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vendredi 31 mai 2019

SAN FRANCISCO 1967






San Francisco, ville à la créativité foisonnante, fut l'épicentre de la contre-culture américaine et de la Beat Generation durant les années 50, avant de devenir le fief de la musique psychédélique, des hippies et des freaks au milieu des sixties.

En 1967, la ville devient un berceau de l'art pop, avec sa communauté d'artistes autogérée d'Haight Ashbury, son dessinateur psyché Rick Griffin, les groupes folk-rock, Jefferson Airplane, Big Brother and the Holding Company, Grateful Dead... L'émergence d'un mouvement axé sur l'amour et la paix, donne lieu aux plus grands rassemblements vus jusqu'ici autour de la musique, avec le mythique Summer Flower de 1967. Alors grimpez dans le Combi, et comme le conseille Scott McKenzie dans son hymne hippie San Francisco, surtout n'oubliez pas de mettre des fleurs dans vos cheveux...


Surrealistic Pillow (JEFFERSON AIRPLANE)



En 1966, après avoir assisté à un concert des Byrds, Marty Balin, guitariste-interprète décide de monter son propre groupe : Jefferson Airplane. Un hommage au blues-man Blind Lemon Jefferson mais aussi une référence à un avion de conception uniquement américaine ( en opposition à la vague britonne de l'époque). Enfin, selon certains freaks de l'époque, l'expression désignerait une allumette usagée servant à tenir un joint de marijuana devenu trop court... Une chose est certaine, comme c'est le cas à la même période, du côté de Los Angeles avec les Doors et Love, l'idée de planer le plus haut possible prédomine.

Marty Balin s'entoure d'une chanteuse Signe Anderson, un banjoïste Paul Kantner, un virtuose de la guitare classique Jorma Kaukonen, et Skip Spence recruté d'avantage pour son état d'esprit et son look que pour ses talents de batteur... Le groupe est un pur produit de l'esprit contestataire qui règne à cette époque sur la ville de San Francisco.

Balin rachète une ancienne pizzeria, le Matrix, qu'il transforme en ballroom psychédélique, afin d'offrir une visibilité à son groupe. En août 1966, ils enregistrent un premier disque, Takes off, plaisant mais manquant cruellement de relief. La chanteuse Signe Anderson quitte alors le groupe, et Skip Spence à qui l'on reproche ses abus de LSD est remercié. Ce dernier est vite remplacé par le batteur de jazz Spencer Dryden qui posera sa griffe sur l'œuvre du groupe. Mais les deux apports majeurs sont l'arrivée du bassiste Jack Casady, qu'on surnommera bientôt « le Hendrix de la basse », et la chanteuse Grace Slick, qui ne tardera pas à devenir une grande figure de la scène locale, et l'égérie du mouvement hippie.

L'envol de l'Aiplane s'effectue lors de la sortie du deuxième album, Surrealistic Pillow en février 1967. En plus des nombreuses pilules qu'absorbe le groupe, Grace Slick transporte dans sa valise magique, deux titres écrits avec son ancienne formation (The Great Society)...

Le premier, Somebody to love est un véritable hymne. Il est l’œuvre de Darby Slick (son frère) et marquera profondément les esprits quelques mois plus tard, au Festival de Monterey, notamment grâce au charisme magnétique de la chanteuse.

Le deuxième titre, White Rabbit, avec son faux-air du Boléro de Ravel où se mêlent des paroles étranges et l'univers de Lewis Carroll (Alice au pays des merveilles) n'est en fait qu'un prétexte pour une ode aux psychotropes. Sans refrain, ni couplets, ce crescendo halluciné échappe à la censure et va vite devenir un standard du rock psyché.

She has funny car et Plastic Fantastic Lover mettent en avant les qualités des musiciens Casady et Kaukonen, et le côté très professionnel de la formation.

Tandis que le leader, Marty Balin, éclipsé par l'aura de Grace Slick, offre en bon troubadour, deux superbes ballades, douces, presque sucrées, Comin' back to me, et Today...


A sa sortie, l'album grimpe très vite dans les charts, et les concerts du Jefferson deviennent de grandes messes psychédéliques célèbres dans toute la Californie.



Cheap Thrills (BIG BROTHER AND THE HOLDING COMPANY)



La plus part de ceux qui ont eu la chance de voir Janis Joplin sur scène sont d'accord sur un point : si les sixties ont vu naître bien des joyaux, c'était sans doute Janis le plus éclatant.
En 1963, la « perle »du Texas revient pourtant bredouille, et accro à l’héroïne de son premier périple à San Francisco. Son ami Chet Helms qui organise des concerts au Fillmore avec le fameux Bill Graham, manage un groupe texan nommé The Big Brother and the Holding Company. Il arrache de justesse la chanteuse prête à s'engager avec les 13th Floor Elevators.

En juin 1966, Janis participe à une répétition avec le Big Brother. Elle interprète deux titres qui n'impressionnent pas le groupe, mais l'esprit communautaire prévaut. La chanteuse est adoptée.

En réalité Cheap Thrills (Plaisirs faciles) qui devait s'appeler « Sexe, Dope & Cheap Thrills », n'est pas le premier album du groupe car le Live au Fillmore aurait été enregistré en studio. Sa pochette façon bande dessinée, œuvre de Robert Crumb, n'était pas non plus le premier choix du combo texan. Mais peu importe, le résultat de la fusion du rock psyché du Big Brother et de cette screameuse blues fait de leurs prestations un spectacle hors norme.

Enregistré entre mars et mai 1968, il concrétise deux ans de travail et une multitude de concerts, et caracole en tête du Billboard dés sa sortie. Même s'ils sont tous de musiciens chevronnés, chacun sait parfaitement d'où émane la lumière. Joplin est l'atout majeur de cette formation. Elle apporte avec Peter Albin, le bassiste, quelques compositions comme Roadblock, ou Turtles blues...

Les deux guitaristes Sam Andrews et James Gurley, tissent des arabesques soniques pour la sirène cosmique, sur des reprises comme Ball and Chain ( Big Mama Thornton). Ce titre permet notamment à Janis et au groupe de s'imposer dans le reste du pays grâce à une prestation d'anthologie au Festival de Monterey...


Bien sûr, le point d'orgue de Cheap Thrills reste cette sublime et éternelle version de Summertime ( Georges Gershwin). Cette berceuse gospel était déjà devenue un standard du Jazz ( Coltrane, Parker...etc...) Janis déploie alors tout son talent pour une envolée unique, réussissant au passage, l'exploit de s'approprier ce standard, la faisant du même coup, entrer dans l'histoire aux côtés des prestigieuses Billie Holiday, Ella Fitzgerald, et Nina Simone...


Piece of my heart, seul single extrait de l'album, déjà popularisé par Erma Franklyn ( grande sœur d'Aretha) en 1967, explose littéralement dans les charts et propulse Janis au rang de star. Un poster dévoilant un bout de téton de la chanteuse finira d'en faire une icône pour les hordes de hippies peuplant les rues de San Francisco. Inévitablement, cela entraînera la dissolution du Big Brother and The Holding Company. Janis Joplin poursuivra sa carrière avec le Kosmic Blues Band et le Full Tilt Boogie Band.

Au delà de sa renommée internationale, Janis reste une figure emblématique de la mouvance de San Francisco à la fin des sixties. Partageant une demeure au sein des maisons victoriennes avec le chanteur engagé Country Joe Mc Donald, elle fut un membre actif de la communauté « beat » de Haight Ashbury. La reine des Freaks a donc plus que sa place dans cette chronique.



Electric Music for the body and the mind (COUNTRY JOE AND THE FISH)



Dans la mouvance San Franciscaine de 1967 qui prenait parfois des airs de « Révolution Américaine », un groupe se détachait par son engagement politique : Country Joe and the Fish. Oser associer le surnom de Joseph Staline ( Country Joe) et une référence à Mao Zedong (Fish) au pays de l'Oncle Sam durant les sixties, avait quelque chose de suicidaire, ou de diablement téméraire, au choix... Dans tous les cas, ce fut sans doute le groupe le plus actif d'outre-atlantique, et le plus impliqué pour la cause pacifiste, et si j'ose dire, son cheval de bataille : mettre un terme à la Guerre du Vietnam.

