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jeudi 7 novembre 2019

THEATRE OF TRAGEDY : Velvet darkness they fear (1996)

Formation :

Raymond Rohonyi - Chant masculin
Liv Kristine - chant féminin
Geir Flikkeil - guitares
Tommy Lindal - guitares
Eirik T. Saltrø - basse
Hein Frode Hansen - Batterie
Lorentz Aspen – claviers, piano






Années 90 : une nouvelle vague de métal gothique apparaît emmenée le plus souvent par des chanteuses. Ainsi beaucoup de groupes de ce genre à voix féminines/masculines surfent sur la vague nouvelle, celle-ci apportant alors indéniablement quelque chose de neuf au métal ; dans le lot on eut droit à plusieurs bons albums, mais au final deux groupes ont surnagé : The Gathering (un peu différent musicalement parlant, plus atmosphérique, planant et avec juste une chanteuse) et Theatre of Tragedy le groupe qui a popularisé le style qui verra apparaître Tristania, After Forever, The Sins of thy beloved, Within Temptation, Darkwell, On Thorns I Lay, Lacuna Coil...(TOT peut être considéré comme le pionnier du métal à chant alterné et/ou superposé mixte).
« Velvet darkness they fear » sorti en 1996 est le second et meilleur album de Theatre of Tragedy (après le premier album éponyme et déjà prometteur), l'album de la consécration pour les norvégiens.
L'alchimie entre les voix est ici parfaite pour l'un des meilleurs albums de métal gothique : les voix sont sublimes (féminine éthérée et masculine gutturale), les compositions entre gothique et doom/death.
Avec un côté lyrique très présent dans les compos ce qui en fait sans doute l’album le plus abouti du genre.
Le violon les synthés et surtout le piano sont très bien utilisés, le piano dont chaque note tombe comme des gouttelettes de pluie.
Car ici tout est magnifiquement composé et orchestré (le groupe entier est crédité mais c'est le pianiste / claviériste Lorentz Aspen qui est le compositeur principal).
Beaucoup de groupes, autant métal que new-wave, refusent l'étiquette de gothique mais là le terme colle vraiment à la musique : du vrai métal gothique (mélangé certes à des influences plus doom/death) mais celui est bien présent (également dans les textes et les thèmes des morceaux, le look, la pochette…).
Dès les premières notes de « Fair and guiling copesmate death » on rentre dans le vif du sujet : piano, voix féminine éthérée de Liv Kristine, violon, gros riffs de guitare (même si les guitares restent en retrait, ici pas de démonstration technique ou de solos), voix masculine grave ou gutturale de Raymond J Rohonyi : « la belle et la bête », « la glace et le feu » on a tout dit et écrit sur ce duo de vocalistes qui a influencé tant de groupes.
Liv Kristine est de tout façon l'une des trois meilleures chanteuses de métal il n'y a même pas débat à avoir car sa voix a des intonations tellement sublimes et féérique qu’elle n’a pas besoin de s’étaler sur plusieurs octaves.
Les voix se succèdent, se superposent ou se répondent mais Theatre of Tragedy est à mon avis le groupe qui maîtrise le mieux le sujet.
Les ambiances sont alternées à merveille entre la facette death et celle plus atmosphérique.
C’est grandiose, magistral, beaucoup de nostalgie, de tristesse ; c’est d'une grande beauté, d’une beauté à couper le souffle, plus mélancolique que véritablement sombre d’ailleurs. Une musique et des voix habitées par une passion qui donne le frisson.
Le rythme est lent mais sans être lourd, les morceaux durent entre 5 et 8 minutes.
Les meilleurs titres hormis, « Fair and guiling copesmate death », sont « Der Tanz der Schatten (avec un chant en allemand où l'influence de l'opéra germanique et notamment wagnérien est évidente, un chant époustouflant où on atteint le sublime, la grande pièce du disque), là où les voix font merveille puis « Seraphic Deviltry », « And when he falleth », « Black as the devil painteth » et « The Masquarade and Phoenix » pour son final.
Des morceaux qui vous emportent très loin vers des horizons inconnus et magiques, envoûtants.
Ensuite le groupe évoluera vers un autre style plus électronique (avec le néanmoins très bon « Musique ») jusqu'au départ de la chanteuse...puis une résurrection avec une nouvelle vocaliste et enfin l'arrêt final en 2010.






Robert Wyatt Different every time : epilogue

Déjà mis à l’écart sur third , Robert Wyatt est presque ignoré sur fourth , comme si ses collègues le prenait désormais pour un simple exécutant. Aussi déçu par la direction de plus en plus élitiste que prend son groupe, que blessé dans son orgueil par cette mise à l’écart, Wyatt claque la porte en 1971. Il entame ensuite une période de dépression, et ne doit l’échec de sa tentative de suicide qu’à la bienveillance de voisins vigilants.
Matching Mole


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La blessure liée à sa mise à l’écart ne guérira jamais totalement, mais elle cicatrise suffisamment pour lui permettre de reprendre les concerts. Il effectue donc quelques performance en solo, accompagné de musiciens locaux, avant de rejoindre son vieil ami David Aellen pour renforcer temporairement le vaisseau gong. Progressivement, la muse revient le visiter, le poussant à chercher de nouveaux musiciens, pour donner vie à des idées qu’il n’aurait jamais pu construire avec soft machine.

La formation est annoncée en même temps que son nom : Matching molle , qui montre que Wyatt n’a toujours pas fait le deuil de son ancien groupe. Robert Wyatt, David Sinclair, Bill Mccornik et Phil Myer commence donc à jamer sur « moon in june » et « beware of darkness » de George Harrison. Si ces titres montrent bien l’attachement à la pop du batteur , les improvisations emmènent progressivement le groupe vers des sentiers moins balisés, et représentent les premières notes de sa seconde vie artistique.


De ses instrumentaux naissent rapidement un matériel hétéroclite , montrant les hésitations d’un Wyatt écartelé entre son amour de la pop et ses ambitions expérimentales. L’homme le résumera très bien en affirmant que, parfois, il se met à chanter de petites ritournelles pop au piano, et commence à penser qu’il s’agit de sa véritable vocation. Puis il reprend la batterie, et retrouve son gout pour les rythmiques alambiquées, les structures atypiques , et devient l’homme qui interdit à David Sinclair de renouer avec les chemins balisés par caravan.

