Rubriques

Affichage des articles dont le libellé est Pink Floyd. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Pink Floyd. Afficher tous les articles

mardi 20 avril 2021

PINK FLOYD : Ummagumma (1969)


Syd Barrett devenu ingérable pour les raisons que l’on sait, David Gilmour arrive pour l’épauler puis, l'état mental de Syd ne s'arrangeant pas, finit par le remplacer définitivement. En 1968 Pink Floyd sort un "A Saucerful of secrets" en demi-teinte puis la B.O du film "More", musique de film plutôt réussie mais qui malgré tout reste une bande son et enfin ce disque "Ummagumma" en 1969. Pink Floyd tâtonne encore. Il ne trouvera réellement sa (nouvelle) voie qu'avec "Atom heart mother", "Meddle" et bien sûr "Dark side of the moon".
Revenons à "Ummagumma" : je n’ai jamais très bien compris quelle était la raison de ce double album avec un disque live et un disque studio expérimental, les deux disques étant très différents.
Disons-le tout de suite je n'aime d'ailleurs pas trop cet enregistrement studio, chaque musicien y allant de sa petite pièce musicale sans beaucoup d'intérêt il faut bien le dire.
Mettre ces expérimentations avec un enregistrement public est une erreur de casting fort dommageable. Quasiment une faute professionnelle.
D’ailleurs Waters n'a jamais caché qu'avec le recul ce disque studio était une erreur, un raté dans la discographie de Pink Floyd, le groupe n'ayant d'ailleurs pas trop apprécié le résultat final.
Selon moi seul surnage "The narrow way" le morceau composé par David Gilmour qui s’avère un vrai titre, tenant à peu près la route sans être époustouflant ; et non un bidouillage expérimental sans ligne directrice, de la masturbation intellectuelle avant-gardistes assez pénible comme le crieront les détracteurs !! Ce qui n'est d'ailleurs pas totalement faux même si certains apprécieront cette tentative de faire quelque chose de différent, de sortir des sentiers battus du pop/rock "classique".
Mais je reste avec la désagréable impression que les musiciens jouent avant tout pour eux, se font plaisir en faisant leur petite cuisine musicale, recette que le public ne comprendra pas forcément.
Passons...
J’ai donc décidé de ne pas m’éterniser afin de m’attarder plus longuement sur le disque live enregistré en avril et mai 1969 et dont les quatre morceaux, sans doute les plus psychédéliques de la période 1967/69 du Floyd, s’avèrent non seulement plus intéressants mais au final un voyage musical assez unique, que je considère volontiers comme l'un des sommets du rock psychédélique. Quatre titres d'anthologie, enregistrés ici dans des versions allongées, souvent plus expérimentales et ambitieuses que les originaux studio et qui resteront à jamais dans l'Histoire du rock même si ce n'est pas ce que Pink Floyd a fait de plus connu ; car l'ensemble captive et dégage une ambiance unique, une expérience auditive et pose définitivement les bases du ROCK psychédélique et non plus de la pop psychédélique "gentillette" qui avait fait son apparition depuis les années 66-67. On peut volontiers qualifier Ummagumma (live) d'apogée, d'apothéose du rock psychédélique des sixties.
"Ummagumma" est aussi un album charnière avant la sortie de disques plus "pop", planants, atmosphériques ou symphoniques (mais qui garderont souvent une ambition qui fera la force du groupe). Ce live clôture la période Barrett en quelque sorte, Syd Barrett dont l'ombre plane encore sur ces quatre morceaux live qui rappellent encore avec insistance les premiers concerts du groupe donnés au U.F.O, mythique salle londonienne.
Ecouter cet enregistrement public c'est entrer et explorer une nouvelle dimension musicale...
« Astronomy domine », écrit par Barrett, tiré du premier album et qui débute ce live, reste ma préférée même si c'est assurément le morceau le moins aventureux. Ce titre a quelque chose d’hypnotique, de galactique, de mystérieux. Avec une voix venue d'un autre monde qui rappelle que Pink Floyd est le premier groupe rock à avoir exploré un univers musical qu'on peut qualifier de cosmique.
Et si les extra-terrestres existent alors c'est ce morceau qu'il faut envoyer dans l'espace pour prendre contact avec eux !
Une pop psychédélique qui se transforme "sur scène" en rock psychédélique spatial.
Et comme tous les morceaux de ce live la voix n'est là que pour accompagner la musique même si sur ce titre les choeurs "hallucinés" donnent une dimension qui colle parfaitement à l'instrumentalisation. Le morceau par excellence d'un "space rock" psychédélique.
« Careful with that axe, Eugene » est assez différent qui alterne passages planants et violents. Cela monte progressivement en puissance, emmené par un clavier mi-reposant mi-angoissant jusqu'au hurlement effrayant, terrifiant et légendaire de Waters qui débouche sur quelques minutes où progressif et psychédélique se mélangent dans une furie magistrale puis c'est la descente magique vers des horizons plus apaisants...
Mais sur ce titre quasi instrumental on est déjà dans les contrées plus planantes du Floyd.
Ce morceau sorti seulement en 45 Tours en 1968 demeure un grand classique scénique de Pink Floyd.
Vous avez bien accroché votre ceinture ? Le voyage continue avec "Set the control of the heart of the sun" qui est assurément le plus "flippant" des quatre titres avec le clavier hypnotique de Wright et la batterie désarticulée de Mason, la voix quasi murmurée ; encore un titre époustouflant, avec l'impression d'être parfois en apesanteur dans l'espace et où les passages calmes ont une ambiance inquiétante, bonifié par rapport à la version de l’album, en l'occurrence le second, « A saucerful of secrets » ; on navigue dans un psychédélisme plus traditionnel que pour "Astronomy domine" qui garde, malgré ses digressions une structure pop, désarticulée certes mais pop à la base, alors que "Set the control" s'affranchit totalement des structures classiques pour se tourner vers l'exploration musicale.
"A Saucerful of secrets", lui aussi est tiré de l’album éponyme, et là encore Pink Floyd propose un morceau quasi instrumental où le groupe accentue le côté rock psychédélique mais davantage expérimental, enlevé de toute substance pop dans sa première partie puis planante dans la seconde. On est déjà presque dans ce qu’on pourrait appeler du rock progressif, tant dans les variations musicales proposées que pour les différences ambiances abordées.
Et on comprend mieux pourquoi le principal groupe de post hardcore / sludge metal, Neurosis, cite volontiers le Pink Floyd de cette époque comme influence majeure.
Ce live est un univers à lui tout seul, un témoignage d'une époque révolue.
Une explosion. Une exploration sonore unique, une expérimentation auditive inoubliable, un cataclysme, accentué par un son qui laisse filtrer le côté mystérieux et inquiétant de l'oeuvre, presque ésotérique.
Une invitation à un voyage sidéral, inter-galactique, cosmique.
Un disque qui hypnotise et envoûte littéralement l'auditeur pour ne plus le lâcher.
Au final une atmosphère à la fois psychédélique (beaucoup) progressive (un peu) planante (parfois), expérimentale (évidemment)...que personne n'arrivera jamais à égaler, mis à part peut-être  Hawkwind par séquence au début des 70, mais dans un registre un peu différent.
Car Pink Floyd navigue déjà à cette époque - et surtout à cette époque - dans un autre monde.


