la guitare). Et dès le début, sous la tutelle de Jon Anderson, le mélange d'harmonies des voix hérité du folk-rock comme de la pop (5) et peu pratiqué dans le rock et encore moins le rock progressif qui va suivre dans les premiers temps s'avère un très bon choix qui distingue déjà un peu le groupe de la masse.

La seconde, « Survival » avec son petit climax d'introduction dynamique puis le fondu enchaîné vers une ambiance plus posée, magique, délicate et mystique qui monte lentement en progression s’avérera typique de certaines compositions à venir de YES et il n'est pas interdit d'y voir quelque part la préfiguration d'une structure qui sera plus ou moins reprise sur un « I've seen all good people » (album "The Yes Album"). Quand je vous dis que « la patte YES » est déjà là.

Dans les autres compositions aussi même si l'on navigue entre le bon et le moins bon.

Intelligemment, YES a disposé ses titres les plus longs en début et fin du vinyle, procédé que le groupe resserrera dans les albums à venir (j'adore personnellement le fait de placer un titre long en début, au milieu et à la fin sur « Fragile », exercice d'autant plus ardu qu'il faut changer de face sur un vinyle...) et attaque d'emblée avec un titre purement rock parfait pour l'ouverture, « Beyond and before ». Là aussi YES surprend d'emblée puisque dans le paysage rock d'alors, la basse n'était encore pratiquement jamais autant mise en avant et plus considéré comme un instrument propre à asseoir la section rythmique au même titre que la batterie. Cela tient autant au style YES que l'envie évidente d'un Squire d'en démontrer évidemment (il ira plus loin par la suite on s'en doute, se réécouter « Roundabout » par exemple sur l'album « Fragile » à nouveau).

Avec « Yersterday and today » on est dans la petite sucrerie pop, la ballade magique que YES parsèmera avec un égal bonheur par petites touches sans jamais se renier dans pas mal d'albums à venir (« A venture » sur The Yes Album ; « Wonderous stories » sur Going for the one, « Madrigal » et « Circus of heaven » sur Tormato...). Et si sur le plan des paroles comme Aymeric Leroy l'indique, ça passe moyen (On portera ça sur le compte de la naïveté et la jeunesse de son interprète –qui fera heureusement bien mieux par la suite-- tout comme de l'époque vu que c'est assez misogyne), sur le plan musical c'est que du bonheur. Une respiration évidente et bienvenue où tout le groupe joue en acoustique et où même Bruford troque sa batterie contre un délicieux vibraphone (6) alors que Tony Kaye abandonne momentanément son orgue pour le piano.

« Sweetness » qui sera le premier single du groupe (7) suit le même chemin (paroles très bof bof où la femme n'est que le repos du guerrier, en revanche musicalement et mélodiquement on marque des points). Un titre agréable en soi mais peu représentatif du Yes qui se cherche encore et empruntera très vite le chemin du prog. Surtout ça donne l'impression d'entendre un énième (bon) groupe dans la mouvance rock-psychédélique alors que YES revendique d'emblée dans ses intentions, d'aller musicalement très loin.

En effet, comme le raconte Leroy dans son ouvrage, le noyau dur formé avant tout des jeunes Jon Anderson au chant (25 ans) et Chris Squire à la basse (21 ans) a une même vision commune : celle de créer « une musique qui serait complexe, virtuose et puissante » et dedans, une « dimension vocale très affirmée, avec des harmonies à la Simon & Garfunkel » (p.18). Le recrutement par la suite de Peter Banks (guitare), William Bruford, alias Bill Bruford (batterie) et Tony Kaye (à l'orgue hammond) va permettre de faire émerger une formation certes mouvante comme on le verra par la suite avec les départs de Banks et Kaye mais qui servira de premier tremplin aux ambitions d'un YES qui ne demande qu'à se tailler sa part du gâteau.

