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dimanche 21 février 2021

Blue Oyster Cult : épilogue

 


Certaines pochettes devraient être interdites, tant leur graphisme grossier nuit à l’album. Quand Club ninja débarque dans les bacs, en 1985, sa pochette éclatante de mauvais goût a dû irriter plus d’un rocker. Entre l’univers digne d’un mauvais film de science-fiction du recto, et ce ninja étincelant représenté au verso, on entre dans un monde à mi-chemin entre les navets de Bruce Lee et les pires navets de science-fiction. Malheureusement pour le cult , la forme convient ici parfaitement au fond , Club ninja réussissant l’exploit de dépasser le désastre de Revolution by night.

Pour reprendre la phrase d’un chroniqueur de l’époque, club ninja donne l’impression de remonter un torrent de merde en nageant à contrecourant. A la première écoute, vous aurez l’impression que le cult retrouve un peu d’énergie, mais cette énergie n’est pas la sienne. Après avoir flirté avec le hard pop , voilà que le cult récupère la formule du heavy métal le plus populiste. Comment ne pas penser aux futures infamies d’Helloween , quand des synthés sautillants gomment le tranchant de guitares faussement féroces ?

Voilà que le stadium rock flirte avec le stadium metal , que les formules les plus médiocres se mélangent dans un barnum écœurant. Club ninja est comme les décors en carton pâte du film total recall , comme les futurs braillements d’eunuques de Manowar et Helloween , c’est tout ce que la culture pop charrie de plus stupide et raté. La batterie monotone ne peut que ravir les partisans d’une énergie sans âme, les kids lobotomisés par une culture populaire devenue populiste. Mélodie de fête foraine chantée par un crooner décadent, faux heavy rock servi par des guitaristes à la violence domestiquée, cette musique dut sembler kitsch dès sa sortie.

Pour justifier cette pathétique soupe, on parle de stadium rock, sac à vomi dans lequel toute une scène décadente vient gerber ses mélodies culcul. A une époque, ce qui remplissait les stades, c’était les univers tolkeniens de Led zeppelin , la virtuosité assourdissante de Deep purple , où le hard blues beatlesien de Cheap trick. Le spectre du rock populaire se réduit comme peau de chagrin et, à cause d’albums comme club ninja c’est tout une jeunesse qui commence à confondre musique accessible et médiocrité assumée.  

L’époque où l’on pouvait écouter du hard rock sans entrer dans l’enclos de moutons prêts pour la tonte est bien révolue, club ninja fait partie de ces débilités transformant le rock en produit de consommation.

Car ce disque n’est même pas le résultat du cheminement d’un groupe en pleine mutation, c’est un coup marketing grossier et humiliant pour ses auteurs. Le cult n’a pas produit l’album qu’il voulait produire, il a essayé de suivre ce qu’il pensait être les goûts du grand public. Sandy Pearlman a donc tenter d’assembler ce qu’il pensait être les matériaux les plus populaires du rock , il ne fait ainsi que livrer un édifice branlant. Les mélodies sans substances sont des façades s’effondrant dans la boue du hard FM , pendant que les fondations penchent dangereusement du côté du heavy métal le plus ridicule.

Si une maison de disques courageuse tente de vendre de nouveau un édifice aussi bancale, son slogan est tout trouvé : Club ninja : un swing de maçon pour construire un rock de merde.

Deux ans plus tard, un sombre projet d’Albert Bouchard guidera le cult dans l’enregistrement d’imaginos. Lourd comme un black sabbath en pleine déroute, ce dernier album représente les dernières braises d’un feu vacillant. Fire of unknow origin était donc le dernier grand album du BOC , qui passera les années suivantes à se caricaturer , ou à flirter avec le heavy metal moderne.

Sorti l’année dernier , the Symbol remains représente parfaitement cette déliquescence. Restent donc ces dix monuments sortis entre 1972 et 1981 , symboles d’une époque où le Blue oyster cult mit le feu au rock n roll.        

Blue Oyster Cult : Revolution by night


 

Après Albert Bouchard , c’est Martin Birch qui abandonne le cult. Le producteur préfère s’occuper des désormais plus populaires Iron Maiden, plutôt que de tenter de maintenir à flot un groupe en pleine déroute. Pour remplacer son producteur ,  le cult choisit Bruce Fairbairn , qui signe avec eux sa première grosse production. Privé des talents d’écriture d’Albert Bouchard , le cult doit aussi demander les services de plusieurs compositeurs. Voici donc notre gang de héros du heavy blues occulte transformé en interprète. Comme souvent dans ces cas-là , le matériel qu’il obtient est assez disparate , chacun greffant ses propres délires à l’univers du culte.

Le résultat est un puzzle incohérent, une série de pièces sans rapport que Fairbairn relie grâce à une production très pop. Le producteur a sans doute voulu creuser le sillon de la variété rock, qui fait un tabac depuis que Scorpions a abandonné Uli John Roth. Europe , Bon Jovi , Toto , tous sont les égéries sordides d’un rock sans substance , d’une variété à guitares des plus creuses. Fairbairn est sans doute le seul qui ait atteint son objectif, c’est d’ailleurs ce que les fans du cult ne manqueront pas de lui reprocher.

Shooting shark a beau avoir été écrit par Patti Smith, la mollesse de sa mélodie rejoint le sentimentalisme ridicule des pires divas pop. Si Shadow of California renoue un peu avec le futurisme agressif de cultosaurus erectus , ce n’est qu’un rayon de lumière dans un album aussi terne que sa pochette noire et blanche. La modernité voulue par Fairbairn est une cage sur laquelle le cult se casse les griffes. Ses riffs se noient dans les ronronnements de synthés mielleux , étouffent derrière la grandiloquence surjouée de refrains ridicules. Les pires passages flirtent avec la légèreté creuse de mirrors , les quelques tentatives de réinventer l’ésotérisme futuriste de l’album précédent sont noyées dans un production trop léchée. 

Le plus sympathique passage de l’album se situe dans ce let go , qui parvient à rappeler la puissance des premiers albums , sans réellement parvenir à l’égaler. Ne sachant plus quelle voie suivre, le cult semble faire l’inventaire de ses exploits passés , le résultat tient plus de la caricature que de la réinvention. Plongé dans une époque qui n’est plus la sienne, privé du seul producteur capable de moderniser sa musique, le cult se noie dans les standards d’une époque de décadence.

