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mardi 22 décembre 2020

Tin Machine : La période oubliée de David Bowie


Nous sommes en 1984 , et le rock vit les heures les plus sombres de son histoire. Dans les bacs , Let’s dance , le dernier album de David Bowie fait une entrée fracassante. On le reconnait à peine, planté dans une position de boxeur en plein combat, sur un fond verdâtre. Avec ses cheveux blonds , sa musculature de Rocky anglais , et son bronzage orangé , l’ex provocateur androgyne devenait un sex-symbol prêt à assommer la concurrence. Sauf que celle-ci ne s’appelait plus les Stones, les Who où les Kinks , mais Mickael Jackson , Madonna et Prince.

Dans ces conditions , l’enjeu n’était plus de faire découvrir au public de nouveaux univers , mais de se rapprocher le plus possible de ce qu’il pourrait aimer. Alors Bowie a accepté ces règles , comptant sur Nile Rodgers pour lui concocter la production la plus tapageuse possible. Il touche ainsi la timbale en réadaptant le crescendo de twist and shout , sur un let’s dance qui fera bientôt le tour des radios et des fêtes foraines.

Pour comprendre ce revirement, il faut rappeler que Bowie a souvent vécu son époque plus intensément que ses contemporains. Lorsque ses tubes soul conquirent l’Amérique, il devint un dandy junkie capable de faire passer les plus grands rockers pour des fils de bonne famille. Squelettique et blafard, Bowie a bien failli ne pas survivre à la folie créative des seventies.

De ses tourments naquirent les chefs-d’œuvre froid d’une trilogie dite berlinoise , qui faisait elle-même suite à une période groovy brillante. Et puis notre caméléon a survécu à ses tourments, a nettoyé son corps des poisons toxiques qu’il consommait en quantité astronomique , et est venu réclamer les fruits de son glorieux parcours. Let’s dance n’était rien d’autre que la superproduction sensée le faire entrer dans le rang des superstars les plus rentables.

Album raté artistiquement, let’s dance fut assez maquillé pour séduire les foules. Le succès commercial fut tel, que Bowie entra dans un cercle infernal, où les compromis commerciaux vidaient sont art de sa substance. Tonight ne le perturba pourtant pas plus que ça. Il le considérait comme une simple erreur de parcours, un disque complétement raté que le temps fera oublier. Sauf que l’album suivant, never let me down, s’était enfoncé dans le même marasme. 

Cette fois , Bowie ne supporte plus le piège dans lequel il s’est fourré , ne veut plus faire des compromis qui étouffe sa musique. Il en est convaincu, never let me down contenait de bonnes chansons , mais la production a massacré ses quelques perles. La tournée qui a suivi la sortie de l’album ne fut pas plus rassurante, le glass spider tour s’imposant vite comme la tournée la plus ridiculement grandiloquente de sa carrière.

Tiré vers le bas par une fanfare sans tête, Bowie réussit même à massacrer ses classiques, et ce ne sont pas ses effets spéciaux tapageurs qui le sauveront du désastre. Alors son public se met à se réfugier dans sa nostalgie, et on lui propose vite de réciter ses classiques lors d’une tournée exceptionnelle. Celle-ci aura bien lieu, sous le nom de sound+vision tour , mais Bowie jurera qu’il chante ses vieilleries pour la dernière fois.

Comment faire oublier ses dernières erreurs sans sombrer dans le passéisme ? Voilà la question qui taraude notre caméléon pop en cette fin d’eighties. La réponse se présente à lui sous la forme d’une cassette, que sa secrétaire lui transmet à la fin du glass spider tour. Il s’agit du premier enregistrement d’un trio inconnu au bataillon, et dans lequel Bowie entrevoit une possibilité de sortir de son impasse.

Il appelle donc ces jeunes musiciens, et demande humblement si il peut devenir le chanteur de leur groupe. N’en croyant pas leurs oreilles, les chanceux acceptent rapidement. Surtout quand leur interlocuteur leur annonce qu’il ne veut pas les traiter comme une bande de fonctionnaires à ses ordres, mais bien comme le groupe dont il fait partie.

Refusant de retourner dans les grands stades où il étouffe, Bowie nomme son groupe Tin machine, et fait la tournée des petites salles. Les nouvelles allant vite, les pauvres enceintes accueillant la prestation de ce groupe pas si inconnu sont vite assiégées par une horde de Bowiemaniacs. Seule une petite partie d’entres eux aura l’honneur d’assister à ses concerts intimistes, où leur idole change une nouvelle fois de visage.

En privé, Bowie a plusieurs fois affirmé qu’il prenait un plaisir immense lorsqu’il jouait avec les spiders from mars, et il semble retrouver ce plaisir avec tin machine. Comme pour symboliser cette joie retrouvée, Bowie apparaît parfois avec les plates-formes boots de Ziggy Stardust.

