Rubriques

Affichage des articles dont le libellé est Doors (The). Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Doors (The). Afficher tous les articles

jeudi 23 septembre 2021

Le déni magnifique : The Doors - "Other voices" (1971)

 




En mars 1971, Jim Morrison, chanteur et visage indissociable des Doors, donne une copie de son anthologie de poèmes "The lords and the new creatures" aux membres des Doors, l'organiste Ray Manzarek, le guitariste Robby Krieger et le batteur John Densmore, puis leur dit "au revoir" avant de se barrer vers Paris. Habitués à ses nombreuses escapades, le groupe se remet tranquillement au travail et commence à composer très vite de nouvelles chansons. Ce qu'ils ne savent pas encore, c'est qu'ils ne le reverront plus du tout.


"When Jim went to Paris, we continued writing, putting songs together, thinking he would be back at some point." (Robby Krieger)


De fait, les Doors travaillent d'arrache-pied pour que tout soit prêt pour que Jim puisse poser ses textes et sa voix sur la musique de Krieger et Manzarek, éminentes têtes chercheuses de mélodies qu'on a souvent oubliées derrière la face d'ange de Morrison. Quelques échanges enjoués au téléphone avec Jim complètent le tout, surtout dans l'idée de continuer de faire des chansons blues comme sur la voie (voix !) précédemment prise sur Morrison Hotel et surtout L.A Woman.


"Jim evidently liked the idea of going out and winging it. But I don't think he would have committed to it in the long term" (Jac Holzman, fondateur du label Elektra)


Jim Morrison meurt à Paris le 3 juillet 1971. 
Quand les Doors apprennent la nouvelle alors qu'ils sont en train de composer dans leur studio, personne n'y croit alors. "Robby and I were like, "No, Jim is drunk and moved to Haiti"... I don't think I fully assimilated it for many years." (Densmore)

La musique devient alors le refuge et l'unique moyen de nier la disparition du leader pour essayer d'avancer.


Le groupe peut-il alors renaître ? 
La couverture montrant les trois survivants est un parfait instantané des Doors sur l'instant : hébétés, hagards, surpris, un peu inquiets. Mais les chansons sont faites, l'album est pratiquement prêt à sortir et être défendu. Le groupe n'a pas le temps de choisir un nouveau chanteur et de plus, l'entente entre eux à toujours été très fusionnelle. Alors introduire une nouvelle tête comme ça si vite ? Ce seront Manzarek et Krieger qui chanteront, n'en étant pas à leur coup d'essai puisqu'ils assuraient déjà de temps en temps les choeurs en support de Morrison dès les débuts du groupe. D'ailleurs Manzarek disposant d'une voix chaleureuse et presque Morrisonienne chantera lui-même sur ses albums solos à la manière du regretté Jim, et il suffit d'écouter un Golden Scarab (1974) mystique (concept album basé sur la mythologie Egyptienne il faut dire) pour en être plus que convaincu.

Surprise au final.


Parce que la mort inattendue de leur leader n'a pas empêché les Doors restant de composer un très bon album. Oui, il n'y a plus la voix profonde de Jim. Mais il reste les mélodies et là, on touche au bonheur bien souvent tout le long puisque tout est agréablement d'un assez bon niveau.

Il y a même 2,3 titres plus que sublimes qui se dégagent immédiatement du lot.
En témoigne ce Ships w/ sails de 7mn30, épique, aventureux et rêveur, grand morceau fascinant qui rejoint sans mal le panthéon des autres compositions fabuleuses de nos chères portes ou ce Hang on to your life final, énergique et débridé comme si les Doors voulaient conjurer une dernière fois Jim de s'accrocher, de revenir du monde des morts. Hélas.

Finalement les Doors en avaient encore sous le capot, sauf que l'aventure s'arrêtera cette fois définitivement à l'album suivant.

