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dimanche 15 décembre 2019

GIRLSCHOOL : DEMOLITION (1980)

    
Formation :

Kim Mc Auliffe : chant, guitare
Kelly Johnson : guitare, chant
Enid Williams : chant, basse
Denise Dufort : batterie

Fin 1970 : Patti Smith, Blondie, X Ray Spex, Siouxie and the Banshees, Pat Benatar, Nina Hagen, Runaways (puis Joan Jett et Lita Ford en solo), Suzie Q et puis c'est quasiment tout (bien sur n'oublions pas Janis Joplin)...mais rien dans le hard, rien de vraiment concret jusqu'à ce « Demolition ».
Girlschool est la continuité du groupe Painted Lady fondé en 1975 par Williams et Mc Auliffe mais qui n'a rien enregistré.

Dès la sortie de ce premier album en 1980 Girlschool atteint l'excellence. Il faut dire que les quatre anglaises ont l'appui de Lemmy (Motorhead) et ça aide.
Bien sur Lemmy et Motorhead ont grandement contribué au démarrage de la carrière de Girlschool (concerts, signature sur le même label : Bronze...) mais le groupe avait néanmoins déjà commencé à tourner et sorti un premier 45 tours « Take it all away ». L'aide de Motorhead a bien sur été un sacré coup de pouce car une tournée en première partie de ce dernier qui vient de sortir Overkill est une vraie aubaine...à condition d'assurer, ce que fera Girlschool.

D'ailleurs à propos de Lemmy, qui aida aussi Wendy O Williams et Lita Ford, il affirmera sur la guitariste Kelly Johnson dans son autobiographie consacrée à Motorhead « la fièvre de la ligne blanche » rédigée avec Janiss Garza  (éditions Camion Blanc), page124: En plus j'aimais bien cette idée de groupe constitué de filles – j'avais envie de montrer à tous ces connards de guitaristes prétentieux que Kelly Johnson était une aussi bonne guitariste que n'importe quel autre gratteux que je connaissais. Quand elle était en grande forme elle jouait aussi bien que Jeff Beck » ; exagéré certes mais révélateur.

Il faut dire aussi que les filles ont le look pour, très rock, cuir, blousons, de vrais garçons manqués.
N'empêche que « Demolition » tient la route et que Girlschool peut être d'ors et déjà considéré comme les pionnières en matière de hard rock (Runaways étant plus un groupe de rock mais pionnières elle aussi).
Rien à envier à Saxon, Judas Priest, Scorpions et encore moins aux seconds couteaux de l'époque (Tank, Anvil, Accept, Raven, Samson, Viva...) ; aucun complexe par rapport aux groupes de « mecs » ; énergie, mélodies, compositions et les filles savent jouer !
Les voix féminines apportent un plus (contraste mélodique réussis par rapport à la musique) et les refrains sont excellents.


Comme L7 plus tard dans les années 90, Enid Williams (basse), Kim Mc Auliffe (guitare) et à un degré moindre Kelly Johnson (guitare) se partagent le chant  selon les morceaux, ce qui fait qu'à chaque titre correspond des parties vocales différentes.
La plupart de leurs classiques sont là (les autres seront sur leur second album « Hit and run » sorti un an plus tard ) : « Not for sale » (ma préférée), « Breakdown »,  « Demolition boys », « Midnight ride » et bien sur le classique parmi les classiques « Emergency » avec son refrain « 999 emergency » qui reste graver dans votre tête ; ça envoie du lourd !
Un seul titre faible : « Baby doll » (version live).


A noter « Race with the devil » reprise du groupe des années 60 The Gun. Plus tard Girlschool reprendra ZZ Top puis les Stones avec à chaque fois des versions assez réussies.
Un départ en trombe qui confirme d'emblée Girlschool comme l'un des principaux groupes hard du début des années 80.
Chapeau les filles d'autant que « Hit and run » qui suivra sera du même niveau c'est à dire excellent (« Screaming blue murder » est également correct, c'est à partir de « Play Dirty » et son virage FM très décevant, que les choses vont se gâter).

vendredi 13 décembre 2019

Woodstock on water : episode 5 et fin


Le lendemain était une journée charnière, celle dédiée à l’inventivité plutôt qu’au pur rock n roll. Eric voyait ces jours comme une sorte d’apothéose montrant que l’esprit des sixties n’était pas mort. On a donc soigné la mise en place des Lemon Twigs , la sonorisation devait être parfaite , la scène surélevée, montée rapidement, donnait l’impression que le duo en plateforme boots planait au-dessus de la mêlée.

Le programme de ce soir était alléchant, le groupe prévoyant de jouer « go to school » en intégralité, laissant Eric se demander comment dépasser sur scène ce qui relevait du monument sonore sur disque. Les premiers coups de la cloche ouvrant le grand opéra glam le rassurèrent, la sono était impressionnante de précision, et les lemon twigs étaient loin du récital stérile.

Ce qui sonnait comme une version glam de la pop de big star sur le disque, devenait ici un défouloir sauvage digne de Bowie et ses spiders sur la scène de Santa Monica. Le chanteur a paradoxalement une dégaine plus proche de Mick Jagger, la parenté étant atténuée par un air androgyne, qui rappelle l’époque ou l’Angleterre vibrait aux rythmes des mélodies de Ziggy.   