Cultosaurus erectus et Fire of unknow origin n’étaient donc qu’un sursis, le dernier grognement d’un vieux lion refusant de perdre le contrôle de sa meute hard blues. Cette même meute n’existe déjà plus, Fairbairn appliquera d’ailleurs ensuite ses sombres plans aux ex Deep purple de Whitesnake. Dernier morceau de l’album, light years love est donc le dernier râle  d’une scène agonisante.

On peut essayer de trouver, dans les mélodies gluantes de Revolution by night , deux ou trois titres qui justifieraient que l’on s’inflige encore une telle daube en 2021. La difficulté de cette recherche ne fait que prouver que cet album fait partie de ces échecs que l’histoire préfère oublier.      

mardi 16 février 2021

Blue Oyster Cult : fire of unknow origin


Le clavier danse sur un funk endiablé, la basse invente un groove satanique, et Eric Bloom envoie un refrain à faire jubiler tous les démons de l’enfer. La tournée en compagnie de Black sabbath venait à peine de s’achever, les buchers allumés par ces prêtres du heavy rock étaient encore chauds, et Fire of unknow origin débarquait déjà dans les bacs des disquaires. Placé en ouverture de l’album, le morceau titre n’était au départ qu’une sombre ballade issue des séances de agents of fortune. Sous la houlette de Martin Birch , brillant mage ayant animé la carcasse du cultosaurus erectus , le cult transforme ce rebut en messe groovy.

Dès la pochette , le cult annonçait son retour dans un univers plus sombre , un mysticisme plus grave et menaçant. Fire of unknow origin est surtout le disque d’un groupe prêchant pour deux chapelles. La première , à mi-chemin entre le cirque choc rock d’Alice Cooper et le blues horrifique des premières heures du noir sabbath , essaie de ramener les brebis égarées du heavy metal dans le droit chemin du rock n roll. A l’image du suffocant « Veteran of the psychic wars » , le clavier se fait lourd , la mélodie est menaçante comme un ciel d’orage.

Dans ce décor, la batterie imprime un martellement à la puissance assommante, laissant la guitare enflammer ces cryptes heavy rock à coup de riffs incandescents. Les résistants du Blue oyster cult reprennent place à la frontière entre le rock et les violences barbares des heavy métalleux. Des titres comme le bien nommé heavy metal affrontent les sauvages tels que Judas Priest sur leur propre terrain, montrent que le rock peut aussi déboucher les oreilles abimées par leurs gesticulations pathétiques.

Si les gamins demandent désormais des chevauchées électriques à se briser la nuque dans des saccades reconnaissantes, si ils veulent montrer leurs dévotions en reprenant en chœurs des refrains ésotériques, et bien le cult leur offre l’hostie capable de les convertir à son dogme. Loin de réciter les leçons des renégats de la nouvelle vague de métal britannique , le cult s’en sert pour décupler la puissance de riffs toujours aussi tranchants. Ce n’est pas encore sur Fire of unknow origin que le cult se lancera dans un assemblage de solos pompeux, ces riffs sont des charges carrées et destructrices, son rock est aussi épique que Murat lançant l’assaut sur la pauvre infanterie russe.     

Swing ésotérique entretenu par une rythmique de plomb, le charisme du cult est souligné par des claviers accentuant la violence de ses envolées , ou soulignant la beauté sombre de ses mélodies

On en vient ensuite à la seconde facette de cet album, la recherche éternelle du compromis entre hard rock et pop. Sans retomber dans la niaiserie de Mirrors, des titres comme Burnin for you montrent un groupe luttant pour rester au sommet des charts. Comme sur cultosaurus erectus, la production massive de Martin Birch permet au cult de soigner ses friandises hard pop sans perdre la puissance de son heavy rock.

C’est aussi cette production qui relie ces titres très variés entre eux. Il y’a un monde entre le déchainement sanguinaire de « heavy metal » , et un hymne de stade tel que « vengeance ». Chaque titre est comme une icône décorant une imposante cathédrale, une série d’œuvres à l’ambiance distincte mais voué au même culte. 

Finalement, ce que les dévots représentés sur la pochette regardent avec tant de gravité, c’est la disparition d’une époque en train de s’éteindre. Ce que ce « feu d’origine inconnue » emmène dans l’au-delà, c’est le souvenir d’une décennie révolue.

Cet album brûle les gimmicks des années 70 dans une grande procession fêtant l’avènement d’une nouvelle ère. Avec cette réussite, la secte de l’huitre bleue annonce que les eighties commencent sur le clavier flamboyant ouvrant ce Fire of unknow origin.    

samedi 13 février 2021

Blue Oyster Cult : Cultosaurus erectus


Pauvre nabot italien , Castafiore des limbes, diva funeste, Dio a fait entrer le noir sabbath dans le grand cirque du heavy metal eighties. Si cet univers heavy métallique s’était déjà séparé du rock dès la sortie de « master of reality » , l’inventivité du groupe de Tony Iommy le plaçait jusque-là au-dessus de sa pitoyable descendance. En entrant dans le rang de ses enfants Iron Maiden et autres Judas priest , le sabb a confirmé que rock et métal était désormais deux mondes irréconciliables , deux cultures en lutte permanente. Ceux qui influencèrent les premiers riffs du Blue oyster cult allaient pourtant le sortir de l’impasse dans laquelle il s’était enfermé.

Malgré le fait qu’il représentait une régression artistique dramatique, heaven and hell a su séduire la jeune génération de chevelues. A une époque où Rob Haldford pousse ses cris de castrat pitoyable, la théâtralité de Dio a touché une génération vénérant la seconde vague de Heavy metal britannique. Mais c’est surtout la production de Martin Birch , puissante et lumineuse , qui a permis au sabb d’obtenir un des plus gros succès commercial de sa carrière.

