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jeudi 16 septembre 2021

Tool : 10,000 Days (Poésie instrumentale)




Il est de ces œuvres dont vous ne pourrez jamais analyser objectivement la qualité, tout simplement parce qu'elles sont devenues des parties de vous, des moments inoubliables de votre existence. Pour moi c'est le cas avec Tool, et l'album "10,000 Days" qui m'a introduit à l'univers du groupe. C'est simple, j'ai redécouvert avec ce chef-d'œuvre ce que voulait dire le mot musique.
On est en 2006, soit presque 5 ans après le monstrueux "Lateralus" : l'agressivité et l'atmosphère angoissante des deux premiers albums ne sont plus les mêmes, la qualité de composition a atteint des sommets, et toujours au plus profond de l'expérimentation de leur art (qui leur est bien propre), les musiciens du quatuor nous dévoilent ici un monument de la scène Metal, voire de la musique en général.

Tool a toujours débuté ses albums sur des morceaux agressifs, mais tellement bien réalisés qu'ils te font comprendre que ce que tu t'apprêtes à découvrir, c'est pas quelque chose d'ordinaire, que la claque que tu viens de te prendre, tu vas te la prendre pendant les 70 prochaines minutes ("Intolerance", "Stinkfist", "The Grudge"). Et ici, il ne désobéit pas à sa propre règle. L'album s'ouvre sur le titre "Vicarious" : un de mes morceaux préférés. Une intro fusionnant parfaitement le jeu d'Adam Jones et celui de Chancellor, une outro à couper le souffle (toujours dans ce groove en triolet qui marque les mimiques du groupe), le chant de Maynard toujours au top, et le jeu de Danny Carey définitivement inhumain. Ce qui est intéressant dans ce morceau, c'est son schéma de construction, vraiment étrange mais extrêmement pertinent, dans la mesure où il permet de jongler entre des parties calmes (le mot est relatif) et des parties plus violentes, sans marquer de rupture dans l'enchaînement des séquences (comme le retour progressif à l'intro au milieu du morceau). On assiste à une intro assez lente et très mélodique pour un basculement total, ou quasi-total, vers des séquences très rythmiques et assez complexes, elles-mêmes découpées par d'autres séquences plus mélodiques. Bref, "Vicarious" est un petit bijou de composition très agréable à l'écoute.

"Jambi, Jambi"... que dire sur ce morceau ultra rythmique qui lie parfaitement le jeu de Chancellor à celui de Carey, ce son de guitare d'Adam Jones simplement fabuleux (qui s'essaye d'ailleurs à un solo tout dans la sonorité et la propreté des saturations, ce qui est vraiment génial car les solos chez Tool sont quand même très peu présents) et ce chant de Maynard !!! Ouais, très très bon morceau, qui tire peut-être un peu trop sur la longueur pour ce qu'il offre, mais franchement c'est pas dérangeant.


Là vient la partie de l'album la plus difficile à aborder : "Wings For Marie (pt 1)" et "10,000 Days (Wings pt 2)". Deux morceaux qui forment un tout, 17 minutes de composition juste divine. Ce morceau est un hommage à la mère du chanteur décédée après 27 ans passés dans le coma (soit 10,000 Days). Ce morceau, c'est l'incarnation musicale de l'acceptation, de la tristesse, du regret, de l'amour : j'en ai presque les larmes aux yeux à chaque écoute, c'est juste magnifique. La basse est ultra mélodique, la guitare est moins mise en avant qu'à son habitude et sert à créer une atmosphère indescriptible, la batterie est mélodique (c'est difficile à imaginer, mais la section rythmique du morceau sans cesse en mouvement met en avant la virtuosité de Danny Carey) et le chant de Maynard... comment dire : envoûtant ? aérien ? déchirant ? Nan, juste magnifique, une voix posée sans exagérer dans les capacités vocales du chanteur, juste la beauté de la maîtrise de cette voix fabuleuse. Ce morceau, objectivement parlant, est sans doute ce qu'il m'a été donné de plus beau à écouter : un vrai mélange d'émotions.