Pour l'instant toutefois YES n'a pas encore les moyens de ses ambitions et doit ronger son frein, avec une certaine élégance cependant : en concert, faute d'avoir suffisamment de compositions développées à leur répertoire, les reprises seront légion. Un exercice que YES n'abandonnera d'ailleurs pas tout à fait, en témoigne d'ailleurs l'inédite reprise du « America » de Simon & Garfunkel de près de 10mn sur la compilation « Yersterdays » de 74 parue peu après « Relayer » pour faire patienter un peu leur public de fans alors que les membres du groupe entament peu après leurs tournée, la publication de leurs albums en solo et donc également le « solo tour ».

« Yersterdays » étant une compilation regroupant à la fois des titres de ce premier album et de « Time and a word » qui le suit, il n'est pas interdit de penser que cette composition-reprise vient d'ailleurs de ces années là. On y décèle pour preuve non pas les petits moogs chers à Wakeman mais de l'orgue, instrument principal d'un Kaye qui d'ailleurs se fera éjecter prochainement pour son manque d'enthousiasme à vouloir faire évoluer un peu sa musique, mais nous n'en sommes pas encore là, je ne vais pas spoiler...

Quand à ce premier disque évidemment, même si YES ne le reniera pas officiellement, quasiment aucun titre ne sera pourtant joué par la suite en concert dans les décennies qui vont suivre, c'est un signe assez évident au final (j'aurais pas dit non moi à « I see you » en live cela dit). Pas étonnant non plus puisque certaines compositions restent un peu bancales (« Harold Land » au milieu ça me fait à chaque fois un gros coup de mou, pas vous?) mais l'impression de fraîcheur pour le fan comme celui qui voudrait s'initier au groupe est toutefois franchement prenante, ce qui donne à ce premier disque un charme indéniable.

Bref YES compense son professionnalisme à venir (sur un peu tous les plans) par un disque rock honorable et franchement bien foutu pour ce qui s'agit d'être une première œuvre. Et s'il y a encore du chemin à parcourir, le saut de géant va s'effectuer justement au prochain album...


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(1) A l'occasion de la lecture et relecture du livre de Aymeric Leroy consacré au groupe (que je chronique également ici), autant vous prévenir d'ailleurs qu'il y aura pas mal de chroniques de YES sur RiP suite aux nombreuses réécoutes passionnées.

(2) Yes sort son premier album le 25 juillet 1969 contre le 10 octobre de cette même année pour le roi pourpre de Robert Fripp.

(3) Le morceau de base, folk-rock, est déjà très bien : https://www.youtube.com/watch?v=MuSsXlNw7TA … En le reprenant, YES fait preuve non seulement d'un grand respect de la structure de base tout en essayant de l'emmener dans une direction inattendue et fort plaisante également : https://www.youtube.com/watch?v=LPKp4lLLMu4 )

(4) Il se consolera plus tard où libéré tant de YES que King Crimson, il fondera son groupe de jazz-rock pour un résultat franchement assez sympa d'ailleurs.

(5) La reprise donc d'un titre du groupe de David Crosby et McGuinn est dès lors plus qu'évidente. De même pour celle d'un titre des Beatles sur ce même disque.

(6) Instrument d'ailleurs un peu plus utilisé dans le Jazz. Bobby Hutcherson et Milt Jackson y firent des merveilles.

(7) Très mauvais choix stratégique d'emblée puisque ce fut un flop intégral.



dimanche 3 octobre 2021

Parce que nous sommes du soleil : "YES" par Aymeric Leroy

 



« Au delà de l'originalité que constitue l'abandon total des carcans pop au profit de formes systématiquement longues, « Close to the edge » se singularise, musicalement, par l'utilisation et l'appropriation d'éléments de vocabulaire encore largement inusités en rock à l'époque, principalement apportés par Steve Howe et Rick Wakeman ».
(p.110)

Né en 73, Aymeric Leroy s'est très vite penché sur le rock progressif. On pourra même dire qu'il est tombé dedans à l'instar d'Obélix dans la marmite de potion (rock) magique. Auteur de nombreux écrits chez l'éditeur Le mot et le reste, il est également reconnu comme un spécialiste de ce qu'on a appelé « L'école de Canterbury » (à tel point d'avoir crée un site de référence malheureusement plus mis à jour) soit une des plus raffinées franges du rock progressif britannique qui emprunte également aux influences jazz et à l'avant-garde et dont un certain Robert Wyatt, légende vivante, fait partie.

