De 1973 à 1975 , led zeppelin est au sommet de sa
popularité , ses concerts réunissant plus de fans que les Beatles à l’époque de
leur arrivée historique en Amérique. Dans le même temps , le contrat qui les lie à Atlantic touche à sa
fin. Peter Grant est donc en position de force pour renégocier les avantages
dont le groupe bénéficiait jusque-là.
Page ayant monté son propre label , swan song, Atlantic
devra désormais se contenter de distribuer les albums produits par le label.
Cette initiative servira aussi à aider quelques groupes, dont le plus fameux
reste bad company , et rappelle bien évidement la création d’apple record par les
beatles. Voilà donc notre gang produit par son propre label , qui sera dirigé
par un Peter Grant qui leur laisse une totale liberté.
Cette liberté a sans doute motivé les musiciens, qui ont déjà
presque bouclé leur sixième album lorsqu’ils sont conviés à la fête célébrant la
naissance de swan song. Celui-ci sera double, pour ne rien jeter de la
précieuse matière que le groupe a accumulé depuis des mois.
Physical graffiti
Dans un immeuble à l’apparence vétuste , les musiciens du
zepp apparaissent aux fenêtres , où l’on peut aussi apercevoir Elisabeth
Taylor , la reine Elisabeth, la vierge Marie …
Led zeppelin semble se prendre pour les beatles , mais
nous n’oserons dire que ce disque est leur sergent pepper. Le chef d’œuvre des
beatles était célébré pour son avant gardisme, les scarabées lançant la mode des
concepts albums, bientôt suivie par Towshend , les pretty thing , et plus tard
par Lou Reed, tout en ouvrant une voie que le rock progressif ne manquera pas d’explorer
avec « a day in the life.
La grandeur de physical graffiti se situe plutôt dans
son inventaire des contrées visitées par le zeppelin de plomb. Composé de
quelques titres issus des sessions de IV et de house of the holy , il est le
manifeste d’un groupe qui , après s’être abreuvé aux sources du blues , avoir
dansé sur les rythmes ska et funk, et avoir déchiqueté les normes du rock,
revient sur terre chargé de trésors somptueux.
C’est bien sur le blues qui ouvre le bal, et voit le
groupe développer une énergie plus sèche, où la réverb a disparu pour
accentuer le tranchant de ses riffs syncopés, qui s’allie à la violence du
clavier de John Paul Jones. Abandonné lors des sessions de house of the holy ,
the rover prend le relais sur une introduction percutante de John Bonham. D’une
simplicité irrésistible, le riff joué par Page donne une idée de comment Keith
Richard aurait pu jouer, si il avait démarré sa carrière quelques années plus
tard. Joe Perry n’atteindra d’ailleurs jamais cette efficacité à mi-chemin
entre les canons du rock dit heavy, et les contemporains de Little Richard, il
faut dire qu’il n’avait pas un Robert Plant pour donner au tout une touche
mélodique des plus séduisantes.
Led Zeppelin cite ensuite Dylan et, entre ses mains, ce
qui était une folk song issue du premier disque du Zim devient le manifeste
épique d’un homme attendant la mort, avec l’assurance de celui qui a fait son
devoir. Les licks de Jimmy Page ouvrent le morceau sur un rythme langoureux,
que Bonham explose d’un monumental riff de batterie. Son kit semble résonner
au milieu d’un dôme, ajoutant au côté solennel de ce manifeste épique, qui
prend toujours ses racines dans les terres inépuisables du blues.
Le titre fut enregistré en deux prises, le groupe entrant
dans une véritable transe collective qui se passe d’artifice. D’une richesse incroyable,
ce long blues mystique se paie même le luxe de flirter avec le funk le temps
d’un riff, avant de se clôturer dans un tonnerre plombé qui fait écho aux
grands déluges virtuoses produit par le quartet.
Après les sonorités mysticos funks de « house of the
holy », suivis du blues corrosif de trampled underfoot, on entre dans le
monument de ce disque, le titre chargé de succéder à Stairway to heaven pour
marquer un nouveau chapitre de l’odyssée musicale du Zepp.
Kashmir est inspiré par le passage de Page et Plant au
Maroc , en 1973. Profitant d’une pause entre deux concerts , les deux hommes visitèrent
le désert sur une route vierge, et qui semblait ne jamais s’achever. Séduit par
cette sérénité et ce paysage serein, Page le met en musique sur Kashmir. Son
riff tournoie autour d’un rythme hypnotique dans une boucle fascinante. Blues
de bédouin, rock venu des terres orientales , aucun qualificatif ne semble
coller parfaitement à ce titre qui , plus qu’aucun autre , transcende les
courants et les normes musicales pour imposer un nouvel objet de fascination.
La partie la plus virulente de l’album se clôt sur ce
voyage oriental, laissant le second disque prendre le relais dans une ambiance
plus apaisée. In the light ouvre le bal
de façon plus méditative, Page soignant désormais ses harmonies instrumentales
pour renouer avec les sonorités « hard/prog » de no quarter. Comme
sur le chef d’œuvre de house of the holy , les variations de rythme s’enchainent,
Plant plaçant même un chant bluesy digne du premier album.