Formé autour du chanteur charismatique Country Joe Mc Donald, compagnon de Janis et véritable pendant de cette dernière, il est lui aussi un membre actif de Haight Ashbury, multipliant à l'instar des Grateful Dead, les concerts pour la cause communautaire. Mais Mc Donald possède aussi la panoplie d'un musicien accompli ayant digéré le blues, le folk, et son émulsion rock. Il compose la quasi totalité des morceaux du groupe, certains très représentatifs du mouvement de San Francisco, comme Superbird...


Il est épaulé par Barry Melton (alias The Fish), jeune guitariste de 18 ans aux idées contestataires constituant l'autre moitié du cerveau de la bête. Possédant comme son comparse une bonne maîtrise des musiques américaines, il est aussi un adepte du rock psyché naissant, et apporte une couleur significative aux œuvres du groupe. Le clavier David Cohen représente également un atout non négligeable, tissant sur certains titres, un tapis sonore mystérieux et envoûtant.

L'album Electric Music for the body and the mind est un véritable manifeste hippie, témoignage authentique d'une époque où la musique semble plus diversifiée, et plus libre que jamais. Tout est dans le titre. Ce disque est une œuvre thérapeutique, une invitation au voyage intérieur, (avec stupéfiants souhaités), mais en toute sérénité, évitant presque toujours le piège du chaos psychédélique. Dans le genre, il devance le groupe Sweet Smoke (Just a poke) de quelques années.


Cet album voit le jour au tout début de l'année 1967, mais sur les titres Section 43, Love, et Bass strings on sent bien l'influence des Doors, voisins de Los Angeles ayant pris tout le monde de vitesse à la fin de l'année 1966 avec l'enregistrement de leur premier album. En effet, l'omniprésence de l'orgue, l'atmosphère hallucinée et le chant parfois mystique de Country Joe qui tente de nous entraîner dans le désert et ses mystères chamaniques, évoquent inévitablement les paradis artificiels et les messes noires du quatuor de Venice Beach...

Même si je m'efforce d'en extraire l'essence, cet opus a tout du premier album concept, cinq mois avant la sortie du référentiel « Sergent Pepper » des Beatles. D'ailleurs Porpoise Mouth, titre que j'affectionne, a de faux airs des Fab Four en devenir... ( ou alors des Kinks, à vous de voir...)

Electric Music for the body and the mind est un voyage à faire d'une seule traite, sans halte, ni détour. Et comme disait Maître Yoda vous y trouverez, ce que vous y apporterez...


Grateful Dead (GRATEFUL DEAD)




On pense souvent que le Summer of Love de 1967 n'a duré que deux ou trois mois. En réalité, on considère que le point de départ de cette période fleurie est le Human Be-in au Golden Gate Park de San Francisco, le 14 janvier 1967, et que le Summer of Love s'est éteint à l'automne, un mois après le festival de Monterey. A cette occasion, certains membres de la communauté d'Haight Ashbury brûlèrent d'ailleurs de manière symbolique, un cercueil rempli de fleurs.

S'il est un groupe qu'on ne peut dissocier de cette période, de cette communauté, et de cette ville, c'est bien le Grateful Dead. Ses trois membres fondateurs, Jerry Garcia, Paul Weir, et Ron Pigpen Mc Kernan furent initiés très tôt à la philosophie beat par le légendaire Neal Cassady ( ami de Jack

Kerouac ayant inspiré le personnage de Dean Moriarty dans « Sur la route »). Dés 1964, ils montent un jug band ( instruments traditionnels + instruments fabriqués), mais contrairement aux groupes garages de l'époque, ils bénéficient tous d'une solide expérience musicale qui leur permet d'aborder le folk aussi bien que le free jazz et le bluegrass. Leur éclectisme les pousse à suivre la voix du rock, et de son électrification. Le groupe qui possède déjà deux chanteurs-instrumentistes, Weir et Pigpen, ainsi qu'un guitar-hero et leader en la personne de Jerry Garcia, s'enrichit d'un bassiste, Phil Lesh, et d'un batteur, Bill Kreutzmann, et se baptise du nom de Grateful Dead ( Mort Reconnaissant), nom également donné à leur premier album sorti en janvier 1967.

Aux prémices du Flower Power, Jerry Garcia et sa bande ont déjà un temps d'avance sur leurs homologues Big Brother et Jefferson Airplane. Depuis trois ans, leur répertoire est presque exclusivement composé de classiques blues et de reprises de Dylan et Chuck Berry. Même s'il manque une grande voix au sein du groupe, leur maîtrise des musiques américaines ne fait aucun doute...

Good Morning Little School Girl ( Sonny Boy Williamson) : https://www.youtube.com/watch?v=XMUxM4CAAFU

Sitting on top of the world : https://www.youtube.com/watch?v=TLyNOVDIKyI


Au grand dam de ses membres fondateurs, l'album est enregistré en quatre jours, plusieurs titres étant écartés par la production, d'autres seulement écourtés. A l'instar de leur mode de vie beatnik, libre et dévolu à la quête du plaisir, le groupe souhaite s'émanciper des barrières et du formatage de la production. Car le Grateful Dead n'explore déjà plus, il improvise. Très inspirés par les morceaux étirés de John Coltrane, leurs longues improvisations instrumentales en concert, souvent prétextes aux solos tourbillonnants de Jerry Garcia, deviennent leur marque de fabrique...


Le Dead est un groupe 100% freak, qui se nourrit autant de Dylan, que de Coltrane ou des Rolling Stones, et puise même quelques fondements dans la musique contemporaine de Edgard Varèse. En dépit d'une œuvre peu vendeuse auprès du grand public, ils demeurent la formation mythique de cette période révolue, le groupe le plus libre, le plus psychédélique, et le plus dingue ! Comme en témoignent leurs albums suivant, Anthem of the sun, Aoxomoxoa ou le célèbre Live/Dead.
Leurs multiples concerts à travers le monde sont légendaires, qu'ils soient édités comme le set de Woodstock et son titre de 40 minutes... Ou plus officieux sur des bandes pirates, comme celui du Château d'Hérouville.

Les membres du Dead ont longtemps habité ensemble, dans une grande ferme à la campagne, loin de l'agitation de San Francisco, mais n'ont pas hésité à s'investir dans le quartier de Haight Ashbury, donnant de nombreux concerts afin de financer nourritures et soins pour les membres de la communauté. Ils ont souvent pointé du doigt les dérives de la surconsommation, et les dangers de la promotion artistique à outrance, notamment par l'intermédiaire de leur leader Jerry Garcia. Quelques raisons qui font que le Grateful Dead reste le chouchou des nostalgiques de la Beat Generation...


Happy Trails (QUICKSILVER MESSENGER SERVICE)



Pur produit du San Francisco des sixties, ce groupe au sein duquel évoluait le guitar-hero John Cipollina, et le chanteur et compositeur Gary Duncan, a connu bien des changements dans sa formation. Dino Valente, membre fondateur, dut temporairement quitter le groupe, en raison de problèmes judiciaires (marijuana) pour y revenir durant les seventies et devenir le principal compositeur du groupe. Jim Murray (autre membre fondateur) ne parvenant pas à supporter la pression liée à la célébrité, renonça à une carrière professionnel dés l'approche du premier album.

Ayant en commun un intérêt pour l'astrologie, le nom du groupe Quicksilver Messenger Service est choisi en référence à la planète Mercure, présente dans chacun de leur thème astral. Mercure étant le Dieu Messager dans la mythologie romaine mais également un métal nommé parfois vif-argent (quicksilver). QMS est donc un collectif variable, qui a vu le jour à San Francisco durant la fameuse année 67, à travers une série de concerts épiques, même si son premier disque n'émerge que l'année suivante.

L'album « Happy Trails » sorti en 1969, fera de Quicksilver Messenger Service un groupe majeur de la scène psychédélique San Franciscaine, avec notamment deux adaptations détonantes du pionnier du rock'n'roll, Bo Diddley...