Notre auteur se penche ici sur le groupe de rock progressif anglais, YES.
Et pour le fan du groupe que je suis, autant dire que c'est à proprement parler un vrai régal. Toutefois sachons faire preuve d'objectivité un peu : si le livre se révèle véritablement passionnant et riche de bout en bout il n'est pas parfait. Bien sûr on chipotera toujours sur des détails ça et là mais bon, autant dévoiler le tout franco non ? Surtout qu'ici il y a très nettement plus de positif que de négatif au point que je recommande d'emblée l'ouvrage à tous passionné du groupe avant même que la chronique ait débuté !

Déjà la richesse de l'ouvrage surprend agréablement.

Leroy s'est plus que documenté, cite ses sources, allant même jusqu'à interviewer longuement en 2009, Jon Anderson le mythique chanteur de l'entité bicéphale aux multiples batailles d'égos, batailles que l'écrivain, humblement et sans juger ni blâmer évoque régulièrement au sein des 347 pages que compte ce gros ouvrage. 

Car oui, l'histoire de YES n'a pas été à proprement parler un long fleuve tranquille et n'importe quel fan un peu au courant vous en parlera, ça se ressent même depuis la genèse et l'écoute finale d'une bonne poignée d'albums. YES ça aurait pu s'appeler par moment « LOVE & HATE », voire même « NO » pour reprendre la boutade initiale d'un Anderson qui créera le temps d'un album avec d'anciens membres du groupe alors, le « Anderson Bruford Wakeman Howe » en 1989, entité crée en réaction avec le YES du moment des 80's (où Anderson était d'ailleurs lui-même dedans 2 albums avant!). Album que Leroy n'oublie nullement de même que la tournée des disques solos de chacun des membres en 75 après l'indépassable météore de granite noir taillé façon monolithe insurpassable Kubrickien qu'est l'album « Relayer », sorti en novembre 74.

Presque tout est évoqué : l'avant YES par le biais des parcours et de la rencontre de ses deux créateurs initiaux, Chris Squire (basse) et Jon Anderson (chant) ainsi que leur vision musicale ; l'intégralité de la discographie jusqu'à une date très récente (« Heaven and Earth » (2014) est ainsi cité et l'on évoque même la version « alternative » de « Fly from here » (2011) à paraître en 2016 dans le livre et qui ne sortira finalement en fait qu'en 2018) avec à chaque fois donc plusieurs pages sur la création de chaque album sans oublier les périodes de parenthèses du groupe et même un chapitre final sur les albums live que ce soit purement audio ou visuel, des compléments annexes, un récapitulatif chronologique des diverses périodes. Et comme souvent avec les livres de cet éditeur, de belles photos des pochettes et des photos des membres du groupe à telle et telle période.

Sans compter que les paroles (qu'on a souvent jugées purement ésotériques) de Jon sont amplement décortiquées, de même que l'aspect purement technique de la musique, et ce, en restant toujours clair et sans jamais perdre son lecteur dans un jargon trop compliqué (surtout pour la grande majorité de passionnés non musiciens qui liront l'ouvrage), bref, on touche tout bonnement au sublime et je ne peux que saluer une nouvelle fois tout le travail de Leroy, véritablement « roy » en ce royaume (1).

Bon, évidemment la perfection n'existe pas en ce bas monde (2).