mardi 18 août 2020

PINK FLOYD : bande originale du film More (1969)

FORMATION:

David Gilmour : guitare, chant
Rogers Waters : basse
Nike Mason : batterie
Richard Wright : claviers



1968, Gilmour arrive pour épauler puis pour remplacer Syd Barrett dont l’état physique et psychologique ne lui permet plus de jouer avec le groupe.
Après un album « Saucerful of secrets », mitigé, où sont présents les deux guitaristes (pour la première et la dernière fois) Pink Floyd est sollicité pour composer la musique du film More de Barbet Schroeder.

Pink Floyd, on l’oublie souvent, si on met de côté The Wall qui fut d’abord un album avant d’être une B.O, a composé quelques musiques de films à la fin des 60s, et au début des 70s : Zabriskie point (avec 3 titres de Pink Floyd), La vallée – également mis en scène par Schroeder - toutefois le disque est sorti sous le nom de « Obsured by clouds » mais « More » est sans doute la plus aboutie à mon goût.
Pas facile de chroniquer une musique originale de film mais là c'est plutôt réussi, d'une part parce que la majorité des titres tiennent la route indépendamment du film mais aussi car la musique colle parfaitement à l'atmosphère de celui-ci (j’avoue que j’ai vu More il y a un certain temps déjà mais j'en garde encore des souvenirs et de l’ambiance générale du film et de la musique), il s’accorde parfaitement à l’histoire et aux thèmes de More (un jeune étudiant allemande s’initie aux drogues dures à Ibiza dans les années 60, Ibiza qui était alors La Mecque des hippies et des junkies).