La puissance atteinte ce soir-là était clairement rock , leur théâtralité se faisant moins grandiloquente et plus rageuse, toute en gardant la fraîcheur des mélodies originales. Les moments de grâce ne manquèrent pas , comme la mélodie rêveuse de the lesson, qui ferait presque penser que ce groupe lâche ses refrains avec la même facilité que les beatles dans leurs meilleurs jours.

Ces mélodies ont d’ailleurs un air rustique que n’aurait pas renié Mccartney , une patine traditionnaliste qui donnait aussi plus de charme au grand disque glam de Bowie (ziggy stardust). C’est la grandeur des vrais avant gardistes de mener leur art vers de nouveaux rivages , tout en sachant faire en sorte que la couleur un peu familière de leurs œuvres rassurent les néophytes.

Ces riffs avaient la force des who , les mélodies s’apparentaient aux plus belles « chansons de grands-mères » de Mccartney , mais le mélange était étonnamment frais et moderne. Quand le groupe achève sa poignante et exaltante prestation par une reprise de get it on de T Rex , le témoin semble définitivement repris par une autre génération.

Malgré sa force sonore, le public avait eu droit à la version la plus classe de l’expérimentation rock , il fallait désormais le renvoyer dans la grotte d’où il est sorti après le concert d’airbourne.
Ayant la lourde tâche de succéder à la prestation vibrante des lemmon twigs, Ty Segall est la face cachée de l’avant-garde moderne.

On a souvent parlé de sa puissance sonore, chaos stoogien qui faisait dire que la folie du Detroit des seventies était ressuscitée, mais ce soir c’est une autre identité qui saute aux yeux d’Eric. Le visage peint en vert, comme sur la pochette intérieure de son dernier album, Segall ouvre les hostilités avec un « break a guitar » assourdissant.

Le choix du titre est un symbole en soi, un pied de nez à ce folklore fait de guitares massacrées et autres extravagances scéniques, artifices qui ont toujours marqué le rock seventies. Ce que Segall recherche à travers sa montagne de décibels , c’est une personnalité unique , une liberté artistique qui n’appartiendrait qu’a lui. De cette façon, sa démarche est plus proche de celle des deviants et pink fairies que des stooges, ses riffs sont de véritables rafales mortelles envoyées à la tradition rock.

Si on entrevoit T Rex dans la classe mélodique de « the singer » , elle n’est qu’un élément d’un mélange bouillonnant , où Segall s’autorise parfois à poser un solo déchirant. Entre ses mains, le déjà tonitruant « 21st century schizoid man » de king crimson devient « hazemaze », décharge primitive d’une puissance capable d’ébranler la grande muraille de Chine.  
Même la superbe mélodie acoustique de Sleeper est ici transformée en cri rageur, la mélodie reste mais elle semble vouloir vous grignoter le cerveau. Et c’est ce qui est impressionnant chez Segall , l’homme est radicalement libre sans être snob, son amour de la puissance sans concession se double d’un véritable talent mélodique.

Véritable Zappa primitif, Segall s’amuse avec les rythmes, invente de nouvelles cadences sensées diriger une nouvelle forme de rock. Sur les titres les plus légers, la batterie bondit comme une nuée de sauterelles , les guitares suivant sa cadence saccadée et effrénée.

Puis, comme possédé par l’héritage du grunge, le groupe ralentit le rythme, vous étouffe sous la puissance suffocante de ses riffs plombés, la voix de Segall semblant sortir d’un dôme imposant. Eric  est ravi de constater que Segall sait désormais être féroce, sans gommer la finesse qui se cache derrière la virulence de ses disques. 

Son dernier album live restituait mal cette image de virtuose primitif, qu’il avait enfin imposé ce soir. Sa prestation est prévue comme le final grandiose du show et, alors que je vous raconte la fin de cette histoire, le bateau s’approche sérieusement des côtes américaines. Arrivé sur les berges de la Louisiane, et alors que les dernières notes de « rain » s’évanouissent face à la terre où tout a commencé, Eric prend la parole pour clôturer l’événement.

« Messieurs dames.

Ce soir vous avez vécu bien plus qu’un nouveau woodstock , et c’est pour cela que je voulais terminer notre périple ici, sur la terre ou les grands bluesmen donnaient naissance à la musique que nous célébrons aujourd’hui.

Le rock n’est pas mort, il s’est juste endormi. Endormi à cause du ronronnement complaisant de journalistes passéistes, endormi à cause de la médiocrité pop des groupes mainstream et d’une curiosité massacrée par le conformisme.

Ce soir nous vous avons donné une vision de ce que peut être LE rock , quand on prend le temps de le chercher. Ne vous laissez pas aliéner, nourrissez cette matière vitale que l’on nomme curiosité, et le rock vous le rendra au centuple.

Il n’y aura pas de deuxième édition de ce festival, j’en donne ma parole aujourd’hui, afin que l’ogre capitaliste ne dévore pas tout se qui fit la grandeur de ce que vous venez de vivre. En revanche, nous allons récupérer les lieux où se tenait auparavant les deux fillmores , et allons y donner des concerts de façon indépendante.

Libre à vous de faire en sorte que San Francisco redevienne la capitale du monde. »

Ainsi cette histoire n’est pas totalement terminée, et vous pourrez parfois la voir renaître sur ce site. En attendant, c’est sur les berges du missisipi que notre conte prend fin.   


mardi 10 décembre 2019

Woodstock on Water: Episode 4


Rien ne se passa comme prévu et, victime du mal de mer , Kurt Vile fut bien incapable de monter sur scène à l’heure prévue. Le temps passait, et le public demandait son dû en scandant « we want more ».Dans ce décor, son cri était aussi impressionnant que celui d’une armée de spartiates prête à l’assaut.