Sans transition ou presque, le morceau qui suit est en total décalage avec les deux précédents : "The Pot". L'intro la plus efficace et la plus orginale de la carrière du groupe : le chant a cappella de Maynard juste incroyable, ce riff de basse de Chancellor ultra rythmique, avec ce groove si particulier (même quand les mesures sont en 4/4 on a l'impression que ça n'en est pas), la rentrée progressive de Danny Carey sur ses percussions, et l'utilisation parfaite des sonorités de la guitare d'Adam Jones. Le morceau est ultra rythmique contrairement aux précédents qui eux étaient ultra mélodiques. Ce morceau est juste une bombe.  

"Lipan Conjuring" : bah... c'est un interlude, donc ça mérite pas trop d'analyse, ça permet de se remettre du rouleau compresseur qu'est "The Pot", et de nous préparer aux morceaux qui viennent.

Septième et huitième morceaux de l'album : "Lost Keys (Blame Hoffman)" et" Rosetta Stoned". La définition même de ce qu'est le Metal Progressif : une structure type de morceau n'existe pas. "Lost Keys" est une longue introduction à "Rosetta Stoned" qui joue beaucoup sur les effets de saturation et de reverb sur la guitare et la basse, sympa, mais pas exceptionnel ...par contre, "Rosetta Stoned", là, c'est du lourd. 11 minutes qui t'en paraissent 3, une instru ultra lourde, massive, des passages ultra mélodiques, Keenan toujours au top et il y a un passage en particulier de ce morceau qui me fait frissonner : vers la septième minute du morceau, là où commence le bridge et le solo d'Adam Jones, la batterie et la basse sont juste bluffantes, et la montée qui nous amène au plus grand orgasme auditif de mon existence : le chant de Maynard, s'élevant au dessus de l'instrumentation parfaite des trois autres musiciens, un régal, sensation indescriptible, du génie. Ce morceau est un chef-d'œuvre, on rentre réellement dans la spirale tooliène.

"Intension" est un bon morceau, mais sans plus. La basse est très jolie, mais le plus intéressant reste ce que fait Danny Carey à la batterie : si je ne dis pas de bêtises, il s'agit d'une batterie électronique, pour le coup, qui offre un décalage radical avec ce que propose habituellement le groupe. C'est sympa, mais ce n'est pas exceptionnel, alors je ne m'attarderai pas sur ce morceau.

"Right In Two" : le morceau que je ferais écouter à quelqu'un qui me demanderait "c'est quoi Tool ?" ou "c'est quoi du Metal Progressif Psychedelic Tribal ?". D'une intro aérienne entre le riff de Jones simple, mais dont l'utilisation du delay et de la reverb est juste parfaite, et les harmonics couplées à la whamy à la basse phénoménales, vers une fin agressive, violente, avec une rythmique lourde, pour le coup vraiment "Metal". Ce morceau est la démonstration technique de Danny Carey sur l'album par excellence : solo de percussions tribales/orientales, et l'outro juste humainement inimaginable. Cela me permet d'aborder un point : la batterie dans Tool (comme la basse) est d'une créativité sans nom. Là où des groupes se contentent d'avoir une batterie pour appuyer la section rythmique d'un morceau, Tool va chercher dans l'exploitation de toutes les nuances de jeu possibles (je ne suis pas batteur, mais je pense pouvoir reconnaître un bon batteur, un batteur qui a énormément de créativité, un musicien qui n'est pas gêné par ses qualités techniques pour composer). Carey ne va pas pondre un simple blast beats (par ailleurs, il n'abuse pas de l'usage de la double-pédale, ce qui permet d'accentuer l'agressivité des sélections rythmiques lorsqu'il l'utilise) il va aller beaucoup plus loin, là où son talent de musicien juste phénoménal pourra le conduire : en clair, ce morceau est un solo de batterie de 9 minutes, et c'est cela sur presque tous les morceaux de Tool, mais celui-ci le met vraiment en avant.

Dernier morceau de l'album : "Viginty Tres". Je n'ai pas encore compris son intérêt, et je pense que je ne le comprendrai jamais, grand mystère pour moi. Certains s'accordent à dire qu'il sert à être superposé sur la première partie de "Wings For Marie", mais je ne sais pas. Peut être est-ce pour finir l'album calmement.

