Rubriques

dimanche 12 janvier 2020

NINA HAGEN BAND : premier album (1978)

Formation
Nina Hagen : chant
Bernhard Potsckha : guitare
Manfred Praecker : basse
Reinhold Heil : claviers
Herwig Mitteregger : batterie

Née à Berlin-est dans une famille artistique, Nina Hagen baigne dès son enfance, malgré la rigueur du système politique, dans une ambiance bohème, « théatreuse » ; puis alors que a mère se remarie, son nouveau beau père poète/chanteur contestataire est jugé persona non grata à l'est et doit fuir pour rejoindre Berlin-ouest en 1976 ; entre temps Nina a commencé à chanter dans des petits groupes locaux (elle reprend notamment du Janis Joplin) et en 1977 Nina en profite pour partir séjourner quelques temps à Londres où elle fréquente la scène punk qui est en pleine ébullition.

A son retour elle décide de monter un groupe mélangeant punk et rock plus traditionnel (enfin pour Nina Hagen il n'y a rien de vraiment traditionnel !).
Catalogué un peu rapidement comme punk alors que son répertoire et son registre vocale sont beaucoup plus élargis (englobant le punk bien sur mais pas que) y compris dans les deux albums enregistrés avec le Nina Hagen Band qui recouvrent des influences punk, rock 70s mais aussi d'autres formes musicales comme l’opéra ou le reggae (voir un petit côté psychédélique parfois).
Même musicalement parlant qualifier le NHB de punk est beaucoup trop réducteur, le groupe a une plus large palette musicale, du rock beaucoup plus varié qu'on pourrait le penser.

C’est d’ailleurs plutôt assez typé rock 70’s et si musicalement ça tient la route cela n'atteint jamais des sommets de génie (si on enlève la voix évidemment). D'honnêtes musiciens mais pas des virtuoses.
C’est surtout le chant de Nina oscillant entre opéra, rock et punk qui donne le côté punk rock au groupe et son aspect extravagant.
En effet on navigue souvent entre provocations notamment à travers les textes polémiques et les thèmes abordés (drogue, sexe) et excellences vocales ; toutefois si l'excentricité et les provocations ont certes fait beaucoup de publicité à Nina Hagen ils ont d'un autre côté peut-être nui à la considérer comme la grande artiste musicale qu'elle est assurément et qui malheureusement est vue sous le prisme de l'outrance et de ses frasques.
Ce premier disque, sans titre, est donc l'album originel pour l'icone est-allemande du punk et son groupe le « Nina Hagen Band ».

Attention si la voix est punk la musique est davantage du rock basique des 70's (guitare/synthé), plutôt correct sans être génial mais réhaussé par la voix hors pair de Nina Hagen chanteuse à l'aise dans tous les genres, capable de passer de l'opéra au punk, car c'est bien Nina Hagen, la vedette, la star du groupe avec qui elle enregistrera deux albums avant de voler de ses propres ailes pour explorer de nouveaux horizons musicaux.
Soyons honnêtes ce premier album est un peu moins bon que celui qui suivra mais la première face est excellente et reste un grand classique.


« TV Glotzer », reprise des Tubes donne le ton? suivi des excellents « Rangehn » (superbe refrain) et « Unbeschreiblich » (assez incroyable malgré un synthé un peu poussif) , puis « Auf'm'Bahnhof zoo » (la gare du zoo de Berlin rendue célèbre par le roman Moi Christiane F, 13 ans droguée prostituée mais dont la traduction originale signifie "Nous les enfants de la gare du Zoo") et enfin le sublissime « Naturtrane » sorte d'opéra rock avec une voix en apothéose, une ambiance assez difficile à décrire ! Le mariage improbable du punk et de l'opéra ! Grandiose tout simplement !


La seconde partie est moins réussie : « Superboy » aurait pu être très bon mais le refrain est raté ;  j'aime bien le très cool « Heiss » avec des passages un peu planant et une petite touche reggae. « Auf'm'Friedhof » est correct, « Fisch im Wasser » est un petit interlude vocal sans oublier surtout le déjanté et complétement destroy « Pank » 100% punk. Culte !
Le chant est en allemand mais je trouve que ça donne un cachet supplémentaire au disque ; ça ajoute un plus à une voix déjà sublime, géniale, avec ce côté provoc qui caractérise Nina Hagen. Cela donne un quelque chose de plus déjanté encore et ça va bien avec la voix de notre chanteuse ; et puis l'allemand n'est-il pas l'une des deux langues de l'opéra ?