Eric n’eut pas le loisir de réfléchir très longtemps, et les frères O Keeffe foncèrent rapidement vers la scène. Notre organisateur ne s’en effraya pas plus que ça, les amplis de Vile était assez puissant pour supporter les charges des Australiens , et ce soir ils allaient être poussés au maximum. A l’arrivée de ce groupe, autant adoré par un public heavy métal de plus en plus important , que part les restes du public classique rock , les cris décuplèrent . Ces barbares voulaient du saignant, et ils allaient être servis.

Disciple de la formule primitive d’ACDC, Airbourne entame son set par raise the flag , leurs roadies se précipitant, pour obéir à cet ordre en hissant un drapeau où le groupe apparaît en compagnie du groupe d’Angus Young. Si il voulait rendre sa jeunesse au rock, Eric ne pouvait imaginer meilleur emblème que cette bande de fous furieux, dont les riffs à la gloire des plus bas instincts étaient au rock ce que la littérature fut longtemps pour le cinéma , une source d’inspiration inépuisable.

Les riffs de O Keeffe ne cherchent nullement à vous émerveiller, leur beauté n’est pas celle des « intellos pop » , et le groupe se fout bien des expérimentations qui faillirent souvent mener le rock à sa perte. Ses boogies en trois accords viennent directement chatouiller le cerveau reptilien de ses milliers de spectateurs, et quand des milliers de personnes semblent revenir à l’âge de pierre, cela crée un effet formidable.  Secouant la tête comme des damnés, hurlant les refrains comme des incitations au combat , la foule est une armée formidable redonnant un sens au mot rock n roll.

Elle transmet aussi son énergie à un lutin guitariste déjà surchauffé, et le voilà qui laisse son groupe jammer sur trois accords pendant qu’il décide d’escalader le mat ! Dieu Bénisse l’homme qui a inventé la guitare sans fil ! Une fois en haut, il se dresse à côté de son drapeau , glorieux corsaire du rock prêt à une nouvelle salve mortelle. Et cette salve n’est autre qu’une reprise de « let there be rock » envoyé sur un rythme hallucinant. Assis au milieu de son solo, voilà notre soliste qui se laisse baller en arrière , et termine son solo la tête en bas , dans la position d’un acrobate de cirque.

Redescendu pendant les dernières notes de la jam du groupe , O Keefe termine la performance sur un dernier riff explosif. Loin d’être rassasié par une telle prestation , le public est désormais chauffé à blanc . Pour succéder à une telle explosion, impossible d’envoyer ce cher Kurt Vile , cette fosse aux lions le dévorerait en moins de deux . Mais personne ne voulait prendre la suite ! Les australiens ont transformé le public en ogre affamé, et personne ne veux servir d’offrande.

Personne, sauf Buckcherry , groupe devant son nom au grand Chuck , et bien décidé à montrer qu’il est le véritable maître du hard boogie blues. Pourtant, il entre bien avec une reprise, Josh Todd hurlant le fameux « kick out the jams motherfucker », pour dompter la bête sauvage qui hurle fasse à lui. Le chanteur a cette sorte de charisme théâtral qu’on ne trouvait plus depuis la disparition de Bon Scott. Il ne chante pas ses textes , il les incarne.

Un peu plus complexe que les bombes d’airbourne , sa musique à mi-chemin entre la spontanéité du père Angus et le brio mélodique de Slash est idéale pour faire redescendre le public, sans faire retomber la tension. Les américains n’ont jamais été très doués pour les ballades , elles plombaient le plus souvent leurs albums , aussi eurent t’ils la bonne idée de ne garder que leurs morceaux les plus saignants.

Une prestation de Buckcherry , c’est simplement cinq mecs tenant une salle de la même façon qu’ils imposeraient le respect aux tauliers du bar le plus glauque du bronx. Le feeling impressionnant de Keith Nelson est d’ailleurs un des rares dignes héritiers de Hendrix , une puissance qui sait se faire heavy sans tomber dans les clichés niais du hard rock/ heavy metal. Et, là encore , la foule aura son lot d’hymnes à répéter en chœur en secouant la tête . « porno star » , « glutonny » ou « time bomb » ne sont rien de moins que les lointains descendants de cette matière vitale, contenue dans « Johnny Be Good ».

Les derniers riffs s’éteignent dans le crépuscule et , en voyant le public vidé de son énergie primaire , Eric pense qu’il est enfin temps de lui envoyer un Kurt Vile remis de son mal. Comme seul soutien, un projecteur est placé sur le coté, de manière à ce que sa lumière tamisée éclaire le nouveau loner, comme Neil Young à la fin d’un concert de CSNY.

Voir cette foule, sortant à peine de sa transe féroce, revenir à un état d’attente passionée relevant presque de la communion, cela redonne fois en la curiosité humaine. Installé sur son haut tabouret, dans une position rappelant Dylan à Newport, Kurt Vile n’allait pas usurper sa réputation underground.