Proche de Black Sabbath , Sandy Pearlman parvient à convaincre Birch de travailler avec le Blue oyster cult. Du travail effectué sur l’album précèdent, Birch ne garde que la propreté de la production, dont il décuple la puissance. Tout ce que le cult avait abandonné sur Mirrors, Birch va le dépoussiérer, sa production est une nouvelle crypte dans laquelle la grandeur du cult peut de nouveau s’épanouir. Connu aussi pour son travail auprès de Rainbow et Deep Purple ,  le producteur redonne aux riffs du groupe leur lourdeur et leur tranchant.

De son côté, le groupe d’Albert Bouchard renoue avec ses univers inquiétants , qu’il présente dès le premier titre. Inspiré par une nouvelle de Michael Moorcock , Black Blade est une procession dystopique , où les guitares allument une série de cierges menaçants. Loin des roucoulements de l’album précédent, le chant désincarné récite un prêche agressif et robotique. Quelques minutes plus tard , le riff de smoke on the water s’élève au milieu d’une brume synth blues.

Cette référence n’est pas anodine, le cult entend mener la bataille que le rock semble perdre face au heavy metal. Pour se faire , les synthés sont soumis par des six cordes particulièrement virulentes , qui imposent un swing lumineux. Ce que le cult dépoussière ici, c’est le feeling immortel issu du blues. Blues cuivrés, synthétiques, ou rythm n blues grandiloquent rappelant les grandes heures de l’opéra rock des Who, cultosaurus erectus remet de l’huile sur les vieux feux fatigués.

Ce disque est le cri de révolte de rockers coincés entre la vacuité du stadium rock et l’ultra violence ridicule du heavy métal. Alors ils rappellent aux synthés, roi de cette époque de décadence, qu’ils ne sont qu’un projecteur illuminant leurs processions heavy blues. De cette manière, le cult s’éloigne des gesticulations de plus en plus pompeuses d’un Van Halen , pour représenter le vrai nom d’un rock sachant se réinventer sans se renier.

Cette bataille entre Heavy metal et hard blues atteindra son apogée épique lorsque le noir sabbath et la secte de l’huitre bleu s’engageront dans une tournée commune. Celle-ci ne fera que confirmer ce que cultosaurus erectus montrait déjà , le rock du Blue oyster cult est largement supérieur aux messes tapageuses de son ex modèle.    

Blue Oyster Cult : Mirrors


Le voilà le point de rupture, le blasphème qui va éloigner les plus dévots de la secte de l’huitre bleue. Voyant que ses ventes se maintenaient à un niveau plus que respectable, le cult a voulu accentuer son virage pop. Pour cela, le cult se sépare de Sandy Pearlman , pour rejoindre Tom Werman , qui s’est fait connaitre grâce à son travail pour Ted Nugent et Cheap Trick. L’époque basculant résolument du côté de la pop , Werman bazarde tout l’attirail occulte du groupe d’Albert Bouchard. A la place, il concocte une production grandiloquente, ajoute des chœurs légers et aseptise le son du groupe.

Werman a offert au cult l’écrin qui fit la gloire de Cheap Trick , et le groupe a adapté ses titres à ce nouveau décor. Si spectres voyait le cult embrasser la pop à pleine bouche , mirrors célèbre les noces fiévreuses de son hard rock avec la légèreté la plus populaire. Sur la pochette arrière, les musiciens posent tels un boys band, annonçant le choc qui attendait l’auditeur à l’écoute de l’album. Si l’ensemble n’est pas encore à classer parmi les pires guimauves pop, le résultat n’est pas au niveau des classiques précédents.    

La voix , particulièrement mise en avant , perd sa rage proto punk, c’est le roucoulement d’un chanteur de variété devant sa grande kermesse pop. Les tempos tranchants du groupe s’émoussent au milieu de cette guimauve sonore, se noient dans les niaiseries de refrains Bon Joviens. Les fans de la première heure durent faire une drôle de tête en entendant Buck Dharma chantonnez la mélodie culcul de I am the storm (you’re not the one). C’est que leur groupe creuse désormais le sillon du stadium rock cher à UFO.

Découvrant ce nouvel univers avec un enthousiasme juvénile, le cult en reproduit les standards comme un élève appliqué. Lancés sur une batterie au swing synthétique, ses solos mélodieux ouvrant la voie à un refrain entêtant, Dr music est le symbole de tout ce qui ne va pas sur cet album. En chassant sur les terre de Mickael Schenker , le cult semble reprendre les choses à zéro , il se met de nouveau dans la position de l’outsider.

La formule chère au stadium rock est parfaitement exécutée, les mélodies fédératrices entrent dans le rang de « lights out » (UFO) et autres lovedrive (Scorpions) , mais aucun titre ne sort réellement du lot. Les mélodies ronronnent,  la musique sympathique est assez aseptisée pour ne pas déranger, mais cette platitude précipite Mirrors dans l’oubli.

Aujourd’hui, le temps a rendu cette production extrêmement kitsch , accentuant la faiblesse de titres sans énergie. Mirrors n’est qu’un galop d’essai, l’entrée ratée du groupe dans les grandiloquentes eighties.

Malgré tous ces griefs, on ne peut s’empêcher de se repasser Mirrors avec le même plaisir coupable qu’un cinéphile ressortant ses VHS de Steven Segall. Il y’a dans cette musique, aussi limitée soit elle, l’embryon d’une nouvelle ère. La production est grossière, les refrains un peu niais, mais cette légèreté addictive est un véritable miel auditif. Si ils ne parviennent pas encore à soulever un enthousiasme démesuré, certains de ces titres vous trotteront dans la tête pendant de longues minutes.

C’est cette attraction que le groupe va développer sur les albums suivants, c’est pour cette efficacité qu’il mis au placard son barnum mystique. Tremblez adeptes du rock de stades ,  Blue Oyster s’apprête à s’élever au-dessus de vos refrains bas du front.      

dimanche 7 février 2021

Blue Oyster Cult : On your Feet or On your knees

 


L’album live est le passage obligé de ces sauvages seventies. Les grands anciens ont lancé les première salves , live at Leeds montrant aux futurs punks la voie d’une énergie nihiliste , pendant que les Stones ramenaient tout le monde au blues sur le classieux Get yer yaya’s out. Du côté du hard rock , Deep Purple a ouvert les hostilités avec le massif live in Japan, après que Humble pie ait ramené le rock au fillmore. N’oublions pas non plus Uriah Heep , trop vite considéré comme des mollassons progressifs , et qui durcirent le ton sur Uriah Heep Live.