Si son talent d’architecte fait de « matching mole » un grand disque , il montre encore une formation en rodage, suivant les hésitations de son leader sans réellement savoir où il s’embarque. Sur les titres les plus pop, la voix de Wyatt prend trop de place, et réduit ses collègues au rang de groupe d’accompagnement.

L’instrumental « instant pusssy » semble flirter avec l’élitisme virtuose que Wyatt a fui chez soft machine. Puis vient « part of the dance » , où les musiciens parviennent enfin à faire copuler l’agressivité électronique de « volume two » , la liberté portée par ce jazz qui reste tout de même la véritable inspiration de Wyatt , et l’efficacité d’un groupe de pop virtuose . Le batteur résumera ce son par la formule « concerto pour groupe , et on a pas encore trouvé meilleure formule pour qualifier cette musique expérimentale, aux apparences parfois décousues, mais dont le charme ne cesse de se dévoiler à chaque écoute.

Alors que soft machine développe une musique de plus en plus « classique », gommant progressivement toute trace d’expérimentation, dans l’espoir d’atteindre le niveau des grands virtuoses jazz, matching molle devient rapidement le nouveau tôlier de la scène Canterburienne. Le groupe commence à se souder lors de sa première tournée de 1972, ses concerts rodant une machine qui s’apprête à sortir son chef d’œuvre en novembre 1972.

Little red record


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Si les traumatismes de Robert Wyatt ont engendré les défauts du premier disque, ils guideront aussi le processus qui mènera à la naissance de ce little red record. Ayant besoin de se rassurer sur ses capacités de musicien, Wyatt a dirigé les séances du premier album de la façon la plus autoritaire, à tel point que le groupe hésitait à poser son nom sur un album qu’il n’a pas composé. Conscient de cet excès d’autoritarisme, le luttin batteur ne veut pas reproduire sur ses collègues ce qu’il a subit à la fin de soft machine. Il se place donc en retrait, laissant ses collègues composer la quasi-totalité du nouvel album, afin de prouver que matching molle est désormais un groupe solide et soudé.

De cette manière, il obtient une œuvre plus homogène, et plus concise. Les taupes n’ont pas perdu leurs capacités à expérimenter, et continuent de nourrir leurs expérimentations de sonorités résolument jazz rock, mais elles le font à travers une musique plus travaillée.

La voix répond enfin aux instrumentaux sans les masquer, ce sera la seule fois où celle-ci trouve une telle harmonie avec les musiciens qui l’accompagne. Pourtant, ce qui fera grand bruit à la sortie de l’album , c’est cette pochette singeant les affiches de propagande communiste , et les propos d’un Wyatt qui préfére : « être envahi par les chinois plutôt que de se voir imposer l’Europe ».

Dans ses textes, les pro communistes verront un manifeste en faveur de leur idéologie, alors que les anti communistes se délecteront de ces exagérations perçues comme une parodie de la nouvelle religion fondée par Marx.

Ces visions opposées auront au moins le mérite de prouver que la musique est bien plus sérieuse que la politique. Wyatt prenant soin de noyer ses déclarations dans une cacophonie de voix burlesques, comme si il se moquait de ses propres convictions.

Résultat, on retiendra surtout que, alors que son ancien groupe est en pleine déchéance , Wyatt a su rester au sommet de son art . Trop peu cité , son petit album rouge fait clairement partie des disques qui définissent cette époque où le jazz et l’expérimentation avaient aussi un potentiel commercial.

Little red record n’est pas encore sorti lorsque , lassé par le manque de succès et les difficultés financières , Robert Wyatt décide brutalement de mettre fin à matching molle. Ses collègues sont abasourdis, d’autant que les derniers concerts du groupe avait obtenu l’éloge de la critique, et que le succès semblait enfin à portée.

Wyatt , lui , voit plutôt dans ces chroniques la preuve de fidélité de journalistes qui l’ont toujours soutenu. La raison de cette fin brutale est toutefois plus profonde, et vient directement du processus plus démocratique qui a mené à la création de little red record.

Si ce processus a permis à la formation de s’affirmer en tant que groupe, elle a largement frustré son leader, qui avait de nouveau l’impression de ne pas pouvoir réaliser ses ambitions artistiques. Le batteur veut désormais être reconnu en tant que chanteur, et affine sa voix en participant à divers concerts d’Hatfield and the north et Kevin Ayer.

Après ces performances , il accompagne sa compagne Alfie à Venise , où elle travaille sur la réalisation d’un film. C’est là-bas qu’il écrit les premières paroles d’un disque qui prendra réellement forme après son accident.

La scène se passe lors de la soirée de promotion de flying teapot , le dernier album de gong. Après avoir noyé ses névroses dans l’alcool et différentes substances , Wyatt s’enferme dans la salle de bain en galante compagnie. Lorsqu’il est sur le point d’être surpris, le lutin barbu a la mauvaise idée de tenter de s’enfuir en descendant par la gouttière, qui cède rapidement. Résultat, une chute de quatre étages à laquelle il ne survit que grâce à la décontraction liée à son état d’ébriété.

Devenue paraplégique, il parvient à se soigner grâce à l’aide financière de divers artistes , avant qu’un Dave Mason en pleine gloire Floydienne ne lui propose ses services pour l’enregistrement de son prochain disque solo. Averti du projet, Mick Oldfield se joint rapidement à l’achèvement d’une grande œuvre que l’artiste avait démarré avant son accident.


Rock Bottom

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Chaque époque exprime le génie humain d’une façon différente, la renaissance le fit dans l’architecture et la peinture, Leonard de Vinci et Michel Ange étant le symbole de l’âge d’or de l’occident. Les années 50 le feront via le cinéma, l’âge d’or d’hollywood nourrissant les rêves de millions de jeunes se prenant pour John Wayne et Henry Fonda. Les années 60-70 , elles, marqueront l’âge d’or de la musique , sergent pepper , pet sounds et rock bottom s’affirmant comme les descendants de l’œuvre sublimant le plafond de la chapelle Sixtine.

L’Angleterre est donc devenue la nouvelle Italie, le rock un nouvel art majeur. « Pour comprendre un peuple il faut écouter sa musique » , comme le disait si bien Platon , des années avant que la paix ne permette aux musiciens de s’épanouir. Vous vous demandez sans doute pourquoi je commence cette chronique par une introduction que certain pourrait trouver trop pompeuse.