Exercice périlleux, difficile, délicat mais parfaitement maîtrisé ici même si les morceaux sont d’inégales valeurs et d'orientations musicales fort diverses : acoustique, hard, planant, psychédélique, blues… tout y passe avec bonheur (bon bien sûr quand on écoute le disque sans le film y a bien quelques temps faibles mais assez peu ici, disons deux titres assez anecdotiques).
En grande partie composé et enregistré en huit jours, ce qui assez est prodigieux et plus encore pour une musique de film originale, Pink Floyd s'en tire plus que bien. 

Quelques petits bijoux, disons cinq grands titres dont peut-être les deux premiers titres de l'histoire du hard rock car effectivement ils ont été enregistré en 1968 quasiment à la même époque que Led Zeppelin « I », (deux morceaux assez très proches, avec un riff d'intro quasi identique) « Ibiza Bar » et surtout « The Nile song » assez impressionnante d'intensité, plus les magnifiques « Green is the colour » et « Cymbaline » (la perle du disque), sans oublier « Mirrors circus » le très bon titre qui ouvre l'album.*

« Crying song » ballade assez simple mais portée par la très belle voix de Gilmour qui chante d'ailleurs sur tous les titres (avec en plus un solo sympa du même Gilmour), Waters et Wright se contentant des backing vocals.
Les autres morceaux :
« Up the khyber », instrumental mi jazz mi psychédélique.
« Main theme », instrumental avec son orgue flippant en intro puis un mix planant/psychédélique très 60's.
« Quicksilver, », long instrumental psychédélique.
« More blues », comme son nom l'indique un blues (sans grand intérêt).
« A Spanish piece » là encore pas un grand intérêt.

Ces deux morceaux n'apportent rien d'un point de vue strictement musical mais de toute façon la seconde face est nettement moins bonne, beaucoup d'instrumentaux qui sont de petites séquences liées à des scènes précises du film.
Les morceaux sont donc d'une valeur assez inégale mais rappelons qu'il s'agit d'une Bande Originale.
Au final répétons-le c'est plutôt réussi avec 5 ou 6 bons titres et une musique colle parfaitement à l'atmosphère du (très bon) film de Barbet Schroeder.
De toute façon il est difficile de comparer cet album avec « Meddle », « Dark side of the moon » ou « Wish you were here » quelques uns des grands classiques du Floyd.

Quelque part cette B.O reste l’archétype de l’album psychédélique par excellence, ou du moins d’un certain type de psychédélisme (même si tous les morceaux ne le sont pas) et d’une époque évoquant l'âge d'or hippie ; manque peut-être juste un morceau à la "Astronomy domine".

lundi 20 janvier 2020

Pink Floyd : Animals



Résultat de recherche d'images pour "pink floyd animals"

«  Tous les animaux naissent égaux , mais certains sont plus égaux que d’autres. »
Voilà la phrase que l’on retiendra le plus d’Orwell , issue d’un livre s’en prenant violemment à l’obscurantisme bolchévique. Plus qu’aucun autre , Orwell avait vu que cette révolte, annoncée comme le tonnerre brisant les chaînes du prolétariat opprimé , n’était qu’une nouvelle forme d’oppression. Le constat était d’autant plus vibrant dans cette fable , qu’il était écrit par un homme profondément socialiste , qui a raconté son engagement face au fascisme dans « hommage à la Catalogne ».

Mais pourquoi parler d’Orwell dans une chronique de Pink Floyd ? Et bien tout simplement parce que , en 1977 , les cochons ont encore changé de camp. 1977, c’est la disgrâce de la perfide Albion, l’étouffement d’une jeunesse affolée par la baisse de la croissance, le chômage et l’inflation. L’époque n’est plus à la rêverie, l’introspection, où la sagesse, elle bascule dans le nihilisme libérateur des hordes punk.

