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dimanche 10 octobre 2021

La parade enchantée : William Sheller - Les machines absurdes (2000)

 



J'ai un rapport assez personnel avec ce disque.
Ce fut mon premier William Sheller et dans une période de ma vie où je n'étais pas forcément au mieux. Autant dire qu'il est arrivé d'un coup sans crier gare, comme un ami très cher.

Après le semi-ratage (ou semi-réussite, ça dépend si l'on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide) que fut Albion, son unique disque studio des 90's qui alternait paroles en français et en anglais, il fallait se ressaisir. Ce que l'ami William fit en prenant son temps. A partir de Albion et Les machines, les livraisons studio vont se faire d'ailleurs de plus en plus réfléchies et espacées dans le temps, l'auteur prenant du recul pour ciseler une oeuvre de plus en plus maîtrisée.

Comme je le disais en ouverture, Les machines absurdes est le disque par lequel j'ai découvert l'univers de Sheller avant de partir explorer tranquillement par la suite son univers (1), je ne pouvais rêver mieux tant il est splendide de bout en bout.

Je m'en rappelle comme si c'était hier, j'étais au lycée et je devais prendre le train de banlieue direction Paris chaque matin puis ensuite à ma guise soit marcher dans une ville de Paris se réveillant péniblement, soit prendre le métro (mais pour une poignée de stations avant d'atteindre le lycée, fallait-il que je sois dans un jour vraiment flemmard). A l'arrivée dans la gare de Montparnasse, au rez de chaussée trônait l'immanquable et regretté petit Virgin megastore de la gare (2) prêt à accueillir les lèves-tôt de tous poils (et à 8h il n'y en a toujours pas des masses de magasins ouverts dans Paris) et ses petits bacs avec des disques frais à écouter au casque sur les présentoirs, côté gauche. Quand on a une journée incessante et quasi-non stop de cours, ça motive un peu quelque part.

La pochette m'attire, un mec basique qui manque de cheveux (moi dans le futur quoi) sous une lumière bleue avec des visuels qui figurent une sorte de cycle lunaire abstrait. Allez je tente.

Dès la première piste, « Parade (le bel adieu) », je me suis pris une bonne baffe.
Coup de foudre.
Le mec est bon, il chante bien, il ne gueule pas, les arrangements sont magnifiques, les textes d'une poésie étonnante. Le reste du disque ne sera pas forcément du même niveau mais une chose est sûre, ce type sent l'élégance à mille kilomètres à la ronde. « Indies » et ses guitares rock corrige agréablement le tir d'Albion. « Moondawn », c'est mon second coup de foudre du disque. Une chanson lunatique, une chanson de Bretagne, de rêves brumeux, de magie. « Sunfool » marche sur les pas d'Indies avec classe. « Athis » et « Les machines absurdes » voient Sheller mêler son art à la musique électronique par petites touches tandis que « Misses Wan » est un saut vers l'Asie. « Chamberwood » qui clôt un disque presque parfait retrouve la grâce de la première piste, dans une dimension plus champêtre et baroque qui rappelle un peu l'album Ailleurs, en plus pop toutefois.

Bref, Sheller venait d'entrer brillamment dans le nouveau siècle avec un son remis à jour et utilisant avec parcimonie et maîtrise les nouvelles technologies. Un disque qu'il est beau et qu'il fait du bien.

Et dans mon cas le début d'une passion pour l'artiste qui continue encore aujourd'hui.


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(1) Sans mauvais jeu de mot fallacieux quand on sait qu'un des disques de Sheller porte ce titre et que je l'ai d'ailleurs brièvement chroniqué plus tôt.


(2) "Adieu peti ange disparu tro vite, snif..."



samedi 9 octobre 2021

L'Automne à ta porte : William Sheller - Ailleurs (1990)

 



Univers a été bien reçu.
Près de 300000 exemplaires vendus pour un disque d'or.

La confirmation qu'il y a un public qui peut suivre le musicien et valider des créations encore plus exigeantes qui sortent des sentiers battus. Sheller se sent du coup pousser des ailes et confirme la direction prise en allant encore plus loin. Ailleurs sera un album épuré avec juste sa voix, un piano si il y a besoin, une guitare... parfois. Et surtout un quatuor de cordes aux arrangements magnifiques. Comme le titre l'indique ouvertement, l'artiste choisit d'orienter tout l'album vers un certain "ailleurs", assez fascinant au final.

Les musiques s'étirent (les 8mn du « Témoin magnifique » et de « La Sumidagawa »), une bonne partie des autres titres font généralement 6mn), l'artiste prend le temps de poser sa voix, n'apparaissant en poète chantant qu'au bout d'un moment, préférant laisser l'ambiance s'installer lentement. On le repère ainsi à 3mn50 sur « Le témoin magnifique » quand à « La Sumidagawa », il ne prend son chant qu'à 3mn10. 