Et bien tout simplement parce que, à force de chercher à transcender le rock , les musiciens progressifs réussissent parfois à produire une œuvre qui dépasse ce simple qualificatif, et c’est largement le cas ici. La force de rock botom, c’est d’abord que son auteur a toujours pris plaisir à jouer sur les dissonances , à se jouer de la vision que l’on peut avoir de la beauté musicale.

Sa voix, qu’il qualifie lui-même d’androgyne, ne dévoilait sa beauté qu’après plusieurs écoutes attentives. Après l’avoir travaillé à la fin de matching molle , il l’a transcende ici grâce à une sensibilité d’une pureté incroyable, comme si l’homme nous invitait à explorer sa psyché tourmentée.

Rock Bottom est un disque introspectif, comme pouvait l’être rubycon, ou les grands disques ambiant, un album qui définit un paysage sonore enivrant et immersif. Autrefois partisan d’une musique foisonnante et parfois bruitiste, Wyatt apprend à alléger ses compositions, à ménager les espaces , laissant l’esprit de l’auditeur vagabonder entre ses espaces magnifiques.

Rock bottom , c’est le calme d’atmosphères apaisantes, entretenues par les claviers luxuriants mis en place par le duo Mason/ Wyatt , avant que le calme ne soit rompu par une complainte bouleversante, portée par des trompettes semblant annoncer une apocalypse tragique. Wyatt n’avouera qu’à demi-mot la portée autobiographique de ce disque, il a sans doute raison.

Dans rock bottom , ses sentiments deviennent universels , l’homme se servant de sa douleur pour produire une musique capable de réparer les âmes, pendant que la musique vibre comme une ode à l’innocence. Ce n’est plus du jazz, ce n’est plus du rock, ce n’est même pas réellement de l’ambiant. Ces étiquettes sont trop réductrices pour parfaitement résumer cet édifice sonore, où les instruments se complètent dans une symphonie apaisante.

Innocence est le maitre mot de ce disque, tant celle-ci permet à Wyatt de dévoiler ses sentiments sans tomber dans l’exhibitionnisme vulgaire. Comme pour relativiser l’exploit, le lutin virtuose achève son catharsis musical par un rire enfantin de génie espiègle.

Le résultat est au-delà des mots, et on l’écoutera sans doute aussi longtemps qu’il restera une étincelle d’humanité dans un monde transformé en cloaque numérique.

dimanche 3 novembre 2019

Robert Wyatt : Different every time : Partie 2 , grandeur et décadence


Quand le premier album sort enfin, Soft Machine est officiellement séparé, usé par une tournée de trois mois qui a eu raison de sa témérité. Grâce à la persévérance de son producteur américain , son premier album finit tout de même par sortir, et le groupe qui se croyait libre de tout engagement se retrouve contraint de produire le second disque prévu par son contrat. Heureusement, soft machine a continué à composer pendant sa période d’inactivité, et dispose déjà d’un matériel conséquent. Avant les premières sessions, Hugh Hopper annonce qu’il s’en ira si « le groupe produit encore de la pop » , ouvrant ainsi un conflit entre les influences pop de Wyatt et les ambitions jazz des autres membres du groupe.

Voyant au départ le projet comme une obligation contractuelle, le trio répète 17 titres, qu’il compte lancer comme une aumône à sa maison de disque. Mais, au fil des répétitions, le projet se densifie, les sessions s’allongent, et ce qui devait être un travail bâclé se transforme en disque foisonnant  où le gang atteint le sommet de sa cohésion.

Seule ombre au tableau, la production est un peu brouillonne, et donne un écrin un peu rudimentaire à ces perles. Mais la perfection des titres rachète largement l’amateurisme des producteurs, et tout ce que le premier disque avait annoncé se réalise dans nos oreilles ébahies.

Volume two


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Mélange de dadaïsme et d’intellectualisme musical, l’école de canterbury nait réellement avec ce disque. De caravan à Khan , sans oublier hatfield and the north , tous vont broder leurs œuvres autour de cette base rutilante. Volume two est le seul disque de soft machine qui réussit ce pari fou, marier la spontanéité et l’avant-garde, la légèreté pop, et la sophistication jazz. The soft machine (l’album) était encore trop brut, les stridences de son orgue rapprochant le groupe d’un psychédélisme aussi violent qu’aventureux.Third , lui, est un chef d’œuvre. Mais il n’auraît pu naitre si le groupe n’avait pas tourner le dos à la pop, au grand dam de Robert Wyatt.

 Le lutin batteur est le véritable maitre d’œuvre de ce volume two , réarrangeant les instrumentaux écrits par Hugh Hopper , tout en écrivant toute la prose absurde qui parcourt ce disque.

Plus que jamais au centre des mélodies de la machine molle, sa voix aère des instrumentaux alambiqués. Ceux-ci sont compressés sur des pièces de deux/trois minutes, qui s’enchainent comme les pièces d’un fabuleux puzzle. Encouragé par le collège libertaire de la pataphysique, Wyatt libère ses textes de toute logique, ses exubérances vocales se mariant à une musique extrêmement riche, dans une perfection jazz pop que seul Frank Zappa parviendra à approcher.       

Les années précédentes ont consacré la pop, 1968 marque le début de l’avènement du free jazz. Chacun en donnera sa version, instrumentale et envoutante chez Zappa (hot rats) , atmosphérique et électrique chez Miles Davis (bitch brew) , sans oublier la symphonie grandiose de King Crimson (in the court of the crimson king).

En plus de lancer toute une scène , volume two est passé avant tout ces chefs-d’œuvre. De là à dire qu’il les a influencé il n’y a qu’un pas, que nous éviterons de franchir. Si Zappa a en effet côtoyé la machine molle , c’était à l’époque où sa musique n’était encore qu’un rock pyché expérimental. Quant à Miles Davis , il ne se mit à métisser son jazz qu’après avoir été époustouflé par un show de Jimi Hendrix.

En revanche, volume two était le pavé dans la mare, un signal envoyé à tout ceux qui étaient restés bloqués dans le blues rock sixties. Le jazz et la pop ont conçu un enfant, voici ses premiers cris.   


Le succès semble proche, les maisons de disques commencent à voir un réel potentiel commercial dans ce groupe pop/ Jazz, et se pressent pour offrir un contrat à l’ex coqueluche de l’underground anglais. Si elles encouragent le groupe à retourner en studios , celui-ci veut désormais obtenir une liberté totale. Enrichi par une autre tournée en compagnie de Hendrix, le groupe décide de financer lui-même les sessions de son troisième disque.

