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samedi 13 avril 2019

Edito - Disquaire day en marche vers un cauchemard commercial





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Samedi 13 avril 2019 c’est le Disquaire Day, événement marketing qui permet de refourguer des fonds de tiroirs à plus de trente balles, sous prétexte que l’on a teint les vinyles en vert, rouge, transparents … Il n’y’a même pas dix ans, tu pouvais te faire une foire aux disques, et repartir avec Who’s next sous le bras pour une bouchée de pain, mais cette joie nous est confisquée aujourd’hui.

Bon, j’exagère un peu, on aura quand même droit à des lives exclusifs d’Iggy, de Janis Joplin ou encore de Sly et sa famille stone. Mais même là une chose me dérange un peu : l’âge moyen des artistes proposés.

On ne doit pas être loin des 50 ans, et, quand une jeune artiste rock sort de cette sélection poussiéreuse, c’est Beth Hart qui est choisie. Je n’ai rien contre la chanteuse (qui par ailleurs a sorti un live somptueux cette année), mais ce n’est pas avec elle qu’on va faire découvrir de nouveaux sons à un public audiophile ! Non, en fait, cette sélection semble pensée pour satisfaire les vieux rockers nostalgiques, qui ont les moyens de mettre plus de trente euros pour se procurer une de ces « perles ».

On en revient ainsi à la même situation que celle qui a conduit à la mort des disquaires, mais avec le procédé inverse. A l’époque des disquaires, les grandes chaînes ont joué sur les coûts,cassant les prix pour assassiner la concurrence de petits commerçants incapables de suivre. Aujourd’hui, ce sont les petits commerçants qui prennent leur revanche, surjouant leur rôle d’experts, en appliquant des cotes délirantes, pour convaincre le chaland de la valeur de ses précieux produits.

Le problème est que la concurrence en question a lâché la rampe, les supermarchés ont vidé leurs rayons disques, et seul le Furet et la Fnac représentent encore une concurrence crédible pour le disquaire indépendant. Et encore, quand on sait que la Fnac a fusionné avec Darty, on se doute que son but n’est pas vraiment de développer son offre musicale. On peut d’ailleurs mettre tous les vendeurs actuels de disques dans le même sac car ils n’hésitent pas à utiliser le même procédé.

 La cupidité : voilà le mal qui a toujours rongé ce don du ciel qu’est la musique enregistrée, et qui risque bien de tuer la poule aux œufs d’or pour la seconde fois.Cupidité du consommateur d’abord, celui-ci préférant le plus souvent télécharger des milliers de titres qu’il n’écoutera jamais, plutôt que de mettre de l’argent dans un disque qu’il écouterait plus attentivement. 

Car, comme le disait si bien Johnny Rotten « Si les gens n’achetaient des disques que pour la musique, il y a longtemps que celle-ci serait morte ». Pour réellement s’attacher à une œuvre, l’auditeur a besoin du support physique. Le vinyle, ou le CD, demande du soin, de l’attention, et propose souvent une œuvre plus complète. Peut-on imaginer Sergent Pepper, Trout Mask Replica ou encore le premier Led Zeppelin sans leur célèbre pochette ? Voilà pourquoi les disquaires sont essentiels, mais ils ne valent guère mieux que les entreprises vénales qui causèrent jadis leur perte ; et c’est ce que montre le Disquaire Day avec ses prix impressionnants et sa sélection clairement dirigée vers un public déjà conquis, voire fanatisé.

Pourtant, il y a bien une place à prendre ! Il suffit de chercher Ty Segall, Green Seagull et autres groupes récents, mais peu promus sur les plateformes de streaming, pour s’en rendre compte. Même le petit robot espion, lancé en grande pompe par Amazon(et dont je ne citerais pas le nom pour éviter de faire de la pub à une invention orwellienne*), n’est pas foutu de me jouer les titres des groupes précédemment cités. Mais comment lui en vouloir quand, lorsque je cours vers mon disquaire pour trouver mes oasis musicales, le mec me dirige plutôt vers les Stones et autres Who, et que je ne peux que me rabattre sur les plus vendus Bonamassa et autres stars du rock à papa** ? Voyant mon dépit, le bonhomme me propose de commander, mais vu la cote il ne l’aura pas à moins de trente euros…

Alors je rentre, me précipite sur un vendeur en ligne bien connu, et achète les versions CD pour 20 euros de moins, ce qui représente tout de même le prix d’un vinyle avant qu’il ne devienne à la mode… Le grand public lui, dira tous simplement merde à ces marchands du temple, et sautera sur son abonnement Deezer. Et voilà comment on empêche le rock, mais aussi toute autre musique ambitieuse de survivre.

Car, on le sait bien, que ces plateformes ne permettent pas aux artistes de vivre, et ce n’est pas l’obsession de quelques défenseurs du support physique qui va sauver la barque, la masse a toujours raison car elle est nombreuse.

Alors, je rêve d’un vendeur qui reprendrait la philosophie de Virgin, et qui se mettrait à casser les prix, pour rendre le CD et le vinyle au peuple, et ainsi redonner une dignité aux artistes. Voilà pourquoi, comme chaque année, je bouderai le Disquaire Day, au profit d’un affreux représentant du grand capital. Faut pas déconner !

* Il se trouve que l’enceinte, qui vous permet d’avoir accès aux titres que vous voulez en parlant à une enceinte ultra-moderne, écoute aussi TOUS vos échanges. On a ainsi appris que des employés d’Amazon ont pu se rincer les oreilles pendants leurs horaires de travail. Une info qui risque de ravir les exhibitionnistes !

**Je n’ai rien non plus contre Bonamassa, mais ce n’est pas lui qui va révolutionner notre musique préférée.