Sorti en 1988, le premier album de tin machine lui permet de tuer ses piteuses eighties. Sur les passages les plus heavy , Reeve Gabriel salue la violence théâtrale dont Mick Ronson fit preuve sur le trop sous-estimé the man who sold the word. Nourri par cette violence, Tin Machine en profite pour saluer une autre figure incontournable de la mythologie Bowienne. Tendu comme une jam proto punk , Tin Machine ( le morceau titre)  rappelle les exploits d’un Iggy Pop dirigeant les coups de sang destroy des Stooges.

Caché derrière ce chaos électrique , Bowie se régénère au milieu de cette centrale tonitruante. Le sex-symbol insipide qu’il fut encore quelques mois plus tôt est déjà mort, et pour une fois personne ne regrettera la disparition ce calamiteux personnage. 

Quelques semaines après la sortie du disque, une armée de garage rockers et de brutes grunge viennent achever le spectre écœurant des eighties. D’une certaine manière, Bowie avait encore pressenti les changements à venir, mais il ne les a pas influencés. Plombé par sa volonté de ne jouer que dans de petites salles, Tin machine ne trouve pas son public , et doit se séparer après un second disque aussi impopulaire que le premier.

Aujourd’hui, les deux disques de ce groupe éphémère sont devenus des albums cultes. Si ils ne sont pas des chefs-d'œuvre, tin machine et tin machine II sont des maillons essentiels de l’œuvre de Bowie.      

    

jeudi 16 janvier 2020

David Bowie : Welcome to the blackout live in london 78


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Elle parait déjà loin cette époque où , grimé en Alien bisexuel , Bowie récupérait la mise avec une formule initiée par son ami Marc Bolan. Ziggy Stardust était alors le rock dans ce qu’il avait de plus sulfureux, viscéral, mais aussi classieux. Sa voix, Bowie l’avait travaillée en s’inspirant de Brel , dont il reprenait « la mort » à chaque concert.

Ziggy était une hydre musicale magnifique, un personnage fascinant né de la curiosité sans fin de son géniteur. Avec lui, l’artiste devenait lui aussi une œuvre, reprenant l’adage de Warhol selon lequel n’importe quoi pouvait être considéré comme de l’art.

Et pourtant, quand le maître a crucifié sa créature sur la scène de l’Hammersmith Odeon , beaucoup pensèrent qu’il tuait aussi sa carrière. L’homme lui-même n’était pas encore bien sûr de lui, et annonçait timidement son virage groovie sur un « diamond dogs » encore très marqué par le fantôme de son alien glam.

Si les deux albums suivant sont aussi sous-estimés , c’est avant tout parce que le maître lui-même minimisait son œuvre, parlant de plastic soul par respect pour ceux qui inspirèrent le groove de « young americains » et « station to station ». Un nouveau personnage naissait avec ces disques , le Thin White Duke , dandy émacié chargé de prêcher la bonne parole soul.

Mais surtout, station to station montrait déjà une envie de se diriger vers des terrains moins balisés, désir magnifiquement illustré par la fresque urbaine qui ouvre le disque. Perdu dans une paranoïa nourri à grand coups de coke, Bowie a immortalisé son enfer sur « l’homme qui venait d’ailleurs » , film qui fait plus figure de document biographique que de véritable chef d’œuvre du septième art.

Il trouve alors refuge dans le rock expérimental allemand, can , neuh , et autres tangerine dream développant une musique délirante et robotique, qui ressemble à la bande son de son enfer psychologique.   

Véritable éponge musicale, il s’imprègne rapidement de cette fascinante avant-garde, et la restitue sur deux disques incontournables. Cet homme, devenu rachitique, et développant un charisme fait de sons futuristes, était le prophète venu populariser la musique du futur. 

Car Bowie ne s’était pas contenté de copier l’ambiguïté un peu snob de ses modèles allemands, il s’en était nourri pour créer une nouvelle pop.  Voilà pourquoi, plus que n’importe lesquels, les concerts de cette époque bénie sont des monuments historiques.

Dans cette salle londonienne, en 1978, Bowie célébrait le Zénith de sa nouvelle incarnation , annonçant d’entrée la couleur via un warsawa en forme de prière spatiale. Puis vient « heroes » , sommet de la trilogie berlinoise , ode romantique qui permet à Bowie de faire un tube issu d’une musique profondément underground. On ne m’enlèvera pas de l’idée que « beauty and the beast » , dont le riff délirant partage la scène avec un synthé, qu’on jurerait venu d’une des lointaines planètes dépeintes par K Dick et Asimov , est bien plus aventureux .