Deux grands groupes manquent encore à l’appel , Led Zeppelin et le Blue oyster cult. On your feet or on your knees sort enfin en 1975 et c’est encore la pochette qui attire d’abord les foudres de la critique. Garée devant une église inquiétante, une limousine fait vaguement penser aux véhicules transportant les grands leaders fascistes et nazis. La pochette de ce double album s’ouvre ensuite, pour laisser apparaître le groupe jouant devant des individus à cagoules pointues. Le groupe serait-il en train de jouer pour le KKK ? La question est posée et va encore occuper certains critiques pendant quelques temps.

Qu’importe, le scandale booste encore les ventes , et tout le monde finira par admettre que ces images menaçantes et mystérieuses collent parfaitement à la musique du groupe. La messe démarre par the subhuman , dont le clavier raisonne avec la ferveur d’un orgue célébrant une messe païenne. Le riff ponctue les prêches sombres du chanteur, lacère la rêverie mystique du clavier à coup de solos déchirants.

Sorties de ces cages que sont les studios modernes, les guitares du cult rugissent comme de grands fauves indomptables, imposent leur suprématie sur ce grand espace scénique. Leurs chorus électriques bondissent sur une batterie robuste comme un arbre millénaire, lacèrent son tronc avec une fureur désordonnée. Les montées en pression débouchent sur des éruption tonitruante, pendant lesquels les claviers gémissent comme les habitants d’une nouvelle Babylone frappée par le déchainement des éléments.  

Ce torrent ne connaît pas de barrière, sa furie électrique déborde des digues qui rendaient les versions studio si carrées. Si le cult peut ouvrir harvester of eyes sur un swing rigoureux, ce n’est que pour laisser ses chorus de six cordes le massacrer avec une violence jouissive. Le déchainement ne s’est pas fait sans prévenir, la batterie menaçait déjà, accélérant le rythme comme pour rapprocher les débordements de son éruption heavy. Chauffés à blanc par cette montée en pression, les guitaristes répandent leurs instrumentaux brulants sur ces percussions hargneuses.         

Et puis ces cavaliers de l’apocalypse décident de percer le mur du son , ce que le déluge de riffs de Hot Rail to hell réussit dans un grondement menaçant. La cadence s’accélère de nouveau sur the red and the black , décharge héroïque secouant le blues comme un épileptique en transe. Jouant sur les vibrations d’une batterie sismique, les solos secouent le corps tremblant du rock n roll avec une violence inouïe. Si 7 Screaming Dizbusters  démarre sur une mélodie plus méditative, ce n’est que pour accentuer la violence de ses débordements sonores.

La mélodie ouvrant le titre a le charisme inquiétant d’une cathédrale vouée à un culte obscur , impressionnant monument que les croisés du riffs mitraillent de leurs notes meurtrières. Le mysticisme du Blue oyster cult est un rideau cachant son armurerie heavy , c’est le pelage derrière lequel la bête cache ses griffes.

Pour calmer un peu les ardeurs de ses mercenaires sanguinaires, le cult s’embarque dans une grande improvisation boogie blues. En hommage aux pionniers, les musiciens retiennent difficilement leurs ardeurs, et parviennent à maintenir un mojo digne d’un Allman Brother Band sous speed. Ses ardeurs apaisées par le feeling de ces maîtres , le soliste du cult chasse désormais sur les terres de Cooperhead et Cactus. Après ce petit intermède, la ballade the last day of may nous ramène doucement dans la cathédrale vouée au culte de l’huitre bleue. Il s’agit encore de blues, un blues mélancolique où les guitares sonnent désormais comme des gémissements déchirants.

Puis vient le cri de guerre de ces croisés du rock n roll, un hymne au riff aussi mémorable que whole lotta love ou fire on the water. Cities on flame with rock n roll raisonne ici avec la grandiloquence d’une section de tanks prenant possession d’un territoire conquis. Lorsque les dernières notes de cette dernière charge percent le silence , le Cult sait qu’il a définitivement conquis le monde. Il hisse donc ses couleurs avec deux blitz chromés, avant de tirer sa révérence avec Born to be wild.

Quand Steppenwolf a écrit ce titre, en 1968, il annonçait l’avènement d’un blues plus tranchant et abrasif. Avec On your feet or on your knees , Blue oyster cult réalise cette prédiction mieux que n’importe qui.        

Blue Oyster Cult : Agents of fortune

Avec ses premiers albums ,  le Blue oyster cult est devenu le plus grand espoir du hard rock. Pour maintenir la pression, le groupe tourne sans cesse, et des centaines de concerts s’enchainent en cette seconde moitié des seventies. Lors de ces prestations, les guitares s’engagent dans des joutes sanguinaires, impressionnant combats de coqs dont la rythmique forme le ring. Secret treaties représentait le sommet indépassable de cette formule, une réussite qui obligeait ses auteurs à changer de voie. Agents of fortune tourne la page de la trilogie noire et blanc, et permet au cult d’afficher ses ambitions commerciales sans se renier.

De l’album, on a bien sûr retenu «  don’t fear the reaper » , fascinante ballade morbide où le son caverneux des Doors rencontre l’univers horrifique d’un Alice Cooper en plein cauchemar. Le succès du titre, ainsi que le virage pris par le groupe sur agents of fortune, va fâcher le cult avec la base de ses fans. Les fidèles de la première heure ne retrouvent plus la vélocité des débuts , ce hard blues occulte n’ayant rien à envier à la puissance des plus grands bombardiers rock. De cette frustration renait l’éternel soupçon de corruption , la réaction féroce de fans voyant tout changement comme une tentative d’escroquerie.