Et s'il est évident que Leroy se concentre grandement sur l'âge d'or du groupe, les années 70 bien sûr, il est un peu dommageable que passé cette décennie magique, on ait l'impression que l'auteur ne veut pas forcément s'attarder sur pas mal d'albums qui viennent, réduisant et l'analyse, et les anecdotes musicales. 

Qu'un « Fragile » ou « Close to the edge » (reconnu comme l'un des meilleurs albums de rock progressif, à juste titre) aient 10 et 12 pages recto-verso (soit 20 à 24 pages), c'est normal bien sûr. Vu la richesse inépuisable de ces disques et leur inscription à ce titre plus qu'historique dans le paysage rock de l'époque comme d'aujourd'hui, c'est bien sûr même essentiel je pense. Que l'auteur ne laisse que 2 pauvres pages sur « The Ladder » (1999) et « Magnification » (2001) me semble bien triste. Non pas qu'il faille juger dans la qualité de rendement du nombre de pages par rapport à tel ou tel disque attention, mais plus dans le statut accordé finalement au ressenti de tels disques surtout quand Leroy juge avec sincérité ce dernier, je cite, « l'un des meilleurs albums réalisés par Yes après son âge d'or » (p. 310). Ce que j'approuve également personnellement.

Alors bon ? Oui, cela pourrait passer pour un brin de chipotage à première vue. Cela l'est moins si l'on resitue le contexte de la subjectivité qui nous est tous propre. Pour ma part, je n'ai ni grandi dans les 50's, 60's ou 70's et j'appartiens à une décennie de plus de celle de Leroy. J'ai grandi dans les 90's avec non seulement l'apport culturel de l'époque mais aussi celui que m'a apporté mon popa (Pink Floyd, c'est lui qui m'a fait découvrir). J'ai donc découvert YES aussi bien dans leurs 70's que leur dernière période, le tout côte à côte alors que naissait l'Internet et ses fantastiques possibilités de liberté (du moins à l'époque, et ce même si les premiers modems étaient franchement limités). Et de même que j'allais pas mal emprunter en médiathèque (aussi bien en disque qu'en films ou BDs), j'en profitais aussi avec le net (3).

J'ai donc pu découvrir YES de chaque côté selon une même chronologie étalée et mise à plat et non dans une évolution assidue et suivie où j'aurais par exemple acheté chaque vinyle le jour de sa sortie. Du coup bien sûr avec le recul j'ai bien vu que les albums des 80's et surtout 90's et 2000/2010 de YES n'avaient bien évidemment pas tout le potentiel des 70's, leurs auteurs eux-même ont changé, vieilli, se sont adapté ou pas. C'est normal d'ailleurs. Mais quand même. Il est donc dommage après coup de voir la portion de qualité rédactionnelle de l'auteur se limiter à ce stade sous prétexte que la musique aurait moins de force dans ces périodes (le comparatif entre l'âge d'or de Yes et ce qui a suivi est évident, pas besoin d'avoir fait bac+15, merci) quand bien même on y trouve pourtant de fort belles choses qu'il serait bête de passer à côté.

Un autre détail qui a son importance, la restitution des critiques de l'époque, c'est à dire l'approche des journalistes musicaux et parfois du public de tel ou tel album au moment de sa sortie (ce que l'on peut judicieusement apercevoir dans les livrets des éditions deluxe des remastérisations des albums de King Crimson tiens). Cela est parfois mentionné vite fait (surtout pour des albums qui peuvent par exemple être "problématiques" (notez les guillemets) au sein des 70's dorés comme « Tormato » et « Tales from topographic oceans »), le reste du temps on en sait pas plus si ce n'est par le biais des charts musicaux US et UK. 

