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mardi 23 février 2021

Ray Charles 1960 : The Genius hits the road

                                         

RAY et PAULO
Chronique littéraire

Ray Charles devient aveugle à l'âge de 7 ans. Le glaucome n'a pas pitié, la maladie frappe n'importe qui, n'importe quand c'est comme une loterie à l'envers à laquelle tu n'as pas choisi de participer dès ta naissance. Pour Paulo c'est un peu différent à l'âge de quatre ans les médecins lui diagnostiquent une tumeur cérébrale. Un an plus tard il est opéré. On doit lui retirer cet intrus de la cervelle. Un corps étranger qu'il n'a pas souhaité et qui veut sa mort. Il s'en sort plutôt bien puisque vivant mais totalement aveugle.

Plonger dans la nuit permanente ! Quelle épreuve ! Impossible de s'en sortir seul, impossible de se relever si tu n'as personne à tes côtés pour t'aider, te conduire.
Il parait que ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Voilà bien un exemple qui fait douter de cette citation, de toutes les citations. Rien n'est jamais clairement établi, posé, tous les penseurs du Monde ne pourront pas avec des mots vides arriver à circonscrire le désarroi et la frustration qu'un tel évènement génère dans une vie. 
Parfois je joue, je ferme les yeux et je me dis que je vais rester comme ça 5 minutes. Alors je me lève, je commence à me déplacer et au bout de trois pas n'y tenant plus, horrifié, je soulève mes paupières. J'ai tellement d'admiration pour Ray et Paulo.

Le petit Paul
Je me souviens de lui quand il avais six ans. Il était blond aux cheveux raides la peau d'une pâleur diaphane qui contrastait avec sa rondeur, son côté charmant bibendum. J'aimais bien quand il était posé sur le banc dans la cour de l'école aller le taquiner. Je m'approchais sans bruit et puis je touchais son oreille, son bras ou sa joue. Alors il grognait de plaisir car il était habitué à ce petit jeu.
Ensuite je m'asseyais avec lui et là il posait sur moi ses yeux sans le vouloir. Toujours j'étais troublé, blessé par ce regard vide qui me renvoyait à la chance que j'avais, la chance qu'avaient tous les enfants qui couraient comme des fous dans la cour. La loterie m'avait été favorable mais pas pour lui ni pour Ray !

Vivre indemne est déjà assez difficile, vivre seul sans un minimum d'amour quasiment impossible. Amputé il faut trouver une solution pour avancer. Le monde des sons est déjà une porte merveilleuse pour les entendants, certainement miraculeuse pour les aveugles. Il y déploient leur âme et montrent aux valides l'inutilité des notes, du solfège, glorifiant la mémoire et l'improvisation.
Ray, Stevie, Raul Midon, Amadou et Maryam, Blind Willie Johnson, Art Tatum, Andrea Bocelli... se sont réfugiés dans le monde des sons et ont pu ainsi par leur courage et leur volonté se forger un destin...tronqué mais splendide.

A chaque fois que j'écoute Ray Charles et particulièrement "Georgia on my mind" je pense à Paulo.  Qu'est-il devenu ? A-t-il trouvé son refuge dans la nuit ? 

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