It's a beautiful day (IT'S A BEAUTIFUL DAY)



Pas d'erreur, il s'agit bien là du nom d'un groupe. C'est aussi le titre de leur premier album paru en 1969, bien que la formation ait vu le jour elle aussi, lors de l'année 1967.
It's a beautiful day est un sextet conduit par David Laflamme, violoniste virtuose et chanteur. Ce dernier, après avoir officié comme soliste dans un orchestre symphonique de l'Utah, s'initie au rock psyché dans le San Francisco des sixties en partageant la scène avec Jerry Garcia et Janis Joplin, avant de former son propre groupe « It's a beautiful day » aux côtés de son épouse Linda avec laquelle il compose la majorité des morceaux. Comme pour le Jefferson Airplane, les voix combinés de David Laflamme et de la chanteuse Pattie Santos font de leurs concerts, des messes hippies chaleureuses, très élaborées sur le plan musical et vocal.
Sublimes mélodies, harmonies cotonneuses et arrangements célestes, font de ce groupe sans doute le plus doué et le plus inventif de la vague San Franciscaine. Il rateront Woodstock de peu ( au profit de Carlos Santana tiré au sort pour effectuer la première partie du Grateful Dead) ce qui peut expliquer en partie leur manque de notoriété en Europe. Le groupe sera dissout en 1974.

Je vous laisse apprécier deux des joyaux composant le premier album, White Bird leur plus gros succès, et Bombay Calling titre ayant fortement inspiré le célèbre Child in Time de Deep Purple...

White Bird :

Bombay Calling

samedi 4 mai 2019

Hippie Blues : La fin d'une époque à L'ile de Wight

Une chronique inspirée par :


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Les années 60 sont l’âge d’or de l’humanité ! Voila ce que pense Jimi , qui goûte aux joies d’une décennie d’opulence. Une chose est sure, il vit l’âge d’or de la jeunesse ,l’état anglais facilitant l’accès aux universités pour les fils de prolos , qui peuvent ainsi glander dans ces facs d’art, qui sont de véritables usines à rockers. Plusieurs membres des Who s’y sont inscrits , pour repousser la date fatidique où il leur faudra trimer comme un damné, devant une machine assourdissante. La plupart du temps , ces années là leur servent surtout à goûter aux joies d’une industrie musicale florissante , produisant des chefs d’œuvres en quantité industrielle.

En plus , les grandes chaînes n’ont pas encore fait main basse sur la culture , et l’on peut passer des heures dans une cabine d’écoute , hypnotisé par l’inventivité des groupe anglais et américains. C’est d’ailleurs là que Jimi à passé ses études, découvrant le premier Janis Joplin , Jimi Hendrix , et se découvrant une âme de hippie. Il se fit alors pousser les cheveux , ce qui est moins dangereux dans un pays comme l’Angleterre,dont les citoyens sont plus ouverts que les américains.

Il a bien entendu un ou deux ivrognes hurler « pédé » après son passage, mais cela l’encourageait plus qu’autre chose. Pour l’heure, le voila embarqué dans la voiture d’un parfait inconnu, qui le dépose au ferry de la british railways , le navire qui l’emmènera sur une île devenue le refuge de tous les hippies du pays, pour le temps d’un été. Il y était déjà , en 1968 , quant T Rex et les Pretty Things ont tenté de se faire un nom devant ses yeux ébahis. Le premier en était encore à jouer un  folk rock vaguement psychédélique , mais son leader était doté d’un charisme indéniable. C’est surtout les Pretty Things qui l’ont marqué, un groupe de rythm n blues reconverti dans le psyché mystique. Ce soir là, ils l’ont gratifié d’une prestation ahurissante , jouant SF Sorrow en intégralité , et je peux vous dire que les Who ont clairement tout pompé sur leur histoire mystique.

En 1969 , le festival de l’île de Wight remettait ça , le mouvement hippie était alors à son Zénith. Il faut imaginer cette communauté immense et totalement isolée , cohabitant sans autorité , et ayant payé sa place à un prix si ridicule qu’on peut parler de don du ciel (quant ils payaient). Le spectacle était total, le paysage magnifique,  et en plus ils ont eu Dylan !

Le Zim avait envoyé bouler les amerloques, qui ont pourtant organisé woostock en son honneur , et acceptait de déverser ses belles paroles devant nos yeux embués par les vapeurs de cannabis.  Ce jour là , ce fut une symphonie grandiose qui s’éleva de la petite île. Le Band éblouit tout le monde de sa classe country rock , King Crimson balança un jazz rock hallucinant , qu’ils parviendront à peine à reproduire sur leur premier disque. Et puis , le public est parti roupiller quant les pretty things on pris leur tour , laissant Jimi au milieu de quelques dizaines de curieux . Ce groupe était vraiment maudit !

Après ça , on lui a dit que les hippies étaient finis , que le chaos d’altamont avait montré la bêtise de leur idéologie niaise, et que l’heure était désormais au hard rock. D’ailleurs , les programmateurs du festival semblaient annoncer les dates de 1970 comme un chant du signe. Pendant qu’il pense à ça , l’île devient enfin visible , doux paradis envahi par une foule hédoniste.

Un brouhaha sauvage se fait entendre dès que le bateau atteint la rive de l’île, les pink fairies ayant décidé de jouer devant les portes du festival. Attiré par ce boucan , Jimi reste un peu pour écouter ces anarchistes. Ce qu’ils jouent est un psychédélisme plus puissant, tout en restant d’une simplicité biblique. Aucun de ces musiciens ne s’embarquent dans des solos alambiqués , leur puissance est brute, minimaliste , et irrésistible.

Quant il entre enfin dans le festival , les groupes les plus cultes ne sont pas encore sur scène. A la place , une femme plantureuse effectue un rite vodoo devant les prédictions hallucinantes d’un chanteur à la voix paranoïaque. Derrière elle, le groupe déverse un magma sonore qui a l’air de faire fondre les cerveaux de quelques freaks terrorisés. Il est vrai que, après une ingestion de LSD , le rituel spatial d’Hawkwind ne doit pas leur provoquer des visions très rassurantes. Pour les personnes encore sobres , la musique jouée est hallucinante , et on en profite pour se rincer l’œil.

Je passerais rapidement sur la soul funk de Sly et sa famille (vraiment) stone , sur le blues cajun de redbone , et sur les mélodies soporifiques de procol harum pour entrer au plus vite dans le vif du sujet.    

Car une sorte de troubadour vient de se placer devant le micro, accompagné de musiciens aussi allumés que lui . On s’attend encore à un de ses folkeux défoncés, qui pensent avoir trouvé le génie de l’incredible string band dans quelques pilules de LSD , et puis le riff de « my Sunday feeling » nous arrive littéralement en pleine figure.

Jethro Tull avait bien eu un succès avec le titre "bourrée", mais à une époque ou ces succès s’enchaînent à une vitesse folle, Jimi a raté le coche. Ce qui nous est présenté ici est trop vigoureux pour entrer dans le rang pompeux du hard rock , mais il est aussi trop fin pour faire écho aux hurlements de deep purple and co.

Depuis que Led zeppelin a goûté au folk sur son dernier album , on dit que le Tull est son rival le plus sérieux. Pour parler de rivalité il faudrait que ce spectacle ait un équivalent. Tenant le rôle de troubadour flûtiste , Anderson semble sorti d’un livre de tolkien , ses yeux exorbités et son énergie démentielle hypnotisant la foule. Quand il se calme un peu , c’est pour cracher au visage des diktats religieux sur le majestueux « my god ». L’homme ne réfute pas l’existence d’un dieu , sa mélodie a d’ailleurs quelque chose de mystique , mais il le décrit comme une force universelle. « You are the god of everything , he is inside you and me » lance t-il sur une mélodie moyen-âgeuse, prêchant ainsi des milliers de convaincus. 