Or je n'aurais pas dit non de temps en temps à un retour du Melody maker (4) sur « Close to the edge », à celui de Best ou Rock & Folk (5) sur un « Going for the one », voire du NME (4) sur « 90125 ». Je demande pas grand chose hein, une petite coupure de presse, une citation de quelques lignes... la somme de travail de l'auteur est déjà énorme et passionnante comme ça hein, mais on aime bien toujours en avoir plus à ce stade.

Voilà, voilà, quelques points de détails qui ne changent pas vraiment la donne, à savoir que cet ouvrage se lit comme un roman et s'avère donc indispensable pour tout fana du groupe.

Amis lecteurs intéressés, vous savez ce qu'il vous reste à faire...


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(1) Oui bon, j'ai pas pu m'en empêcher, pardon.

(2) Si, si. Toi là au fond d'ailleurs, range moi cet énième « Hot Rats » ou « Dark side of the moon » qui dépasse de ton sac, même si nous savons qu'ils sont parfaits. :)

(3) Mais qui ne l'a pas fait à vrai dire ? Et qui ne le fait pas encore aujourd'hui hein ?

(4) Magasines musicaux de la sainte Albion. Le NME exista de 1952 à mars 2018 pour sa version papier. Le site internet existe encore aussi. Plus ancien, le Melody Maker exista de 1926 à 2000, signant par sa fin également la fin d'une certaine époque musicale notamment une partie des mouvements musicaux nés dans les années 90 qui ne passèrent pas vraiment les années 2000 comme le grunge et la britpop (qui ont survécu plus ou moins d'une certaine manière) et surtout le shoegaze qui a toute mon affection. Une partie des journalistes du MM trouva cependant refuge chez le NME.

(5) Magasines musicaux français du coup. Best exista de 68 à 2000. Rock & Folk, lancé en 66 est toujours parmi nous.


samedi 25 septembre 2021

L'orgue divin : Yes - Going for the one (1977)

 



"L'expression "Going for the one" est une nouvelle création Andersonienne dont il a sûrement apprécié la multiplicité de sens possibles : "se rapprocher de l'Unique", sous-entendu de Dieu, ou tout simplement "viser la première place" dans un contexte sportif. Mais que le second sens corresponde aux paroles de la chanson n'invalide pas nécessairement le premier à l'échelle de l'album, d'autant que "Going for the one" ne s'en tient pas à un sujet unique (...)."

(Yes - Aymeric Leroy, Le mot et le reste, p.191)


Bon, ça démarre mal.

Déjà là cette pochette avec ce fier bipède et son postérieur en milieu urbain, c'est pas possible.
Non c'est pas possible, crédieu.

Remplacer les sublimes oeuvres que Roger Dean avait à chaque fois peintes pour les pochettes des disques du groupe par un travail inédit de Storm Thorgeson s'avérait pourtant un deal appréciable. Dark side of the moon et son prisme lumineux sur fond noir pour Pink Floyd ? C'est lui. Le visage qui fond de Peter Gabriel sur l'un des premiers disques solo de l'archange Genesien ? Encore Storm. Les automobilistes encapuchonnés de rouge de The Mars Volta ? L'oeil de Dieu narguant Caïn dans le désert sur le Bury the Hatchett des Cranberries ? Cette poignée de main enflammée sur Wish you were here ou les statues de The Division Bell ? Toujours lui.
Une institution le regretté Thorgeson.

Bref, ça s'annonçait une affaire en or.

Beh non.

Comme quoi l'inspiration parfois, "quand ça veut pas, ça veut pas" (reprendre ici la voix d'une marionnette télévisuelle).

Pourtant je ne suis pas difficile visuellement en terme de postérieurs. Si ça se trouve je suis sûr qu'un petit coquin ou une petite maligne s'est amusé-e à compiler des pochettes de nus sur le web pour le plaisir des yeux (indice : ah ben oui). Mais voilà, ici le travail sur la composition & la structure de l'image tombe un peu comme du déjà vu.

