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samedi 22 mai 2021

The Flower Kings : Space Revolver

 


Le public pleurait comme une femme laissée sur le quai par un amant indélicat, la belle Angleterre voyait ses quatre plus fameux enfants s’émanciper de son amour maternelle. Alors bien sûr, les fils prodigues la consolent en lui expliquant l’importance de leur nouvelle mission. Les Beatles arrêtent surtout les concerts  parce qu’ils ne supportent plus une hystérie qui n’aura jamais d’équivalent. Peu de temps avant cette annonce, ils goutèrent à la sérénité des studios modernes, dont ils admirèrent les possibilités infinies. Pour prendre conscience de l’importance de cette découverte, il faut avoir lu «  en studio avec les Beatles » , le livre où Geoff Emerick raconte la folie créative des quatres de Liverpool.

De cette effervescence nait d’abord Revolver, foisonnement sonore à travers lequel la pop psychédélique pousse ses premiers cris. Space revolver est bien sur un clin d’œil à l’album des Beatles. Il est vrai que la situation des Flowers kings à l’époque est loin de l’hystérie qui entourait le groupe de Paul Maccartney , mais space revolver représente un tournant dans la carrière des suédois.

Cantonnée jusque-là dans le registre d’une pop atmosphérique majestueuse, la tribu de Roine Stolt avait atteint un premier aboutissement avec l’album stardust we are. Répéter une formule aussi aboutie, c’était prendre le risque de lasser un auditoire gavé de splendeur par l’impressionnante créativité des Flower kings. Alors , influencé par l’expérience Transatlantic , Roine Stolt décide de laisser plus d'espaces à ses musiciens. Le synthé remplace donc la chaleur des précédents albums par une froideur robotique , iceberg musical semblant cacher une agression à venir.

Dans son écho, le bassiste Jonas Reingold guide les solos sur les terres inquiétantes explorées par Ayreon et autres Tool. Dans ces conditions, le synthé accentue le tranchant d’envolées plus tendues. Cette agressivité est contrebalancée par des mélodies qui n’ont jamais été aussi soignées . Reingold n’est pas qu’une brute voué au culte de la puissance électrique, c’est aussi un virtuose dont les touches jazzy illuminent une power pop bouillonante.

Roine Stolt n’a pas abandonné ses ambitions populaires, elles s’expriment encore dans des refrains disséminés comme autant de sucreries sonores. La guitare hurle ainsi à travers le rideau soyeux de mélodies irrésistibles, la fraicheur d’un rock FM léger vient réconforter des tympans secoués par une série d’éruptions free jazz. Ces influences opposées donnent à space revolver un aspect plus hétéroclite que stardust we are , mais c’est justement ce foisonnement qui fait son charme.

Si revolver voyait les Beatles explorer les capacité sans limites des studios, space revolver montre un groupe s’immergent avec plaisir dans ses influences. Cet album est une main de métal dans un gant de velours , une œuvre furieusement moderne drapée dans la grandeur éternelle du jazz et d’une pop aventureuse. Ce disque fait partie des œuvres qui semblent réconcilier les rockers progressifs et les métalleux avides de grandes compositions épiques. Un disque comme celui-ci construit un pont entre deux mondes que l’on croyait irréconciliables. 

Ce pont ne va pas tarder à être renforcé par le virage heavy de Porcupine tree , avant que Steven Wilson n’entérine le rapprochement en produisant les death métalleux d’Opeth. Rock et metal progressif s’assemblent donc pour le meilleur et pour le pire, chaque groupe semblant piocher dans ces deux mondes comme dans une grotte pleine de trésors. Si les passages pop montrent que les Flower kings restent profondément attachés à une musique plus apaisée, Space revolver montre qu’ils ont eux aussi aboli toute les frontières.

Une musique marginalisée trouvait un nouveau souffle dans la popularité de chorus rageurs, et un métal arrivé à maturité pouvait puiser dans la grandeur des grands aventuriers rock pour soigner sa postérité.  

 

             

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