Puis vient « bourrée » un blues champêtre, qui permet à la flûte du chanteur de sublimer cette date historique. La prestation s’achève sur un medley à faire dresser les cheveux sur la tête d’Hendrix, et on ne sait plus bien si nous avons entendu une nouvelle forme de blues , un rock excentrique , ou un folk rock boosté aux hormones. Il y a sans doute un peu de tous ça dans cette prestation atypique, mais eux seuls en détiennent le secret.

Et puis vient enfin le moment que nous attendions tous, l’entrée en scène des who. Ce groupe est la grande affaire de ces derniers mois , le héros des mods ayant décidé d’embarquer son public dans un voyage plus « mature ». L’histoire a fait grand bruit, beaucoup ne comprenant pas le but d’un tel virage, pendant que les stones continuent à célébrer le blues.

Oui, mais les stones n’étaient pas les coqueluches d’une certaine mode , et les mods n’allaient pas survivre des années. Alors ce bon vieux Pete s’est enfermé en studio , sans doute après avoir entendu le dernier disque des Pretty Things , et nous a livré son opéra rock. Le résultat , fut hallucinant. Le rock repoussait de nouvelles frontières , pouvant désormais réunir ses créations autour d’un thème farfelu. Il parait qu’une adaptation est en route , avec Nicholson dans le rôle du docteur sadique , Jimi attend ça avec impatience.

En attendant , les who démarrent à cent à l’heure , Keith Moon attaquant ses fûts comme la bête sauvage qu’il est . La première partie ne fera pas débat, tant elle est centrée sur le rythm n blues rageur de leurs débuts. Après un heaven and hell tonitruant , suivi des tubes I can’t explain et young man’s blues, les derniers accords de water résonnent comme la fin d’une mise en bouche grandiose.

D’un coup , Daltrey se fait plus théâtrale , entrant dans son personnage d’aveugle sourd et muet. Et là, je vous défie de trouver un sceptique dans le public ! Les Who démontrent qu’ils ne se sont pas calmés , les accords de Towshend fendent toujours l’air comme de grandioses flèches rythm n blues . Keith Moon s’en donne à cœur joie, mais en plus Daltrey n’a jamais si bien chanté. La pièce se déroule, sauvage sur acid queen , majestueuse lors du riff culte de pinball wizard , avec ces superbes intermèdes mélodieux. Pour finir , la guitare se fait plus douce , sublimant les plaintifs « see me , feel me » d’un chanteur christique. Une fois la pièce refermée , les Who reviennent au proto punk de « summertime blue » , « substitute » et « magic bus » , laissant les sceptiques sur le cul.

Fâché d’avoir perdu sa place à pile ou face , Hendrix se venge des anglais en nous offrant une de ses meilleurs prestations. Au programme , un « foxy lady » de presque dix minutes , le génie musical au service du génie littéraire le temps d’un « all allong the watchtower » magique , et une guitare sacrifiée sur l’autel de l’histoire.

Lorsqu’il salue le public avant de s’en aller , la nuit étend son manteau sombre sur la scène , une noirceur à peine transpercée par une lumière rouge servant d’aura au roi lézard. Jim Morrison apparaît concentré, presque calme, son arrestation pour atteinte à la pudeur l’a sans doute quelque peu calmé.

Sa voix se fait plus appliquée, et laisse voir ce qu’est réellement the doors , un grand groupe de blues. C’était déjà criant sur les précédents albums , et sur la tournée Morrison hotel , mais cette identité brille lors d’un roadhouse blues plein de feeling. Status quo reprendra le titre sur piledriver en 1972, mais sa version sera bien plus puissante. Les doors , eux , sont de la vieille école , et ne se sentent pas obligés d’accélérer leurs riffs , ou de les rendre plus violent, pour impressionner. Après tout , Muddy Water n’eut pas besoin de tout ce tapage pour imposer « hoochie coochie man » Bo Diddley  n’a jamais hurlé son « who do you love » , tout était dans le feeling peu importe le volume.
                                                                                         
Le même procédé est utilisé sur « break on through » , Ray Manzarek laissant assez d’espace pour que son guitariste développe son phrasé classieux.  L’histoire n’a pas été très juste avec Robbie Krieger , préférant saluer les exploits tapageurs de Towshend et Page . C’est pourtant à lui que l’on doit le mystique light my fire , dont la jam de 14 minutes annonce le final envoûtant de the end.

Etirant le titre lors d’une longue improvisation psychédélique , le groupe semble vouloir prolonger sa prestation à l’infini , comme pour en faire le symbole d’un mouvement qui ne veut pas mourir. C’est pourtant bien à un chant du cygne que nous assistons. Les drames cumulés d’Altamont et du massacre commis par la famille Manson ayant finit par sonner la fin du rêve.

Alors Jimi retrouve l’Angleterre avec le blues qui suit les grandes fêtes . Il pourra toujours se rassurer en remarquant que le rock est mort avant de se faire dévorer par l’ogre capitaliste. Et , mourir en laissant un beau cadavre est bien un des plus beaux idéaux du rock.  Non ? 

dimanche 28 avril 2019

Ty Segall : retour sur une discographie foisonnante


La nouvelle est tombée, comme un coup de tonnerre, Ty Segall part en tournée. Cette tournée aurait pu rester anecdotique, si le petit génie Californien n’avait pas imaginé un concept aussi anti commercial que la plupart de ses œuvres . Chaque performance sera unique , le Californien jouant un disque de son répertoire lors de chaque date. Le chaland ne saura donc pas si il aura droit au chaos bruitiste d’emotional murgger , ou aux solis lumineux de manipulator. La démarche est d’autant plus remarquable que, à part Dylan , aucun artiste ne s’était risqué à proposer une tournée sans dévoiler un peu la teneur de ses concerts. L’occasion pour moi de faire le tour de son brillant parcours à travers sa luxuriante discographie.


Premiers cris rageurs ( 2009-2010)

Ty Segall : Lemons
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Aujourd’hui, on a l’impression qu’un groupe doit atteindre la perfection dès les premières notes. Chaque disque sorti sera d’abord jugé avec suspicion : Le premier Greta Van Fleet ? Une œuvre de faussaire Zeppelinien. Blackberry Smoke ? Le fils caché de Lynyrd Skynyrd et Blackfoot. Personne ne comprend que ces références sont utilisées comme des paratonnerres par la plupart des jeunes musiciens, qui risquent de devenir inaudibles, ou blacklistés, en offrant un disque trop aventureux. Ces calculs, souvent inconscients ont influencé la marche du rock depuis ses débuts, et un groupe ne s’éloigne en général de ses influences qu’à partir du troisième album.

Le réel problème de notre génération est que le punk , et le grunge qu’il a enfanté , ont niés cette évidence. Les sex pistols avaient beau cracher sur Elvis comme sur le symbole d’un traditionalisme honteux, leur musique n’était rien d’autre que du bon vieux rock n roll hargneux. Les artistes ayant trouvé leur voie dès le premier essai se comptent sur les doigts de la main , de Led Zeppelin aux Guns , en passant par Todd Rundgren et les new york dolls (et même pour eux les références restent visibles).

Et puis il y’a ce premier disque de Ty Segall, lancé négligemment à la face du rock, avec la simplicité d’un jeune musicien, qui montre déjà un certain talent lorsqu’il s’agit de défigurer ses références. Lemons est un disque spontané, dont les rythmes sont systématiquement salis par les riffs juvéniles d’une guitare graisseuse. Ecoutez le hurler sur « Johnny» , sa guitare bourdonnant comme pour détruire la cadence chaloupée de la batterie, qui n’a pas le temps de revendiquer l’héritage de Bo Diddley. « Lovely one » pourrait d’ailleurs passer pour un blues acoustique, si il n’était pas servi par cette voix si particulière, et cette rythmique délirante.

Tout héritage est systématiquement massacré dans une folie garage rock , à l’image de ce « drop out boogie », où l’énergie viscérale du premier disque des kinks est embourbé dans une fange aussi excitante que le disque de the go , première collaboration et chef d’œuvre ultime d’un certain Jack White.

Et puis il y a « like you » , premier épisode d’une série de ballades psychédéliques s’achevant dans un déluge sonore que n’aurait pas renié Nirvana. Le tableau est déjà complet, et montre la folie de Ty Segall dans sa formule la plus crue, avant qu’il ne l’adapte à ses lubies passagères.

