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samedi 24 avril 2021

Patti Smith 10


Le deuil passé, Patti Smith surprend tout le monde avec la sortie de l’album Gun Ho. Plus brut et rageur, le disque séduit une nouvelle génération, qui redécouvre déjà le rock à travers les riffs de Jack White. Le succès permet à Patti de quitter son label, pour signer un contrat avec Columbia en 2004. Elle se concentre ensuite sur son œuvre picturale, exposant ses tableaux au centre Andy Warhol. Il faudra attendre plusieurs mois pour que la chanteuse devenue peintre ne sorte un nouvel album. Premier album pour Columbia, Trampin est marqué par un début de millénaire troublé.

Bien au chaud dans son opulence consumériste, l’occident était loin d’imaginer qu’une attaque sanguinaire puisse encore avoir lieu sur son sol. La guerre était jusque-là un malheur lointain, le péché d’un impérialisme américain contre lequel toute une jeunesse a manifesté. L’occident voulait sortir de cette histoire, oublier les luttes de civilisation en envoyant ses soldats combattre loin de son sol. Le 11 septembre 2001 replongea de force l’occident dans le bain glacé d’une histoire qui sera toujours tragique.

Le peuple réclama vite vengeance contre cette barbarie, on lui répondit comme l’Amérique a toujours répondu à ses angoisses, en allant montrer ses muscles à l’étranger. Pour se faire , Bush tente de convaincre les Nations Unies de l’aider à combattre en Irak. Flairant le délire d’un pays toujours prompt à jouer le gendarme du monde, la France et la Russie refusent de participer à la mascarade. Du côté de la population, le fils Bush affirme que Ben Laden se cacherait dans l’ombre de Saddam, qu’il faut renverser le dictateur au nom des droits de l’homme. Hier ce fut le Vietnam, aujourd’hui c’est l’Irak , hier on redoutait les rouges , aujourd’hui ce sont les barbus , définissez l’ennemi et vous pourrez justifier l’injustifiable.

Dans ces moments, on attend ensuite que les artistes viennent soigner les plaies morales d’une Amérique en deuil. Et des géants de cette trempe il n’en reste plus des milliers. Conscience prolétarienne de l’Amérique, Bruce Springsteen sort the rising en 2002, disque où son romantisme se pare d’une beauté tragique. Patti répond au drame deux ans plus tard , d’une manière plus révoltée.

Trampin marque le retour à un rock plus énergique, le deuil est passé et la chanteuse veut plus que jamais apporter de l’espoir. Avec ce disque, Patti encourage l’insoumission, incite à l’activisme et célèbre les mouvements d’émancipation comme autant de lueurs d’espoir. Seule exception à la règle, radio Bagdhad exprime sa honte d’appartenir au pays qui répand le chaos au Vietnam. Ayant retrouvé sa révolte, Patti proclame Bagdhad « centre du monde », s’emporte pour tous ces innocents plongés en enfer. Trampin réinvente une nouvelle fois le mysticisme d’Horses , redonne au rock son rôle de cri d’insoumission.

Du côté de la musique, le blues de jubilee cotoie de douces méditations telles que peaceable kingdom ou Trampin, radio Baghdad nourrit sa fureur aux sources du Détroit de la grande époque. La noirceur des précédents albums laisse place à une succession de célébration de révolte, de célébration de prières. L’Amérique vacille , mais Patti veut croire qu’elle n’est pas perdue , qu’il existe encore de grandes lueurs d’espoir. Trampin est un grand disque parce qu’il revient à ce qui fit toujours la grandeur de son auteur : un rock révolté et lyrique , accessible sans renouer avec les canons sirupeux de la pop.

Les improvisations montent de nouveau dans des transes où se réinventent ses totems incontournables , le souvenir des Doors côtoie le feeling d’un Lenny Kaye qui sonne toujours comme une version destroy des Yardbirds. Trampin est un grand album de rock et c’est une réponse classieuse au trouble de son époque. Si l’époque fait les grands hommes, trampin montre qu’elle influence aussi les grandes œuvres.        

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