Certes, sa prose est plus personnelle que celle de ses héros, et sa poésie ne cherche pas à être universelle, c’est au contraire son côté désuet qui séduit. Chef d’œuvre de folk moderne, wakin on a pretty day est porteur de cette ambiance rêveuse qui fit la beauté des grands disques de Neil Young, et les violators sont en quelque sorte son crazy horse. 

Contrairement au groupe de Neil Young , les violators ne s’embarquent jamais dans de grandes chevauchées hargneuses , leurs mélodies sont de petits êtres fragiles qu’ils évitent de brusquer. Et pourtant, les riffs sont bien présents , mais ils semblent ne jamais s’emporter. KV crime illustre bien ce procédé, c’est un boogie nuageux, Keith Richard perdu dans les rêveries brumeuses de pink floyd.

Sachant aussi se moquer gentiment de lui-même , il annonce pretty pimping en lâchant « Je me suis peut être inspiré d’un petit groupe de Jacksonville pour le riff », et le voilà qui nous envoie le riff de sweet home alabama, avant de revenir à la retenue de son titre.

Ce soir, les spectateurs son transportés sur un canoë , échoués en pleine mer, avec Kurt et ses violators pour rythmer le balancement des vagues. Ce concert, mélodique et beau, comme a pu l’être Dylan ou Neil Young, en acoustique ne fait que confirmer ce qu’Eric savait déjà : Kurt Vile est une nouvelle étape dans la somptueuse odyssée du folk rock.

La lumière s’éteint après les accords byrdsien issus du disque que Vile a enregistré en duo avec Courtney Barnett, et il est déjà temps de réfléchir au planning du lendemain.


       

dimanche 8 décembre 2019

Rock storie : Woodstock on water épisode 3


La nuit était tombée, sur une mer qui a désormais l’air d’un décor spatial, la lune lançant ses reflets blafards sur l’eau douce. Le spectacle qui suit demande l’intervention d’un hélicoptère placé en vol stationnaire, et assez loin des porte-avions pour que sa présence soit indétectable. Accroché sur sa carcasse métallique, un vidéoprojecteur lance ses images planantes sur les panneaux blancs disposés derrière Steven Wilson.

L’homme avait accepté l’invitation à condition que les organisateurs puissent transporter son grand théâtre cosmique sur cette scène maritime. Voilà donc cette foule sortie de sa sauvagerie, et regardant la cinématique d’ouverture avec fascination, avant que les musiciens n’entrent dans le plus grand calme.

Le changement de décors semblait réussir, et ceux qui étaient propulsés dans une orgie sauvage quelques secondes plus tôt sont désormais semblables à un enfant découvrant le monde. Pour le plus grand plaisir d’Eric, Wilson a décidé de commencer par Pariah , fascinante ballade space pop où la voix de Nina Tayeb brille comme une étoile dans le cosmos.

L’ovation succède rapidement à la fascination, la foule prend ces mélodies comme des caresses maternelles , et semble exprimer aux musiciens un amour transis. Même quand le binoclard ressort les histoires glauques de « in absentia », les passages les plus heavy de « the creator got a mastertapes » se drapent d’une poésie spatiale, que seul le floyd a approché sur « dark side of the moon ».  

C’est d’ailleurs ce qui est fascinant chez ce musicien, son registre semble sans limite et, même si la solitude et les tréfonds de l’âme humaine ont nourri ses plus grandes œuvres , sa palette musicale parait infinie. Résolument moderne, les titres comme « home invasion » , et les meilleurs morceau de hand cannot earase pourraient servir de nouvelle bande son aux passages les plus fascinants de 2001 l’odyssée de l’espace.

Et puis, sans prévenir, l’homme se rapproche de nouveau de la terre, pliant la pop à son art hypnotique sur « heaven less » et « poeple who eat darkness ». Ce n’est qu’une étape , et le retour sur terre se fait des plus poignants sur « the raven that refused to sing » , et sa mélodie jazz baroque qu’on aurait bien vu en bande son d’une adaptation cinématographique de l’idiot.

Et puis derrière lui, les histoires se succèdent , poétique sur the raven , glauque et fascinante sur the creator got a mastertape, ou chargées du désespoir de l’homme moderne sur poeple who eat darkness. C’est une incantation venue d’un espace que tous semblent connaitre,  ces mélodies aériennes ne restituant rien de moins que la nature humaine.

Wilson est un rationnel, ce sont les autres qui sont devenus fous et sans consistance, et toute sa carrière consistera à ramener son public à la raison. La description peut paraître un peu biblique, comme si l’homme était le nouveau guide spirituel de notre époque, mais c’est exactement l’effet que sa musique fit à Eric ce soir-là. Dans le public , une poignée de jeunes en tee shirt NTM regardent sa performance les larmes aux yeux , les voilà convertis.

La première journée se fermera sur l’écho des dernières notes de « the raven that refused to sing » . Il fallait laisser un blanc afin que le public redescende sur terre.


On ne change pas une formule gagnante et, à la lumière du crépuscule, c’est la légèreté sudiste de blackberry smoke qui ouvre une nouvelle journée de festivités. Avec leur look digne d’un film de Sergio Leone , accentué par le fait que les Georgiens n’ont pas pris le temps de se raser, blackberry smoke est un peu le Creedence clearwater revival du festival. Ces musiciens sont les nouvelles racines qui permettent au rock d’aller plus loin, sans oublier la chaleur de sa terre d’origine, la troupe déversant les bienfaits simples du trio rock/ blues/ country.