Car l'album est fini, et pour les fans de la première heure, il faudra attendre 13 ans avant un nouvel opus. Ce voyage ne vous laisse pas indifférent ; j'en suis ressorti avec une autre appréciation de ce qu'était la musique. Je pense que Tool est un groupe unique, qui a une vision des choses très précise, et une approche de la musique très philosophique (surtout sur les trois derniers albums). On sera toujours quelque peu bouleversé par l'expérience de l'écoute, une perception différente de ce que peut être la musique (chose qui m'est rarement arrivée avec d'autres groupes, mis à part Hypno5e). Bref, "10,000 Days" a ouvert mon troisième oeil, et m'a fait rentrer dans la spirale dont je n'ai encore su ressortir : en clair, Tool est une prison musicale qui élargit les horizons de l'agréable.

lundi 6 septembre 2021

Tool : Lateralus (Spirale et troisième œil)

C'est très difficile de décrire la musique composée par Tool, mais une chose est certaine, une fois qu'on a touché à leurs œuvres, il n'y pas de retour possible. "Lateralus" est le troisième album studio du groupe : après un "Undertow" agressif, un "Ænima" angoissant, prenant et envoûtant, Tool revient pour nous livrer là un album plus sophistiqué sur le plan technique, plus psychédélique et peut-être plus aérien. Techniquement, et sur le plan de la complexité de composition, "Lateralus" est sans doute un de leurs albums les plus aboutis (avec "10,000 Day"s et "Fear Inoculum"). L'album en lui-même est très bien construit, l'ordre des pistes s'enchaîne à merveille, d'un début plutôt agressif vers une fin plus psychédélique et aérienne (j'y reviendrai).

L'album commence donc sur le titre "The Grudge", un morceau très efficace, et sur le plan vocal un des morceaux les plus aboutis de Maynard (on retiendra son cri de 25 secondes à la fin du morceau), un ensemble très rythmique avec un mélange basse/batterie extrêmement bien construit (la présence de la basse sert presque de fil directeur à la progression du morceau, elle met en avant les quelques transitions qui marquent les ruptures entre les différentes séquences du morceau : cf. la progression de l'intro, le retour au mouvement d'intro en milieu-fin de morceau,...), et un jeu de guitare d'Adam Jones toujours dans l'expérimentation des sonorités parfaites de sa Gibson Les Paul : bref, un excellent début d'album.

Vient le premier interlude, ou morceau de transition : "Eon Blue Apocalypse". Et on en avait besoin, car après un morceau plutôt agressif et très lourd rythmiquement (au sens mélioratif du terme), une rupture calme ne fait pas de mal.

La troisième piste de l'album est "The Patient", peut-être le morceau qui m'attire le moins sur l'album, non pas qu'il soit mauvais - il est très bon - mais je trouve qu'il sort du lot parfait que compose le reste de l'album (il aurait pour moi plus sa place sur Ænima pour son côté oppressant et légèrement dérangeant). Le morceau est, selon moi, très axé sur l'harmonie chant/guitare, Maynard/Jones (cf. la fin du morceau surtout), sinon on retrouve à son habitude chez Tool une base rythmique très solide, où chaque note de la ligne de basse de Justin Chancellor est posée au millimètre pour s'harmoniser avec la batterie de Danny Carey : bref, un morceau très réussi mais qui je pense n'a pas sa place (à cet instant du moins) dans l'album.

Vient le second interlude, "Mantra", morceau que l'on peut lire à l'endroit comme à l'envers (une musique palyndromique...), qui se voudrait dans une deuxième lecture de l'album comme le lien entre les deux parties constituantes : le corps et l'esprit (je ne développerai pas cet axe de seconde lecture de l'album).

Cinquième morceau : "Schism". Là, c'est du lourd, du très lourd. Je n'vais pas pouvoir décrire le morceau, sensation indescriptible, je frissonne à chaque écoute, l'une des meilleures lignes de basse de Chancellor, et une outro à couper le souffle. Niveau complexité de composition, on atteint des sommets : 47 changements de Time Signature* tout au long du morceau, mais là où est le génie du groupe, c'est que contrairement aux autres groupes de progressif qui créent des morceaux techniquement incroyables et, en terme de composition, sidérants mais qui n'ont pas grand intérêt au delà d'exposer la qualité technique des musiciens, "Schism" va chercher dans la complexité sans la faire remarquer à l'auditeur (je vais pas non plus dire qu'on à l'impression d'écouter du 4/4 pendant 7min, mais on ne ressent pas les changements de signatures rythmiques aussi aisément que la plupart des morceaux de Metal Progressif, ce que je trouve presque propre à Tool).

