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mercredi 20 octobre 2021

Nouvelle rock : Au delà du blues partie 7

 


Le lendemain, Albert se mit à écouter une série de disques psychédéliques. La plupart des groupes passant sur sa chaine étaient californiens. Cette scène était marquée par deux tendances : la première, influencée par l’œuvre de Mike Bloomfield, revendiquait son héritage blues, tout en le remodelant à coups d’improvisations planantes. Cette tendance fut magnifiquement représentée par des groupes comme Big brother and the holding compagny et Quicksilver messenger service. D’un autre coté, d’autres musiciens semblaient tout faire pour faire oublier cette influence originelle, comme si le blues fut le symbole d’un passé honteux. Country Joe and the fish parla de « musique électrique pour le corps et l’esprit » , Grateful dead fuyait ses influences dans de grandes improvisations. Pour certains musiciens, le LSD devait permettre de dépasser tout repère, de faire du rock l’expression la plus spontanée du génie humain. Au-delà de la Californie, des groupes comme 13th floor elevator et Captain Beefheart ne firent rien d’autre.

Pour clôturer sa série d’écoutes , Albert sortit le premier album d’un groupe nommé Cactus. Plusieurs de ces musiciens avaient participé à la formation de Vanillla fudge , formation sonnant un peu comme le Cream de Disraeli gears. On sentait alors, en écoutant leur version de Eleanor Rigby , une volonté de sortir du chemin tracé par le psychédélisme. Mais la guitare de Vince Martel eut beau hurler comme un loup un soir de pleine lune, la production trop banale émoussa le tranchant de son riff. Albert sortit donc l’album d’une pochette représentant un cactus en forme de phallus. L’aiguille avait à peine touché le sillon, qu’il entendit la batterie poser les rails incandescents sur lesquels la guitare put lancer ses solos, l’harmonica venant rapidement imposer une ambiance digne des tripots de Chicago. Le blues originel était derrière chacun de ces riffs, il suintait de chaque hurlement viril, prenait une ampleur démentielle le temps de tonitruants solos de guitare.

Même le Led Zeppelin des débuts ne fut jamais aussi proche de ses modèles, il voulait au contraire s’en éloigner progressivement. Cactus se contente de jouer le blues le plus puissant et agressif, en abandonnant le psychédélisme ses musiciens trouvèrent enfin la voie que Vanilla fudge cherchait en vain. Comme pour calmer un peu les ardeurs de musiciens chauffés à blanc, la ballade My lady from south Detroit semblait concurrencer le gospel classieux de Don Nixx. Ces musiciens ressemblaient aux gardiens d’une tradition perdue, leur musique fut le cri d’un mojo qui refusait de mourir ou de se décomposer.  Après les décollages psychédéliques des mois précédents, Cactus ramenait le rock sur la terre ferme. Blues paysan, Bro bill chante d’abord l’éloge d’un swing ancestral. Le rythme s’emballe de nouveau sur You can’t juge a book by the cover , mais reste accroché au swing des grands anciens.

Un disque comme ce premier album de Cactus montrait que le rock était revenu de ses utopies acides, qu’il se nettoyait désormais l’esprit à grands coups de heavy blues. Une telle révolution ne put venir que du berceau de l’aliénation planante. Il fallait donc qu’Albert aille s’en rendre compte lui-même.