En gros ça donne ici : L'oppression de la nature mise à nu de l'humanité face à un monde galopant de plus en plus à sa perte avec ses immeubles qui poussent aussi vite que les morilles que cultivent les hobbits ? (Il faut le dire très vite. Tiens je vais le mettre en italique). Mouais. Ok.

Bon les immeubles sont sympas, j'aime bien la façon anguleuse dont ils sont découpés : Il s'agit effectivement de montrer visuellement l'agressivité de la société consumériste actuelle. On pense donc à des dents voire des pointes ou piques et en soit, l'idée fait son chemin en effet.

Néanmoins au premier regard, cette pochette ne me parlait pas. 

Et je suis sûr que pour tous les passionnés de YES, ça a dû être sensiblement la même chose. Et une bonne pochette de disque comme une bonne couverture de livre ou une belle affiche c'est déjà 50% du travail de séduction de l'oeuvre normalement.

On m'objectera que je tiens un discours un brin matérialiste, oui je m'en rends compte, pardon. Mais je suis de la vieille école moi, même avec mes mp3, j'aime bien aussi avoir l'objet disque (cd ou vinyle) dans mes mains.

Et si vous m'avez lu jusqu'ici, bravo. Je vais vous récompenser, évoquons le disque maintenant.

Et pour la petite histoire telle qu'elle est révélée par Aymeric Leroy dans son livre et validée également par plusieurs spécialistes, la pochette est en fait un choix dû à Jon Anderson qui repousse de côté les propositions du pauvre Roger Dean qui s'était déplacé de lui-même en Suisse, à Montreux (là où YES va enregistrer l'album) sous prétexte un peu rancunier que Dean n'était pas disponible quand il a fallu créer une illustration de pochette pour Olias of Sunhillow, le premier album en solo de Jon, l'année d'avant, en 1976. Bigre Jon, c'est pas bien d'être rancunier comme ça, c'est un coup à te plomber YES, et ça s'arrangera pas sur l'album d'après d'ailleurs...

Et donc, la musique alors.

Bon, à vrai dire, là aussi ça démarre mal.

Comme le révèle Aymeric Leroy dans son livre consacré au groupe, Going for the one amorce un tournant dans l'histoire du groupe. En 1977 et même si cela ne se ressent pas encore (cela le sera plus sur Tormato, l'album d'après), les maisons de disques commencent à faire pression et via les radios on demande des titres raccourcis. Si YES chez Atlantic a été un cador monstrueux du rock et a dégagé pas mal de royalties (à tel point que Jon Anderson abordera par exemple très vite un style de vie un brin luxueux au grand dam des finances du groupe), comme beaucoup de groupes, son temps est un peu compté et on va lui signifier très vite que refaire des disques comme Close to the edge voire les complexes Tales from Topographic Oceans ou Relayer, ça va passer un peu moins bien. Sans compter que le punk déboule à ce moment, sauf que pour l'instant vis à vis des gros groupes et surtout ceux du rock progressif ce n'est certes pas encore un problème. Le premier album des Clash par exemple n'est paru qu'en avril de cette même année 77, quelques mois à peine avant Going (7 juillet 1977).

Toujours est-il que le claviériste Patrick Moraz parti, Yes se cherche à nouveau et prend l'option de demander à Wakeman de revenir tout en lui assurant revenir à une musique plus mélodique, le claviériste de la seconde mouture du groupe ayant en effet jamais caché son énervement envers le Tales from Topographic Oceans de 73, inutilement complexe, confus et trop long à son goût, au grand dam de Jon, Steve et Chris. Going va être également le moyen pour Yes d'aborder en douceur un début de virage vers une nouvelle peau, à mi-chemin de la tradition rock prog du groupe et de la modernité sonore qui se profile dans les 80's (on ignorait alors que quelques années plus tard les années 80's prendraient une direction hélas trop clinquante et lisse). Et Leroy d'analyser le disque en le scindant en deux parties : une première face qui va dans de nouvelles directions, une seconde plus raccord avec le YES que tout le monde connaît alors.

