Rubriques

Affichage des articles dont le libellé est Nico. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Nico. Afficher tous les articles

jeudi 26 novembre 2020

LIVRE : James Young : Nico - the end


Une fois n'est pas coutume sur Rock In Progress une chronique bouquin et plus précisément sur Nico.

Le livre sorti en 1993 n’a été traduit en français qu’il y a seulement 2 ou 3 ans. 
Peut-être que le nom de Nico ne signifie t-il plus grand-chose même aux amateurs de musique pop, surtout aux plus jeunes ; en tout cas elle ne fait plus recette, comme tombée dans l’oubli. 
« Nico – the end » a donc été écrit en 1993 par James Young le pianiste du groupe qui a accompagné Nico lors de sa longue et même interminable dernière tournée, tournée qui est le véritable fil rouge du livre. 


Et James Young montre indéniablement un talent d’écrivain assez incroyable, maniant l’humour et l’autodérision avec brio. 
Nico (de son vrai nom Christa Päffgen) est, pour ceux qui ne le saurait pas, une ex actrice, mannequin, égérie et muse de la Factory d’Andy Warhol, chanteuse du Velvet Underground (notamment sur le premier album – celui à la banane – où elle participe à quelques titres), un mythe des années 60/70. Mais Nico à l’orée des années 80 est tout simplement devenu has been, une icône déchue car tombée dans la drogue et la déchéance, une artiste qui ne fait plus recette à l’aube des eighties. 
Un bouquin à la fois triste (la déchéance, la came), et drôle (la façon dont l’auteur parle de ce groupe de « bras cassés » qui semble plus proche des pieds nickelés que d’un vrai groupe de rock professionnel). Une bande de zonards/marginaux /junkies, accompagnant l’ancienne diva ne pensant plus qu’à se payer sa dose. Une descente aux enfers très rock’n’roll. 
Le récit de l’intérieur d’une tournée chaotique d’une ex star de la pop. 


Cette biographie se concentre sur les dernières années de Nico, mais plus qu’une véritable biographie c’est davantage d’un document ou d’un livre témoignage qu’il faudrait parler. 
Tout débute à Manchester au début des années 80 lorsqu’ un manager plus que bizarre, « Docteur Demetrius » (faux docteur mais vrai filou, personnage tellement haut en couleur, loufoque et extravagant, comme il y en avait tant dans les années 70, qu’il vole presque la vedette à Nico) décide de s’occuper de la chanteuse allemande et d’organiser une tournée pour elle avec des musiciens qu’il connaît et qui sont loin d’être des pointures, plutôt des losers, 

tous plus ou moins toxico eux aussi, une tournée de plusieurs années, des concerts souvent minables dans des petites salles, devant une poignée de spectateurs, dont certains ne connaissant rien de la chanteuse, les concerts se présentant en général en deux parties, la première avec le groupe et la seconde avec Nico seule avec son harmonium.
On y côtoie ainsi tout un univers interlope, de paumés, véritable mosaïque de l’underground, monde peuplé de gens tous aussi « bizarres » les uns que les autres, chacun à leur façon, dans leur style. 
Et bien sûr Nico, junkie notoire, vaporeuse, insondable, mystérieuse, sombre, énigmatique, qui accepte ce groupe et ses concerts minables pour pouvoir se payer ses doses mais qui malgré tout possède toujours une voix sublime, grave, envoûtante comme venant d’outre-tombe. 


Un personnage unique, pas très causante (un « glaçon allemand » comme la surnomme un excellent chroniqueur de Rock In Progress). 
Il faut dire Nico est décrite par James Young comme ayant beaucoup de talent, « un talent inné » mais qu’elle « est une grande feignasse », parfois insupportable mais entière et attachante ; et aussi pleine de talent et qui avec sa voix et son harmonium est capable des plus grands miracles lors des concerts (les jours où elle est en forme) et nombre d’entre eux, pitoyables et pathétiques, sont parfois sauvés du désastre par le charisme de Nico (enfin c’est la façon dont l’auteur nous les présente le plus souvent). 
Plutôt que de raconter cela de façon triste ou façon reporter journalistique l’auteur préfère l’humour noir, l’(auto)dérision qu’il manie à merveille tel un romancier chevronné. 
C’est drôle, caustique, mordant déjanté, délirant et toujours magnifiquement raconté, avec plein d’anecdotes loufoques, désopilantes, tristes, nostalgiques, croustillantes, grinçantes et parfois trash. 


Mais que les situations racontées soient drôles, surréalistes ou tristes c’est toujours rédigé avec un humour mordant 
A travers quelques chapitres dont certains sont mémorables (celui de la tournée italienne par exemple) on y croise quelques personnages connus tels Allen Ginsberg, le poète beatnick et John Cale ancien musicien du Velvet Underground. 
Celui de l’enregistrement (chaotique) de l’album « Camera obscura » (1985) avec John Cale aux manettes est particulièrement réussi et hilarant. 

Et John Cale, celui du milieu des années 80, d’en prendre pour son grade et que James Young égratigne sans retenue à plusieurs reprises. 
Le livre s’achève en 1988 à Ibiza lorsque Nico meurt d’une hémorragie cérébrale suite à une chute de vélo. Puis son enterrement à Berlin (Nico allemande et berlinoise d'adoption n'aimait pas du tout cette ville et le livre explique pourquoi...je ne peux pas tout dévoiler). 


Le plus et le moins du livre sont en fait le même point : c’est écrit comme un roman, dans un très bon style, vif, rapide, actuel, plein d’humour et de dérision mais du coup ce style romancé nuit à l’aspect purement documentaire de l’ouvrage qui passe presque au second plan. 
Car il s’agit plus d’un livre racontant l’épopée d’un groupe rock formé de branleurs, de déjantés et de camés qu’un livre sur Nico elle-même. 
Elle est à la fois présente en tant que personnage central (avec le manager le fameux Dr Démétrius, l’auteur se mettant lui en retrait) tout en étant la plupart du temps en toile de fond du livre. Présente et absente à la fois !! 


« Nico – the end » est donc somptueux, irrésistible et assez grandiose : un véritable road-trip drôle, glaçant...et hallucinant… à lire absolument même sans être fan de Nico. 
Un des meilleurs livres « rock » jamais écrit. 
Et je laisse la conclusion à Danny Fields ancien manager des Stooges et des Ramones (excusez du peu) : 
« étourdissant, peut-être la meilleure odyssée rock jamais écrite ! On retrouve Nico en chair et en os dans ce récit génial ; je l’ai reconnue au premier coup d’oeil. James Young tenait les claviers dans la bande très à part de musiciens déjantés qui l’a accompagnée lors de son ultime tournée, et c’est un écrivain spectaculaire. Laissez-le vous transporter dans la cour vagabonde de celle qui restera à jamais la divinité de l’underground musical »