Morceaux suivants, "Parabol"/"Parabola", qui marquent réellement un tout, un long morceau de 9min découpé en deux : la partie calme, la partie réellement Metal. Un morceau ultra mélodique, très rythmique, et au risque de me répéter, le chant de Maynard est encore sublime. Ce morceau est une merveille, l'intro de 3min permet de profiter de l'album tout en se reposant de la claque monumentale que nous a livré "Schism", et la deuxième partie du morceau marque une rupture techniquement très réussie, et qui sera le point de départ d'un enchaînement de morceaux plus violents, une tournure que choisit de prendre l'album qui se trouve très justifiée.

Huitième morceau : "Ticks and Leeches". La démonstration technique de Danny Carey par excellence sur "Lateralus" (on s'imagine aisément un homme à 400 bras jouer l'intro). Un bon morceau peut-être un peu long sur la fin, la partie très riffée-mélodique entre guitare et basse joue sur la longueur pour marquer la transition et la progression du riff sans qu'on la ressente ; je pense que c'est le défaut majeur sur ce morceau (bien que cela dépende de l'appréciation de chacun pour la longueur progressive, personnellement, celà ne me pose aucun problème).

Neuvième étape d'un album sans erreurs (ou très peu) : "Lateralus", chef-d'œuvre monumental de composition. Le morceau est vocalement construit sur la suite de Fibonacci** (le refrain aussi en soi, riff en 9/8, 8/8, 7/8, 987 étant un nombre de la suite). Des jolis riffs de guitare, une basse plutôt mélodique en opposition au morceau précédent plutôt axé rythmique pour la basse (surtout dans la première partie), un jeu de batterie hors du commun (Danny Carey n'est définitivement pas humain), et un solo de guitare (ce qui est assez rare dans les morceaux de Tool) très réussi, mélodiquement parfait avec des effets Wha très bien choisis. Bref, ce morceau est un chef-d'œuvre du groupe, mais l'album n'est pas fini, et vient la partie que je préfère.

The Masterpiece of Lateralus, The Holy Trinity : (Disposition/Reflection/Triad). Un enchaînement de trois morceaux qui forment un tout, avec un début aérien, très mélodique, puis une longue partie angoissante mais si belle, et une dernière partie purement instrumentale violente et brutale. Le chant de Maynard est peu présent sur ces trois morceaux, mais instrumentalement, je n'ai presque jamais entendu quelque chose d'aussi bien travaillé (à l'égal de "Shine On You Crazy Diamond" (Pink Floyd), ou toute la partie mélodique de Schuldiner sur "Symbolic" (Death)), la Wal Bass de Chancellor est ultra présente pour nous dévoiler toute la qualité de son jeu, du mélodique au rythmique, de l'expérimentation ambiante au groove, la Les Paul d'Adam Jones toujours parfaite, en recul par rapport aux autres morceaux car elle sert d'accompagnement pour une fusion guitare/basse, et le jeu de Danny Carey encore une fois hors normes (il n'est clairement pas humain). Cette composition est envoûtante du début à la fin, on rentre réellement dans la spirale émotionnelle et toute la profondeur que nous offre cet album, un orgasme auditif, indescriptible : il faut l'écouter pour le croire. Malheureusement toutes les bonnes choses ont une fin, et cet album n'est pas éternel. On retrouve après 79min de pur voyage expérimental la dure réalité des choses, nous ne sommes que mortels, et l'univers dévoilé par Tool n'est pas le nôtre.

P'tite conclusion : c'est sans doute l'album avec lequel il faut commencer pour comprendre Tool, comprendre que ce n'est pas quelque chose d'ordinaire, que ce n'est pas descriptible, que Tool est une expérience. Ceci est un avis purement subjectif, c'est le ressenti que j'ai à chaque écoute de cet album, mais qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, Lateralus ne nous laisse pas indifférent.

* La signature temporelle est une convention de notation utilisée dans la musicale occidentale pour spécifier le nombre de battements contenus dans chaque mesure et la valeur de note équivalente à un battement.


** En mathématiques, la suite de Fibonacci est une suite d'entiers dans laquelle chaque terme est la somme des deux termes qui le précèdent.