Parallèlement, le duo Hopper/ Ratlehedge a pris le pouvoir, écartant définitivement les compositions pop de Wyatt. Déjà complexé par le talent de ses collègues, et doutant de ses propres capacités, le lutin anglais parvient juste à glisser une composition. En plus d’être une des compositions les plus réussies de ce disque, Moon in june représente l’adieu du groupe à la pop. Un adieu qui sera confirmé par le départ de Wyatt après la sortie de fourth.

Lors des enregistrements , Ratlehedge et Hopper refusent de jouer sur la composition de leur batteur, qu’ils semblent désormais voir comme un frein à leurs ambitions. Toujours aussi mal produit, third est heureusement composé de titres toujours aussi brillants, et d’une inventivité qui ne laisse pas présager que la fin est proche.

Third



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Cet album me fait toujours penser à l’histoire mise en scène sur « the grand wazoo » , le chef d’œuvre de Zappa, qui relate la lutte d’une tribu virtuose contre la horde des dangereux médiocres. Cette image exprimait bien le combat entre l’élitisme et la spontanéité que le rock a toujours provoqué. Jusqu’où peut-on aller sans tomber dans la démonstration stérile ? A partir de quand dépasse t’on les frontières du rock pour partir sur les terres pernicieuses d’une musique pompeuse et sans âme ?

Ces questions ont parcouru les groupe depuis que le rock existe. C’est la lutte entre les mélodies discos de Jagger et le blues de Keith Richard, ce sont les contestations provoquées par les changements brusques de Bowie , ou par les nouvelles mélodies de led zeppelin.

Chez Soft Machine plus que chez n’importe qui , ce problème ne pouvait que finir par se poser. Dès le départ, la formation était écartelée entre les tendances de son époque et son amour pour la « grande musique » de Mingus , Coltrane …

On pourrait aussi penser que volume two , sommet de cohésion entre ses influences contradictoires , représentait un point d’orgue que le groupe ne pouvait reproduire , sous peine de tomber dans le même bain que sa descendance. Parce que la formule a fait des adeptes, qui lanceront bientôt des disques qui sont autant d’échos à cette nouvelle pop.

Pour prolonger son statut de précurseur, soft machine devait partir vers d’autres territoires, et tant pis si Wyatt devait être sacrifié sur l’autel de l’avant-garde. Usant des capacités des studios modernes, la machine molle reprend la technique du collage cher à Zappa, sur un facelift où les envies de liberté de Hopper ouvre la voie à la musique extrémement composée qu’affectionne Rattlehedge. Le groupe creuse le même sillon expérimental sur « out bloody rageous » , où les boucles rythmiques s’accélèrent , s’entrechoquent , ou s’accordent dans une nouvelle forme de symphonie jazzy.    

Entre temps, on se sera émerveillé sur ses longues pistes moelleuses, où le groupe flirte avec la douceur avant gardiste du premier king crimson. Si volume two était son chef d’œuvre pop , third donne une nouvelle définition du free jazz , soft machine accélérant le son de ses bandes , ou les inversant tel un savant fou du free jazz.

Si third est un grand disque, c’est parce qu’il se défait de ses influences , pour inventer une nouvelle définition de la musique. Après ça, soft machine pouvait se dissoudre dans un jazz de plus en plus académique. Ce sommet-là ne pouvait, de toute façon, que le tuer.  


vendredi 1 novembre 2019

Robert Wyatt different every time : Partie 1 , des Wildflowers à Soft Machine


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Comment résumer un mouvement aussi foisonnant que celui regroupé autour du terme « école de Canterbury » ? Quel personnage serait capable de nous guider dans ces terres merveilleuses, où , pendant que Londres commençait à swinguer , une poignée de merveilleux snobs donnaient au jazz la portée fascinante du blues ? Les livres de références ne sont pas légions , le pavé d’Aymeric Leroy s’imposant comme la seule bible pour les mordus d’avant gardisme jazzy. A la relecture de ce livre , un groupe s’impose , Soft Machine , bande de lutins devant leur nom à un roman secondaire de Burrough , et coqueluche de l’underground anglais.

Ils auraient aussi bien pu s’appeler junky ou festin nu, mais the soft machine (le roman) résumait bien mieux leurs influences dadaïstes, ce mélange d’élitisme culturel et de simplicité pop qui fera leur gloire. A la base de cette simplicité pop , il y a un batteur névrosé chantant comme un lutin beat , Robert Wyatt.

Le voilà mon fil conducteur, le personnage capable de guider le lecteur dans les rythmes hallucinants et les mélodies rêveuses de Canterbury. L’homme entame sa carrière au sein de « the Wildflower » , qui devient rapidement le centre d’apprentissage où tout une partie du rock Canterburien fait ses premiers pas. Composé au départ de Wyatt au chant , Hugh Hopper à la basse, Brian Hopper à la guitare , et Richard Coughlan à la batterie. La formation ne tient que quelques jours, et Wyatt ne tarde pas à partir vers d’autres horizons. Le groupe voit alors défiler Richard Sinclair , le futur bassiste de Caravan , et David Aellen , qui partira rapidement en France pour créer le vaisseau gong.  Sans oublier Hugh Hopper et Wyatt qui, en compagnie de Rattlehedge, forment la première monture de soft machine.

Avant de fonder gong , Aellen a aussi passé quelques mois au sein de cette formation née des cendres des wildflowers. Comme un signe, la nouvelle formation parvient à effectuer ses premiers concerts au star club de Hambourg , la salle où les beatles ont entamé leur irrésistible ascension.  Mais l’histoire n’était pas encore prête à retenir le nom de ses musiciens qui , en plus de passer leurs nuits dans un hôtel miteux , sont rapidement poussés vers la sortie par un public qui ne comprend pas le sens de cette musique sans étiquette, et franchement avant gardiste.

Si Wyatt et Aellen ont déjà vécu ce genre de réactions intolérantes, les wild flowers ayant souvent joué sans interruption, pour éviter d’être interrompus par les huées, ces réactions poussent le groupe à se rapatrier en Angleterre. Depuis que les Beatles ont changés la face du rock, élevant le 33 tours au rang d’œuvre sérieuse, le pays est en pleine ébullition, les kinks , small faces et autres move tentant d’atteindre les mêmes sommets expérimentaux.