Un peu moins frapadingue que « Unbehagen » (avec son mega tube halluciné et hallucinant « African reggae » mais aussi d'autres excellent titres et qui reste le sommet de sa carrière), un peu moins abouti aussi comme je l'ai déjà dit, mais quand même de très bon niveau.


Bob Dylan : Travelin Thru


Résultat de recherche d'images pour "dylan johnny cash travelin thru"

Dylan et Cash , comment rêver plus belle affiche pour ce nouvel épisode des bootleg series ? Les deux hommes se sont rencontrés en 1962, à l’époque où Cash est au sommet de sa gloire. Dylan, lui n’est qu’un troubadour obnubilé par Guthrie , un rêveur répétant ses titres dans un garage. Impressionné par ce qu’il entend lors de leur rencontre , Cash en parle à Columbia , qui récupérera bientôt le petit prodige, quant John Hammond verra en lui le futur de la folk.

Et puis le temps a passé, le jeune prodige est devenu le prophète beats de sa génération, et les rengaines de Cash se sont empoussiérés jusqu’à en faire un has been méprisé. Cash voyait dans Dylan le sauveur d’une folk en pleine déperdition, fossilisé par un conservatisme niais, et il eut raison au-delà de ses espérances.

Alors que son mentor était resté un pur produit de son époque, qu’il continuait à écrire des rengaines sentant bon les campagnes américaines , et à ressasser le même rythme bucolique , Dylan a affronté le conservatisme de front. Aussi haïe fut elle à sa sortie , sa trilogie électrique a achevé d’imposer son visage au sommet des grandes figures des son temps.

Cash, lui, vivait un déclin vertigineux sur fond de drogues et de rengaines acoustiques qui n’intéressaient plus personne. Cash et Dylan n’étaient pourtant pas les deux opposés d’une folk déchirée entre tradition et avant gardisme, leurs œuvres de l’époque étaient complémentaires. Après tout, aussi électrique soit il , « highway 61 » est parcouru par cette force rythmique , cette énergie viscérale que Cash connut sous les traits de ses amis Presley et Cochran.

Quelques mois plus tard, voilà que les deux hommes se rejoignent artistiquement, Dylan ayant sorti deux disques campagnards parcourus de références bibliques que n’aurait pas reniées l’homme en noir. Le public le cloue encore au pilori, il faut dire que son sourire narquois sur la pochette de « john whesley hardin » lui semble destiné. C’est pourtant dans ces mélodies poussièreuses que les groupes San Franciscain viendront chercher un second souffle , après s’être remis de la fin du rêve hippie.

Plus encore que son prédécesseur, Nashville Skyline était un magnifique retour à la terre, surtout grâce à son ouverture poignante. « North Country Girl » était la communion entre deux générations de rockers, la voix de Cash sortait des arpèges Dylanien comme une force ancestrale enfouie.

On pourrait presque prendre ce titre comme l’annonce du retour de l’homme en noir, qui publie son incontournable live à folssom la même année. Le retour du grand Bob auprès de son vieil ami , aussi ringard qu’il paraisse encore à l’époque , était donc l’aboutissement logique d’une démarche entamée sur John Whesley Hardin. Mais la tradition qu’ils voulaient célébrer ne venait pas seulement des terres de la country folk.

Ecoutez matchbox , un des rares titres électriques de ce bootleg serie , et vous découvrirez deux hommes habités par le rock originel. Ce rock qui s’exprime de façon rugueuse à travers la voix de Cash , et annonce ce qui sera flagrant sur rusty cage , Cash a le rock n roll dans le sang.

A côté de sa puissante voix de baryton, celle de Dylan a du mal à s’imposer dans les chœurs, comme si le grand Bob conservait encore une certaine timidité face à ce géant que tous pensent dépassé. Et puis, les entendre chanter walk the line , titre aussi culte que « Jailhouse rock », c’est revivre l’histoire du rock en direct.