Ici , le passé est trop défiguré pour être reconnaissable , et si l’artiste n’est qu’un faussaire talentueux , alors Ty Segall pourrait devenir le nouvel Al Capone du rock moderne.


Ty Segall : Melted
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Tout commence sur quelques notes de guitares sèches , portant un chant langoureux de folkeux défoncé . On retrouverait presque les décors bucoliques du San Francisco Hippie , époque de tous les fantasmes , et l’esprit commence à se laisser aller dans ce qui ressemble à une tendre mélodie rêveuse. Mais non , Ty Segall ne sait pas se limiter à un exercice de style un peu cucul , il faut que sa guitare salope tout dans un joyeux brouhaha garage. Pourtant , l’homme ne fait plus sa tambouille seul , il s’est entourer d’un groupe , donnant à sa musique une plus grande rigueur.

Ici , c’est clairement au psychédelisme qu’il s’en prend, à l’image de cette ouverture , où la douceur acoustique laisse place à un délire électrique en forme de bad trip. Aussi crasseux soient ils  , les riffs sont désormais calés sur un rythme binaire , à l’image de ce « girlfriend » , un boogie spatial servi par une guitare bourdonnante. Puis vient « sad Fuzz » , une ballade délirante dérivant rapidement dans un rock déstructuré , dans la tradition des Deviants. On  retrouve en fin de parcours ses solis , qui sont plus des notes stridentes que de petites démonstrations de virtuosité, comme si les stooges avaient pris place pour clôturer ce trip minimaliste.

Le grunge vient s’inviter à la fête sur le morceau titre, Ty Segall remplaçant les gémissements pathétiques de Cobain par une voix spatiale, les riffs plombés partant de nouveau dans un boogie de freaks. Tout ce délire baigne dans l’acide, les voix sont lointaines ou hypnotiques, les guitares tiennent un rythme souvent déstructuré, comme le magic band enfermé dans un garage un soir de défonce, et le tout sonne toujours si spontané.

Là est la force de Ty Segall , il a toujours l’air d’improviser ses disques , comme si il se foutait éperdument de la suite. Avec ce deuxième essai , il sonne encore comme le gamin qui vient d’apprendre ses premiers accords , et essaie de copier ses disques psychédéliques sans être capable d’en reproduire tous les enchainements. Et si le résultat ne vous enthousiasme  pas je ne peux plus rien pour vous.   


Goodbye breed
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« Hello , Monday goodbye bread » , cette première phrase est lâchée avec une douceur presque Byrdsienne, et quant la guitare entre dans le bal , c’est pour suivre cette mélodie folk rock. Dire que l’on n’attendait pas Segall dans ce registre est un euphémisme et, même quant les riffs se font un peu plus agressifs, ils carillonnent plus qu’ils n’hurlent. 

Voila donc Segall dans un style bien plus fin , les titres sont plus carrés , la distorsion maitrisée , et une douceur mélodique ressort de tous ces titres , même les plus rythmés. Les cœurs de « confortable home » donnent l’impression d’entendre les beatles chanter sur un rock binaire. Alors le solo intervient , pour rappeler que nous écoutons toujours le garage rock de Ty Segall , mais il est plus rythmique que bruitiste.

Cette musique montre un artiste à la croisée des chemins , qui semble attiré par les refrains pop et les rock plus carrés , sans l’assumer tout à fait . On pourrait appeler ce problème le « syndrome du chanteur indé » , qui chérie son indépendance tout en cherchant à diffuser ses inventions.

Ce problème sera récurent tout au long de la carrière de Segall , l’homme prenant un malin plaisir à bousiller le peu de popularité qu’il parvenait à acquérir. Ici , ce problème donne un disque schizophrène , dont la première partie montre un artiste d’une étonnante finesse , flirtant avec la folk et la pop , avant que « My head explode » et ses succeseurs ne viennent tout dynamiter à grands coups de délires bruitistes , de violence punk ou grungy, le tout rehaussé par cette voix qui se fait plus hurlante.  

Certains diront que ces tergiversations donnent le disque le plus faible de Segall qui , faute de choix , livre une succession de titres originaux, mais manquant de cohérence. Il montre tous de même une inspiration que beaucoup de ses contemporains pourraient lui envier.



Du garage rock minimaliste au space rock sauvage (2012-2016)




Slaughterhouse

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Un déluge de Feedback , voila ce qui ouvre ce slaughterhouse , comme pour rattraper l’intro pop de Goodbye breed, Ty Segall se roule dans sa sauvagerie avec bonheur. Il faut dire qu’il a réuni derrière lui un groupe de fous de la distorsion, dont une partie formera le noyau dure du groupe fuzz.

Slaughterhouse représente le penchant le plus extrême de Segall , les riffs bourdonnent désormais sans retenue, et ce magma sonore se déverse dans nos oreilles avec plus de puissance que space ritual d’hawkwind. Finis les breaks hypnotiques, même sur l’intro plus légère de  « I bougth my eyes » , la guitare menaçante finit par partir dans une secousse sonore assourdissante.

Ce disque est sans doute le plus underground du blondinet , c’est aussi celui qui montre un de ses groupes les plus soudés . Qu’ils lancent un riff agressif sur un rythme paranoïaque , ou qu’ils créent une atmosphère pesante à grands coups de riffs plombés , ces musiciens sont en symbiose parfaite, et leur musique percute vos tympans comme un monolithe en acier.

Ce disque, c’est les fantomes des stooges qui se perdent dans les trips d’hawkwind , et se retrouvent profanés dans une messe païenne, ou black sabbath est sacrifié dans un déluge space rock. La morale de cette histoire , c’est que le Ty Segall band ne respecte rien, cette génération n’est pas la sienne et il n’est pas là pour la saluer. Clou du spectacle , Diddie Wah Diddy , le classique de Bo Diddley est massacré dans un déluge qui n’a plus grand-chose à voir avec l'original . Rageur, Ty Segall finit par hurler : « Fuck that fuckin song ! I don’t know what we are doing ! »

Nous non plus, nous ne comprenons jamais réellement ce qu’il fait , et ce depuis ses débuts . Et c’est bien pour ça que chacun de ses disques est une aventure, d’autant plus fascinante qu’on sait qu’elle restera unique.



Fuzz 

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Il y’a eu Cream , le Jimi Hendrix experience , maintenant nous avons fuzz. Les power trio ont souvent servi à repousser les limites de la sauvagerie, et je ne parle même pas du motorhead légendaire , celui de ace of spades et no sleep n till hammersmith. Dans le cas de Ty Segall , la boite de pandore fut ouverte avec le Ty Segall band , et son tonitruant slaughterhouse.                                                                                                               
Plus puissant que n’importe lequel de ses albums, ce disque représentait le Segall le plus direct , le plus sombre , et le plus violent. Fuzz pousse le concept jusque dans le look de ses musiciens , grimés en mimes blafards , ou en hippie gothique. Le premier disque de Fuzz s’ouvre d’ailleurs sur un déluge de réverbs qui fait echo à slaughterhouse, mais le power trio améliore encore cette formule apocalyptique.

Slaughterhouse était livré avec la spontanéité d’une crise de nerf musical , et il était souvent difficile d’identifier un riff au milieu de ce chaos. Fuzz remet un peu d’ordre dans tout ça , la batterie redevient un gouvernail autoritaire , autour duquel le groupe déploie une violence beaucoup plus maitrisée. De cette manière, un titre comme « What’s in my head » peut envoyer un refrain accrocheur sans perdre la puissance de ses riffs tranchants.

On a parfois l’impression de passer des messes sabbatiennes à l’énergie psychedelique des pink fairies, la discipline du groupe laissant s’exprimer un rock beaucoup plus rythmé. Moins uniforme, fuzz surprend à chaque morceau, passant d’un riff qui donne l’impression d’entendre Toni Iommi jouer « 21st century schizoid man » (hazemaze), à une montée acide digne d’hawkind , sans oublier les accélérations dignes des groupes psychédéliques les plus fous.