Le floyd veut à tout prix éviter de s’enfermer dans sa tour d’ivoire, ce qui le fossiliserait plus surement que le chômage humilie le prolétariat. Alors Roger Waters réadapte le processus d’Orwell , mais dirige sa critique vers ce capitalisme fou qui crée une hiérarchie absurde. Seule dose d’optimisme dans un album sombre comme une fumée d’usine, « pigs of the wings » décrit toutefois l’amour comme le seul moyen d’échapper au conformisme de cochons rivés sur leurs mangeoires consuméristes.  

Vient ensuite le tour des chiens , bras armé du pouvoir , dont le seul rôle est d’annihiler tout mouvement capable de libérer la masse bêlante des cochons qui la gouverne.  Les chiens , c’est aussi cette petite bourgeoisie vicieuse , cherchant une proie facile pour se hisser au niveau des cochons.  Le riff de Gilmour , allié à l’ambiance angoissante tissée par le synthé ,  illustre tout le danger que représente cette classe mesquine. On y découvre aussi une certaine empathie car , tôt ou tard , cette arrivisme les mènera à leur propre perte , et il leurs faudra se battre pour ne pas sombrer. Le riff de Gilmour sonne d’ailleurs comme le hurlement d’un chien aux abois.

Longue fresque rageuse , « dogs » ouvre la voie à ceux qui entretiennent cette comédie tragique qu’est le monde capitaliste, les cochons se gavant sur le dos d’une misère qu’ils entretiennent. Dans ces cochons, on discerne bien sûr l’image de l’actionnaire, l’œil rivé sur le cours de la bourse comme sur une idole pour laquelle il sacrifie des milliers de vies. Une autres cible apparaît , celle d’une dame « vieille peau qui aime la sensation du fer » et « prend son pied avec son flingue à la main ». Si l’intéressé ne l’a jamais confirmé , cette description semble dirigée contre Margaret Thatcher , alors fraîchement élue à la tête des conservateurs. Anti communiste primaire, la dame de fer célébrera un peu plus tard le début de son règne, en envoyant les policiers affronter les manifestants lors des fameuses émeutes de Brixton.

Pigs représente le sommet de cette antagonisme créateur, qui vit ses dernières heures sur animals , celui qui oppose l’intellectualisme de Waters et la préoccupation musicale de Gilmour. Fier de son concept , Waters se préoccupe peu de mélodies où la guitare de Gilmour se taille la part du lion. Autant que son chant particulièrement soigné , la guitare de Gilmour transpire d’une hargne désespérée, la colère de l’homme face à la connerie triomphante. Les riffs sont d’autant plus puissants sur pigs que leur rythme porte son riff en forme d’accusation péremptoire, dans une des mélodies les plus épurées du répertoire floydien. Si le synthé s’élève, ce n’est que pour pousser des lamentations qui sont autant de cris sortis de l’enfer des usines, alors que les cochons ponctus les riffs de leurs cris de monstres cupides.

Ce titre vaudra au groupe le surnom de « punk floyd » , les critiques ayant bien compris que cette œuvre fouillée était bien plus subversive que les braillements de n’importe quel damné à crête.

Mais Waters n’est pas aussi illuminé que Marx et , quand il en arrive à ses moutons soumis au pouvoir , il les traites avec la même hargne. « Vous devriez faire gaffe / Il y’a peut être des chiens dans le coin » leur lâche-t-il avec une ironie désespérée. Il sait que , autant que les cochons , les moutons sont responsables de leurs malheurs , qu’ils entretiennent via une apathie venimeuse.

Le peuple n’est pas prêt à se révolter, il est bien trop bien bâillonné par la violence des chiens, les sirènes consuméristes produites par les cochons, ou cet éternel opium du peuple que constitue les religions. Malgré la violence de ses textes, Sheep est un blues, dont le chant est d’autant plus désespéré que Waters reconnait qu’il fait un peu partie de ce lot.

Pigs on the wings part 2 conclut le tout sur une chanson d’amour , seul remède à ce monde devenu fou. Et , quand les dernières notes s’éteignent , on ne peut que constater que le meilleur album punk a été produit par leur pire ennemi.                                            


samedi 18 janvier 2020

Pink Floyd : Wish You Were Here


Résultat de recherche d'images pour "pink floyd wish you were here"


Nous sommes en 1975, lessivé par l’exploit que constitue « dark side of the moon », le floyd cherche un second souffle.  L’idée viendra encore de Waters, qui souhaite articuler le nouvel album autour de shine on you crazy diamond, son long poème, sur lequel Gilmour a plaqué son riff stellaire. « wish you were here » sera donc un disque sur l’absence, emballé par une pochette culte signée hignosis.