Le cult avait pourtant tendu la main à ses fidèles de la première heure ,  avec un premier titre très proche de ses jeunes années. This ain’t the summer of love ressasse l’éternel traumatisme lié à la fin  brutal du rêve hippie. En ouverture, la guitare sonne comme une alarme annonçant la prochaine catastrophe, comme si le cult revenait sur les lieux d’un meurtre particulièrement sauvage. Ce meurtre, c’est celui d’un certain hédonisme psychédélique, que les sifflements de clavier semblent mitrailler sauvagement, avant qu’un solo incendiaire ne vienne l’achever dans un déluge de décibels. Ce premier titre est un adieu fulgurant à un monde que le Blue oyster cult ne retrouvera plus, une dernière friandise envoyée aux plus puristes.

Le second titre installe un paysage plus élaboré, son boogie enjoué prépare le terrain à l’hymne qui suit. Les arpèges de guitares ouvrent ensuite la voie à une pop occulte, les chœurs sonnent comme les Beatles tentant de produire une bande son de film d’horreur. Dans ce décor d’un mysticisme sombre, la voix du chanteur semble sortie des mêmes profondeurs que celle de Jim Morrison sur le premier album des Doors. Don’t fear the reaper n’est pas seulement un tube, c’est un des titres qui forme la frontière entre les années précédentes et ce qu’il adviendra dans la seconde partie des seventies.

La production plus soignée annonce d’ailleurs l’évolution d’un hard rock qui accouchera de superproductions de plus en plus élaborées. Le bal fut ouvert par Rocks de Aerosmith , et sera bientôt poursuivi par Highway to hell , avant de dériver avec les guimauves de Bon Jovi et Toto.

Pour le cult , ce virage n’est pas une décadence , c’est une nouvelle voie qui s’ouvre à eux. En fouinant un peu, les plus puristes pourront apprécier le riff de ETI , déflagration hard blues qu’ils chériront comme un doudou réactionnaire. La grandeur de ce disque est pourtant ailleurs , elle brille dans ses accords mélodiques , culminant dans de grandiloquents prêches heavy rock. Attirée par cette cathédrale sonore, la prêtresse punk Patti Smith vient déclamer ses sombres prières sur the revenge of vera gemini.

Oui , les guitares chantent désormais plus qu’elles ne crient , l’énergie devient plus entrainante que corrosive. C’est un nouveau swing qui se présente à nous une énergie soutenue par des riffs s’imprimant aux fers rouges dans les esprits , une force séduisante se reposant parfois lors de classieux blues de manoir.

Avec Agents of fortune , le Blue oyster cult a compris que les temps étaient en train de changer , que l’époque se dirigeait doucement vers une musique plus légère et élaborée. Il a donc adapté son heavy blues ésotérique à l’air du temps, son énergie changeant de nature sans disparaître dans une production trop riche. Classique incompris, ce quatrième album ouvre la voie à un nouvel âge d’or pour le groupe.         

Blue Oyster Cult : Spectres


C’est un martellement destructeur, une marche pachydermique balayant les vestiges d’un passé en pleine mutation. Le riff de godzilla représente l’avancée d’un monstre devenu incontrôlable, ce monstre c’est le Blue Oyster Cult. Malgré les contestations de certains puristes , Agents of fortune est devenu disque de platine , et le cult n’est plus un espoir du rock heavy. Voilà donc que notre secte se retrouve sur le même champ de batailles que les plus grande machines de guerre heavy blues des seventies. Loin de revenir en arrière, spectre poursuit la voie plus élaborée tracée par agents of fortune.

Chaque titre de cet album est un tube en puissance, le cult devient un juke box occulte que le monde vénère. Plus homogène que son prédécesseur, spectre est un diamant soigneusement taillé, une œuvre dont le charme ne se livre pleinement qu’après plusieurs écoutes. Pour améliorer son attirail, le cult convoque le souvenir des beach boys , dont il s’approprie les chœurs charmeurs. Las de siffler comme un matou prêt à mordre, le clavier se fait cristallin sur les ballades, enjoué sur les rock. L’atmosphère devient plus rêveuse qu’inquiétante, les mélodies pactisent avec la pop dans des refrains imparables.

RU ready to rock est le second hymne de l’album, une fête rock n roll propulsée par le swing d’un piano de bar louche. Quand les synthés se remettent à siffler, c’est pour illuminer le slow celestial the queen. Spectre embrasse la pop à pleine bouche, crée un hard rock plus « acceptable », qui fera fureur dans les années à venir. Finie la pureté de groupes cimentés dans leur héritage boogie blues , Spectre fait partie des disques offrant une alternative aux riffs poussiéreux du hard boogie blues.

Les titres sont plus grandiloquents , l’énergie ne se laisse aborder qu’après quelques écoutes attentives , mais le mojo est toujours là , caché dans cette somptueuse robe. Godzilla , RU ready to rock , searchin for celine sont des titres aussi importants que Whole lotta love , Smoke on the water et autres Immigrant song. Avec ce son énorme, la grenouille Blue Oyster Cult ne tente pas de se faire plus grosse que le bœuf led zeppelin, elle l’est.  

Au fil des écoutes, on repère les interventions millimétrées d’une guitare qui ne manque pas de mordant, l’univers de l’album s’ouvre progressivement à nos oreilles. Sous ses apparences tranquilles, spectre cache des trésors de vélocité . Cette force finira par sauter aux yeux lorsque, plusieurs années plus tard, le riff de smell like teen spirit propulsera nirvana au sommet des charts. Le Cult étant séparé depuis plusieurs années, personne ne remarquera que le riff de Kurt Cobain ressemble étrangement à une version accélérée de Godzilla.  

Spectre est vraiment grand dans les chevauchées de guitares de golden edge of leather , déluge Dantesque à la grandiloquence grandiose. Et ne vous fiez pas à l’intermède mélodieux de death valley night , c’est une lyre annonçant le prochain déluge. Progressivement, la mélodie monte, le heavy rock devient aussi brulant que les flammes de l’enfer. Si Led Zeppelin construisait un escalier vers le paradis, le cult batit un ascenseur vers le purgatoire, ses guitares montent en puissance comme dans un brasier infernal.

