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mardi 11 mai 2021

Roine Stolt et les ruines du rock progressif

 


Avant d’ouvrir un dossier sur Adrian Stolt , un rapide retour sur l’histoire du rock progressif s’impose. A son origine, on trouve bien sûr sergent pepper , incontournable pièce montée ayant donné au rock des ambitions artistiques. Grâce à la symphonie rock du sergent poivre, l’album n’est plus un simple enchainement de chansons, mais une œuvre dont il convient de soigner la cohérence. En guise d’apothéose, « a day in the life » marque le début des noces unissant le rock aux musiques plus élitistes. A une époque où celui-ci est une ruche lumineuse remplie d’esprits brillants , Procol harum ne tarde pas à suivre la même voie avec le tube « a whitter shade of pale », transe majestueuse inspirée par une composition de Bach. Vint ensuite les Moody blues , groupe de rythm n blues sans succès, qui voit dans ce rock symphonique un moyen de sauver sa peau. Les Moody blues seront parmi les premiers à tenter l’aventure symphonique sur un album entier, il est d’ailleurs dommage que « day of the future past » soit surtout connu pour le tube « night in white satin ».

Les rockers se rêvent en chef d’orchestre , mais la simple rigueur d’une musique classique grandiloquente ne leur suffit pas. Vieille dame fatiguée, la musique jazz rajeunit donc un peu en donnant une chaleur cuivrée à l’album qui sera jugé comme le point de départ de la vague progressive. Objectivement, ce rôle de pionnier aurait dû revenir à Colosseum , dont le premier album est sorti un mois plus tôt. Mais la pop alambiquée du groupe de Dave Greenslade n’était pas plongée dans l’univers paranoïaque et envoutant, qui séduisit tout le monde à la sortie de « in the court of the crimson king ».

La « cour du roi cramoisi » s’étend ensuite rapidement, voit s’affronter le charisme moyenâgeux de Genesis , le futurisme distopique de Emerson Lake et Palmer , et les rêveries Tolkeniennes de Yes. Cette époque représente l’âge d’or artistique du rock, celle où sa popularité fut si immense qu’il absorbait les courants l’ayant précédé. La grenouille rock se faisait plus grosse que le bœuf jazz, plus menaçante que le monstre symphonique, et la presse ne demandait qu’à crever cette bulle fabuleuse. Sous la pression de rock critics refusant que le rock deviennent une « musique sérieuse » , la popularité du mouvement décline après cinq années explosives. On trouvera encore quelques traces de sa soif d’exploration en Allemagne , où des groupes comme Tangerine dream , Can et autres Kraftwerk inventent une avant-garde plus moderne.

Du coté des géants anglophones, le déclin est rude et brutale, ceux qui contribuèrent à émanciper le rock de la pop n’ayant d’autre choix que de s’y convertir. C’est ainsi que, lâché par Peter Gabriel, Genesis dérive vers une pop de plus en plus mielleuse à cause du funeste Phil Collins. C’est l’époque où Yes sort tormatoes , où ELP se noie dans la guimauve de love beach , pendant que d’ex membres de Yes forment le collectif Asia. Nous entrons ainsi dans une ère où , rendu inaudible par le nihilisme punk , le rock progressif devient une musique underground. Certains chefs-d’œuvre sortent encore, comme les perles jazz rock de National health ou de Gilgamesh, mais ce ne sont que des petites illuminations dans un décor de plus en plus sombre.

Vint ensuite le cas Marillion, qui toucha la timbale avec le trio script for a jester tears , fugazi , misplaced childhood. Si ces disques sont d’indéniables réussites musicales, si les quelques tubes qui les composent permettent de faire renaitre un certain progressisme pop, cette musique sonne plus comme un timide compromis que comme une véritable résurrection. La production est très calée sur les canons de l’époque, le synthé lisse les emportements d’une musique qui semble réfréner ses élans virtuoses. Avec ses tenues extravagantes, le chanteur pense évoquer Peter Gabriel. Son groupe n’évoque pourtant qu’une version moins corrompue du Genesis de Phil Collins. Marillion produisait un rock progressif accessible aux fans de U2, il aura d’ailleurs une descendance aussi anecdotique que le groupe de Bono.

Le véritable renouveau intervient enfin en 1993, quand les suédois d’Anglagard publient leur premier album. Hybris reprenait la formule des grands maitres du progressisme rock , le mellotron et la flute récupérant la place volée par ces serpents infâmes que sont les synthétiseurs. Loin de verser dans le passéisme stérile, Anglagard élargissait l’univers découvert par les grands condottières rock. Ses décors mouvants baignaient dans la chaleur et la luminosité de mélodies somptueuses, les instruments décollaient soudainement avec la grâce d’une nuée de colombes. Un second album, plus sombre et entièrement instrumental, sortira en 1994. Après ces deux miracles, Anglagard pensait avoir tout dit, le groupe se sépare donc quelques jours après la sortie de son second chef d’œuvre. Une reformation éphémère eu lieu en 2012 , mais l’album qui naquit de ce retour ne retrouva pas la splendeur de deux premiers disques incontournables.

Le succès d’hybris et épilogue, comme celui de « in the court of the crimson king » avant lui, entraine dans son sillage toute une armée d'explorateurs rock. Parmi celle-ci se cache Roine Stolt , un survivant des seventies éclipsé par la popularité des géants anglais. Cette discrétion lui permet d’infiltrer ce renouveau progressif, dont il compte bien devenir une figure de proue. Cette prise de pouvoir commence par l’enregistrement de son premier album solo.              

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