Pour en arriver là , Segall martèle ses futs comme un damné , dirigeant les autres musiciens d’une main de fer , et multipliant les roulements de toms sonnant comme une pluie de gréle entre deux coups de tonnerre sur amplifiés.

Si Slaughterhouse était le point de déclic qui à sans doute permis la sortie de cet album, l’œuvre finale est une nouvelle fois très différente de celle qui l’a précédé. Ce qui prouve encore une fois que Ty Segall ne reproduit aucun héritage , et ce même si il s’agit du sien.



Fuzz II (2016)

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Trois ans , c’est l’éternité qu’il aurait fallut attendre pour voir un autre disque de Fuzz débarquer, heureusement que notre peine est grassement récompensée, par un double album réjouissant. Il faut dire que , entre temps , l’homme n’a pas chaumé , multipliant les albums à un rythme infernal. Ses disques se faisant parfois plus accessibles , et on aurait pu craindre que le chanteur ne perde la recette qu’il a lui-même inventé en 2013.

Il n’en est rien, et Fuzz II est même le seul disque à reprendre les choses là ou son prédécesseur les avait laissé. On retrouve donc ces guitares lourdes, cette batterie pleine d’autorité, et une voix hypnotique, semblant sortie des plus obscures productions de la californie psychédélique.

Les rythmes , binaires en diable , posent la charpente sur laquelle s’élèvent les solis graisseux de Charlie Moothart. Là dessus, divers effets sonores viennent colorer le monument, donnant à ces rock sabbatiens les ambiances paranoïaques d’un mauvais trip.   

Comme sur tous ses disques, Segall aime glisser quelques surprises , comme la mélodie incroyablement accrocheuse  de Let It live . Les guitares semblent toujours sorties de la forêt dépeinte sur le premier album du sabb, mais c’est une noirceur plus entêtante qui se dégage de ce titre.

Au bout du compte , c’est bien cette simplicité qui empêche ce disque de tomber dans la fange prétentieuse dans laquelle patauge metallica , maiden , et tous ces sagouins suffisants. Fuzz les renvoie tous à leurs cirques grandiloquents, et leur réapprend les vertus de riffs simples, envoyés à fond les ballons. 

Vers une première consécration (2011-2014)



Twins
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Avril 2011, Ty Segall s’ennuie, il n’a pas produit d’albums depuis plusieurs mois, une éternité pour un hyperactif de sa trempe. Il réunit donc son groupe et, pour combler ce temps libre , il joue des reprise de T  Rex pendant que la console enregistre l’événement. Relativement onéreux pour un disque aussi court , l’EP ne s’est pas beaucoup vendu , mais cela n’a aucune importance.

En rendant hommage au groupe de Marc Bolan , Segall se faisait les dents , flattant sa future victime pour mieux la plier à ses volontés excentriques. Le glam , voila la nouvelle matière qui excite son extraordinaire imagination , mais il n’est toujours pas question de chanter la nostalgie de cette époque dominée par mott the hoople et autres Bowie.

Dans l’univers de Segall, les riffs délicats de Ziggy Stardust côtoient le heavy rock de black sabbath , et le grunge tonitruant des années 90. Hors de question pour lui de se servir d’un genre aussi séduisant pour flatter le grand public, twins ne contient d’ailleurs aucun tube. Si « sinner » démarre sur une petite mélodie entêtante, ce n’est que pour nous préparer au grondement apocalyptique de « ghost », dont le riff gras n’aurait pas fait tache sur le premier album du sabb.

On retiendra tout de même ces accalmies, où la guitare sonne comme un carillon bienveillant , cette voix entêtante au milieu de la tempête ,  et la mélodie presque douce de love fuzz , le titre le plus proche du glam originel.

On retiendra aussi ces solos , toujours courts mais plus soignés . Les disques précédents avaient révélé le songwritter , ici on entrevoit timidement le guitariste, et il n’est pas moins doué. Alors , bien sur , le tout est encore noyé dans un revigorant bain de feedback , comme une splendeur solaire laissant place au déluge, mais une nouvelle ère s’ouvre clairement pour Segall.


Sleeper
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On a souvent comparé Ty Segall à Kurt Cobain , dans l’espoir de lui faire enfiler de force un costume de sauveur du rock dont il ne veut pas. Les deux hommes ont tout de même des similitudes, leur culture musicale, nourrie par les seventies, leurs méfiances vis-à-vis du show business , mais concernant leurs œuvres la comparaison ne tient que pour ce sleeper.

Le disque qui fit passer Cobain à la postérité n’est pas Nevermind , mais le Unplugged diffusé sur MTV, et sorti en disque après sa disparition. Nevermind montrait un voleur habile, bricolant le grunge pour en faire une nouvelle power pop, unplugged dévoilait plutôt l’artiste dans toute sa splendeur. Sans ce disque, Nirvana serait resté le joujou de vieux nostalgiques , mais le passage acoustique a apporté un éclairage nouveau sur son œuvre , qui est plus fine qu’elle en a l’air.

Pour Segall , la démonstration n’était plus à faire , tant son œuvre a conquis une multitude de territoires sonores, pour y imposer sa patte. Mais « sleeper » est un disque plus intimiste, où le chanteur parle pour la première fois de lui, réglant ses comptes avec sa mère, et pleurant la disparition de son père.

C’est sans doute ce deuil qui rapproche le plus « sleeper » du chef d’œuvre acoustique de nirvana, les deux disques étant marqués par la même douceur triste. Cette proximité est palpable sur « she don’t care » , dont le violon plaintif rappelle Cobain chantant les bluettes nostalgiques des Meat Puppets. Placé en ouverture, « sleeper » est tout simplement sa plus belle mélodie , un monument de beauté acoustique qui va droit au cœur.

Puis il y a « 6th street » et « sweet CC », qui renoue un peu avec ses rythmes excentriques, sans perdre cette douceur acoustique et méditative.  « queen lulabye » revient à un rythme plus pesant , la mélodie est encore belle mais on la sent chargée de douleur.  Sa voix elle-même étonne, et ressemble à un mélange de John Lennon période imagine et du grand Dylan, dont certaine piste rappelle la beauté poétique.

Quasiment entièrement joué en acoustique, Sleeper impose définitivement Segall comme le songwritter le plus brillant de notre époque. La variété de ses influences est toujours très présente , et va du blues acoustique au spleen bucolique de l’unplugged de Nirvana.

On osera pas dire qu’il s’agit de son meilleur disque, ses œuvres étant trop différentes pour être réellement comparables , il s’agit toutefois d’un album d’une importance capitale.


Manipulator
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Si l’histoire ne devait en retenir qu’un ce serait sans doute celui là. Tranchant avec ses habitudes , le projet « manipulator » a muri pendant plus d’un an dans l’esprit de notre angelot. Une éternité pour celui qui a toujours balancé ses idées dans l’urgence. Il faut dire aussi que , cette fois, Ty Segall a tout pris en charge , de la batterie à la guitare , pour mieux maitriser un disque en forme de grand inventaire.

Pour Twins déjà , il avait attendu six mois avant de terminer le disque , histoire de s’immerger au maximum dans ses inspirations glams. Sleeper , lui , montrait un artiste d’autant plus investi qu’il se mettait en avant pour la première fois et , même si il fut expédié le plus vite possible , ses sonorités folks ne pouvaient que marquer l’œuvre de Segall.

Résultat , Manipulator est un disque synthétique , la fureur stoogienne rencontrant les mélodies raffinées de Marc Bolan , alors que guitare sèche et électrique fusionnent dans des morceaux de bravoures rappelant le Bowie de « the man who sold the word ».

Et surtout , le guitariste ne c’est jamais autant lâché, ponctuant ses glams heavys de solos lumineux . Sur « It’s over » la guitare débarque comme un ouragan au milieu d’une pleine luxuriante, et déploie sa beauté ravageuse pendant de nombreuses minutes. Il réitère l’expérience sur « the crawler » et , ce talent de soliste , qui se révélait timidement lors des courtes démonstrations de twins , explose ici dans une formule inédite, où les refrains entêtant partagent l’affiche avec des grondements rageurs dignes de fuzz. 