Il y’a peu de disques qui donnent cette impression de vivre un moment unique , un passage déterminant , la fin glorieuse d’un épisode historique. Travelin thru est de ceux-là , l’expression d’une tradition musicale qui ressurgit des vapeurs psychédéliques.

Travelin Thru rappelle ces scènes intimistes, que Steinbeck a si bien dépeintes dans Tortilla flat , c’est l’amitié de deux hommes s’échangeant leurs répertoires, et le célébrant à travers des duos acoustiques, dans le plus pur esprit folk.

En dehors de walk the line , on a aussi droit à un « ring of fire » plus posé , où Cash mesure son chant pour permettre à son ami de souligner sa mélodie. « you are my sunshine » semble lui aussi chanté depuis ces caravanes, dans lesquels les prolétaires américains fuyaient la misère de la grande dépression. Jouée de la même façon elle fait partie de ce même écrin rustique et somptueux dans lequel sont enveloppés les bluettes country folk telles que « wanted man » ,  « girl from the north country » , et même un « don’t think twice it’s alright » des plus dépouillés.

Travelin thru a le charme de ses vieilles reliques dégotées au fond d’un grenier poussiéreux, le témoignage d’un passé révolu , mais incontournable.   

   



  

vendredi 10 janvier 2020

Jimi Hendrix : Songs From The Groovies Children


L’histoire qui vous est raconté ici est celle d’un producteur comme on en fait plus , d’un guitariste au parcours météorique , le tout sur fond de musique mal aimée.
On décrit souvent Bill Graham comme « l’inventeur du rock business », cette affirmation n’est juste que si l’on a une vision idéalisée de celui-ci. Le rock business, c’est celui qui a multiplié par 100 le prix d’une place de concert en quelques années, nous rappelant au passage que les rockers pouvaient voir un Springsteen en pleine gloire pour une bouchée de pain dans les années 60-70.

Bill Graham était l’inverse de ces business men, pour qui la loi du marché prime sur le plaisir. De l’argent il en faisait, et pas qu’un peu, mais il le faisait en offrant une expérience unique à ses spectateurs. Tapis dans l’ombre, c’est lui qui permettait aux groupes invités de bénéficier de la meilleure sonorisation , et qui n’hésitait pas à injurier les artistes refusant de faire un rappel.
Issu du milieu théatral , il voyait le rock comme un nouveau moyen de faire rêver les gens , et se mettait entièrement au service des artistes et du public. Toujours à l’affut, Graham réussit même à faire venir dans son fillmore un Otis Reading en pleine gloire, qui donna un concert bouillant.
A force d’efforts , sa salle est devenue une institution , et un lieu privilégié pour les concerts des frères allman, ce qui est déjà beaucoup. Lorsque Hendrix foule la scène de cet endroit, où les jeunes viennent découvrir la musique de demain, il n’est déjà plus aussi unanimement salué.
Les origines de ce passage à vide remontent en 1965 lorsque , en plus de son contrat pour l’experience , Hendrix signe un contrat avec PPX entreprise , la société du producteur Ed Chaplin. Naïf , Hendrix pensait que ce contrat ne pourrait concerner que ses œuvres solo, et, quand son groupe devient culte , Chaplin vient lui rappeler ses obligations ainsi que la clause d’exclusivité de son contrat.

Alléché par le succès acquis par le vodoo child, il menace de le poursuivre devant les tribunaux si celui-ci ne répare pas le « dommage » que constituent ses trois albums produits par EMI. Soucieux d’éviter une procédure longue et couteuse, surtout au moment où ses gains partent en grande partie dans la construction de son studio « electric ladyland », Hendrix accepte de céder tous les droits de son prochain album , qui sera publié par la société de Chaplin.
Démotivé par ces méthodes de mafieux, Hendrix ne trouve plus l’inspiration, et semble sans cesse repousser la date de sortie d’un disque qui devient vite un boulet. Pourtant, il souhaite retourner sur scène , et le fera avec Buddy Miles.
Agé d’une vingtaine d’années, Miles fait partie de ces batteurs dont la légende oublie trop souvent le nom. En compagnie de Mike Bloomfield, génie du blues traditionnel, devenu le père du psychédélisme grâce au second album du Paul Butterfield Blues Band, il produit le premier album de l’electric flag.

