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lundi 20 janvier 2020

Pink Floyd : Animals



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«  Tous les animaux naissent égaux , mais certains sont plus égaux que d’autres. »
Voilà la phrase que l’on retiendra le plus d’Orwell , issue d’un livre s’en prenant violemment à l’obscurantisme bolchévique. Plus qu’aucun autre , Orwell avait vu que cette révolte, annoncée comme le tonnerre brisant les chaînes du prolétariat opprimé , n’était qu’une nouvelle forme d’oppression. Le constat était d’autant plus vibrant dans cette fable , qu’il était écrit par un homme profondément socialiste , qui a raconté son engagement face au fascisme dans « hommage à la Catalogne ».

Mais pourquoi parler d’Orwell dans une chronique de Pink Floyd ? Et bien tout simplement parce que , en 1977 , les cochons ont encore changé de camp. 1977, c’est la disgrâce de la perfide Albion, l’étouffement d’une jeunesse affolée par la baisse de la croissance, le chômage et l’inflation. L’époque n’est plus à la rêverie, l’introspection, où la sagesse, elle bascule dans le nihilisme libérateur des hordes punk.

Le floyd veut à tout prix éviter de s’enfermer dans sa tour d’ivoire, ce qui le fossiliserait plus surement que le chômage humilie le prolétariat. Alors Roger Waters réadapte le processus d’Orwell , mais dirige sa critique vers ce capitalisme fou qui crée une hiérarchie absurde. Seule dose d’optimisme dans un album sombre comme une fumée d’usine, « pigs of the wings » décrit toutefois l’amour comme le seul moyen d’échapper au conformisme de cochons rivés sur leurs mangeoires consuméristes.  

Vient ensuite le tour des chiens , bras armé du pouvoir , dont le seul rôle est d’annihiler tout mouvement capable de libérer la masse bêlante des cochons qui la gouverne.  Les chiens , c’est aussi cette petite bourgeoisie vicieuse , cherchant une proie facile pour se hisser au niveau des cochons.  Le riff de Gilmour , allié à l’ambiance angoissante tissée par le synthé ,  illustre tout le danger que représente cette classe mesquine. On y découvre aussi une certaine empathie car , tôt ou tard , cette arrivisme les mènera à leur propre perte , et il leurs faudra se battre pour ne pas sombrer. Le riff de Gilmour sonne d’ailleurs comme le hurlement d’un chien aux abois.

Longue fresque rageuse , « dogs » ouvre la voie à ceux qui entretiennent cette comédie tragique qu’est le monde capitaliste, les cochons se gavant sur le dos d’une misère qu’ils entretiennent. Dans ces cochons, on discerne bien sûr l’image de l’actionnaire, l’œil rivé sur le cours de la bourse comme sur une idole pour laquelle il sacrifie des milliers de vies. Une autres cible apparaît , celle d’une dame « vieille peau qui aime la sensation du fer » et « prend son pied avec son flingue à la main ». Si l’intéressé ne l’a jamais confirmé , cette description semble dirigée contre Margaret Thatcher , alors fraîchement élue à la tête des conservateurs. Anti communiste primaire, la dame de fer célébrera un peu plus tard le début de son règne, en envoyant les policiers affronter les manifestants lors des fameuses émeutes de Brixton.

Pigs représente le sommet de cette antagonisme créateur, qui vit ses dernières heures sur animals , celui qui oppose l’intellectualisme de Waters et la préoccupation musicale de Gilmour. Fier de son concept , Waters se préoccupe peu de mélodies où la guitare de Gilmour se taille la part du lion. Autant que son chant particulièrement soigné , la guitare de Gilmour transpire d’une hargne désespérée, la colère de l’homme face à la connerie triomphante. Les riffs sont d’autant plus puissants sur pigs que leur rythme porte son riff en forme d’accusation péremptoire, dans une des mélodies les plus épurées du répertoire floydien. Si le synthé s’élève, ce n’est que pour pousser des lamentations qui sont autant de cris sortis de l’enfer des usines, alors que les cochons ponctus les riffs de leurs cris de monstres cupides.

Ce titre vaudra au groupe le surnom de « punk floyd » , les critiques ayant bien compris que cette œuvre fouillée était bien plus subversive que les braillements de n’importe quel damné à crête.

Mais Waters n’est pas aussi illuminé que Marx et , quand il en arrive à ses moutons soumis au pouvoir , il les traites avec la même hargne. « Vous devriez faire gaffe / Il y’a peut être des chiens dans le coin » leur lâche-t-il avec une ironie désespérée. Il sait que , autant que les cochons , les moutons sont responsables de leurs malheurs , qu’ils entretiennent via une apathie venimeuse.

Le peuple n’est pas prêt à se révolter, il est bien trop bien bâillonné par la violence des chiens, les sirènes consuméristes produites par les cochons, ou cet éternel opium du peuple que constitue les religions. Malgré la violence de ses textes, Sheep est un blues, dont le chant est d’autant plus désespéré que Waters reconnait qu’il fait un peu partie de ce lot.

Pigs on the wings part 2 conclut le tout sur une chanson d’amour , seul remède à ce monde devenu fou. Et , quand les dernières notes s’éteignent , on ne peut que constater que le meilleur album punk a été produit par leur pire ennemi.                                            


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