Transformé en parterre de sauterelles, le public s’est remis de l’expérience spirituelle de la veille , et sautille au rythme de ces riffs enjoués. Trois guitares se croisant pour célébrer la grandeur du rock le plus traditionnel , le rock n roll de led zeppelin succédant à la grange de ZZ top , avant que BB smoke ne retombe sur ses pattes via le riff irrésistible de six way to Sunday.

Une mélodie, un riff, un rythme, voilà tout ce que propose blackerry smoke sur payback a bitch , shakin hands with the holie gost , ou find a light, mais la formule est immortelle quand elle est jouée avec un tel enthousiasme.  

Puis Charlie Starr finit seul, perché sur une haute chaise en bois, tel Neil Young à la fin d’un concert de Crosby Still and Nash. Les versions acoustiques de « prettie little lies » , « ain’t got the blue » , et « the mountain is hard for me to climb » préparent ainsi le terrain pour l’artiste suivant.  


FUGAZI : Repeater (1990)

Formation

Ian Mac Kaye : chant, guitare

Guy Picciotto : chant, guitare

Joe Lally ; bass

Brendan Canty : batterie




Avant de parler de Fugazi il faut nécessairement parler de Minor Threat et de son « leader » Ian Mac Kaye, personnage central, charismatique et influent dans le monde du punk hardcore américain. Incontournable pourrait-on même dire. Par son engagement et son activité. Avec Jello Biafra (ex chanteur de Dead Kennedys) il en est l’une des personnalités les plus marquantes, Biafra sur la côté ouest, Mac Kaye sur la côte est. Mais le personnage est discret. Discret et intègre, pas le genre à se mettre en avant et à tirer la couverture à lui.


Fugazi est le groupe, le bébé pourrait-on dire, de Ian Mac Kaye, même si le groupe est un modèle de démocratie. Et d’ailleurs celui-ci en 15 années d’existence a gardé la même formation si l’on excepte le premier batteur qui ne resta que quelques mois.


Après Minor Threat – groupe punk hardcore culte mais éphémère qui a sévi entre 1980 et 1983 avec à son actif 1 album courte durée « Out of step » , plusieurs EP, le tout tenant sur un seul CD « Complete Discography » 26 titres pour 47 minutes avec des titres majoritairement courts et rapides dans l’esprit du hardcore de l’époque - il fonde Fugazi en 1986 (après avoir participé à quelques groupes éphémères) et il est également responsable du label indépendant Dischord qui a sorti plein de bons groupes indépendants/alternatifs, souvent engagés.Il fut également l’un des initiateurs du courant « straight edge » dans le mouvement punk (pour résumer sommairement car il y a beaucoup de variantes possibles : pas de tabac, pas de drogue, pas d'alcool, nourriture végétarienne, pas de sexe et une pensée positive...), mouvement en opposition aux punks « destroy » et nihilistes (d'ailleurs Minor Threat a un look radicalement différent des punks « classiques »).
Ici la philosophie et l'esprit sont aussi importants que la musique, Minor Threat propose une alternative au punk traditionnel et c'est pour cette raison que le groupe est aussi important. Ian Mac Kaye a pris un peu ses distances avec le mouvement straight-edge et son côté parfois sectaire et a notamment dit que certains de ses textes avaient été mal compris.

En tout cas le groupe fut l’un des fers de lance du punk-hardcore américain de la première partie des 80’s au même titre que Dead Kennedys, Bad Brains, Black Flag et M.D.C.

Pour en revenir à Fugazi « Repeater » est leur premier album sorti en 1990. Et l'un des meilleurs avec « In on the kill taker » (le groupe est actuellement en « pause » depuis 2002 sans que l’on sache si l’on doit s’attendre à un retour ou pas).
Avec Fugazi la musique se fait plus posée, l’énergie présente est maîtrisée, la violence est en partie dissoute dans la tension qui est palpable, le côté « émotions » est plus présent (d’où le terme d’émo-core, mélange d’agressivité et d’émotions).

L’énergie est là bien sûr mais par rapport à Minor Threat je dirais qu'elle est comme passé à travers un filtre.

Fugazi propose du rock que je qualifierais volontiers de cérébral, d' « intelligent » (et pas seulement pour les textes), croisement de post hardcore, d’émocore, de noise et de rock « classique » avec deux chanteurs qui se partagent les vocaux (et aussi les guitares) Ian Mac Kaye et Guy Picciotto.

Ce que j'aime aussi avec ce genre de groupes post hardcore mélodique (par exemple Quicksand) c'est que les guitares n'écrasent pas la rythmique et lui laissent volontiers une place importante, notamment à la basse très à son aise et qui peut s'exprimer librement sans être un simple faire valoir.

« Turnover » et « Repeater » qui ouvrent l'album donnent le ton, c'est typique du son Fugazi mais bizarrement ce ne sont pas les meilleurs titres du disques.

Ceux-ci sont plutôt à rechercher du côté de « Brendan #1 », « Merchandise » , Sieve-fisted find » et « Greed » tous aussi excellents les uns que les autres.

« Blue print » et « Two beats off » présentent un côté plus mélodique mais toujours très bon.

On finit par le très beau « Shut the door » entre calme et noise maîtrisé.

Mais attention encore une fois ne vous attendez pas à un vrai disque de punk, Fugazi s’est éloigné de ce style et n’a plus qu’un lien assez lointain avec la furia et la rapidité agressive de Minor Threat.