RU ready to rock ouvre la seconde face sur une énergie qui prendra toute sa dimension en live , la suite est d’une autre nature. Le groupe y réduit ses effets, concentre son énergie sur des ballades pop simples et efficaces. Attiré par cette finesse, Ian Hunter compose Goin' through the motion. Le chanteur a sans doute compris qu’il existe un lien entre cette seconde face et la beauté mélodique de Mott the hoople. Les deux groupes savent écrire une musique riche et entrainante, puissante et légère. C’est ce mariage des contraires qui fait la grandeur de Spectre et si le résultat ne séduit pas toujours dès la première écoute, son charme n’en est que plus durable. Spectre est comme un bon vin, il se bonifie au fil des ans.

Débarrassé des à priori de son époque , l’auditeur moderne peut désormais donner à Spectre la place qu’il mérite dans le panthéon du hard rock.

mardi 2 février 2021

Blue Oyster Cult : Secret Treaties

Nous y sommes enfin ! Sentinelle du peuple rock , la critique est enfin sensible à la grandeur du Blue oyster cult . Dans les rédactions, les débats sont vifs, la passion fait monter les voix et trembler les plumes. La question que tous ces brillants analystes se posent est aussi cruciale qu’essentielle : Le Blue Oyster Cult est-il le premier groupe de rock nazi ? Dans les bureaux des grands timoniers de la presse rock , on a soigneusement préparé ce procès Stalinien , ces preuves aussi irréfutables que la sentence d’un juge des procès de Moscou est objective. D’abord, il y’a la pochette de ce secret treaties , œuvre que les camarades du Blue oyster cult sortirent en cette année 1974.

Les musiciens subversifs y apparaissent fièrement plantés devant un Messerschmitt 262 , triste avion à la carrière aussi courte que funeste. Et puis il y’a ce titre, « the subhuman » , clin d’œil appuyé à la philosophie de l’auteur subversif Nietzshe. Allez expliquer à ces plumitifs bas du front que le concept de surhomme n’a rien à voir avec le racisme nazi , que Zarathoustra n’est pas le fils spirituel d’Adolf Hitler. Ce que Nietzche décrivait par ce terme, ce sont les critères qui permettent à l’homme « de dépasser dieu comme il dépassa le singe ». Libération des dogmes, des vieilles angoisses et désirs de dépasser ses propres limites , le  philosophe aborde des thèmes que le rock a souvent abordé.

Comment peut-on être choqué qu’une musique prônant la libération des hommes fassent un clin d’œil au philosophe le plus subversif de son temps ? Le rock ne doit-il pas justement libérer les masses ? Ses riffs ne sont-ils pas aussi des marteaux délivrant les hommes de leurs chaînes, pour les emmener vers des horizons fascinants ?

Le Cult a construit un univers inquiétant et épique, un occultisme rock et sombre, il est donc logique que son imagerie visite aussi la période la plus trouble de notre histoire moderne. Mais les journalistes lisent et relisent ses textes, tentent de repérer l’impardonnable derrière le folklore. Pour eux, Hitler est comme le diable, il se cache dans les détails. Ces textes évoquent plus qu’ils ne justifient, leurs paroles sont une succession d’images accentuant l’occultisme des mélodies. Mais la rumeur se nourrit de ses propres absurdités , et le groupe est rapidement obligé de se justifier. Convoquer à la tribune, le Blue oyster cult affirme que sa musique n’est que du rock n roll, et que plusieurs de ses musiciens sont juifs.

Tel De Funes dans Rabbi Jacob , les journalistes s’empressent de diffuser la rassurante nouvelle : Salomon … Euh le Blue oyster cult pardon , est juif ! Ainsi rassurés, les moralistes rock pouvaient enfin abandonner la forme pour se consacrer au fond.

Secret Treaties est à la première trilogie du Blue Oyster Cult ce que mort à crédit est à Céline, ou ce que le II est à Led Zeppelin , un monument indépassable. Le Cult a mis de l’ordre dans un rock déjà très sobre pour l’époque. Finies les envolées spontanées, les chevauchées folles où certains riffs sortaient du rang. Ces débordements firent le charme des premiers Etna rock du Blue oyster cult , convertirent moult sauvages Stoogien , mais il fallait désormais ordonner ce dogme.

Le son du clavier est donc uniformisé, et sonne désormais comme une version plus agressive des Doors. Il donne ainsi aux riffs leurs couleurs ésotériques, ouvre les portes d’un monde inquiétant et épique. C’est sur un texte de Patti Smith que s’ouvre Secret treaties, le boogie fantomatique Career of evil. A mi chemin entre la ballade et le blues hanté, la finesse de ce groove lugubre est finalement transpercé par le solo lumineux de Buck Dharma. Cette lumière s’éteint ensuite progressivement , et l’on aperçoit progressivement la silhouette de subhuman , bête somptueuse sortant des derniers nuages de fumées provoqués par le titre précédent.

La mélodie de subhuman caresse l’oreille comme peu de titres de hard rock savent le faire, avant d’exploser soudainement dans un final destructeur. Le plan du cult est fulgurant. Un rythme binaire tisse un swing ardent, le blues devient une poudrière que les solos font régulièrement exploser. Secret Treaties est un champ de mines , mais ses détonations chirurgicales frappent avec la précision d’une torpille allemande. Sur les décombre de décharges rock tels que ME262, la fumée mystique s’élève avec la sérénité des lendemains de tempête. Mais des titres comme Flamin telepath sont encore portés par une voix hargneuse comme un désir de vengeance, des guitares menaçantes comme des ennemis préparant leurs armes.

Le réarmement de l’Allemagne dans les années 30 est une anecdote à côté d’un tel bombardement de rock hargneux et menaçant. La seule chose que l’on puisse reprocher à un tel triomphe, c’est justement sa trop grande perfection. Tout est écrit à l’avance, chaque virage rythmique est soigneusement calculée, empêchant ainsi l'arrivée de ces magnifiques erreurs qui illuminent l’histoire du rock. Que le public se rassure, la prochaine tournée donnera lieu à des prestations bien moins calculées, qui achèveront de placer le Cult au même niveau que les plus grands guerriers du hard rock.              