Le succès n’est plus le seul critère de reconnaissance, et l’underground s’épanouit au son des premiers délires planants de pink floyd , alors que Barry Miles grave son histoire dans le marbre en écrivant les lignes du international time. C’est d’ailleurs en compagnie de pink floyd que soft machine va se refaire une santé, ses relations dans le milieu underground Londonien lui permettant d’obtenir une place lors de la soirée de lancement de l’international time.

Ce soir-là , malgré la vétusté de la salle , les deux groupe livrent une prestation magique devant 2500 personnes. La présence de Mccartney revêt une portée symbolique : plus que jamais, l’histoire du rock démarre dans l’underground.

Soft Machine a enfin trouvé sa place, l’underground Londonien adoptant immédiatement cette bande de beats faisant cohabiter pop et jazz dans une musique affranchie de toutes limites. Salle fétiche de cette sous culture anglaise, l’UFO devient rapidement leur refuge, l’endroit où le groupe est libre de définir les règles de son art.
                                       
Signé sur un label , la formation de Robert Wyatt vit cette éternelle lutte frustrante entre l’artiste et le manager , l’avant-garde et le mercantilisme réactionnaire. Resté bloqué dix ans en arrière, le label tente d’abord d’imposer la sortie d’un 45 tours , en expliquant que pour sortir un album entier il faut d’abord avoir produit un tube. Quelques jours plus tard , le groupe croise la route de Donovan lors d’un concert au marquis. Auréolé du succès de son poulain, et de son travail pour Jeff Beck , le manager Mickie Most propose de s’occuper du premier album de la machine molle, à condition qu’il sélectionne les titres qui seront retenus.

Farouchement attaché à sa liberté artistique , le groupe refuse catégoriquement d’être censuré par un producteur , aussi brillant soit il . Lâché par un label qui ne supporte pas son refus , soft machine est sauvé par l’aide providentielle de Frank Zappa , qui n’hésite pas à financer la sortie de son premier 45 tours. Cette sortie permet au groupe de rester la coqueluche de l’underground anglais , et d’obtenir la première partie du Jimi Hendrix Experience lors de sa première tournée Américaine.

Auréolé du succès du tonitruant « are you experience » , et son proto hard rock ravageur , l’ange guitariste a produit un second disque plus aventureux et brillant, et revient conquérir une terre natale qui l’a rejeté à ses débuts. Si l’on cherche les prémices de cette lutte entre élitisme virtuose et sauvagerie viscérale qui qualifiera la décennie suivante, on les trouvera sans doute dans cette longue tournée américaine de 1968 , où la folie dadaïste de la machine molle laissait place au bombardements électriques de l’enfant voodoo.   

Récupéré par Chandler, soft machine profite d’une pose entre les enregistrements d’electric ladyland pour enregistrer le premier album du groupe de Robert Wyatt dans un studio record plant flambant neuf. Le peu de temps dont il dispose , et le manque d’attention d’un Tom Wilson très absent , les oblige à enregistrer dans les conditions du live. « the soft machine » sort enfin en décembre 1968, un peu trop tard pour profiter du succès de la tournée du groupe en compagnie de l’expérience. Il confirme ainsi que l’histoire de la musique est souvent à chercher dans ses plus bas-fonds.  


The soft machine



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L’arrivé du jazz dans le rock était elle écrite depuis le début ? Après tout, ces écrivains beat, vénérés par nos plus grands poètes, rock devaient le nom de leur genre littéraire aux beats de Mingus , Coltrane , et autres Miles Davis. Lou Reed définira très bien cette proximité lorsque, pour justifier la douceur cool de the bell, il dira que , pour lui , « les jazzmans jouaient un autre blues ».  Plus sarcastique, Reed ira jusqu’à confirmer ce parallèle en lançant «  un rocker c’est quelqu’un qui joue trois notes devant des milliers de personnes, un jazzmen fait le contraire ».

N’allait pas croire que je vois désormais le rock et le blues comme un sous jazz , un frelaté bruyant pour musiciens maladroits. Ces deux musiques expriment juste le même culte du feeling , cette science aujourd’hui oubliée qui visait à jouer sur les silences , à manier les sons comme autant de couleurs sonores.

Voilà pourquoi le jazz était fait pour rencontrer les idéaux du rock de ces années 60-70.  Il représentait en plus la liberté de musiciens se lançant sans filet dans des improvisations spontanées , comme si ils cherchaient leurs voies dans le dédale de leur imagination sans limites. Se libérer des conventions pour découvrir de nouvelles possibilités, le credo définit par Huxley ne pouvait que mener à mélanger les genres dans une orgie libératrice.

C’est donc l’époque qui a mené les musiciens de soft machine, qui vénéraient plus Mingus que Chuck Berry, à déployer leurs ambitions musicales et leurs tessitures cotonneuses dans un grand tonnerre électrique.
Pour faire le lien entre la fureur électrique des enfant d’Elvis, et la liberté expérimentale du jazz, l’orgue est omniprésent, et fait le lien entre les cassures rythmiques à grands coups de notes saturées.

Instrument à part entière, la voix de Wyatt annonce la prose absurde, intellectuelle, ou humoristique, qui lancera l’invasion d’une poignée de lutins jazz rock. Très présente, la batterie accentue la force de ces pastilles pop expérimentales, et permet à cette musique sans équivalent de rivaliser avec la violence du Jimi Hendrix Experience.
                                                                                                                           
Ce premier essai a les faiblesses des disques enregistrés dans l’urgence, sa matière sonore manquant encore un peu de cette sophistication qui fera la beauté de ce rock venu de Canterbury. Il a aussi la puissance fascinante de ces œuvres qui ouvrent les portes d’un nouveau territoire sonore.  
       

jeudi 31 octobre 2019

Slayer : Reign in Blood (1986)




Sorti la même année que le Master of Puppets de Metallica, ce troisième album de Slayer est celui qui propulse le groupe dans une autre catégorie.Les deux premiers albums du groupe sont inégaux, le premier Show No Mercy est un poil bancal et surtout il est fait avec les moyens du bord, une production qui ne lui rend pas justice. On ne va pas dire qu'il est inécoutable mais faut s'accrocher. C'est le groupe qui a payé l'enregistrement de sa poche. Le suivant Hells Await est déjà un peu plus professionnel et de meilleur qualité dans les chansons. Le groupe livre des morceaux plus longs (seulement 7 morceaux pour un album plus long que le précédent qui contenait 10 pistes). Pour l'album qui nous intéresse, plusieurs choses ont changé.