Seuls « Brendan #1 » et « Styrofoam » sonnent encore véritablement punk rock.

Mais Fugazi c'est aussi et surtout un groupe symbole d’intégrité, fidèle à des principes mais sans sectarisme (comme peuvent l’être parfois certains groupes de la scène punk hardcore américaine ou anglaise).Le groupe continue a sortir ses albums sur Dischord Records malgré les propositions de majors, fait régulièrement des concerts de soutien pour différentes causes (anti racisme, anti sexisme…), propose des prix de CD ou vinyls modérés, de même que les places de concert abordables.

Fugazi est l’un des rares groupes dont l’intégrité reste irréprochable malgré les nombreuses sollicitations dont il fait l'objet dans les années 90 là où beaucoup de groupes furent récupérés par le « business » et son univers impitoyable. D’ailleurs dans ses textes la critique de la société de consommation est un thème récurrent.
Comme Helmet, Sonic Youth, Jesus Lizard et d'autres il a musicalement parlant marqué et influencé les années 90 qu'on cantonne trop souvent pour le rock au mouvement grunge qui a certes apporté quelque chose au rock mais qui n'était pas le seul mouvement intéressant.
Car la vague post hardcore a également accouché de quelques pépites dont « Repeater ».

mercredi 4 décembre 2019

Rock Storie: Woodstock on Water épisode 2


Se retrouver à la tête d’une flotte d’une dizaine de porte-avions, chargés de transmettre la bonne parole rock, la mission a de quoi effrayer. Surtout quant, à l’image d’Eric , on a passé sa petite vie sans faire de vague , et qu’on est d’un seul coup propulsé à la tête d’un événement potentiellement historique.

Transporté par hélicoptère , la nourriture et tout le nécessaire serait payés directement par les organisateurs. Au départ , les chaînes de grandes distributions s’étaient bousculés pour sponsoriser l’événement , mais il était hors de question de voir débarquer des hélicos lidl ou auchan.

Si le coup ratait, la plupart des organisateurs se retrouveraient à la rue, et chacun avait donc ses exigences. Convoqué à la salle de rédaction de rock et folk pour fixer la set list , Eric s’attendait à la bataille qui allait suivre, mais espérait naïvement que les noms de Radiohead et muse n’y serait pas prononcés.  

Dans le salon , les couvertures du magazines qui le fascinaient tant sont fièrement affichées , au milieu d’une décoration colorée, qui rappelle malheureusement le salon du bobo moyen. Confortablement assis dans le canapé où Iggy s’était installé, pour la photo du numéro célébrant la sortie de son album avec Josh Homme, Eric attendait d’abord qu’on lui présente la première version de l’affiche.

En arrière-plan, une grandiloquente représentation de Tom York façon art psyché. L’homme est plongé dans un solo faisant sortir des arcs-en-ciel d’une guitare déformée. La réaction d’Eric ne se fait pas attendre : C’est quoi cette merde !
                                                                                    
On entra alors dans un débat houleux, où il entendit des choses aussi aberrantes que « Muse et radiohead remplissent les cargos à eux seul , il est normal de les mettre à l’honneur. » ou « on laisse quand même leur chance aux autres, mais il ne faut pas non plus être trop utopistes. »

La rencontre ne faisait que confirmer ce qu’il pensait depuis plusieurs années, les journalistes rock ne croient pas à la survie de leur musique. Et, à la limite, il préfèrent largement la laisser comme elle est, fossilisée dans un passé révolu.

Pour eux , Muse était les nouveaux beatles , radiohead le nouveau pink floyd , et ces caricatures les rassuraient. Le seul argument valable de leur part était que le public n’était plus le même , la curiosité avait disparu , asphyxiant aussi le courage des journalistes musicaux.

« Mais justement ! Si vous n’aviez pas eu le courage de miser sur Iggy , il n’aurait jamais percé , vous avez une responsabilité dans le maintien de la curiosité populaire. »

La réponse décontenança d’abord Manœuvre et sa clique, et Eric compris vite que, si il ne raisonnait pas en terme de rendement, il ne parviendrait pas à les convaincre. Il claqua donc sur la table le dernier numéros de « classic rock » , sorte de version anglophone de best.

« Vous voulez voir grand ? Voilà ce que l’amérique et l’Angleterre veulent voir. » La couverture était l’exact opposé du premier essai d’affiche que rock et folk a concocté, et Muse et Radiohead n’y étaient même pas cités. Le constat était une véritable claque, le plus grand magazine rock de France venait de se faire gifler par le pays natal de la musique qu’il célébrait.

Désormais en position de force, Eric posa sa version de l’affiche sur la table, une simple peinture des musiciens au milieu de cette scène gigantesque formée par dix portes avions, et entourés des noms des participants. Bien sur radiohead et muse n'étaient pas mentionnés et, après avoir vu l’heure, Eric donna son coup de grâce lorsque les premières protestations se firent entendre.

Allumez la télé messieurs, et voyez comment on fait monter la sauce.
Notre ami s’était en effet permis de diffuser cette affiche sans attendre l’avis de ses collaborateurs et , si elle suivait à peu près le sommaire du numéro spécial de rock et folk , les deux absents firent grand bruit en France.

« Le festival qui refuse radiohead et muse » , les chaînes d’infos passaient ce bandeau en boucle , oubliant presque les grèves à la sncf , le chômage de masse , et les petits bourgeois cassant les abribus pour se donner un air de révolutionnaires anarchistes.