 

samedi 30 janvier 2021

Blue Oyster Cult : Tyranny and Mutation

 


Le premier album a ouvert une brèche dans laquelle le Blue Oyster Cult s’empresse de s’engouffrer. Fort du succès d’un disque déjà culte, le groupe repart en tournée en compagnie de quelques ex gloires yankee. Lâché par David Crosby , des Byrds en pleine déroute se font totalement éclipsés par la cathédrale sonore construite par le culte de l’huitre bleue. Au fil des concerts, le gang fait de plus en plus d’adeptes, il menace désormais l’hégémonie de Led Zeppelin. A travers son succès, l’Amérique reprend le contrôle du rock n roll, confisqué par des années de beatlemania et de swinging london.

Le Blue Oyster Cult rend le rock à sa terre natale, et ses ambitions énormes sont affichées dès la pochette de Tyranny and mutation. Sorti en 1973, Tyranny and mutation est porté par une des meilleures pochettes du cult. Entouré d’une aura maléfique, un dôme cubiste arbore fièrement le symbole du groupe. Le concept de l’album scinde le LP en deux parties , le noir et le rouge. Le noir, c’est la violence d’un rock implacable, porté par une rythmique carrée comme les bases de l’autel ornant la pochette. Alors que le succès du cult lui vaut le surnom de black sabbath américain, le groupe de Sandy Pearlman prouve déjà qu’il a dépassé cette référence, qu’il étripe dès le premier titre.

The red and the black fut à l’origine un titre que Blue oyster cult a écrit en 1971, et dont le groupe a accéléré le rythme. Tirant définitivement un trait sur son passé psychédélique, la rythmique supersonique construit les rails dont les riffs aiguisés astiquent les chromes. Cette puissance, c’est une locomotive destructrice volant au secours du hard rock. Après quelques années bénies , celui-ci commence déjà à déconner. Au sommet de sa pyramide, Led Zeppelin et Deep Purple continuent de s’affronter à coups de solos sans fin. Le Black Sabbath , lui , a totalement perdu le contrôle de sa magie noire. Sorti en 1971, Master of reality a transformé le groupe en renégat solitaire, partisan d’un culte de l’extrême qui réunira bientôt les brutes du heavy metal.   

Le Blue Oyster Cult renie ces singeries , sa rythmique est la bouée qui lui évite de se noyer dans le marasme de ses contemporains. Le groupe soigne ses riffs, gardiens de son héritage blues, les accélère et les aiguise pour réprimer les hordes déviantes. La face noire de Tyranny and mutation met de nouveau le feu au cul du rock , trace la frontière entre le hard rock et le heavy métal naissant. Ultime affront fait au groupe d’Ozzy Osbourne , O.D'd on life itself est un blues de haute volée , il sonne comme le vieux Muddy Waters plongé dans un bain occulte.

Le message de cette première face est simple, on ne peut renier le blues. Vous pouvez l’étirer, l’accélérer, lui faire subir les pires sévices et les plus abominables outrages , mais son sang est le carburant dont le mojo rock ne peut se passer. The red and the black ramène ce vieux martyr dans le feu de Détroit, ébouillante son feeling à coup de riffs incandescents, poignard organisant son magnifique supplice. Le Blue oyster cult ne représente pas un vulgaire repli traditionaliste, mais perpétue cette évolution du feeling bluesy démarré dans les années 50.

La seconde face de l’album, la fameuse face rouge, représente le coté plus subtil du cult. La secte de l’huitre bleue montre alors la voie d’une ferveur mystique, loin des gesticulations ridicules du noir sabbath. Attirée par cette aura de ferveur , la papesse du punk écrit le sympathique baby ice dog , où Eric Bloom prend un malin plaisir à dépeindre la pétasse de la chanson. On peut presque trouver un lien entre cette face plus hypnotique et la rage Rimbaldienne de Patti Smith.

On trouve encore dans cette seconde face une force sauvage, ces riffs sont chargés de la rage subversive que Patti mettait dans sa voix. Ce n’est pas pour rien que la prêtresse punk posera sa voix sur le sous-estimé Agent of Fortune. Le cult était aussi le seul groupe assez fin pour accueillir sa fureur mystique.

lundi 5 août 2019

BLUE OYSTER CULT : Cultösaurus Erectus (1980)


Formation
Eric Bloom (chant, guitare)
Donald « Buck Dharma » Roeser (guitare, chant)
Joe Bouchard (basse)
Albert Bouchard (batterie)
Allen Lanier (claviers, guitare)


Après trois albums devenus des classiques sortis entre 1971 et 1974 puis un double live cultissime « On your feet or on your knnes » (1975), l'un des meilleurs albums enregistrés en public de tous les temps, Blue Oyster Cult avait pris un tournant hard FM / grand public qui lui avait valu la notoriété ; autant Agents of fortune (avec le hit « Don't fear the reaper ») et Spectres restaient corrects autant avec « Mirrors » (1979) B.O.C touchait le fond du médiocre. On croyait le groupe définitivement mort.
Mais avec « Cultosaurus erectus » il relève la tête pour sortir un grand album qui mélange le meilleur de la période 71-74 avec le meilleur des années 76-78. Et se repisitionne à nouveau comme l'un des leaders du hard rock de l'époque.
Pour moi « Cultosaurus Erectus » est le deuxième meilleur album studio de B.O.C derrière Secret treaties mais le plus créatif et le plus original, le plus innovant, le plus diversifié aussi.

Pris dans sa globalité je trouve les compositions meilleurs sur « Secret Treaties » mais ici l'album est mieux produit et a donc mieux vieilli (c'est mon opinion en tout cas mais il est vrai qu'il a été enregistré six ans plus tard ! )
Cette « modernité » est aussi dùe à la production sans fausse note, superbe, de Martin Birch (Black sabbath, Iron Maiden, Rainbow), LE producteur du début des années 80, celui qui transforme un bon album en or ; une production excellente donc.
« Black blade » qui ouvre l'album est excellent, on navigue dans un univers SF, toujours la voix si particulière et parfois ouvertemet menaçante de Bloom, une rythmique de feu, synthé/guitares qui alternent , un classique du groupe avec son break quasi psychédélique ; toutes les caractéristiques et les ingrédients du Blue Oyster Cult sont dans ce morceau.
Suit « Monster » tout simplement « monstrueux » de créativité avec son break jazzy du meilleur goût, un des grands titres (trop méconnu) du groupe.