Considéré comme un des disques les plus importants de l’histoire du blues rock , il montre un batteur dont les racines baignent dans la culture musicale afro américaine. Le blues rencontrait la rythmique groovy du funk, dans un brasier d’autant plus unique que le groupe se décomposera après sa production.
Il est aussi présent sur certains titres d’electric ladyland , l’album qui imposa définitivement Hendrix comme le dieu d’un nouveau culte du guitariste soliste. Le duo s’adjoint les services de Billy Cox , et les black panthers voient dans cette formation 100% afro Américaine un signe de ralliement à leur cause.

Hendrix démentira. Bien qu’il partage certaines idées du mouvement, il ne mélange pas musique et politique. Cette histoire, le public la connait déjà, et la critique s’empresse de fustiger le héros qu’elle a tant adoré. Pour elle, ce groupe neo funk n’est rien d’autre qu’une bande de fonctionnaires chargés de maintenir une idole vacillante. Les critiques seront encore plus violentes lors de la sortie du live « band of gypsys », chef d’œuvre massacré parce qu’il servait aussi, et surtout, à libérer Hendrix de la pression mise en place par Chaplin.
Et oui, ce disque était un chef d’œuvre, le véritable dernier album d’un guitar hero cosmique qui ne tardera pas à tirer sa révérence. Son parcours est d’ailleurs annonciateur de celui de Deep Purple et Led Zeppelin, deux groupes qui concrétiseront la déflagration sonore qu’il initia. Le plan d’attaque était simple , partir du blues pour l’atomiser , avant de visiter les territoires funks dans une grande danse sauvage.

Vous trouvez cette comparaison fantaisiste ? Alors démontrez moi que Led Zeppelin I et In Rock ne sont pas les lointains échos de are you experience, et que les rythmes dansants de house of the holy et burn ne sont pas nourris par les vibrations du band of gypsys.
Hendrix avait montré la voie, et le live band of gypsys était aussi essentiel que les œuvres l’ayant précédés. Voilà pourquoi ce coffret , regroupant tous les concerts donnés lors de ce réveillon historique de 1970, est une relique que tout rocker un peu sérieux se doit de vénérer.
Dans la salle emblématique du San Francisco sound , l’ange Hendrix est libéré par la rythmique irrésistible de Buddy Miles. L’homme s’apparente à John Bonham lâché au milieu de la célébration dansante de Sly and the family Stones , le groove incarné par une frappe autoritaire et métronomique.
Dans ce cadre, power of soul, qui ouvre le premier concert, est une véritable célébration orgiaque. Sachant se faire discret malgré leur brio rythmique, Cox et Miles laissent Hendrix emmener son public au cœur de cette énergie blues soul. Il redevient ainsi le pyrotechnicien mystique qu’il fut à ses débuts, ses solos sonnant de nouveau comme des éruptions grandioses.

Il réinvente ses plus grandes créations, soumettant « foxy lady » ou « stone free » à une rythmique plus carrée, comme si cette rigueur bluesy sublimait les brûlots funk « eazy rider » et autres « burning desire ». Et puis il y’a « changes » , le moment de gloire d’un Miles qui en profite pour tester un futur classique de son prochain disque.

Mais bien sûr, on retiendra surtout cette guitare électrique lançant des torrents de notes, qui coulent avec la limpidité d’un fleuve lumineux, rapprochant le voodoo child de James Brown. Plus qu’un retour du guitariste auprès de ses racines afro américaines , ce coffret montre un explorateur musical s’aventurant sans filet sur des chemins que suivront encore une hordes d’artistes jusqu’à nos jours.

mardi 7 janvier 2020

Allman Brother Band : Live At Fillmore West 71



Qu’un live pareil puisse sortir dans une telle indifférence ne peut que m’étonner. Juste promu sur le site du magazine soulbag , cette prodigieuse relique n’a même pas donné envie à rock et folk de replonger dans les effluves hypnotiques de la salle de Bill Graham.

Les frères Allman sont pourtant un maillon indispensable de la mythologie rock , un groupe lançant toute cette vague dite sudiste. Autant bercés par le rock anglais que par le blues , les enfants de Lynyrd n’atteindront jamais cette pureté ancestrale , que les allman ont forgée lors d’années passées comme musiciens de studio et sur scène.