Le risque était que, blessé dans sa fierté, rock et folk lâche l’affaire , mais il fut au contraire galvanisé par ce dernier coup d’éclats. Un mois plus tard, tout ce que le rock compte aujourd’hui d’excitants embarque sur un bateau, en direction des eaux Anglaises, où Radio Caroline diffusait jadis les plus grands classiques du rock.

Quand les ferries transportant le public approche de la scène faite de dix porte-avions, les musiciens et organisateurs ont l’impression d’être une terre abordée par la monumentale flotte viking. Ce n’est pas un succès, c’est un triomphe, au point que la monumentale scène surélevée est bientôt semblable à une miette de pain cerné par une horde de fourmis. Vu des hélicos qui transporte Jack White , qui fut choisi pour ouvrir l’événement en réformant les white stripes, la scène est particulièrement impressionnante.

Qu’importe , l’homme en a vu d’autres , et débarque comme prévu en parachute , alors que sa batteuse a été placé derrière sa batterie pour ménager l’angoisse que pourrait lui provoquer cette foule. Jack, lui, est comme un poisson dans l’eau, son look de citizen kane lui offrant un charisme patriarcal, à mi-chemin entre Humphrey Bogart et l’incarnation de Willie Wonka par Johnny Depp.

Le chaos stoogien du duo semble décuplé par l’immensité de la scène. Nourri par le bonheur sauvage d’une foule déchaînée, le set s’avère absolument parfait. Icky thump , you don’t know what love is , seven nation army , ce sont les évangiles du riff que Jack White envoie ici, laissant toutes ses ballades de coté, pour éviter de faire retomber la pression.

Vous n’imaginez pas la sensation que provoque ses milliers de personnes chantant les fameux riffs de seven nation army, c’est littéralement le cri de guerre d’une musique de nouveau prête à conquérir le monde. Quand le musicien sort de scène , et croise le regard d’Eric , sa seule phrase sera « Je viens de comprendre ce qu’a pu ressentir Hendrix à Woodstock ».

Loin d’être impressionné, les rivals sons prirent la relève avec une puissance décuplée. Avec son look de dandy d’un autre siècle, Scott Holiday est sans doute le plus grand guitariste de hard rock de notre temps. Les rivals sons ne sont pas seulement la réincarnation de cette vieille bête fascinante, que les amateurs nomment sobrement hard blues, ils sont les nouveaux mages chargés de réveiller l’humanité à coup de solos déchirants.

En cette année où le rock semblait perdu, « open my eyes » sonne comme une résurrection, sortant tous les amateurs de musique d’un cauchemar qui n’a que trop duré. Véritablement possédé par un démon hurleur, Jay Buchanan donne de nouvelles lettres de noblesse au chant hard rock.

Enfin non , ce n’est pas un chant , c’est un cri de l’âme , qui semble charrier tout ce que l’humanité compte de passions, dans une orgie sonore qui se fait presque spirituel sur back in the wood et hollow bones. Et puis n’oublions pas la batterie, cœur du hard blues, battant avec une puissance monumentale, comme pour transmettre sa furie rythmique aux autres musiciens.

Eric avait volontairement tiré deux de ses meilleurs cartes dès le premier tour de piste, il fallait littéralement assommer cette foule immense, lui donner du saignant, pour qu’elle arrive exsangue et reconnaissante vers des mélodies plus raffinées.

Le public avait eu droit au tonnerre, il faut désormais lui offrir un crépuscule lumineux.           

               
                                   

dimanche 1 décembre 2019

Rock storie : Woodstock on Water


Cette histoire est totalement fictive, seules les groupes et titres qui y apparaissent sont vrais. C’est une autre façon d’appeler le lecteur à être toujours plus curieux, une nouvelle façon de donner envie d’écouter ce précieux matériel. Car, tant que le rock produira les artistes que vous découvrirez dans les prochaines lignes, il ne sera pas totalement mort.

Le monde est gris, la vie passe comme une longue peine, et les exutoires disparaissent à une vitesse affolante. Pour tout le monde, le rock est un truc dépassé , mort , dont on ne célèbre que les vieilles reliques, qui justement s’effondrent les unes après les autres. Bowie , Lemmy , Pink Floyd , Lou Reed , Rick Parfitt , presque chaque année de ce satané millénaire emporte un bon bout de cette époque bénie, où le rock était tout.

En France, la situation n’était pas plus passionnante dans les seventies, à moins de penser que téléphone est un groupe de rock. Mais on avait toute cette littérature, les articles de ce vieux routard d’Alain Dister , reçu à l’époque par Bernard Pivot, et bien sûr rock et folk et best. La France ne savait pas produire de rock, mais elle était celle qui en parlait le mieux, la beauté de sa langue survivant aussi à travers ces journalistes exceptionnels.

A ce niveau là aussi, on a un peu baissé, à moins que ce ne soit la passion qui ait diminué. Bref, en traînant au milieu des rue Lilloises , Eric mûrit un plan faramineux , créer LE concert de rock du siècle. Il ne s’agirait pas d’un nouveau Hellfest , qui est déjà devenu le disneyland du métalleux , mais bien d’un festival de passionnés.