Sont présentes sur l'album trois ballades à la sauce B.O.C (comme le groupe en fait régulièrement : « Then came the last days of May » et « Astronomy » notamment, cette dernière étant ma petite préférée) donc ne vous attendez pas à des slows !! « Divine wind » est à mon avis la plus réussie des trois avec un beau solo de Donald « Buck Dharma » Roeser, une ballade « heavy » !
« Deadline » est l'autre ballade intéressante, dans un registre plus FM, chanté par Buck Dharma, avec très bon refrain.
J'aime aussi beaucoup « Hungry Boys » (boogie rock rapide enchanteur avec des voix qui semblent venus d'ailleurs, un refrain accrocheur et une guitare qui s'invite par petites touches : une belle réussite) et « Lips in the hills », les deux perles de la seconde partie du disque.


Par contre « The Mashall plan », logiquement le titre phare de l'album, est assez moyen, faux live, riff et refrain convenus (on retiendra l'hommage à Deep Purple et Smoke on the water) mais néanmoins un titre parfait pour concert.
Voix, refrains, riffs tout est diablement bien en place, carré, impeccable, B .O.C a toujours été maître en précision, quasi chirurgicale, ce qui m'empêche pas de surprendre l'auditeur (monster, hungry boys) par quelqes passages inattendus.
L'album s'achève par « Unknown tongue » encore un morceau plein d'originalité et le côté FM se mélange à des passages plus novateurs et créatifs.
Du grand Rock, avec un grand R.


« Cultosaurus Erectus » est en quelque sorte le compromis parfait entre le côté sombre, mystérieux et heavy de B.O.C et le côté plus léger, mélodique et entrainant, en tout cas un des albums où l'alchimie fonctionne le mieux.

Et trois titres époustouflants qui cassent la baraque « Hungry boys », « Black blade » et « Monster ».
« Fire of the unkown origin » l'album suivant, également réussi mais légèrement inférieur, conservera les mêmes particularités.




lundi 10 décembre 2018

[CHRONIQUE] Blue Öyster Cult - [éponyme] (1972)



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La fin des années 60 dégage une odeur de souffre. A Détroit, les Stooges et le MC5 repoussent les limites du Rock destroy, chacun semblant tout faire pour être plus violent, plus fou et plus provocateur que le voisin. Coté anglais, les Pink Fairies transcendent le Heavy Rock, en flirtant avec l’énergie destructrice qui fera le succès de Motörhead , et les distorsions violentes de Hendrix. Et puis il ne faudrait pas oublier le Rock crasseux de Blue Cheers, superbe bouillon sonore annonçant les phénomènes Stoner et Grunge. Que dire encore du blues hurlant de Steppenwolf , et du psychédélisme paranoïaque de Cream ou The Gun ?



Finies les mélodies délicieusement Pop des Zombies, des Kinks et autres Beach boys; les bluettes bucoliques des Byrds et de Dylan, et le psychédélisme onirique du Grateful Dead. La nouvelle décennie sera une décennie de violence, définitivement lancé par la sortie du premier Led Zeppelin.
Bientôt rejoint par Deep Purple, Uriah Heep et autres partisans de guitares puissantes et virtuoses, Led Zep' annonce le début d’une nouvelle ère. La guitare est plus que jamais le symbole de cette révolution et , après être devenu un instrument plus important sous Hendrix, elle s’exprime pleinement dans de long solos, portés par des musiciens qui sont autant d’icônes vénérés.

Lorsque cette révolution est mise en marche, Blue Öyster Cult existe déjà depuis 1967, mais ces multiples changements de noms l’empêchèrent de faire partie des pionniers du Hard Rock. Le groupe voit donc débarquer Led Zeppelin I et II, In Rock , Very 'eavy... Very 'umble, et autres déflagrations sonores avec la frustration des groupes qui touchent au but sans réellement l’atteindre. Balloté de label en label, le groupe finit par décrocher un contrat avec Columbia et adopte définitivement le nom Blue Öyster Cult en 1970. Il semble alors avoir trouvé sa personnalité, mixant le psychédélisme du Grateful Dead, avec la violence du MC5, le tout saupoudré d’une noirceur découverte lors de l’écoute du premier album de Black Sabbath.

Chez Blue Öyster Cult, l’ambiance ésotérique des compositions compte autant que la puissance de ses riffs. Et cela tombe bien  car, après seulement un  an d’existence, le Hard Rock élargit ses horizons. Led Zeppelin sort un troisième album nourri de douceurs Folk , Uriah Heep vient flirter avec la classe du Prog' naissant, et Black Sabbath ne va pas tarder à inventer le Heavy Metal.
C’est au milieu de cette folie créative que sort, en 1972, le premier album de Blue Öyster Cult, et c’est clairement le disque d’un groupe qui sent que son heure est venue. "Transmaniacon MC" démarre l’affaire avec un riff galopant sur fond de clavier agressif, comme une version mystique des premiers rugissements de Deep Purple.
Placé à mis parcours, "Stairway To The Star" représente le Culte dans toute sa splendeur fascinante. La batterie imprime une rythmique planante, sur laquelle vient se caler un riff destroy, débouchant sur le solo délirant de Donald "Buck Dharma" Roeser.

"Before The Kiss, a Redcap" enfonce le clou avec un riff galopant comme un troupeau de mammouths sous amphétamines, entrecoupé de breaks lourds que n’auraient pas renié Black Sabbath. Puis vient l’étendard de cette secte vindicative, le titre par lequel le culte de l’huitre bleu annonce le début de son glorieux règne. "Cities On Flame With Rock 'n Roll" représente le début d’un siège, celui d’une culture Rock en pleine mutation. Porté par un solo flamboyant, les prédicateurs se lancent dans une chevauchée héroïque, qui clôt le titre sur un dernier assaut glorieux.
Le titre est le point d’orgue d’un disque qui voit Blue Öyster Cult définir son style si particulier, fait d’ambiances dignes d’un roman de Science-Fiction, et mixant la violence primaire du Rock de Detroit, et la lourdeur inquiétante des messes Sabbatiennes. Annonçant ainsi un brillant avenir en noir et blanc.