A leur début, ils furent les extraterrestres plongeant dans un monde qui n’était pas le leur. Dans un soucis de séduire un public bercé par les douceurs pop , les frères Allman forment leurs premiers groupes , et balancent une pop bancale en première partie de buffalo springfield , moby grape , jefferson airplane ou le grateful dead. San Francisco s’épanouit sous les refrains fascinants de ses enfants psychédéliques, mais Duane Allman ne se sent pas à sa place au milieu de ces délires sous LSD.

Sa vocation, il l’aura lors d’un concert de Taj Mahal, grande figure de Harlem venu promouvoir le blues le plus pur. Là accompagné de Ry Cooder et Jesse Ed Davies , Mahal livre un stratesboro blues venu des rives du missisipi , l’expression la plus rustique de cette puissance lyrique, qui fait la force du vrai blues.

C’est donc ici , dans cette petite salle où résonne le blues originel , que nait la vocation de Duane Allman , vocation qui engendre la naissance de l’allman brother band. A ce titre, le premier album du groupe est un véritable manifeste, Gregg Allman inscrivant ses râles dans la longue tradition de Muddy Waters et autres Bo Diddley, pendant que la main de Duane s’approprie leur feeling rustique, avec un groove cotonneux capable d’incérer ce son dans cette époque de révolutions sonores.

Les débuts sont discrets, le groupe effectuant la première partie du Velvet Underground, dont le son est loin d’attirer les foules. Encore une fois, le décalage entre les allman brother et le groupe qu’ils soutiennent est saisissant. Le Velvet est un gang clairement avant gardiste , où les instrumentaux minimalistes créent un contraste fascinant avec les textes fouillés écrits par Lou Reed. Le Velvet était un phare au milieu du désert, il annonçait l’avenir alors que tout le monde commençaient à peine à savourer les splendeurs contemporaines, et les textes de Lou parlaient de déchéance alors que tous aspiraient à une transcendance mystique. 

Les Allman aussi étaient en décalage, mais dans le sens inverse, leur musique prônant un certain retour à la terre, alors que leurs contemporains n’étaient pas prêts à redescendre de leurs sommets mystiques. Et pourtant, les ventes du second album décollent et atteignent le top 40 Américain, permettant ainsi au groupe de fouler la scène du Fillmore.

On a assez parlé de leur passage au Filmore East , immortalisé par un album dantesque , véritable relique à la gloire de cette grandiose tradition musicale américaine. Et bien, au risque de détruire tout suspense, ce live at fillmore west est au moins aussi bon que son grand frère, sorti plus de trente ans avant lui. 

Si la set list reste quasiment la même sur les trois show que propose le coffret, le groupe fait de chaque interprétation un moment unique. Pour les frères Allman , le blues est un vaisseau fascinant, qu’ils prennent sans savoir où ils vont le mener.

Les jams à rallonge célèbrent le doigté somptueux de celui que beaucoup commencent à appeler « skydog » , pour décrire cette capacité à planer lors de jams qui sont autant de rampes de lancement pour ses solos blues/jazz.
Sur Stratesboro blues , la slide chaleureuse de Duane le ramène dans cette salle, où Taj Mahal lui a révélé sa vocation. Vocation qu’il se plait désormais à étirer , rallongeant ses solos comme pour en extraire la musique la plus pure , le parfait mélange de tout ce que la musique Américaine à produit de grandiose.  

Malgré le rythme infernal des tournées , malgré une vie menée à 100 à l’heure et son addiction aux drogues dures , Duane est ici plus flamboyant que jamais , comme si c’était son âme plus que sa faible carcasse qui s’exprimait à travers ses notes flamboyantes.

Quelques mois après ces concerts , alors qu’il ignore les limitations de vitesses au volant de sa Harley, l’un des plus grands guitaristes que cette terre ait porté trouve la mort sur la route. Si l’allman brother band connaîtra une seconde partie de carrière plus qu’honorable, il n’atteindra plus jamais la pureté traditionnelle contenue sur cette archive, et que son guitariste a emporté avec lui.
          

samedi 4 janvier 2020

Pink Floyd : Atom Heart Mother


Résultat de recherche d'images pour "pink floyd atom heart mother"

Régulièrement, arte diffuse un documentaire sur les Beatles retraçant les grandes heures de la beatlemania. Comme pour signifier la fin de cet âge d’insouciance, le film se conclut sur les images de l’enregistrement de « a day in the life ». Ce passage impressionnant donne l’impression d’être dans le studio, et nous permet de mesurer toute la portée historique de ce moment, lorsque l’orchestre se met à jouer sa grandiloquente partie.