Mais il ne faudrait pas croire que ce disque se résume à cette violence à peine contenue par une timide guitare folk, et des refrains à faire pâlir Ziggy Stardust. L’ange blond est aussi un grand trousseur de mélodies psychédeliques et , quant il renoue avec la folk de Sleeper (« don’t want to know – the clock) , on croirait entendre Arthur Lee dans ses plus belles œuvres.

En laissant macérer son œuvre pendant des mois , Segall à pris le temps de trouver un équilibre idéal entre la folie garage de ses débuts, et le travail que nécessitait ce glorieux résumé de plusieurs années d’expérimentations folles. Le résultat est un classique tout simplement.



Fuck off ! (2016-2017)



Emotionall mugger


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Manipulator fut bien le carton critique qu’il devait devenir, et , même si il n’eu pas le succès commercial d’un nevermind , tous s’accordèrent à dire que « Segall a trouvé sa voie ». Comme si ses disques précédents n’avaient servi qu’à préparer le terrain au garage glam superbe de manipulator. L’analyse était simpliste, et a sans doute irrité notre blondinet. On a donc vu sortir un seul EP, sur lequel une presse en manque de nouveautés s’est jetée , puis « emotionnal mugger » est enfin paru en 2016.

Imaginez la douche froide qu’ont du prendre les critiques, convaincues d’avoir enfin compris le mystère Segall , qui leur disait maintenant d’aller se faire voir, avec son plus grand délire bruitiste. Si « emotionnal mugger » est grand, c’est parce qu’on a pas vu une telle réaction d’humeur depuis le soudain revirement country de Bob Dylan. Ce qui rassurait les critiques, et nous faisait craindre l’entrée de Segall dans le rang des artistes formatés, est balayé d’un revers de main, confirmant ainsi qu’écouter un nouveau disque du blondinet sera toujours une expérience inédite.   

Car « emotional mugger » n’est pas non plus un retour au chaos assourdissant de Slaughterhouse. Le changement n’étant pas tant dans la façon dont l’album fut enregistré, mais dans son mixage. Pour l’enregistrement, Segall est revenu à ses vieilles habitudes, balançant ses compositions d’une traite , avant de tout rebricoller en studio. Et là , l’homme s’est transformé en Zappa du rock garage , mixant certains titres 4 ou 5 fois , et s’amusant avec les effets sonores.   Résultat, presque chaque composition est mixée de façon différente, et le son va parfois d’une basse à l’autre, comme pour voyager dans nos cerveaux . C’est pour ça qu’il faut écouter ce disque au casque, pour en ressentir l’effet.

Délicieusement expérimental, « emotionnal mugger » ne se livre pleinement qu’après plusieurs écoutes intensives, et devrait permettre de faire le tri entre les moutons ayant suivi la mode manipulator , et les amateurs de folies sonores.


Ty Segall


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Il fallait laisser un peu de temps , pour que les expérimentations de emotionall mugger puissent imprégner nos cerveaux innocents . C’est pourquoi Ty Segall a attendu un an avant de lui donner un successeur. Et quel successeur, après les bidouillages de l’album precédents , « Ty Segall » est un de ses disques les plus punks , et les plus stoogiens.

L’ombre des frère Asheton plane sans cesse sur ces riffs redevenus minimalistes et gras, avec cette voix beaucoup plus direct , pour ajouter à la rugosité du tout. C’est criant sur le morceau d’ouverture, un hymne nihiliste du niveau de « 1969 ». Puis l’acoustique revient donner un peu de grandeur aux riffs protos punk , qui restent toutefois trop graisseux pour rapprocher des garages rocks de la trempe de « freedom » ou « warm hand » des solos lumineux de manipulator.

Dans les passages les plus violents , on assiste à une relecture du grunge le plus cru , où les guitares bourdonnent sauvagement , avant de partir de nouveau sur un boogie délirant au milieu de warm hands. Ce dernier à tout d’un nouvel hymne Segallien , les passages les plus rugeux n’empêchant pas la mise en place d’apartés particulièrement entrainants. Le rythme redevient plus carré , avant que la guitare ne lui coupe le sifflet dans un torrent crasseux, capable de faire passer le premier nirvana pour un sympathique disque pop. 

Puis vient « talkin », ballade enjouée, qui semble se moquer d’une génération dont Segall fuit les mœurs hypocrites, son refrain minimaliste entre rapidement dans la tête de l’auditeur.  L’homme a toujours cette capacité à inventer des mélodies irrésistibles , et « take care » creuse le même sillon moqueur que  « talkin ». Ce qui unit ces ballades aux déluges qui les entourent, c’est cette simplicité presque enfantine . « talkin » se calle sur un rythme presque léger , les riffs sont plus de courtes secousses sonores que des démonstrations alambiquées, et le tout sonne comme un groupe enregistré dans son garage pendant une répétition.

Après avoir limité son public à ceux qui aimaient son excentricité, à défaut de la comprendre pleinement, Segall s’amuse en toute simplicité.  La première prise est souvent la bonne, voici la sympathique philosophie qui a guidée le blondinet lors de l’enregistrement de ce disque.


          Nouvelle bombe pop ?




Freedom Goblin

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Ty Segall fut, pendant des années, un ouvrier productif, mais pas assez appliqué. Ses albums étant souvent trop brouillons pour l'extirper de son Underground chéri. Les premiers frémissements n’auront lieu qu’en 2014, avec la parution de Manipulator. Le disque trouvait pour la première fois un juste milieu entre la violence de son Garage Rock et la douceur exigée par la Pop.

L’artiste veillant à conserver une certaine discrétion, en détruisant toutes ses fan-pages sur les réseaux sociaux, l’album a fait l’effet d’une bombe. Entre énergie Stoogienne et charme Glam, Manipulator aura fait naitre le phénomène Segall, avant que l’intéressé ne le dynamite purement et simplement.

Loin de surfer sur ce premier succès, ce musicien prolifique a passé les mois suivants à produire des disques résolument violents et crasseux, sans être dénués d’intérêt. Résultat, le soufflet est retombé, ses disques ont quitté les têtes de gondole des grandes surfaces du disque et autres librairies grand public. Et un auditoire aussi séduit que curieux continua à suivre cet énigme Rock.

Ty Segall s’affirmait comme le digne descendant de Neil Young, Bowie, et autres expérimentateurs Pop, brouillant les pistes à chaque nouvel album. Rien que pour avoir redonné au Rock sa part de mystère, qui érigeait les Rock-star au rang de héros excentriques, et faisait des Rock-critiques des messagers, lus avec avidité par toute une jeunesse, Ty Segall méritait toute notre reconnaissance.

Mais voila qu’en 2018, après avoir passé des années à suivre le fil de sa féconde inspiration, le Californien nous offre LE disque justifiant tous les autres. Cette phrase ne veut pas dire que les opus précédents ne sont plus aussi probants. Ils font, au contraire, partie des œuvres les plus passionnantes de ces dernières années. Mais avec Freedom Goblin, Segall semble boucler un nouveau cycle.

Pour perpétuer le coté énigmatique de son œuvre, l'album est doté d’une pochette psychédélique, où le nom de l’artiste et de l’œuvre n’apparaissent pas, si ce n'est sur la tranche. De psychédélisme, il en est question dès le premier titre, "Fanny Dog", ouvrant le bal sur une véritable fanfare de camés, que n’aurait pas renié Gong.

Dans Les Portes de la Perceptions, Huxley décrivait le LSD comme un moyen de voir le monde dans sa globalité. Comme si le consommateur atteignait un niveau supplémentaire de Conscience. C’est un peu ce qui semble être arrivé à Ty Segall sur cet album. Après avoir fait l’inventaire des différentes sonorités l’ayant fascinés, en les adaptant comme un élève appliqué, il se met à jouer avec, les mixant dans un disque aussi riche que cohérent, avec comme fil rouge, ces riffs crasseux dignes de Blue Cheers.