jeudi 26 août 2021

THE DOORS : The Doors (premier album) 1967


Les Doors sont un mythe, un mythe intact 50 ans après la disparition de Jim Morrison.
Il faut dire qu’en l’espace de quelques années, le groupe a sorti plusieurs albums cultissimes dont deux chefs-d’œuvre (celui-ci, le premier, l’autre étant L.A woman paru en 1971).
Une musique qu’on peut immédiatement définir comme un mélange entre pop/rock 60's assez classique , rock psychédélique (leur nom est d'ailleurs un hommage à l’ouvrage « Les portes de la perception » d’Aldous Huxley ») et rock planant, avec parfois des touches nettement blues (et d’autres influences plus discrètes) mais qui en fait est largement plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord et se place de fait au delà de ces catégories simplistes.
En effet ce premier album est un disque d’un éclectisme assez révélateur, où plusieurs facettes musicales se dévoilent et se côtoient mais sans jamais nuire à la cohérence et l'alchimie de l’ensemble.
Une guitare discrète mais efficace et un clavier stratosphérique, l’âme musicale du groupe, mais sans jamais tomber dans le pompeux ou le grandiloquent (même sur le classique "Light my fire" où il est omniprésent).
Et surtout bien sûr Jim Morrison, une gueule, un look, une attitude, une prestance, un charisme fou et bien sûr un décès prématuré et trouble à Paris qui va accroître la légende ; sans oublier ses textes poétiques voire mystiques qui restent des références en matière de paroles de chansons.
En 1967 ce premier album fait figure d'une véritable bombe qui malgré des points communs avec le psychédélisme de l’époque se démarque nettement du mouvement hippie par une sorte de mystère, une attitude et une image presque impénétrable, un côté sombre que les Doors entretiennent, et qui tranche avec l’utopie des Grateful Dead ou Jefferson Airplane par exemple des années 67-68 et qui, à l’instar d’un "Astronomy domine" de Pink Floyd, sorti à la même époque, place les Doors dans une autre dimension, dans un univers à part.
Le groupe sait aussi cultiver à la fois son côté sérieux et son côté provocateur, notamment sur scène où les frasques de son chanteur ne se comptent plus !
Quelques grands classiques qui ont traversé les années et les générations et qu’on écoute avec plaisir en 2021 sont présents sur ce premier album :
"Break on through" qui d’emblée montre que le groupe est à part, novateur et qu’il a quelque chose de différent de la pop habituelle des sixties. Un morceau qui nous tombe dessus par surprise avec son rythme vaguement "latino".
C’est rapide, nerveux et ça tranche avec les standards de la pop habituelle.
"Light my fire" et son long et magnifique passage/solo au clavier (mais celui de guitare n'est pas mal non plus) et qui montre que le rock planant peut sonner rock !
Un des titres incontournables qui ont écrit la légende du groupe.
"The end" le plus mystérieux, le plus psychanalytique des morceaux, celui qui explore des univers et contrées jusque-là inconnus, qui fouille notre âme, notre for intérieur, ici on touche presque au mysticisme...Le titre qui, de fait, classe les Doors dans le rock psychédélique car il ouvre des portes que beaucoup auront du mal à franchir...
On note également deux belles reprises, notamment "Back Door Man" de Willie Dixon, où les Doors montrent leurs influences blues qu’on retrouve sur d’autres morceaux, mais aussi "Alabama Song" de Kurt Weill, grand classique de l'opéra "populaire" de la première moitié du XXeme siècle, dans un esprit très "cabaret" qui convient parfaitement au style Morrison, ainsi que les très bons "Take it as it comes" (qui sonne davantage comme un tube pop sixties) et "Soul kitchen", titre où tout le style et toute la magie du groupe sont présents, résumés en 3 minutes 30.
Citons également "Crystal ship", une bien belle ballade, mais personnellement je trouve que ce n’est pas là où la formation excelle le plus, et le très rock "Twentieth Century Fox". La voix de Morrison, suave, grave et chaude tantôt énervée, rageuse, tantôt crooner (l’influence de Sinatra sans doute) fait le reste.
Quand on parle du premier Doors, il est indispensable d'insister sur l'époque où il est enregistré.
Cet album sort en effet en1967. Nous sommes alors à une période charnière, de transition, à la croisée des chemins, période où le pop-rock classique du milieu des années 60, avec l’âge d’or des Who, Stones, Beatles, Kinks, côtoie la montée en puissance du rock psychédélique naissant (Pink Floyd, Jefferson Airplane, Grateful Dead, Seeds…) à partir de 67/68.
Et les Doors parmi les groupes de l’époque sont parmi ceux qui s’en sortent le mieux, parmi ceux qui sentent le mieux l’évolution que connaît le rock vers de nouveaux horizons car ils apportent quelque chose de neuf, de nouveau en mêlant les deux aspects du rock (pop classique et psychédélisme novateur).
Ce mélange des plus réussi, ce sont des compositions créatrices mais aussi un son original (peut-être dû à l'absence de basse compensé par un clavier mis en avant), une ambiance et une atmosphère nouvelles, cool et électrique à la fois, allant de la folie psychédélique de "The end" qui voisine des ambiances pop rock et blues.
Il se dégage une sorte de magie de ce disque, quelque chose de quasi mystique qui vous envoûte littéralement.
Trois classiques, plusieurs autres bons morceaux qui font du premier Doors à jamais un album marquant et incontournable du Rock.
Un groupe définitivement à part et qui rentre dès 1967 à jamais dans la légende, mais réduire les Doors à l'icône Jim Morrison serait injuste et réducteur.

