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mercredi 21 juillet 2021

Richard Neville : Hippie hippie shake


Nous avons déjà longuement abordé et évoqué sur Rock In Progress, à travers certaines chroniques, notamment celles de Benjamin, le mouvement hippie des années 60, ses rêves, son apogée, ses utopies, ses limites, son déclin et ses désillusions...
"Hippie Hippie Shake" est un ouvrage incontournable pour qui s'intéresse à cette période et pour mieux la comprendre 
au delà de l'aspect purement musical, l'auteur s'attachant à différents aspects de la contre-culture.
Richard Neville a été l'un des fondateurs de la revue OZ, d'abord en Australie puis à Londres, revue underground de contre culture à la fois satirique, provocatrice, corrosive et politique ; OZ a indéniablement marqué les années 60 et influencé le mouvement culturel et éditorial de l'époque. A travers « Hippie Hippie Shake » l'auteur nous entraîne dans un voyage passionnant au cœur de la contre-culture des années 60.
Tous les sujets phares de l'époque sont abordés : la drogue, le sexe et la libération sexuelle, la pornographie, l'homosexualité, le féminisme, la musique, le mouvement hippie, le flower power, la violence et la non violence, les arts, la contre culture en général, la politique, la presse, la censure, la répression policière, la justice, les droits des minorité, les Black Panthers, Mai 68, la mode, les routards, le psychédélisme.....
Richard Neville évoque aussi les espoirs du mouvement, les débats, les échecs, les déceptions, les désillusions et avec le recul les défaites mais aussi les avancées qui en ont découlé.
Car si le livre est aussi intéressant , c'est qu'en plus d'avoir, de l'intérieur, une vision du mouvement underground et de livrer de croustillantes anecdotes, l'auteur fait preuve d'humour, d'(auto)dérision et d'(auto)critique ; ici nulle apologie béate, Richard Neville portant un regard lucide et n'hésitant pas à développer certains sujets qui fâchent. Et surtout beaucoup de passages sont drôles et truculents, ce qui ajoute au piment du livre.
La récupération du mouvement (notamment concernant la mode, le design et bien sur la musique) est évoquée.
La musique est largement présente : on y croise les Doors, Jefferson Airplane, MC5, les Who, John Lennon (présenté à son avantage) et les Beatles, les Rolling Stones (avec au passage une petite pique contre Mike Jagger), Bob Dylan, Eric Clapton et Cream, Mike Farren, Pink Fairies et beaucoup d'autres rassurez vous, ainsi qu'un passage intéressant sur le festival de l'Isle de Wight.
Cependant la majorité du livre tourne autour de la répression subie par Oz, numéro après numéro, ses démêlées avec la justice jusqu'au procès pour obscénité, traité là aussi avec un humour irrésistible, puis l'emprisonnement des principaux rédacteurs (on peut y voir un portrait politique, social et moral de la Grande Bretagne de la fin des années 60, si conservatrice !)
C'est drôle mais aussi parfois trash (voir les nombreux passages consacrés au « Living theater » troupe d'artistes « no limit » et celui concernant les salons « érotiques » d'Amsterdam et Copenhague) .
On y croise des personnages hauts en couleur (prophètes, junkies, groupies, politiciens, routards hallucinés....) certains bien déjantés.
On y croise aussi les leaders du mouvement Yippies (Parti international de la jeunesse, mouvement anti-autoritaire très actif contre la guerre du Viet-Nam) Abbie Hoffmann et Jerry Rubin...qui deviendra dans les années 80 un reaganien pur et dur !!
Les débats internes à la contre-culture et au mouvement hippie sont également abordés notamment celui opposants les partisans de la non violence à ceux favorables à la lutte armée.
En lisant ce livre on voit également les contradictions du mouvement underground mais aussi le fait que celui ci n'était pas homogène ; déjà une élite « branchée » tournant autour de la mode et de l'édition apparaît clairement (les futures bobo en quelque sorte) et d'ailleurs il est clair que les jeunes qui faisaient partis du mouvement hippie ou du mouvement underground étaient majoritairement issus des classes moyennes ou aisées (d'où par définition un mouvement inter-classiste) et nombre d'entre eux deviendront ceux qu'on appelle familièrement les anciens soixante-huitards et qu'on croise encore de nos jours régulièrement dans la presse ou sur les plateaux télé. L'hédonisme individualiste de certains protagonistes de cette contre-culture apparaît déjà nettement dans certains passages du livre.
Mais à l'époque le mouvement était encore fort, plein d'espoir, avec une envie folle de changer le monde, de briser les carcans et les nombreuses avancées dans plusieurs domaines montrent que tout n'a pas été qu'échec même si une grande partie de cette génération sombrera dans la folie, la drogue, le suicide...ou finira par se renier.
Une vraie mine d'or pour ceux qui s'intéressent à cette période, un livre passionnant.