Point d’orgue d’une grandiose fresque pop , « a day in the life » montrait le chemin à une jeunesse désireuse de repousser les barrières du rock. Pendant ce temps, les floyds ont sortie Ummaguma , disque foncièrement expérimental, qui s’inscrivait dans la logique de « tomorrow never know ».

« Ummaguma , l’album à la vache », je me permets de citer cette erreur de Houellbecq , car elle démontre bien tout le mépris qui entoure encore « atom heart mother ». Il faut dire que le floyd a atteint un premier sommet spatial avec son second disque , et les somptuosités atmosphériques de set the control from the earth to the sun annonçaient des merveilles que les fans ne voulaient pas abandonner.

Les plus snobs préfèreront l’avant gardisme alambiqué d’Ummaguma , les autres se délecteront de la transe acide de « a saucerfull of secret », mais chaque glissement en dehors de ces nouvelle balises sera pris avec méfiance.

La première rencontre du floyd avec la musique symphonique date de 1969, année où le London philarmonique orchestra les a rejoint sur la scène du royal albert hall. Ayant pris goût à ce raffinement musical , Pink Floyd sollicite l’aide du compositeur écossais Ron Geesin , avec qui ils ont travaillé sur la musique du film « the body ». Comme la bande de Roger Water ne sait pas écrire la musique , elle compte sur le compositeur écossais pour lui concocter la partie orchestrale de la bande qu’il lui offre comme support.

Trompettes et trombones introduisent le morceau titre de façon solennelle, bientôt rejoint par le groupe, qui tisse sa fresque épique, les bruitages sonores nous plongeant en plein champs de bataille. Le second mouvement part ensuite vers des contrées plus planantes, porté par la douceur du violoncelle , avant que Gilmour ne hausse le ton, le temps d’un solo soutenu par des cuivres grandiloquents.

On revient ensuite à une atmosphère plus méditative, le mouvement suivant s’annonçant comme un grand crescendo, où la voix d’une choriste semble déjà venue de cette « face cachée de la lune », que le groupe ne tardera pas à explorer plus profondément.

Basse funky , sons déformés , le tout relié par des cuivres , le titre atom heart mother va bien plus loin que la pop vaguement symphonique de son époque. Cette œuvre ambitieuse, long écho de la fièvre créatrice de « a day in the life », achève d’imposer la pop comme une musique sérieuse. Ce concerto atmosphérique, auquel une part du public ne pardonnera jamais son côté symphonique, est un sommet unique dans la carrière du floyd, une beauté foisonnante que le groupe ne reproduira plus.

La face B , composée de cinq chansons pop raffinées , ne semble faite que pour prolonger l’écho de cette symphonie atmosphérique. Atom heart mother n’est pas seulement un grand disque de rock, c’est le virage magnifique d’un groupe qui a transcendé les tendances de son époque.

Un « album à la vache » que la plupart de ses descendants ne feront que caricaturer.        


jeudi 2 janvier 2020

MINISTRY : PSALM 69 (1992)


FORMATION
Al Jourgensen : chant, guitare, synthé
Paul Barker ; basse, programmation
Bill Rieflin : batterie
Mike Scaccia : guitare
Michael Balch : claviers, programmation
(et de nombreux invités)

Fondé en 1981 par Al Jourgensen, Ministry au départ, était un obscur groupe de new wave / synth wave sans réel talent et leurs premiers enregistrements par vraiment convaincants ne présageaient rien de bon (on ne peut pas dire que With Sympathy et Twitch aient soulevé les foules). Puis Al Jourgnsen et Paul Barker (qui a rejoint le groupe en 1986) ont évolué vers une musique plus industriel, plus métal mais avec toujours des influences assez « synthétiques ». Après deux albums intéressants mais pas complètement aboutis ("the land of rape and honey" et "the mind is a terrible thing to taste" qui comporte le très bon "Thieves" qui annonce la couleur à venir) Ministry décolle enfin et arrive en 1992 avec un nouvel album qui s'avère être un chef d'œuvre du genre.