Le groupe a changé de maison de disques passant chez Def Jam, spécialisé en premier lieu dans le Rap. La rencontre avec Rick Rubin, l'un des fondateurs du label sera déterminante pour le groupe. C'est Dave Lombardo le batteur du groupe qui les met plus ou moins en relation. Rubin devient leur producteur pour tous les albums suivants du groupe (sauf le dernier Repentless). Quand il quittera Def Jam en 1988 pour fonder Def American, Slayer sera le premier groupe qu'il signera. Le groupe est surpris de l’intérêt que leur porte Rubin vu le coeur de cible de Def Jam. Mais impressionné par son travail sur des albums de Run-DMC par exemple, il se laisseront convaincre. Avec un producteur comme Rubin le groupe est prêt à rentrer en studio. Pour cet album, le groupe décide d'abandonner les morceaux longs proposé dans l'album précédent. Sur les 10 titres de l'album 7 font moins de 3 minutes. Le tout donne un album de même pas une demi-heure dans son édition originale. 

Ecrit et composé, comme le premier album, par le duo de guitaristes Kerry King et Jeff Hanneman (sur Hells Await, le bassiste/chanteur Tom Araya a participé a la composition), l'album est joué a cent à l'heure, mené par la batterie puissante de Dave Lombardo (l'un des maitres de la double pédale dans le métal), agé de 22 ans à l'époque, on sent qu'il a travaillé son jeu depuis le premier album. King et Hanneman envoient des riffs incroyables et des solos plutôt inspiré. Ce qui n'a pas toujours été leur point fort il faut le reconnaitre. En plus de tout ça, Tom Araya à la basse et derrière le micro hurle comme si sa vie en dépendait.

Si cet album est le plus connu du groupe (la plupart des gens qui ont entendu parler de Slayer ne connaissent que ce disque du groupe) ce n'est pas uniquement parce que c'est leur meilleur album, même si les deux suivants ne sont pas loin en qualité, c'est aussi parce que c'est celui qui a le plus fait polémique. En effet, Columbia, le distributeur habituel des disques Def  Jam a refusé de distribué l'album, c'est donc Geffen qui s'en ait chargé mais sans faire apparaître l'album dans le calendrier des sorties d'albums. Le premier morceau, Angel of Death est à l'origine de la polémique. Là ou les précédents albums du groupe se concentrait sur des thèmes sataniques, ce disque traite plus de la mort, du sentiment anti religieux et de meurtre, thèmes classiques dans le metal de l'époque. Mais Angel of Death décrit des expériences sur les humains menés dans les Camps de Concentration par le docteur Joseph Mengele, surnommé L'Ange de la Mort. Le groupe traine depuis cette époque là une réputation de groupe nazi avec laquelle ils ont allègrement joué tout au long de leur carrière.  Notez la prononciation quasi similaire entre le titre de l'album et le dernier morceau du disque, lors de ce morceau en Live il faut savoir qu'il pleuvait vraiment du sang sur scene (ou tout du moins quelque chose qui rappelait du sang)


Sans passage radio, l'album rentre dans le Billboard et le groupe se forge une très bonne réputation auprès de la presse spécialisé qui encense l'album. Ce qui leur fait de la pub aussi est la présence de Kerry King sur l'album Licensed to Ill des Beastie Boys. Les deux groupes étant signé chez Def Jam et produit par Rick Rubin, Kerry King vient joué de la guitare sur le morceau No Sleep till Brooklyn des Beastie. (je crois meme qu'il apparait dans le clip de la chanson).

Après la sortie de l'album, Dave Lombardo quitte le groupe lors de la tournée mais Rubin mettra tout en oeuvre pour le faire revenir dans le groupe avec succès. Le groupe sortira encore deux excellents albums studios après celui-la plus un Live Decade of Agression (rarement un album a aussi bien porté son nom) avant que Lombardo ne quitte à nouveau le groupe en 1992. Les années 90, comme pour tous les groupes de metal seront difficile pour Slayer. Lombardo reviendra dans le groupe au début des années 2000 pour en repartir en 2013, l'année ou Jeff Hanneman décédera, malgré la perte d'un de ses membres historiques, Slayer décide de continuer et c'est Gary Holt d'Exodus qui est embauché pour remplace Jeff. Le groupe sortira un dernier album en 2014 avant d'entamer une grande tournée d'adieu qui doit se terminer en fin d'année 2019. 

Si leur discographie est inégale, Reign in Blood en est la pièce maîtresse, probablement le plus grand disque de thrash metal de l'histoire, en tout  cas surement le plus abrasif et subversif.



mardi 29 octobre 2019

Hammer Of the God épisode II: le chant du cygne


De 1973 à 1975 , led zeppelin est au sommet de sa popularité , ses concerts réunissant plus de fans que les Beatles à l’époque de leur arrivée historique en Amérique. Dans le même temps ,  le contrat qui les lie à Atlantic touche à sa fin. Peter Grant est donc en position de force pour renégocier les avantages dont le groupe bénéficiait jusque-là.

Page ayant monté son propre label , swan song, Atlantic devra désormais se contenter de distribuer les albums produits par le label. Cette initiative servira aussi à aider quelques groupes, dont le plus fameux reste bad company , et rappelle bien évidement la création d’apple record par les beatles. Voilà donc notre gang produit par son propre label , qui sera dirigé par un Peter Grant qui leur laisse une totale liberté.

Cette liberté a sans doute motivé les musiciens, qui ont déjà presque bouclé leur sixième album lorsqu’ils sont conviés à la fête célébrant la naissance de swan song. Celui-ci sera double, pour ne rien jeter de la précieuse matière que le groupe a accumulé depuis des mois.

Physical graffiti


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Dans un immeuble à l’apparence vétuste , les musiciens du zepp apparaissent aux fenêtres , où l’on peut aussi apercevoir Elisabeth Taylor , la reine Elisabeth, la vierge Marie …
Led zeppelin semble se prendre pour les beatles , mais nous n’oserons dire que ce disque est leur sergent pepper. Le chef d’œuvre des beatles était célébré pour son avant gardisme, les scarabées lançant la mode des concepts albums, bientôt suivie par Towshend , les pretty thing , et plus tard par Lou Reed, tout en ouvrant une voie que le rock progressif ne manquera pas d’explorer avec « a day in the life.

La grandeur de physical graffiti se situe plutôt dans son inventaire des contrées visitées par le zeppelin de plomb. Composé de quelques titres issus des sessions de IV et de house of the holy , il est le manifeste d’un groupe qui , après s’être abreuvé aux sources du blues , avoir dansé sur les rythmes ska et funk, et avoir déchiqueté les normes du rock, revient sur terre chargé de trésors somptueux.

