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mercredi 27 octobre 2021

The Who : live at Leeds (1970)


Quand je parle des Who j'ai l'impression qu'il faut en fait parler de deux groupes distincts, celui de studio (et de l'excellente pop anglaise, des années 60, mélodique, énergique et avec des tubes en vrac) et celui de scène, sauvage, très rock, furieux, ravageur à souhait...Cette impression se renforce si l'on écoute un "best of" studio des Who, période 1965-1970, qu'on enchaîne immédiatement avec ce "Live at Leeds" et qu'on compare. Etonnant. Deux Who pour le prix d'un donc. Et les versions de "My Generation" ou "Magic bus" sont là pour le prouver, qui n'ont plus grand chose à voir.
En live The Who c'est de l'énergie ultime et sans frein, du blues rock crasseux, emmené par trois excellents musiciens et un très bon chanteur. Un rock fiévreux qui contraste avec leur image de Mod. Et des shows furieux où Pete Townshend et Keith Moon avaient l'habitude de faire quelques dégâts de matériels, les fameuses guitares cassées contre les amplis, laissant la scène digne d'un champ de bataille. 
Voici ce qu'en dit Lily Brett parlant des concerts des Who alors qu'elle s'apprête à interviewer le groupe à la fin des années 60 (voir Lily Brett "Lola Bensky" éditions poche p. 37) :
"... Ils étaient aussi connus pour terminer leur programme par une orgie de destruction apocalyptique, fracassant guitares, baguettes de batteries et amplis jusqu'à ce que la scène soit jonchée de débris d'équipements..."
It's only Rock'n'roll mais là c'est saupoudré d'un zeste de chaos qui n'est pas pour me déplaire. 
Sur cet album on est assez proche du Led Zeppelin des débuts entre blues rock crade, hard rock mais les années 67/68 semblent déjà loin, et dès l'entame du premier morceau Keith Moon annonce la couleur avec une batterie de feu.
Le son est brut, crade, gras ; la production minimaliste contribue à mettre en lumière le côté furieux du groupe, Daltrey chante comme un bluesman déjanté, la guitare de Townshend n'a rien à voir avec celle des albums studio..., une guitare électrifiée comme jamais. Quant à la rythmique elle est tout simplement grandiose!
Ce live a été enregistré dans une petite salle, avec seulement 2000 spectateurs privilégiés (mais ils ne le savaient pas encore les veinards), afin de mieux capter l'énergie dévastatrice du groupe « on stage » .
Pour la première face, qui sonne vraiment hard blues à l'image de la reprise de Johnny Kidd and the Pirates "Shakin' all over", mes préférences vont à « Subsitute » l'un de mes moreaux préférés du groupe, le seul titre presque "léger" du disque et « Young man blues » qui ouvre l'album, et donne le la avec son riff très hard et Daltrey qui rappelle Plant !
« Summertimes blues » est très bonne reprise certes mais peut-être le titre le moins indispensable du live (j'aimerais bien savoir ce que Eddie Cochran aurait penser de cette version).
Mais que dire de la seconde face : l'extase !! Un déluge décibels qui vous électrise.
« Magic bus » qui clôt l'album est bonifié par rapport à sa version studio, sans être trop long, jamais ennuyeux, plein de petites trouvailles ici ou là, c'est enlevé, nerveux, endiablé mais jamais pompeux (comme parfois peuvent l'être en live Led Zeppelin ou Deep purple lors d'expérimentations techniques un peu longues et ennuyeuses, et pourtant j'apprécie ces groupes).
Mais que dire de « My generation » la pièce de choix de ce live ; certes le titre peut – en théorie – paraître long (14 minutes) mais quelle claque, une version époustouflante qui démarre d'une manière proche de la version studio de 1965 mais qui monte en puissance et s'avère au final apocalyptique, l'apothéose de l'album, une fougue rarement égalée à l'époque en concert (à part le MC5 dans un autre registre) et on voit finalement pas le quart d'heure passé (il faut dire que le groupe en profite pour greffer rapidement quelques passages d'autres titres que je vous laisse découvrir).
Ici on sent la sueur, on sent que les musiciens jouent avec leur tripes, l'authenticité crève les yeux et les oreilles.
"Live at Leeds" est sans contestation possible l'un des meilleurs albums live de l'histoire du rock, là où la furie rock est captée magistralement. Je pense aussi que le groupe était alors vraiment à son apogée, et puis on a beau dire c'était une autre époque, exubérante où concerts rimaient souvent avec démesure...
Excellent donc mais avec juste un petit bémol : dommage en effet que sur les six titres présents on ait trois reprises (au demeurant très réussies, reprises de titres blues ou rock'n'roll 50's ou 60's) et seulement trois morceaux standards originaux (j'aurais aimé entendre d'autres classiques du groupe par exemple « I can' t explain », même si cela peut paraître anecdotique.
Toutefois quand on connaît la richesse qualitative et quantitative du répertoire des Who, bien étoffé en tubes et classiques, c'est un peu étonnant.
Malgré tout un sommet musical et un album qui doit être écouté comme étant l'essence même du rock et de ce qu'il ne devrait jamais cesser d'être.

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