Alors qu’ils sont en plein travail au studio abbey road , les musiciens reçoivent la visite d’un homme chauve et bedonnant , qui attire leur attention sans qu’ils comprennent immédiatement pourquoi. C’est Roger Waters qui le reconnaîtra le premier, fondant en larmes lorsqu’il comprit que ce qu’il avait devant lui était le corps, et l’esprit, d’un Syd Barrett arrivé au terme de sa déchéance.

Bien que présent sur une courte période, Barett a toujours guidé la musique du floyd , une série d’images honorant la mémoire de ce génie détruit. Après avoir été  «  le fou dans l’herbe » de dark side of the moon » , le voilà transformé en diamant fou , symbole de l’insouciance perdue.

Wish you were here est un disque nostalgique, qui délivre un message universel à partir de l’histoire tragique de son ex leader. Quand, en introduction de shine on , Gilmour chante « remember when you were young , you shine like the sun » , il semble dresser un miroir à travers lequel chacun peut projeter son propre âge d’or. Sa guitare, lyre céleste lançant des homélies mélodiques, devient alors le réceptacle de toutes les joies perdues.

Cette fresque emmène l’auditeur vers des sommets réconfortant, chaque étape du titre s’apparentant au décompte sensé envoyer notre esprit sur orbite. Le clavier prend d’abord le temps de poser le décor, ses ambiances entourent l’auditeur comme une épais nuage blanc. Arrivent ensuite les quatre notes célestes de Gilmour, grand requiem annonçant l’évocation de Syd Barett. Un long instrumental laisse ensuite l’esprit de l’auditeur calquer ses propres souvenirs sur sa mélodie, le chant arrive alors comme une apothéose spirituelle, bientôt clôturé par un saxophone majestueux.  

Quelques minutes plus tard, le Floyd semble quitter Barett, pour laisser Roger Waters déverser son fiel contre l’industrie du disque. Mais, si le blues robotique de « welcome to the machine » est si violent envers ce musique business qui vient juste de rendre le floyd riche , c’est parce qu’il pense que la pression qu’il impose a poussé son ex leader vers la folie. Sur le même thème, « have a cigar » part dans un registre plus léger, Roy Harper balançant son funk irrésistible en haut du nuage délirant que tisse le Floyd.

C’est que le titre n’est qu’une petite récréation avant le véritable chef d’œuvre du disque, son merveilleux morceau titre. Il permet à Waters d’exprimer une nouvelle fois ses troubles, cette confrontation entre son « mauvais côté » arriviste, et son coté altruiste « lumineux », pour en arriver à la conclusion que le premier l’emporte le plus souvent sur le second. Encore une fois, la musique n’impose pas cette interprétation. L’auditeur est libre, lorsque gilmour chante 

«How I wish, how I wish you were here
We're just two lost souls
Swimming in a fish bowl
Year after year »

de calquer sur son texte le visage de celui qui a emporté avec lui une époque merveilleuse, qui ne reviendra plus. Country cosmique, le titre célèbre encore une fois le feeling majestueux de Gilmour , dont le riff acoustique débouche sur un solo hypnotique , la tradition country cohabitant avec la rêverie psychédélique dans une mélodie sortie de l’éden.  

Après cette apothéose, la seconde partie de Shine on you crazy diamond clos le bal sur un riff strident, ouvrant la voie à un solo rageur.  C’est un véritable cri de révolte face au cynisme du destin, qui est parfaitement résumé à travers le message d’espoir que dispense Roger Waters « Et nous nous réjouirons dans l’ombre du triomphe d’hier ». En écrivant un grand hommage à celui qui continue de marquer son histoire (Barett), Le floyd a produit une des plus belles odes à l’espoir de la musique pop.  



samedi 4 janvier 2020

Pink Floyd : Atom Heart Mother


Résultat de recherche d'images pour "pink floyd atom heart mother"

Régulièrement, arte diffuse un documentaire sur les Beatles retraçant les grandes heures de la beatlemania. Comme pour signifier la fin de cet âge d’insouciance, le film se conclut sur les images de l’enregistrement de « a day in the life ». Ce passage impressionnant donne l’impression d’être dans le studio, et nous permet de mesurer toute la portée historique de ce moment, lorsque l’orchestre se met à jouer sa grandiloquente partie.