Et à chaque fois l'artiste construit de véritables paysages sonores. Certes ce n'est pas un album cette fois avec un hit possible d'amadouer le public comme parfois certaines de ses précédentes œuvres, on est même ici dans l'anti-commercial revendiqué. Sobre et intimiste. Ailleurs, donc. Mais même si c'est épuré, ça n'est en fait jamais austère. Et quand bien même il y a des compositions à nouveau où il nous épate à fond.

Déjà appeler une chanson « Excalibur », il faut l'assumer.

Mais le pire c'est justement qu'il le fait. 

Cors, hautbois, bruits de chevaux, rythme énergique, chœurs exaltés et texte à résonance chrétienne qu'on jurerait écrit au Ve ou VIe siècle et remanié juste ce qu'il faut au XXe siècle pour laisser planer une légère note d'ironie ou de critique.

"Il a fallu tant de terre
Pour y creuser tant de lits
Que des montagnes entières
Ne nous ont pas suffi,
Parce qu'il vous fallait tant de pierres
Pour faire des églises jolies
Où l'on chantait votre lumière
Où nous nous sentions si petits..."

Une vraie prouesse lyrique de bout en bout avec à l'époque même un clip signé par le dessinateur Philippe Druillet. C'est dire la démarche poussée très loin dans sa logique de nous emmener véritablement ailleurs... Et quand on connaît le style "science-fiction apocalyptique" de celui qui signe les épopées space-opéra complètement rock de Lone Sloane tout comme une adaptation "Heavy-metal" du Salammbô de Flaubert, ça déménage, assurément. Un ovni clairement de plus dans la carrière de Sheller donc (1).

« La sumidagawa » n'est pas en reste non plus avec sa fresque aux influences orientales. Ni les autres titres en fait. Un album important dans la chanson française, qui prend toute sa force dans les moments mélancoliques, à l'hiver ou à l'automne de par ses tons mélodiques gris-beige et ocre...


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(1) Matez-moi ça ici pour être dans une hallucination pas possible : https://www.youtube.com/watch?v=b6sWcUZh-zc



vendredi 8 octobre 2021

Déploiement de la magie : William Sheller - Univers (1987)

 




Une bonne partie de sa vie, William Sheller fut un musicien frustré : doté d'une culture musicale impressionnante et d'un talent non moins fabuleux mais souvent sous-utilisé ou rabaissé dans ses prétentions. 

1987 le voit pourtant commencer à faire les choses en grand, à tel point que sa musique mute véritablement, se pare de plus de couleurs qu'elle n'en avait avant. Il faut dire qu'auparavant, le musicien a pu expérimenter un peu en solo au piano mais aussi avec un quatuor à cordes belge, le quatuor Halvenaf et avec Univers il est fin prêt, le grand tournant Shellerien est en marche.

Oh bien sûr il y avait bien eu avant cela des compositions écrites pour quatuor en 85 où côté arrangements, l'ami William laisse sortir sans problème sa verve lyrique pour se faire la main mais inutile de dire que c'est le genre de chose qui passe assez inaperçu du côté du grand public.

C'est Univers donc, puis Ailleurs ensuite, qui officialisent le virage.
Ici l'artiste ose un mélange de pop et de rock avec des influences symphoniques. Par petites touches ça et là, plus concentré à d'autres moments. « Encore une heure, encore une fois », « les miroirs dans la boue », l'instrumental mélancolique « Chamber music », « Cuir de Russie » (un titre que j'ai souvent écouté plus que de raison)...

Et puis surtout deux compositions géniales et d'une verve lyrique sans pareil à écouter fort.

« Le nouveau monde » où Sheller s'engage par moments sur le terrain d'arrangements dignes d'un Vivaldi avec une fougue qui ne démérite pas et des paroles fabuleuses où sur un pied d'égalité, le cinéma et la littérature fusionnent.

« Vous...
Qui restez si bien de glace,
Souffrez que mes mots n'dépassent,
Le peu de raison que je tienne,
Quand vous laissez ma peine ...en disgrâce... »

Et puis il y a « L'empire de Toholl ».

9 minutes où William s'adonne au rock progressif à travers une fresque d'Héroïc-Fantasy qu'on jurerait issue d'un film. On passe par tous les climats sans que le morceau ne perde trop son énergie. On ne comprend d'ailleurs pas forcément tout, merci le mixage à la française (celui qui me fait toujours monter le son sur les voix des films français récent parce que bordel, on comprend rien ou bien les acteurs AR-TI-CU-LENT pas assez) mais ça fout quand même bien la patate. On comprend pas forcément où il veut en venir, ça semble presque une composition après coup crée pour se rôder sur ce qu'il va pousser encore plus loin sur l'album d'après, Ailleurs, mais ça reste un ovni plus que bienvenu. Osni, plutôt. Ce que sera l'entièreté de l'album suivant, caprice fabuleux de poésie dans une musique française souvent plus frigide.

A noter qu'on est en plein dans les années 80 et pourtant, merci William, on échappe à une production synthétique et froide qui gangrène à pas mal de niveau la musique de cette décennie. Rien que pour ça, tope-là.