Going for the one en ouverture est une espèce de rock-country-pop taillé pour du single.

 Quand on connaît ce qui a précédé de Yes, ça fait un peu mal au début. C'est pas dégueu en tant que fan du groupe mais y'a mieux. D'ailleurs ça s'arrange tout de suite après avec les 7mn58 de Turn of the century où le groupe produit un titre serein, planant avec des envolées de douceur et de magie sur fond de texte romantique évoquant le passage du temps (au sein d'un couple ? Dans la vie ? Cela reste abstrait et tant mieux).

Like leaves we touch, we see
We will know the story
As Autumn calls we'll both remember
All those many years ago

Puis déboulent les 6mn de Parallels

Un titre rock grandiloquent avec de l'orgue qui pourra en freiner certains, en faire pogotter d'autres. Pour ma part, ce titre un peu redondant m'a toujours filé une sacrée banane.

Wonderous stories est une petite balade mignonne taillée dans un écrin sonore qu'on veut similaire au travail sonore sur Turn of the century sans forcément y parvenir à nouveau. C'est surtout une petite chanson made in Jon Anderson, jamais vraiment sorti du monde des hippies, les papillons, les fleurs, les arcs-en-ciels, les poneys qui chient des comprimés de valium, tout ça.... Oops, je m'égare.

Et puis il y a la dernière piste.

Awaken la fabuleuse (ça fait très héroïc fantasy ce que je bredouille).

Gros morceau de 15mn où le groupe travaille clairement une composition basique en progression (On est pas dans la prise de risque constante comme avec l'album Relayer juste avant) mais toujours en surprenant, fascinant de bout en bout. Gros morceau de magie.

Cela commence avec des notes de piano complètement cinglées (Rick Wakeman est dans la place) avant qu'une ambiance planante s'installe où le chant de Jon Anderson se pare d'échos. La dramaturgie se met en place. Des accords de guitare électrique font tomber le rideau tandis que les voix en choeurs et la batterie entament un parcours de combattant. Ça monte, ça défouraille, la basse appuie en bouclier le tout. Puis ça s'emballe magnifiquement. Et ça repart de plus belle. Sortez les épées, armez les lances, en formation. Wakeman ressort même l'orgue (un vrai orgue d'église vu que c'est enregistré directement avec celui de l'église St Martin de Vevey en Suisse, mazette), c'est dire.

Puis soudain tout semble se suspendre à 6mn30.

Des notes de harpes résonnent dans un grand vide comme si nous observions une large plaine avec juste les ombres des nuages passant lentement au sol.

Puis l'orgue, joué comme dans une église cette fois, va appuyer délicatement la mélodie à la harpe d'Anderson. Un passage contemplatif du plus bel effet.

Puis tout monte lentement. La mélodie reprend mais la magie reste.

Le morceau se termine par une coda à l'orgue avec tous les instruments ensemble dans une apothéose à la YES puis la voix de Jon Anderson seule dans l'éther comme au début...


Alors ? Mineur Going for the One ? Que nenni. Avec les deux plus longs morceaux qui frôlent l'excellence et d'autres à peine "très bons" (c'est dire le niveau hein), YES réussit à nouveau là un coup de maître. Et dire qu'on avait frôlé la catastrophe...


vendredi 25 décembre 2020

YES : Close to the edge (1972)


1972 : Yes, album après album, arrive enfin à son apogée, atteint sa maturité et livre avec ce cinquième disque son meilleur album, son chef d’œuvre. 

Ce « Close to the edge », est en effet tout simplement un must du rock progressif (selon moi dans le top 5 du genre, sans aucune hésitation), rarement égalé dans un style où les oeuvres de qualité sont pourtant nombreuses.