mardi 8 octobre 2019

The doors : live at the bowl 68


Résultat de recherche d'images pour "the doors live at the bowl '68"

Les Doors ne sont rien sans Jim Morrison, et Morrison n’aurait jamais pu diffuser sa poésie sombre sans eux.  Parfois lumineux, le chanteur est devenu le boulet d’un groupe sous tension. C’est que, en cette année 1968, le poète a des rêves de gloire cinématographique et de reconnaissance littéraire.

Ses absences étirent les séances de « the soft parade » , qui devient rapidement le disque le plus cher que le groupe ait produit. Après un premier essai lumineux, le groupe n’a jamais su retrouver le même niveau, la formule de ses transes poétiques s’étant éteinte en même temps que les dernières notes de « the end ». Le second essai est encore valide , mais ressemble plus à un lointain écho de son prédécesseur qu’à un second séisme psychédélique . Je ne parle même pas de « waiting for the sun » , triste bourbier sonore produit par un groupe sous tension.

Alors , pour réunir une formation de plus en plus abandonnée par son leader, Paul Rotshild  entraine les doors dans ses délires jazzys / symphoniques. Il faut dire que l’élitisme est à la mode , les beatles ayant définitivement imposé la pop comme une musique sérieuse avec le grandiose « a day in the life ».

Il n’en fallait pas plus pour que, quelques mois plus tard , toute une scène anglaise se mette en tête de faire copuler rock , jazz et musique classique. Mais les doors ne sortent pas du même moule que procol harum ou le mashavishnu orchestra, leur musique est un cri orgiaque et primitif, leur finesse se situant dans la prose mystique de Morrison. Les faire entrer dans le même moule que les géants progressifs ne pouvait que leur nuire, et donner naissance à un exercice de style soporifique.

Les ventes sont tout de même au beau fixe, mais le groupe ne trouve pas sa nouvelle identité, laissant Morrison entretenir sa réputation à coup de prestations scandaleuses. Les tournées ne sont pas toutes plus encourageantes , comme celle qui verra le groupe jouer au Mexique devant un parterre de notables, ou le fameux chaos de Miami.

Fasciné par « la psychologie des foules » de Gustave Le Bon , Jim décida de pousser le public de Miami dans ses derniers retranchements. L’incident est superbement raconté dans le biopic d’Oliver Stone, où un James Carradine habité par son rôle entre littéralement dans la peau du roi lézard.

Le cinéaste donne toutefois une image idéalisée du leader des doors, gommant ainsi ce côté pathétique qui fait aussi sa légende. Si les doors furent grandiose pendant quelques fascinantes minutes, c’est aussi grâce à la folie de ce lutin dionysiaque , qui les poussait dans leurs derniers retranchements , et les obligeait à improviser pour masquer ses provocations et délires éthyliques.

C’est donc sur scène que les doors entretenaient leur mythologie, on comprend ainsi pourquoi ce live est tout simplement leur meilleur disque depuis le premier voyage « de l’autre coté ». Là, « the celebration of the lizard » devient la transe mystique que Jim rêvait de graver sur disque, un poème hypnotique où le chanteur devient mage.

Il faut dire que, quand ce live est enregistré , en 1969 , l’apollon décadent est devenu un musicien appliqué , assis sur sa chaise haute dans un accoutrement de clochard céleste. C’est comme si, d’un seul coup , les doors avaient réussi à maitriser la splendeur mystique qu’ils atteignaient autrefois par intermittence, et la restituait dans une grande communion sonore.

Le point d’orgue est atteint sur ce « the music is over », longue transe de plus de dix minutes, pendant lesquelles la voix de Morrison se marie au clavier solennel de Manzarek, dans une mélodie hypnotique. Et on retrouve enfin ses monument de violence larvée, tendue comme des soupapes au bord d’une implosion qui n’arrivera jamais.
Mais surtout, on entend beaucoup mieux les riffs de Densmore , qui annoncent le virage bluesy que les doors ne tarderont pas à prendre sur le fabuleux « LA Woman ». Son feeling déchire la danse voodoo installée par le clavier de break on through , et redéfinit les codes du rock épuré sur five to one.

Nous sommes en 1969 et les doors ont retrouvé leur mojo.