C’est un nouveau rock qui naît à travers ce riff chromé, une fraîcheur futuriste que les tacherons de la pop/new wave ne feront que parodier. On a beaucoup parlé de cette reprise d’ « alabama song » , blues viscéral des doors, issue d’un disque qui donna au psychédélisme ses lettres de noblesse. Cette version montre la différence entre le dévot, paralysé par l’admiration qu’il voue à ses idoles, et un créateur tel que Bowie.

Sa vision de l’hommage est plus créative, il plie ses influences à sa volonté pour produire une matière unique. Ainsi, « alabama song » peut entrer dans sa grande célébration futuriste à grands coups de synthétiseurs dansants sur son rythme aviné.
Et puis le dandy n’a jamais aussi bien chanté, ses prestations sur suffragette city , five years , ou soul  love figurant parmi les meilleurs de sa carrière. Quant à sa « plastic soul » , elle mérite désormais magnifiquement son nom , ses arrangements se fondant dans une matière que Bowie est encore le seul à maîtriser.

Si ce live, comme tous les concerts issus de cette tournée, est incontournable, c’est parce qu’il prolonge l’écho de deux disques (heroes et low) , qui n’ont pas d’égal dans la pop anglaise. C’est le sommet d’un héritage qui ne fera que se liquéfier dans les années 80, mais Bowie sera déjà passé à autre chose.  
   
  

mercredi 25 décembre 2019

David BOWIE : LODGER (1979)

Formation (principaux musiciens):
David Bowie
Brian Eno
Adrian Belew
Carlos Alomar
Tony Visconti
Dennis Davis
George Murray


Sorti en 1979, et toujours produit par Tony Visconti,« Lodger » marque la fin de la trilogie dite berlinoise.
Mais « Lodger » apparaît toutefois plus comme un album de transition avant « Scary monsters » (dont il est finalement assez proche) car il est assez différent de Low et Heroes (en plus il n'a pas été enregistré à Berlin mais en Suisse).
Globalement bien sur c'est moins expérimental et avant gardiste que ses deux prédécesseurs» (il n'y pas de plages instrumentales), moins créatif, plus « classique » et accessible mais à mon avis injustement légèrement sous côté dans la discographie de Bowie.


Dans l'ensemble il est largement intéressant et réussi ; et on y trouve quelques petites perles pas forcément les plus connus dans la discographie du Thin White Duke.
David Bowie revient aux fondamentaux pop/rock (même si des éléments plus new-wave sont présentes) avec notamment des titres au format plus court.
L'album débute avec « Fantastic voyage 
», presque planant puis « African night flight » et là c'est marrant ce morceau me rappelle certaines ambiances de « Remain in light » des Talking heads...qui ne sortira qu'un an plus tard, le fil rouge entre les deux disques étant bien sur le génial Brian Eno (Bowie a toujours su remarquablement s'entourer au fil de sa carrière et Alomar et Belew aux guitares en sont encore la preuve).

Les titres, comme souvent chez David Bowie, sont d'une grande variété, diversifiés et c'est le cas sur Lodger : des tubes « Boys keep  swinmming», « Look back in anger » (un grand morceau celui-là même si cela reste très classique), quelques expérimentations : le très oriental « Yassassin » (influences qu'on retrouvera aussi sur « Repetition ») et l'excellent « African night flight » » au rythme endiablé, des morceaux de bonne facture qui accrochent : « DJ », « Fantastic voyage » qui rappelle le Bowie du début des années 70's et qui par son ambiance aurait pu figurer sur Ziggy Stardust ou Hunky Dory et « Red Sails » sorte de chevauchée bien entraînante, presque épique.

Seuls les deux derniers titres s'essoufflent un peu, de même que « Move on ».
Mais au delà des compositions ce qui me subjugue toujours en premier chez Bowie c'est la voix, toujours magique, album après album.
Depuis le début des seventies et jusqu'à Scary Monsters Bowie s'est sans cesse renouvelé quasiment album après album changeant de style (et de personnages), devançant les modes. Là bien sur la créativité est moindre, encore qu'un titre comme « African Night Flight» explore un mélange d'influences assez inédits alors, mais il n'empêche l'album tient la route et possède une fois de plus un son qui sort de sentiers battus.
Peut-être un peu moins bon que « Heroes » et que « Scary monsters » (dans des genres différents) mais un album qu'on peut réécouter avec plaisir et qui reste pour moi dans la partie haute de la discographie de Bowie.


Celui-ci a certes fait mieux dans sa longue carrière mais cet album est vraiment chouette et attachant. Pas un disque à réhabiliter non, mais à remettre tout simplement à la lumière et lui donner la visibilité qu'il mérite.