Point d’orgue d’une grandiose fresque pop , « a day in the life » montrait le chemin à une jeunesse désireuse de repousser les barrières du rock. Pendant ce temps, les floyds ont sortie Ummaguma , disque foncièrement expérimental, qui s’inscrivait dans la logique de « tomorrow never know ».

« Ummaguma , l’album à la vache », je me permets de citer cette erreur de Houellbecq , car elle démontre bien tout le mépris qui entoure encore « atom heart mother ». Il faut dire que le floyd a atteint un premier sommet spatial avec son second disque , et les somptuosités atmosphériques de set the control from the earth to the sun annonçaient des merveilles que les fans ne voulaient pas abandonner.

Les plus snobs préfèreront l’avant gardisme alambiqué d’Ummaguma , les autres se délecteront de la transe acide de « a saucerfull of secret », mais chaque glissement en dehors de ces nouvelle balises sera pris avec méfiance.

La première rencontre du floyd avec la musique symphonique date de 1969, année où le London philarmonique orchestra les a rejoint sur la scène du royal albert hall. Ayant pris goût à ce raffinement musical , Pink Floyd sollicite l’aide du compositeur écossais Ron Geesin , avec qui ils ont travaillé sur la musique du film « the body ». Comme la bande de Roger Water ne sait pas écrire la musique , elle compte sur le compositeur écossais pour lui concocter la partie orchestrale de la bande qu’il lui offre comme support.

Trompettes et trombones introduisent le morceau titre de façon solennelle, bientôt rejoint par le groupe, qui tisse sa fresque épique, les bruitages sonores nous plongeant en plein champs de bataille. Le second mouvement part ensuite vers des contrées plus planantes, porté par la douceur du violoncelle , avant que Gilmour ne hausse le ton, le temps d’un solo soutenu par des cuivres grandiloquents.

On revient ensuite à une atmosphère plus méditative, le mouvement suivant s’annonçant comme un grand crescendo, où la voix d’une choriste semble déjà venue de cette « face cachée de la lune », que le groupe ne tardera pas à explorer plus profondément.

Basse funky , sons déformés , le tout relié par des cuivres , le titre atom heart mother va bien plus loin que la pop vaguement symphonique de son époque. Cette œuvre ambitieuse, long écho de la fièvre créatrice de « a day in the life », achève d’imposer la pop comme une musique sérieuse. Ce concerto atmosphérique, auquel une part du public ne pardonnera jamais son côté symphonique, est un sommet unique dans la carrière du floyd, une beauté foisonnante que le groupe ne reproduira plus.

La face B , composée de cinq chansons pop raffinées , ne semble faite que pour prolonger l’écho de cette symphonie atmosphérique. Atom heart mother n’est pas seulement un grand disque de rock, c’est le virage magnifique d’un groupe qui a transcendé les tendances de son époque.

Un « album à la vache » que la plupart de ses descendants ne feront que caricaturer.        


jeudi 2 janvier 2020

Pink Floyd : A Saucerful Of Secrets


Résultat de recherche d'images pour "pink floyd a saucerful of secrets"

Et le guide se perdit dans les collines de sa psyché contrariée. En pleine tournée Américaine, celui qui avait créé la magnifique matière expérimentale, qui compose the pipper at the gate of dawn, n’est plus capable de tenir son rôle de leader. Assommé par sa consommation massive de LSD , Barrett oublie sa guitare avant d’entrer en scène , où il reste parfois figé comme un pantin désarticulé.

Ses collègues l’incite à consulter un psychologue , qui lui diagnostique une schizophrenie, le groupe est désormais obligé de se séparer de celui à qui il doit sa fulgurante ascension. Pour éviter une séparation douloureuse, pink floyd pense d’abord recruter un guitariste pour épauler son leader défaillant. Le nom de Jeff Beck est évoqué, mais c’est rapidement David Gilmour qui s’impose comme une évidence.

L’homme est proche de Syd Barrett et des autres musiciens, et accepte rapidement une proposition qu’il voit comme une occasion inespérée de faire décoller sa carrière. Sur scène, il ne côtoiera Barrett que quelques jours, son état déplorable obligeant le groupe à le renvoyer définitivement. A saucerful of secret marque donc une nouvelle ère pour le floyd, d’autant que Barrett n’a participé qu’à un seul de ses titres.

