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lundi 18 octobre 2021

Nouvelle rock au dela du blues partie 5

 


Le traditionalisme et le progressisme rock ne sont donc pas deux camps irréconciliables. Il se nourrissent l’un de l’autre, communiquent dans un dialogue qui écrit la longue histoire du rock. Cette conclusion lui vint après avoir réécouté East west toute la nuit. Mike Bloomfield avait raison, le LSD n’avait pas effacé ses influences blues, il les avait remodelé. Le puriste pouvait encore reconnaitre, dans ses riffs lancinants, la vieille magie que Bo Diddley légua aux rockers. Cette découverte lui rappela une définition qui l’avait particulièrement agacé. Il partit donc chercher un vieux dictionnaire et l’ouvrit à la page « Beatles ». Le petit larousse lui annonçait alors fièrement « groupe de pop anglaise ».

Groupe de pop ! Il suffisait de réécouter leur discographie pour comprendre l’absurdité de cet adjectif. Les Beatles furent, sur leurs premiers albums, de purs rockers. Fils spirituels de Buddy Holly et d’Elvis Presley, les quatre de Liverpool offrirent au rock anglais ses premiers refrains irrésistibles, ce mélange de légèreté et d’intensité que reprendront ensuite les Byrds.  Par la suite, ils n’abandonnèrent pas le rock, ils le poussèrent juste à un niveau artistique inédit. Comme pour prouver ses dire à un invité, Albert prit sa vieille guitare et se mit à jouer le riff de Taxman. Alors que le son sortant de son instrument lui apportait une énergie salvatrice, il se dit que Chuck Berry n’aurait pas renié un tel tube. Arrivé au moment où John commence à exprimer sa révolte contre le fisc anglais, Albert s’effondra une nouvelle fois.

Il se réveilla après avoir été violemment projeté contre la paroi d’un van. Lorsqu’il eut repris ses esprit, John Lennon le regardait avec un sourire moqueur.

-          Bienvenue dans le monde merveilleux des Beatles ! C’est vrai qu’avec une telle chevelure tu ressembles furieusement à Paul.

-          Où suis-je ?

-          En enfer mon pote ! Mais cet enfer prend fin après ce satané concert. Tu te rends compte que , si on ne t’avait pas récupéré , elles t’auraient sans doute tué ! Elles t’ont pris pour Paul … Et quand on voit déjà dans quel état les met Ringo…

L’intéressé ne réagit pas à cette attaque gratuite, il connaissait trop l’humour corrosif de John pour se sentir blessé. Ayant entendu que notre ami s’était réveillé, Paul vint lui faire une proposition qu’il ne put refuser.

-          On en peut plus de ces concerts où on ne nous écoute plus jouer, il faut qu’on arrête. Tant que tu es là, ça te dit d’assister aux enregistrements ?

Ce que Paul venait de proposer à son invité, c’était d’entrer dans le temple où naquit le rock moderne, de vivre le big bang qui allait marquer à jamais le rock anglais et mondial. Les séances de Revolver commencèrent de façon presque traditionnelle, Taxman creusant le sillon rock qui fit leur succès. Et puis il y eut ce solo déchirant, chorus hypnotique n’ayant rien à envier aux futures bombes californiennes. Eleanor rigbie initie ensuite un élitisme qui allait mener le rock vers des chemins moins balisés. Pourtant avare de compliments vis-à-vis de son partenaire et rival, Lennon n’hésitât pas à qualifier la composition de McCartney de chef d’œuvre. En sortant ainsi les violons, en mêlant poésie nostalgique et grâce symphonique, Paul ouvrait la voie d’un rock que l’on qualifiera bientôt de progressif. 

Galvanisé par la réussite de son partenaire, John demanda à l’ingénieur du son de faire résonner sa voix « comme celle d’un bouddhiste psalmodiant du sommet de la plus haute montagne ». Le résultat se révèle fascinant lorsqu’il se mêle aux bruitages farfelus de « Tomorow never know ». Explorant les possibilités des studios modernes avec l’enthousiasme de gamins laissés seuls dans un magasin de bonbons, les Beatles donnèrent une nouvelle maturité au rock n roll. Ce mélange de poésie musicale, d’excentricité sonore et d’énergie juvénile fera la grandeur du rock anglais. Plus limité que le duo Lennon McCartney , ce cher Ringo n’en écrit pas moins une sympathique comptine dont le coté surréaliste s’insère bien dans un album très homogène. Revolver montre un groupe qui fut rarement aussi soudé, cette cohésion leur permettant de faire plus qu’un amas de titres compilés à la va vite. Sur Revolver, le rock montre pour la première fois une cohérence, le 33 tours commence à avoir l’air d’une œuvre construite. Moins connu que le grandiose Eleonore Rigby, Dr Robert résume bien la géniale excentricité faisant la grandeur de Revolver. La puissance d’un riff venu des premières heures du rock n roll y côtoie la solennité d’un orgue grandiloquent.

A la fin des séances, les ingénieurs du son pensent avoir capté le plus grand chef d’œuvre du groupe et du rock moderne. Seul Albert sait que Revolver n’est pas un aboutissement, mais le génial initiateur d’un autre chef d’œuvre absolue.       

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