"Rain" n’aurait pas fait tâche à coté des refrains Glams de Manipulator. "The Last Waltz" est un véritable Folk de poivrot. Cette même Folk se fait plus mélodique sur "I’m Free". Et n’oublions pas le gros Hard Rock qui tache "She", où la violence grandiloquente d’un Free Jazz doté d’une section de cuivres irrésistibles ("Talkin 3").
                                                                                                               
Et il faudrait encore des pages pour analyser totalement cette série de curiosités, de mélodies loufoques et autres bidouillages, qui sont autant d’outils permettant à Ty Segall de dépoussiérer ce qui fit la grandeur du Classic Rock. Et pourtant, les moyens utilisés ici ne sont pas énormes, et le blondinet ne s’est pas embarqué dans des bricolages de studio alambiqués, des expérimentations électroniques et autres bidouillages sophistiqués. Qu’elle soit accompagnée de cuivres, ou qu’elle mette en valeurs des chœurs plus « identifiables » que sur les disques précédents, c’est bien la guitare qui est au centre de ses compositions.   

Création d’une image mystérieuse, réinvention d’un patrimoine que certains croyaient stoïques, et retour au culte du Guitar Hero, voila les mots d’ordre de notre homme. Je ne sais pas si ces éléments font de lui le dernier des rocker mais, une chose est sûre, Freedom Goblin  redonne une définition de ce qu’est le Rock en 2018. Et c’est déjà énorme.     


Le complexe de l’underground



Joy
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Je pense aussi que ce jeune Californien a le complexe de l’Underground et soigne régulièrement sa liberté chérie en créant un torchon magnifique, pour succéder à chacune de ses œuvres trop propres. L’artiste sent venir le succès comme un apache sent arriver le flingue de Custer. Alors il bousille tout, oublie les mélodies qu’il vient à peine d’inventer et va exactement là où il sait que le plus grand nombre ne le suivra pas. Freedom's Goblin était trop accessible ? Ce n’était qu’une pause après un chaos sonore digne des plus belles heures des Stooges. « Baby, casse ta guitare. Moi je serais au bar », dit il, comme si la musique de l’album Ty Segall n’était pas déjà un puissant bras d’honneur à ce qu’il reste du musique business. Parce que, à une époque où le Rock est devenu horriblement respectueux, Segall passe son temps à danser sur le cadavre du Wok 'n Roll. Aucune étiquette ne semble réellement lui aller, et il passe son temps à les remettre en question. Son début de carrière, il l'a utilisé pour revisiter les genres, se faisant les dents en déchiquetant le Grunge , le Space Rock , le Stoner… Et puis il a commencé à tout mélanger et sa musique faisait alors penser à la phrase de Beefheart « Je manie les sons comme une palette de couleur », Segall était arrivé à cette même pureté innocente.  Comme si ça ne suffisait pas, le voila qui demande à White Fence de le rejoindre, cette collaboration étant sensée augmenter sa créativité.

Les deux hommes partagent la même obsession pour l’originalité, l’inédit, le jamais vu, bref pour tout ce qui devrait être le Graal de tous rocker qui se respecte.


Autant dire que, maintenant plus que jamais, le respect du passé ne les atteint pas. Joy se moque des techniques de jeu et de composition. C’est la réunion de deux fous-furieux qui partent dans tous les sens. Les mecs ont enregistré le bazar en quelques semaines, sans doute sans savoir où ils allaient, comme deux gamins qu’on auraient laissé s’amuser dans un magasin de musique. Coté production, la musique et le son sont si basiques qu’on croiraient entrer dans une caverne, pour écouter les Pierrafeu faire rugir les amplis.  Segall et Fence essaient, et en profitent pour ridiculiser Kurt Cobain sur un Grunge caricatural. Il est bon de tuer régulièrement ces vieilles badernes. D’ailleurs les voila qui dansent sur le macchabée le plus regretté du monde, fredonnant "Rock Is Dead" comme pour annoncer « il serait peut être temps de passer à autre chose non ? ». Et les musiciens moulinent, manquant de ce casser la figure à chaque accord faussement bancal, avant de rétablir l’équilibre dans une fiesta de riffs acidulés. Sur Joy, Ty Segall et White Fence semblent au bord du gouffre en permanence, mais la chute tant redoutée est toujours miraculeusement évitée.


On n'a plus entendu d’exercice de funambules Rock pareils depuis le "Trout Mask Replica" de Beefheart, et c’était il y a déjà cinquante ans ! Ce disque n’est pas un simple album de Rock, c’est un lavement salvateur pour tous ceux qui, comme la majorité du monde occidental, mangent du conformisme à longueur de journée. Joy les prendra aux tripes, nettoiera tout ça, et ils pourront entrer dans le rang des rares individus sains d’esprit de cette époque de tarés !  



Live 


Deforming lobes

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Le guitariste s’avance vers le public , avec un air faussement solennel , et déclare « ladys and gentlemen the … » Il n’aura même pas le temps de finir , coupé par une explosion de guitares saturées ,qui semblent prendre tous le monde par surprise. Toute la philosophie de Ty Segall est déjà là, il veut en dire le moins possible, sa musique étant sensée parler d’elle-même. Ce n’est pas pour rien qu’à l’heure des réseaux sociaux, il s’obstine à se tenir éloigné de tous ces attroupements virtuels , où toute pensée sincère est noyée par l’hystérie d’une masse bêlante.

Ce n’est pas pour rien non plus que l’homme démarre les festivités avec « warm hand » , titre issu de son disque "Ty Segall" , qui revient à une musique plus crue après la superbe pièce montée qu’est freedom goblin. Car musicalement aussi, Ty Segall est insaisissable. Changeant d’influences comme il change de chemise, il semble découvrir ses coups de cœurs en même temps qu’il se les approprie. Et c’est précisément ça qui fait de lui le rocker le plus passionnant de ce siècle terne, il enchaine les découvertes et expérimentations comme si chacune devait être la dernière.

Alors , on aurait pu s’attendre ici à un inventaire minutieux de toutes ses expérimentations , le glam de Twins faisant place au space rock de slaughterhouse , avec les mélodies folk de sleeper comme tendres intermèdes. C’est mal connaitre le Californien qui, même sur scène , se refuse à jouer deux fois la même chose.

Ayant attiré Steve Albini , qui produit ce live , Segall ne va pas se contenter de répéter consciencieusement ce que son public a entendu sur disque. Albini a produit ce qui restera le meilleur disque de Nirvana, et le freedom band veut lui faire revivre l’excitation de cette époque, où le rock fut secoué par son dernier grand courant musical.

Et pour cela un seul mot d’ordre : Toujours plus fort, toujours plus lourd, toujours plus sale. Les guitares bourdonnent, couinent, se posent parfois pour écraser les spectateurs sous la lourdeur de breaks pleins de distorsions, pendant que Segall hurle au milieu du déluge. Et tous ce magma sonore, ce génial grondement électrique , le freedom band l’improvise sans filet , renouant ainsi avec la puissance d’un Kurt Cobain chantant « Smell like teen spirit » pour la première fois.

Quant le groupe calme le jeu , lors d’intermèdes sabbatients plombés , ou de passages boogies , il plane toujours une tension irrésistible , on sait que ces pauses vont forcément aboutir sur une autre explosion sonore.

 Le freedom band n’est pas kadavar , ses instrumentaux sont réduits à la plus simple expression , et ne durent que quelques secondes. Ces quelques secondes , loin des passages virtuoses des hard rocker , sont souvent là pour accentuer l’agressivité de ces riffs crasseux , quant ils ne partent pas dans un enthousiasmant bazar électrique.

Avec ce live , le freedom band montre sa musique la plus radicale , la scène lui permettant de se défaire de tout calcul artistique . Albini a parfaitement respecté cette volonté de tout miser sur l’urgence et l’efficacité, et s’est contenté de rendre chaque instrument audible, donnant ainsi l’impression d’être dans la salle. Le résultat est un autre album majeur de Ty Segall , et la preuve que le rock peut encore prendre l’auditeur à la gorge , et ne plus le lâcher pendant une demi heure.