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samedi 9 octobre 2021

L'Automne à ta porte : William Sheller - Ailleurs (1990)

 



Univers a été bien reçu.
Près de 300000 exemplaires vendus pour un disque d'or.

La confirmation qu'il y a un public qui peut suivre le musicien et valider des créations encore plus exigeantes qui sortent des sentiers battus. Sheller se sent du coup pousser des ailes et confirme la direction prise en allant encore plus loin. Ailleurs sera un album épuré avec juste sa voix, un piano si il y a besoin, une guitare... parfois. Et surtout un quatuor de cordes aux arrangements magnifiques. Comme le titre l'indique ouvertement, l'artiste choisit d'orienter tout l'album vers un certain "ailleurs", assez fascinant au final.

Les musiques s'étirent (les 8mn du « Témoin magnifique » et de « La Sumidagawa »), une bonne partie des autres titres font généralement 6mn), l'artiste prend le temps de poser sa voix, n'apparaissant en poète chantant qu'au bout d'un moment, préférant laisser l'ambiance s'installer lentement. On le repère ainsi à 3mn50 sur « Le témoin magnifique » quand à « La Sumidagawa », il ne prend son chant qu'à 3mn10. 

Et à chaque fois l'artiste construit de véritables paysages sonores. Certes ce n'est pas un album cette fois avec un hit possible d'amadouer le public comme parfois certaines de ses précédentes œuvres, on est même ici dans l'anti-commercial revendiqué. Sobre et intimiste. Ailleurs, donc. Mais même si c'est épuré, ça n'est en fait jamais austère. Et quand bien même il y a des compositions à nouveau où il nous épate à fond.

Déjà appeler une chanson « Excalibur », il faut l'assumer.

Mais le pire c'est justement qu'il le fait. 

Cors, hautbois, bruits de chevaux, rythme énergique, chœurs exaltés et texte à résonance chrétienne qu'on jurerait écrit au Ve ou VIe siècle et remanié juste ce qu'il faut au XXe siècle pour laisser planer une légère note d'ironie ou de critique.

"Il a fallu tant de terre
Pour y creuser tant de lits
Que des montagnes entières
Ne nous ont pas suffi,
Parce qu'il vous fallait tant de pierres
Pour faire des églises jolies
Où l'on chantait votre lumière
Où nous nous sentions si petits..."

Une vraie prouesse lyrique de bout en bout avec à l'époque même un clip signé par le dessinateur Philippe Druillet. C'est dire la démarche poussée très loin dans sa logique de nous emmener véritablement ailleurs... Et quand on connaît le style "science-fiction apocalyptique" de celui qui signe les épopées space-opéra complètement rock de Lone Sloane tout comme une adaptation "Heavy-metal" du Salammbô de Flaubert, ça déménage, assurément. Un ovni clairement de plus dans la carrière de Sheller donc (1).

« La sumidagawa » n'est pas en reste non plus avec sa fresque aux influences orientales. Ni les autres titres en fait. Un album important dans la chanson française, qui prend toute sa force dans les moments mélancoliques, à l'hiver ou à l'automne de par ses tons mélodiques gris-beige et ocre...


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(1) Matez-moi ça ici pour être dans une hallucination pas possible : https://www.youtube.com/watch?v=b6sWcUZh-zc