 « let there be more light » , qui a la lourde tâche d’ouvrir ce disque charnière, est un formidable manifeste. Composé de trois parties, le titre remplace la pop séduisante de Barrett par une ambitieuse fresque musicale, qui demande plusieurs écoutes pour dévoiler toutes ses qualités.

A saucerfull of secret est largement marqué par l’arrivée de Gilmour , dont la virtuosité incite le groupe à partir sur des chemins moins balisés , à quitter les sentiers battus du rock expérimental pour ouvrir les portes du cosmos. Véritable musique d’architecte, les titres du floyd deviennent des édifices complexes et tortueux, qui trouvent leur sommet avec set the control of the heart of the sun et le morceau titre.

Symphonie spatiale, fresque sonore capable de faire voyager les esprits , ces titres ont aussi suscité l’incompréhension de Norman Smith. Encore marqué par les codes de la pop , fusse t’elle expérimentale , l’ex producteur des beatles ne comprend pas ce morceau à rallonge, où le floyd manie les sons comme un alchimiste fou.

C’est que, après avoir compacté l’inventivité progressive sur des pastilles de quelques minutes, le floyd définissait les codes de la génération suivante, en rallongeant le format de la chanson pop. A ce titre , « set the light for the heart to the sun » est un véritable guide du futur prog rocker . A la composition, Waters imagine un poème hallucinant nourri par la science-fiction de Mickael Moorcock. Pendant ce temps, Nick Mason développe un jeu jazzy renforçant la transe méditative mise en place par ses collègues.

Si set the light for the heart of the sun est surtout le fruit de l’imagination de Roger Waters, il ouvre la voie au premier chef d’œuvre collectif du groupe, le monumental morceau titre. La première partie de ce requiem plonge l’auditeur dans un univers angoissant et solennel. Nous entrons dans un univers inconnu, et la mélodie semble représenter les turpitudes du voyageur égaré. Des tambours tribaux forment ensuite une rythmique spatiale angoissante, qui monte dans un crescendo hypnotique.

Puis, une éruption lointaine sert de fond sonore à un final plus apaisé, une mélodie complexe et fascinante née du chaos. Le ver symphonique était définitivement entré dans le fruit rock, et ce titre est l’édifice fascinant à partir duquel le prog construira sa légende.

On peut encore reprocher au floyd de rebasculer dans un format plus « basique », les autres titres montrant encore cet attachement à une pop fouillée typiquement britannique. Mais le nouveau floyd naissait véritablement sur ses requiems alambiqués , laissant son ex leader fermer le premier chapitre de sa carrière sur le final « jugband blues ».

Le roi Barrett se meurt, mais sa chute permet la naissance d’une nouvelle légende aussi flamboyante que la première.         

lundi 30 décembre 2019

Pink Floyd : The Pipper At The Gate Of Dawn


Résultat de recherche d'images pour "pink floyd the pipers at the gates of dawn"

Si le blues fut, dans les premières heures, la matière vitale qui permit au rock de libérer la jeunesse des années 50, les sixties s’émanciperont de ce vieux totem libérateur. Certes, les floyds payèrent leur dû au dieu blues, Barett ayant passé ses débuts de musicien en jouant come on des stones.

Sauf que les floyds avaient des horizons bien plus vastes, Water étant d’avantage attiré par le jazz de Mingus que par les tubes de la Motown. Les floyds dès leur début, sont les instruments d’une histoire qui dépassent leurs propres influences, et qui devient légendaire dès l’ouverture de l’UFO. Diminutif de « underground freak out », la salle est l’équivalent anglais de ce camping-car américain conduit par la bande de Ken Kesey.

Dans cette salle, le rock ne célèbre plus la libération de la jeunesse et des corps, mais invite le public à un voyage spirituel, porté par une musique ambitieuse. Responsable des effets scèniques ,Mike Leonard construit une roue faite de cellophane de couleur , et qui tourne devant ses spots, pour créer un décor hypnotique. Le succès est rapide, et après avoir essuyé un refus de la part d’Elektra , le floyd est récupéré par EMI, qui lui offre les services du producteur Norman Smith.