C’est bien sur le blues qui ouvre le bal, et voit le groupe développer une énergie plus sèche, où la réverb a disparu pour accentuer le tranchant de ses riffs syncopés, qui s’allie à la violence du clavier de John Paul Jones. Abandonné lors des sessions de house of the holy , the rover prend le relais sur une introduction percutante de John Bonham. D’une simplicité irrésistible, le riff joué par Page donne une idée de comment Keith Richard aurait pu jouer, si il avait démarré sa carrière quelques années plus tard. Joe Perry n’atteindra d’ailleurs jamais cette efficacité à mi-chemin entre les canons du rock dit heavy, et les contemporains de Little Richard, il faut dire qu’il n’avait pas un Robert Plant pour donner au tout une touche mélodique des plus séduisantes.

Led Zeppelin cite ensuite Dylan et, entre ses mains, ce qui était une folk song issue du premier disque du Zim devient le manifeste épique d’un homme attendant la mort, avec l’assurance de celui qui a fait son devoir. Les licks de Jimmy Page ouvrent le morceau sur un rythme langoureux, que Bonham explose d’un monumental riff de batterie. Son kit semble résonner au milieu d’un dôme, ajoutant au côté solennel de ce manifeste épique, qui prend toujours ses racines dans les terres inépuisables du blues.

Le titre fut enregistré en deux prises, le groupe entrant dans une véritable transe collective qui se passe d’artifice. D’une richesse incroyable, ce long blues mystique se paie même le luxe de flirter avec le funk le temps d’un riff, avant de se clôturer dans un tonnerre plombé qui fait écho aux grands déluges virtuoses produit par le quartet.
Après les sonorités mysticos funks de « house of the holy », suivis du blues corrosif de trampled underfoot, on entre dans le monument de ce disque, le titre chargé de succéder à Stairway to heaven pour marquer un nouveau chapitre de l’odyssée musicale du Zepp.

Kashmir est inspiré par le passage de Page et Plant au Maroc , en 1973. Profitant d’une pause entre deux concerts , les deux hommes visitèrent le désert sur une route vierge, et qui semblait ne jamais s’achever. Séduit par cette sérénité et ce paysage serein, Page le met en musique sur Kashmir. Son riff tournoie autour d’un rythme hypnotique dans une boucle fascinante. Blues de bédouin, rock venu des terres orientales , aucun qualificatif ne semble coller parfaitement à ce titre qui , plus qu’aucun autre , transcende les courants et les normes musicales pour imposer un nouvel objet de fascination.

La partie la plus virulente de l’album se clôt sur ce voyage oriental, laissant le second disque prendre le relais dans une ambiance plus apaisée.  In the light ouvre le bal de façon plus méditative, Page soignant désormais ses harmonies instrumentales pour renouer avec les sonorités « hard/prog » de no quarter. Comme sur le chef d’œuvre de house of the holy , les variations de rythme s’enchainent, Plant plaçant même un chant bluesy digne du premier album.

On revient ensuite au folk , d’abord parcouru de sonorités celtiques sur brown yr aur, puis nourrit par la douceur sompteuse du folk Californien sur « down by the seaside ». Cette partie est sans doute la plus intéressante , celle qui montre la finesse d’un groupe qu’on a trop souvent réduit à ses charges électriques.

Ten Years Gone renoue ainsi avec la beauté mélancolique de rain song, qui prouve encore que le duo Page/ Plant n’a rien à envier au fameux Lennon/ Mccartney. C’est d’ailleurs les sonorités de la pop anglaise qui sublime le boogie rock de Night Flight , rehaussé par une des meilleures prestations vocales de Plant.

Puis led Zeppelin fait de nouveau parler la poudre avec le duo rock « the wanton song » et boogie with stu ,  dernier tribut payé au rock n roll, avant un retour vers les plaines verdoyantes exploré dans le led zeppelin III.

Black country woman renoue avec ce mélange de folk et de blues qui illuminait le troisième album du zepp, tout justes rehaussés par la mandoline mystique de John Paul Jones. Sick Again clôt ensuite l’affaire sur un hard rock alambiqué et bourré de cassures rythmiques , une ruade hard rock comme seul le groupe de Jimmy Page sait en produire.

6 ans après avoir annoncé une nouvelle ère sur le premier album, led zeppelin a digéré toutes les innovations de son époque, et les restitue dans une célébration virtuose.


Après la sortie de physical graffiti, led zeppelin suit l’exemple des stones , et donne son dernier concert en Angleterre, avant de s’exiler aux Etats Unis pour des raisons fiscales. Dans le même temps , les ennuis s’accumulent , et font dire à certains que Page est en train de payer le pacte qu’il aurait signé avec le diable, pour obtenir son fulgurant jeu de guitare.

Lors d’un voyage en famille , Robert Plant est victime d’un accident de voiture qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant , les médecins affirment qu’il ne pourra pas remarcher avant six mois. Quelques temps auparavant, Page c’était blessé la main en sortant du train de Victoria Station, et a dû adapter son jeu à ce nouvel handicap. Sans oublier les concerts que le groupe dut annuler à cause de la grippe que son chanteur contracta quelques jours avant son accident.

Ajoutez à cela l’absence d’un John Paul Jones qui semble fuir le rythme infernal des tournées, et la descente aux enfers d’un Bonham qui noie son mal du pays dans l’alcool, et vous obtenez l’ambiance délétère qui influence la production de « presence ».

Presence


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Aucune piste acoustique, aucun break mélodique, aucune ballade. Presence c’est led zeppelin au bord de l’implosion, c’est le catharsis sauvage d’un groupe qui sent sa fin s’approcher. Le premier titre « achille last stand » aurait presque pu donner l’illusion que le groupe était toujours au sommet , que son génie n’avait pas fini par s’étioler dans le rythme infernale de ses tournées.

En plus de suivre la tradition qui veut que chaque disque du zepp s’ouvre sur une explosion électrique, le titre est une véritable symphonie de guitare, une mêlée sauvage et épique tricotant une fresque homérique contée par Robert Plant. Le titre montre que le zepp avait encore de grandioses monuments à produire , que la relative baisse de régime qui va suivre n’était qu’un essoufflement temporaire.