Il avait d’ailleurs tiré une leçon essentielle en suivant l’évolution du Hellfest : un évenement doit être unique pour ne pas être corrompu. L’esprit humain étant ce qu’il est, le pognon prend souvent le dessus sur la passion des organisateurs et, si une bande de pharisiens vient à dénicher le bon filon, vous pouvez être sûr qu’ils transformeront votre invention en énorme cirque consumériste.

Plus vicieux aujourd’hui, les promoteurs manipulent votre orgueil, vous faisant sentir que vous êtes différent, alors qu’ils vous plument comme les aliénés pour qui le bonheur se trouve dans la prison merveilleuse de Mickey.

Mais comment peut-on organiser, dans un pays où tout est limité et réglementé, un festival sauvage capable de faire la nique aux réactionnaires comme aux partisans de cette modernité pernicieuse ? C’est un courrier un peu fou à rock et folk , et à Manœuvre , qui a tout déclenché. En voici la folle prose :

« Rock et folk ,

Oui ne t’attend pas à ce que je te donne du « cher » , « vénérable », ou « précieux » , car je suis d’abord ici pour te conspuer. Armé de ton égo atrophié, tu nous pompes l’air avec de vieux schnocks, que la plupart d’entre nous n’ont pas connu avant qu’ils deviennent mortellement chiants.

Il est vrai que dernièrement tu as fait un effort , en mettant Josh Homme en couverture , soit un mec qui n’a plus rien inventé depuis les deux premiers albums de Kyuss. Serais tu en train de lâcher l’affaire en nous faisant comprendre , comme le disait Manœuvre dans une interview, que « le rock est mort » ?

Où est l’époque où ce même Manœuvre, qui recevra une copie de la lettre corrosive que tu tiens dans tes mains molles, nous faisait tout un édito sur la folie de Detroit. Dans les années 90, on pouvait au moins te reprocher tes erreurs, d’avoir raté certaines choses , désormais tu rates tout.

Te faut-il un événement pour te mettre tout cela sous le nez ? Cherches-tu un autre Woodstock qui rendrait ton travail de découvreur plus facile ? Très bien, alors faisons-le ensemble. Tu trouveras ci-joint une liste de rockers encore en pleine forme, de guides écrivant la légende de demain, aide moi à les contacter.

Tu vas sans doute me trouver fou , mais pour l’endroit il suffirait de prendre un  bateau et de le placer à l’endroit exact où Radio Caroline émettait. Prévois de la place dans le Cargo, je pense que la musique que tu crois morte risque de te donner une surprise monumentale.

La seconde lettre, Eric l’avait déjà adressée au gouvernement, prouvant ainsi ce haut niveau d’inconscience qui fait les grandes œuvres.

Monsieur le président ,

Vous aurez remarquez que j’y ai mis les formes , il est vrai que le service que je vous demande est un peu spécial . Vous avez en effet, dans un garage maritime qui doit coûter « un pognon de dingue » au bon contribuable, un gros bateau fatigué qui semble à la retraite.

J’aimerais donner une seconde vie à celui que les guignols appelait ironiquement « le ribery » (parce qu’il est toujours à l’infirmerie), et qui dispose d’un espace fort intéressant pour mon projet. J’aimerais en effet y organiser un concert de rock du niveau de woodstock , un évenement monumental qui redonnera des rêves à une jeunesse endormie.

Vous cherchez une nouvelle popularité ? Je vous l’offre ici sur un plateau , ce sera mon cadeau de Noël.

PS : Si il vous reste aussi un ou deux hélicoptères , ce serait énorme de voir les artistes débarquer en parachute !

PPS : Pour augmenter l’espace, vous pouvez demander à votre copain trump qu'il nous en envoie quelques un … Il semble en avoir trop.


Au début Eric n’y croyait pas, d’autant que la réponse mit des mois à lui parvenir, et qu’il était retourné à l’ennui de son quotidien anonyme. La réponse de rock et folk et Manœuvre arriva en couverture de rock et folk. En couverture de ce hors-série, on pouvait voir tous les artistes étant dans sa liste avec, en titre : Ressuscitons le rock !

Rock et folk avait écrit 120 pages incroyables , racontant la genèse de ces artistes modernes , et annonçant un concert dont personne ne connaissait le lieu ! Après la couverture, le président et ses sinistres (y’a une astuce) , ont envoyé un courrier à notre doux cinglé.

Les politiques sont en général des feignants, il faut que la solution soit sous leur nez pour qu’ils se bougent, et la toute la presse et une bonne partie des médias avaient suivi rock et folk dans le récit de ce projet fou.

Plus porté sur les rappeurs analphabètes, qui sont plus proches de son niveau intellectuel, Hanouna avait programmé une émission de lynchage médiatique comme il les aime. Barthes n’étant qu’une version plus bourgeoise de ce pétomane sinistre, il ne cessa de moquer ce vestige du « vol de la culture noire par des petits blancs prétentieux ».

Il est amusant de remarquer que la bien pensance qu’il représente ne juge plus la culture que via la couleur de peau , la religion , ou le sexe de ses géniteurs. Mais nous dérivons sur un terrain politique et notre histoire parle d’une chose bien moins futile : la musique.  

Or , en plus de la lettre du gouvernement lui annonçant la mise en place du Charles De Gaulle , Trump lui-même avait accepté d’envoyer dix portes avions supplémentaires. Voilà donc notre héros à la tête d’une flotte impressionnante prête à coloniser les ondes au nom du rock .  

L’histoire avec un grand H peut enfin commencer.