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mardi 27 avril 2021

Albert King :  Born Under a Bad Sign (1967)

                                        Philibert va au concert avec son papa !


Pau, la ville du bon Roi Henri IV et du boulevard des Pyrénées où l'on peut contempler tout l'Ouest de la chaîne et surtout le splendide Pic du Midi d'Ossau fierté des palois. Philibert tombé de la marmite mi sixties a une dizaine d'années et ce soir là il est au « spektak » avec son papa pour voir un des rois du Blues ALberT kiNg ! Le concert est organisé par le Hot Club de Pau actif depuis 1945 et le gratin du blues américain passe souvent par la région Midi-Pyrénées grâce à Jacques Morgantini, bras droit d’Hughes Panassié, fondateur et figure du Hot Club de France. Philibert ne connait rien à la musique et ne sait pas quel sera son futur ni que son papa déjà violent quand il ne ramène pas de bons bulletins scolaires de l'école primaire deviendra une vraie brute stupide mais ceci est une autre histoire.  Elle illustre parfaitement un certain adage nietzschéen très souvent utilisé en matière de résilience. Born under a bad sign ?


**Born under a bad sign

Been down since I begin to crawl

If it wasn't for bad luck

You know I wouldn't have no luck at all

Hard luck and trouble is my only friend

I've been on my own ever since I was ten**


L'attente est grande pour le petit garçon qui vit "un bon souvenir". Un brouhaha diffus règne dans la salle encore éclairée. Les spectateurs tous assis devisent calmement en attendant l'arrivée des musiciens et l'enfant est si content de pouvoir veiller tard, d'aller au concert avec son papa. Soudain sans prévenir les lumières s'éteignent, le groupe s'installe et une espèce de grand et gros gaillard noir arrive avec sa guitare en bandoulière. Philibert ne sait pas encore qu'il jouera de la guitare quand il sera grand mais pour l'heure il est intrigué par cet espèce d'instrument en V. « Lucy » tel est le nom de la compagne musicale d’Albert King. C'est une Gibson Flying V assez peu utilisée à l'époque. Suprême raffinement ALBERT KING étincelle en grosses lettres d'argent tout au long de la touche ébène du manche si petit dans les grosses paluches du roi. L'homme est vraiment impressionnant presque deux mètres de haut et pas loin de 120 kg mais surtout le costume. Albert arbore un splendide costard "maffieux" gris bleu à fines rayures blanches, chemise crème et surtout lavallière rouge qui déborde ce cou impressionnant. Assurément le type est plutôt taillé comme un seconde ligne de rugby de ce cher sud ouest et la guitare semble un jouet dans ses bras puissants. Phillibert contemple étonné et émerveillé le "Velvet Bulldozer" (physique de géant et doigté musical de velours) quand les premières notes fusent. La marque d'un grand guitariste c'est tout d'abord le son puis vient le phrasé. Quand vous connaissez les deux vous pouvez reconnaitre "la patte" du gars dans n'importe quel morceau à l'égal d'un Dire Staits, John Scofield, BB King... Albert King possède les deux ! Tout d’abord ce son aigu, claquant si caractéristique mais aussi ces "gros" bends majestueux, ce phrasé incisif liés en partie aux accordages peu courants qu'il utilise et certainement à la technique personnelle sans médiator (juste le pouce) qu'il a du développer en inversant une guitare de droitier pour la jouer en gaucher sans changer la position des cordes ! Quelle personnalité ! 

Et puis il a quelque chose d'autres que bien peu de musiciens ont : il est capable de faire chialer sa guitare. Beaucoup jouent des notes mais chez les grands bluesmen parfois la guitare pleure comme un enfant triste, une femme abandonnée ou un homme désespéré.

Les grands musiciens de RocK qui lui succèderont seront grandement influencés par le velours de son jeu. Keith Richards, Jimi Hendrix, Clapton, Jeff Beck, Robert Cray, Gary Moore, Ron Wood, Buddy Guy, Paul Personne, Johnny Winter et Angus Young, tous l'écouteront, puiseront dans ses phrases et lui rendront ainsi hommage. Eric Clapton dans « Strange Brew »

https://www.youtube.com/watch?v=r0FFTd3bS_8

 reprend quasiment note à note le phrasé de « Oh pretty woman » de l’album "Born under a bad sign". 

https://www.youtube.com/watch?v=CuzC_3ai1ek

Stevie Ray Vaughan qui l'admirait beaucoup a enregistré en 1989 avec lui l'album "In session" cela peu avant leur mort (SRV 1990 35 ans / AK 1992 69 ans). Même s’il apparait moins connu du grand public que certains, AK demeure un maître du Chicago blues, plus encore du blues contemporain et une influence majeur du RoCK ou Hard Blues à la Zed Zeppelin.


Les morceaux s’enchainent, l’enfant écoute la guitare précise qui ponctue avec grâce cette voix chaude alternant chant rauque et rond avec un talk over rieur, la voix Bleue. Inconsciemment mais surement le discours musical et les grimaces du King plantant des bends monstrueux s’ancrent dans sa mémoire et façonneront  une partie de ses goûts une toute petite partie de son futur. 


1 commentaire:

  1. Une très belle chronique pour un grand disque de blues.
    Un de mes préfère avec ceux de Bloomfield.

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