Nous sommes sur une plaine
du Tennessee , en 2004 , et le soleil éclaire une scène qui semble perdue au
milieu du désert. En face des quelques curieux venus assister au début de sa
prestation, Warren Hayne a les traits tirés de celui qui a passé une nuit
agitée.
Le cadre du Bonaroo a des
airs de nouveau woodstock, et ne l’encourage pas à balancer le blues abrasif
qui fit la grandeur de son ancien groupe. On se croirait plutôt au milieu d’un
camp hippie, où l’on s’attend presque à voir Country Joe se pointer sur scène,
pour scander son fameux « fuck ».
Alors Hayne va tenter un
exercice inédit, et débarque sur scène tel Dylan au festival de Newport, seul
avec sa guitare sèche. Dès les premières notes de Lucky , la petite assemblée se
fait silencieuse , comme hypnotisée par ses notes mélodieuses.
Ce son , c’est celui de la
Californie avant que l’acide ne vienne déformer ses mélodies, un folk de hippie
céleste. Devenu barde, Warren Hayne laisse son public suspendu à sa voix habitée. Le lyrisme a remplacé la puissance électrique, et tous semblent s’en
réjouir.
La guitare se contente
désormais de ponctuer le chant, lui donnant l’écrin capable de rendre ses
paroles universelles. Johnny Cash lui-même n’aurait pas renié la puissance
épurée de « the real thing », alors que la version acoustique de
« I’ve got a dream to remember » renoue avec ce charisme musical,
qu’on n'a plus entendu depuis le passage de l’homme en noir à la prison de
folssom.
Cash avait fait de one un
folk désespéré soutenu par sa voix trempée dans le blues. Hayne , lui,
transforme le tube de U2 en poème folk digne des grandes heures des
hootenanies. Et voilà justement la force de cette prestation, elle renoue avec
la ferveur commune aux pionniers de la musique américaine. La voix plaintive
flirte avec le son du Mississipi, et les arpèges sont dotés du mysticisme folk
rendu célèbre par Joan Baez.
La prestation ayant
démarré à 12 h 30, le public se limite à une centaine de personnes lors des
premières minutes. Mais la foule gonfle progressivement, comme si ces arpèges
jouaient une homélie irrésistible. Ils sont déjà plusieurs milliers quand Hayne
entame fallen down.
Fallen down creuse le
sillon théatral que Springsteen avait si bien exploré sur nebraska, la scène
donnant à cette grandeur acoustique une puissance inédite. Si la musique est
surtout un moyen de communier sur autre chose que des textes rétrogrades, alors
ce live at bonaroo est un des plus grands disques jamais enregistrés.
Pour clôturer la
performance, Soulshine fait revivre les mélodies africaines que Paul Simon
sublima sur « graceland ». Rappelant que la musique américaine trouve
ses origines en afrique , soulshine est une folk voodoo dont les dernières
notes résonneront longtemps dans le cœur de la foule réunie ce soir-là.
Warren Hayne représente la
tradition musicale de son pays , dans ce qu’elle a de plus intemporelle et poignante.
Et Live at bonaroo le fait passer de l’autre côté du miroir, la pochette de ce
disque s’ajoutant aux symboles mythique jalonnant l’histoire du rock.
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