Si les registres sont toujours variés ,  for your life et royal orlean renouant avec les sonorités funk de house of the holy , avant que le groupe ne renoue avec le heavy rock sur hots from nowhere , le zepp semble avoir perdu une bonne part de son feeling.

Toujours calé sur la même puissance, chargeant sans réellement savoir ce qu’il vise led zeppelin est comme les troupes gauloises lors de la bataille d’Alésia. Il crie, lance ses charges avec la force du désespoir, répète le même schéma jusqu’à le rendre insupportable.  Son désespoir est parfois magnifique, comme sur le blues héroïque de nobdy’s fault but mine, mais le manque de finesse de l’album émousse sa puissance épique.

On peut , lors des premières écoutes , s’enthousiasmer sur cette puissance cathartique , mais l’effet ne dure pas, et on finit rapidement par ranger ce disque au côté des hurlements juvéniles de groupes que le zepp avait toujours surpassé jusque-là.   

Quand l’album se clôt sur une version frelatée de « since i’ve been loving you » , on ne peut que constater que la machine est grippée , ses rouages tournent désormais à vide et sa grandeur appartient désormais au passé.  

Le groupe survivra en célébrant sa gloire scénique sur le live « the song remain the same » , avant de définitivement sombrer dans les mélodies sirupeuses de In throught the out door .
 Peu de temps après , John Bonham meurt d’une intoxication à l’alcool , entrainant la chute d’un groupe qui ne pouvait continuer sans lui.


De cette glorieuse épopée se terminant dans une déchéance tragique digne de Shakespeare, il nous reste une œuvre foisonnante et immortelle, nous ouvrant les portes d’un univers unique.


lundi 28 octobre 2019

KING CRIMSON : Red (1974)

Formation
Robert Fripp : guitare, mellotron
John Wetton : basse, chant
Bill  Bruford : batterie


L'autre grand album de King Crimson avec « In the court of the Crimson King ».
Sorti en 1974 « Red » est le dernier album de King Crimson première période (1969-1974), la meilleure aussi même si d'autres disques comme « Discipline » sorti en 1981 sont également intéressants.

Assez différent au niveau de l'ambiance général, il faut dire que la composition du groupe n'est plus du tout la même, seul Robert Fripp est encore présent. Wetton et Bruford complète la formation qui se retrouve en trio même si plusieurs anciens membres participent à l'enregistrement en tant qu'invité.
C'est plus carré, millimétré, plus compact, moins aérien (sauf sur « Starless ») et surtout plus pesant.
Plus jazz rock aussi, notamment par l'apport du saxo, même si le côté prog est toujours bien présent.
Sans faire offence à « Fallen angel » (loin d'être mauvais, honnête balade buccolique au départ qui monte en puissance sous le feu des cuivres) et « Providence » (plus expérimental) , les trois pièces phare de l'album sont « Red », « One more red nightmare » et « Starless » ; pour les morceaux « cool », « planants », « légers » ou expérimentaux, King Crimson a fait mieux que « Fallen angel » et « Providence », notamment avec « Moonchild » et « I talk to the wind » sur le premier album et surtout la voix de Wetton n'est pas au niveau pour ce type de titres plus intimistes et doux. En tout cas pas au niveau de Greg Lake, le chanteur sur les deux premiers albums.
Passons donc directement aux trois pièces essentielles, aux trois petits bijoux, nettement au dessus du lot.

« Red » le morceau est un instrumental oscillant entre jazz rock, prog, et hard rock, très réussi, hypnotique presque heavy metal dans le son de la guitare, le saxo apporte également quelque chose une épaisseur supplémentaire car magnifiquement utilisé et d'ailleurs Fripp a fait appel à deux de ses « ex » Mel Collins et Ian Mc Donald venus prêtés main forte ; une ambiance tendue, presque inquiétante et des musiciens qui s'en donnent à cœur joie (mention spéciale à Bruford le batteur).
« One more red nightmare » est plus expérimental entre cool et « heavy », toujours un excellent saxo, un morceau dans la lignée de « Red » au niveau des riffs et de l'atmosphère novatrice et toujours le même son si particulier, marque de fabrique de KC.
Sur « Starless » on retrouve par séquence un peu le King Crimson de « Epitaph » et de « In the court of... » (le morceau) : guitare acoustique, nappe de mellotron, ambiance qui monte cresendo ; là c'est la basse de Wetton qui donne le ton mais Fripp et Bruford ne sont pas en reste, accompagnés par le saxo ; tout reste très compact, parfaitement travaillé, d'une grande beauté et d'une grande créativité. 12 minutes de bonheur total. Le travail de Robert Fripp à la guitare est à la fabuleux, grandiose tout en restant assez discret de prime abord.

« Red » et surtout « Starless » sont excellents (Starless étant un des meilleurs morceaux de King Crimson et un des meilleurs morceaux de l'histoire du rock progressif tout simplement) et donnent à cet album un aspect un peu « magique » et en font une œuvre essentielle.
Ce qui frappe en premier à l'écoute de cet album au delà des compositions c'est le son assez unique, de l'ensemble, absolument unique, sans équivalent, presque métallique par moment, notamment sur « Red », la patte Robert Fripp évidemment, véritable expérimentateur en sonorité....et c'est bien là l'un des plus du groupe. Un son qui influencera ensuite autant des groupes de new wave, de métal, de post-punk que des artistes comme Bowie avec qui Robert Fripp a bien sur travaillé.
Quant à Wetton et Bruford, la section rythmique, elle est phénoménale, sans doute la meilleure section rythmique de KC.

Petit bémol, déjà évoquée, la voix de Wetton par rapport à celle de Greg Lake, moins bonne, moins chaleureuse et qui se marie moins bien aux parties instrumentales. Vraiment dommage et embêtant que les parties chantées ne soient pas à la hauteur du reste, pas mauvaises mais juste un peu moins bonnes.

En conclusion une fusion totale, aboutie et parfaite de jazz rock progressif avec un zest de métal mais qui n'a rien à voir avec le hard rock qu'on pratiquait en 1974, quelque chose de vraiment nouveau, et d'original et qui se renouvelle depuis le premier album.
Pour moi King Crimson est sans hésitation possible dans le top 3 du rock progressif avec Genesis et Van der Graaf Generator mais c'est je pense le plus créatif, celui qui a le plus apporté.
Car KC, à chaque album, a su se réinventer, parfois maladroitement certes, mais a toujours innové et a toujours eu ce son si particulier qui en fait un groupe à jamais unique.