On revient ensuite au folk , d’abord parcouru de
sonorités celtiques sur brown yr aur, puis nourrit par la douceur sompteuse du
folk Californien sur « down by the seaside ». Cette partie est sans
doute la plus intéressante , celle qui montre la finesse d’un groupe qu’on a
trop souvent réduit à ses charges électriques.
Ten Years Gone renoue ainsi avec la beauté mélancolique
de rain song, qui prouve encore que le duo Page/ Plant n’a rien à envier au
fameux Lennon/ Mccartney. C’est d’ailleurs les sonorités de la pop anglaise qui
sublime le boogie rock de Night Flight , rehaussé par une des meilleures
prestations vocales de Plant.
Puis led Zeppelin fait de nouveau parler la poudre avec
le duo rock « the wanton song » et boogie with stu , dernier tribut payé au rock n roll, avant un
retour vers les plaines verdoyantes exploré dans le led zeppelin III.
Black country woman renoue avec ce mélange de folk et de
blues qui illuminait le troisième album du zepp, tout justes rehaussés par la
mandoline mystique de John Paul Jones. Sick Again clôt ensuite l’affaire sur un
hard rock alambiqué et bourré de cassures rythmiques , une ruade hard rock
comme seul le groupe de Jimmy Page sait en produire.
6 ans après avoir annoncé une nouvelle ère sur le premier
album, led zeppelin a digéré toutes les innovations de son époque, et les
restitue dans une célébration virtuose.
Après la sortie de physical graffiti, led zeppelin suit
l’exemple des stones , et donne son dernier concert en Angleterre, avant de s’exiler
aux Etats Unis pour des raisons fiscales. Dans le même temps , les ennuis s’accumulent
, et font dire à certains que Page est en train de payer le pacte qu’il aurait
signé avec le diable, pour obtenir son fulgurant jeu de guitare.
Lors d’un voyage en famille , Robert Plant est victime d’un
accident de voiture qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant , les
médecins affirment qu’il ne pourra pas remarcher avant six mois. Quelques temps auparavant,
Page c’était blessé la main en sortant du train de Victoria Station, et a dû
adapter son jeu à ce nouvel handicap. Sans oublier les concerts que le groupe
dut annuler à cause de la grippe que son chanteur contracta quelques jours
avant son accident.
Ajoutez à cela l’absence d’un John Paul Jones qui semble fuir
le rythme infernal des tournées, et la descente aux enfers d’un Bonham qui noie
son mal du pays dans l’alcool, et vous obtenez l’ambiance délétère qui
influence la production de « presence ».
Presence
Aucune piste acoustique, aucun break mélodique, aucune ballade.
Presence c’est led zeppelin au bord de l’implosion, c’est le catharsis sauvage
d’un groupe qui sent sa fin s’approcher. Le premier titre « achille last
stand » aurait presque pu donner l’illusion que le groupe était toujours
au sommet , que son génie n’avait pas fini par s’étioler dans le rythme
infernale de ses tournées.
En plus de suivre la tradition qui veut que chaque disque
du zepp s’ouvre sur une explosion électrique, le titre est une véritable
symphonie de guitare, une mêlée sauvage et épique tricotant une fresque
homérique contée par Robert Plant. Le titre montre que le zepp avait encore de
grandioses monuments à produire , que la relative baisse de régime qui va suivre
n’était qu’un essoufflement temporaire.
Si les registres sont toujours variés , for your
life et royal orlean renouant avec les sonorités funk de house of the holy ,
avant que le groupe ne renoue avec le heavy rock sur hots from nowhere , le zepp
semble avoir perdu une bonne part de son feeling.
Toujours calé sur la même puissance, chargeant sans réellement
savoir ce qu’il vise led zeppelin est comme les troupes gauloises lors de la
bataille d’Alésia. Il crie, lance ses charges avec la force du désespoir, répète
le même schéma jusqu’à le rendre insupportable. Son désespoir est parfois magnifique, comme
sur le blues héroïque de nobdy’s fault but mine, mais le manque de finesse de l’album
émousse sa puissance épique.
On peut , lors des premières écoutes , s’enthousiasmer
sur cette puissance cathartique , mais l’effet ne dure pas, et on finit
rapidement par ranger ce disque au côté des hurlements juvéniles de groupes que
le zepp avait toujours surpassé jusque-là.
Quand l’album se clôt sur une version frelatée de « since
i’ve been loving you » , on ne peut que constater que la machine est
grippée , ses rouages tournent désormais à vide et sa grandeur appartient
désormais au passé.
Le groupe survivra en célébrant sa gloire scénique sur le live « the song remain the same » , avant de définitivement sombrer dans les mélodies sirupeuses de In throught the out door .
Peu de temps après , John Bonham meurt d’une intoxication à l’alcool , entrainant la chute d’un groupe qui ne pouvait continuer sans lui.
De cette glorieuse épopée se terminant dans une déchéance tragique digne de Shakespeare, il nous reste une œuvre foisonnante et immortelle, nous ouvrant les portes d’un univers unique.