Ce producteur fait partie des hommes de l’ombre auquel on rend trop rarement hommage. C’est pourtant lui qui , déprimé par le conformisme d’artistes se contentant de reproduire le son de la motown , a encouragé les Beatles à s’intéresser aux possibilités offertes par les studios d’enregistrements. Avec le groupe de Syd Barrett , il joue le même rôle modeste, et se  contente de soutenir l’intérêt du groupe pour les techniques de studio , et de l’aider à réaliser les fulgurants délires musicaux de son leader.

Si tous s’accordent pour considérer les sixties comme l’apothéose créative du rock , alors 1967 est son point d’orgue. Coté anglais, les Beatles ont repoussé les possibilités du 33 tours avec revolver , et s’apprêtent à enfoncer le clou avec « sergent pepper ». Les stones ne sont pas en reste, et soumettent les vapeurs psychédéliques à leur groove bluesy sur aftermath et beetween the button.

Côté américain, le prophète Dylan a guidé ses disciples sur le chemin de la folk électrique, blonde on blonde s’affirmant comme l’apothéose lumineuse d’une trilogie indépassable. Ses rejetons les Byrds ont tracé le même chemin, avec une sensibilité plus pop , et leur premier disque est la base raffinée à partir de laquelle des musiciens comme Tom Petty, ou Jackson Brown, baseront une carrière exemplaire.

Et puis le son de San Francisco commence à déployer ses ailes, le jefferson airplane lançant ses plus grands slogans peace and love. Si on admet que le rock fut, en majeure partie , une grande guerre culturelle entre l’amérique et la perfide Albion , alors « the pipper at the gate of dawn » lance la vibrante réponse des anglais aux réveries psychédéliques des américains.

Pierre angulaire du rock progressif, le premier essai du floyd est le chef d’œuvre de Syd Barett , dont les textes issus de la littérature enfantine ou de science fiction posent les bases des rêveries progressives. En studio, le floyd laisse sa spontanéité s’exprimer, polissant son œuvre lors de 50 sessions d’enregistrements, pendant que Norman Smith remet de l’ordre dans ses expérimentations alambiquées.

L’enregistrement ne vise plus à trouver le refrain le plus entraînant, où à balancer à la va vite une ritournelle sensée marquer l’esprit des baby boomers , mais à laisser l’auditeur scotché par la richesse du son produit.

« the pipper and the gate of down » est un voyage introspectif, représentant toute la palette des émotions que Huxley résumait dans « les portes de la perception ». Plus féroce, « astronomy domine » et « interstellar overdrive » inventent le carburant qui permettra à Hawkwind de décoller vers des planètes musicales inexplorées. La basse est déjà jouée comme une guitare, et la musique gronde comme une fusée en plein décollage. Considéré comme la base du space rock , « astronomy domine » montre aussi le pessimisme d’un Barett qui arrive déjà à la fin de son parcours météorique.

Inspiré du générique de la série Batman , « Lucifer Sam » est porté par un riff monstrueux réinventant les codes du blues. Le floyd revient ensuite à la finesse pop célébrée par les Beatles et les beach boys , qu’ils semblent défier avec les mélodies de flaming , ou les chœurs de matilda mother.

Le fait que le groupe de John Lennon enregistre « lovely rita » dans le studio voisin a sans doute influencé l’expérimental pow r toc h, dont les bruitages font clairement penser aux fantaisies beatlesiennes. Le floyd partage aussi cette fascination pour Tolkien, que les beatles tentèrent d’adapter en film dès les années 60, et qui inspire à Barrett le récit enfantin de the gnome.

Tendre poésie portée par la douceur d’une guitare acoustique, tout juste rehaussée ici et là par un clavier qui carillonne tendrement, le titre ouvre une seconde face marquée par les rêveries juvéniles chères à Syd Barett.

On peut voir, dans son texte mystique ou fantastique, la sève virtuose qui nourrira l’arbre progressif, auquel le floyd donne ici ses premières lettres de noblesse. Album fondateur , « the pipper at the gate of dawn » est un voyage foisonnant , annonçant brillamment le passage de la pop classieuse à une musique plus « adulte ».

Elvis libérait les corps, Dylan a libéré les âmes, et le floyd terminait le processus en nourrissant les rêves. Alors qu’attendez-vous pour vous laisser porter ?