Je ne suis pas un fan absolu de Yes même dans sa période "progressive" ; si j'adore certains albums, il y en a que j'aime moins voire pas du tout (par exemple j'aime bien « The Yes album », « Fragile » ou « Relayer » mais pas trop « Tales from topographic oceans »).


Disons ouvertement que globalement je préfère Van der Graaf Generator, King Crimson et Genesis mais ces groupes bien que tous soient qualifiés de prog' sont issus d’ “écoles” pas forcément identiques (folk, jazz, classique, pop..) et ont clairement des influences différentes ; par exemple pour Yes la filiation avec la musique classique est évidente. 

Toutefois je ne vais pas parler technique ici, c’est évidemment de haut niveau, chacun en conviendra avec de tels musiciens, mais plus de ressenti et des impressions que m’ont donné les écoutes du disque.


C'est sur cet album qu'on retrouve la formation « classique » de Yes à savoir Anderson, Squire, Bruford, Wakeman et Howe, c’est à dire sans doute la meilleure formation du groupe. 


On remarque tout de suite la voix exceptionnelle de Jon Anderson et l'excellent travail de Rick Wakeman au clavier/synthé (ah l’orgue sur Close to the edge, magistral, grandiose, tout simplement monumental !). 

Si l'on parle souvent, à juste titre, des prouesses d’Anderson ou de Wakeman moi ce qui me marque et ce dont je voudrais parler et mettre en avant c’est avant tout la basse titanesque de Squire, à la fois pesante et virevoltante, pleine de contrastes et qui donne plus que jamais le tempo aux compositions. 


 « Close to the edge “ dure environ 37 minutes, répartis sur trois titres (deux de 10 minutes environ et un qui occupe toute une face), tous trois tout à fait typique du rock progressif du début des années 70.   

Le titre phare est bien sur « Close to the edge » 18 minutes magnifiques, morceau qui alterne les ambiances et où les différentes parties s'enchaînent sans fausse note, où les thèmes musicaux s’articulent à merveille, de façon très cohérente, avec aussi quelque chose de poignant qui se dégage de ce titre, quelque chose de majestueux que seuls la Nature et les Arts peuvent nous léguer...mais les deux autres titres sont loin d'être des faire-valoir soutiennent malgré tout sans problème la comparaison, notamment "And you and I". Le tout avec une certaine diversité rythmique.


Je ne trouve pas les morceaux ennuyeux ni même pompeux (reproche qu'on fait souvent à Yes), en tout cas nettement moins pompeux que « Tales from topographic oceans » un des autres albums importants de Yes ou que certains disques de E.L.P le groupe pompeux par excellence ! Si “Close to the edge” a un côté “pompeux” disons que cela ne me gêne pas alors qu’en général un trop plein de grandiloquence peut vite me sembler pénible et me rebuter mais là quand on évalue le niveau des compositions et la technicité, le résultat final est grandiose car la beauté de l’œuvre se trouve à la fois dans sa globalité mais aussi dans ses prouesses musicales et vocales.


La musique est complexe bien sûr au niveau des compositions mais malgré tout assez épurée (par rapport à Genesis de la même époque par exemple).  Comme tous les grands groupes Yes a un style et un son propres et reconnaissables très rapidement. 
L 'atmosphère du disque a certes un côté “cool” et planant mais c’est surtout somptueux, d'une grande beauté. L’impression parfois de voguer vers des univers et des contrées inexplorées, l'impression de faire un voyage dans un monde de merveilles et de pureté (mot qui caractérise parfaitement l'ambiance du disque je trouve), presque comme dans un rêve. 

Juste dommage que la pochette ne soit pas du même calibre que celles des albums qui vont suivre.


Un album à couper le souffle donc et qui restera l’un des plus beaux disques de "rock", au sens large, jamais enregistrés, un des grands moments de l’âge d’or du prog’, culminant à son apogée, à son zénith, avant son déclin à partir de 1973/74. Osons le dire, quelque part « Close to the edge » représente la quintessence même du rock progressif.