En général, au départ je ne suis pas un grand fan des machines, le rock se devant avant tout de rester une musique basée sur la batterie, la basse et la guitare.
Mais les samples, bien utilisés peuvent, comme les synthés d'ailleurs, amener un vrai plus. Et c’est le cas ici.
Il y a bien des samples - assez réussis – mais qui osera dire que Ministry ne joue pas du rock ; ils sont même en plein dedans tant pour les textes sulfureux que pour la démesure sonore (et puis Ministry est avant tout un groupe guitare/basse/batterie).
Les samples et autres bidouillages électroniques n’étant qu’en toile de fond pour augmenter le côté bizarre et oppressant des compositions.

Ce petit côté industriel de la musique va également bien avec le côté sulfureux qui groupe : halluciné, anticonformiste, provocant et grands consommateurs de substances illégales notamment Al Jourgensen et son look de hippie freak sous acide qui ne s'en cache pas.
La première face et notamment les quatre premiers morceaux sont fabuleux et hallucinants, d'une créativité proche du chaos, un bordel fabuleux : "N.W.O" / "Just one fix" (avec en guest star l'écrivain poète beatnik junkie défoncé William Burroughs qui s'invite et déboule pour l'intro du morceau) / "TV II" (presque du black métal avant l'heure) / "Hero". Gros riffs, guitares en furie, tempo rapides, samples efficaces, refrains qui rentrent dans la tête pour ne plus en sortir, voix ténébreuse et malsaine à souhait...Du grand art.


Sur "Jesus built my hotrod" le groupe est carrément sous amphétamine, un morceau, sautillant, qui explose dans tous les sens. Du blues ultra speedé comme rarement entendu !
Le métal industriel (je n'aime pas trop ce terme) est vraiment né avec cet album. "Psalm 69" donne ses lettres de noblesses au genre.
Jourgensen et sa bande sont à leur apogée, les titres s'enchainent sans temps morts, rien à jeter que du très bons (les titres "Psalm"  69 où Ministry s'en prend à la religion et "Corrosion", répétitif à souhait, sur la face 2 - légèrement plus calme et plus lourde - un peu différents sont tout aussi efficace par leur puissance métallique et hypnotique. Sur "Psalm" 69 toujours ces samples diaboliques qui font la différence . Sur "Corrosion" le chaos semble tout proche). 9 titres, 9 missiles, 9 classiques.


Le sommet de la carrière du groupe qui ensuite sortira les honorables « Filth pig » et « Dark side of the spoon » mais sans atteindre le niveau, la puissance et la démesure de ce « Psalm 69 ».
A noter que le groupe a collaboré dans les années 90 a collaboré avec Jello Biafra (chanteur de Dead Kennedys) au sein de Lard pour sortir quelques enregistrements des plus intéressants notamment « The last temptation of reid »
Décidément 1992 est une année bien riche pour le rock « alternatif » au sens large avec Nirvana « Nevermind », Alice in Chains « Dirt » , le premier album de Rage Against the Machine, Helmet « Meantimes » et bien sur Ministry).
Jeter absolument une oreille à cet album qui sonne différemment de tout ce qui pouvait se faire à l'époque et qui est vraiement le précurseur d'un mouvement à venir. Un album phare de la décennie 1991/2000.

Pink Floyd : A Saucerful Of Secrets


Résultat de recherche d'images pour "pink floyd a saucerful of secrets"

Et le guide se perdit dans les collines de sa psyché contrariée. En pleine tournée Américaine, celui qui avait créé la magnifique matière expérimentale, qui compose the pipper at the gate of dawn, n’est plus capable de tenir son rôle de leader. Assommé par sa consommation massive de LSD , Barrett oublie sa guitare avant d’entrer en scène , où il reste parfois figé comme un pantin désarticulé.

Ses collègues l’incite à consulter un psychologue , qui lui diagnostique une schizophrenie, le groupe est désormais obligé de se séparer de celui à qui il doit sa fulgurante ascension. Pour éviter une séparation douloureuse, pink floyd pense d’abord recruter un guitariste pour épauler son leader défaillant. Le nom de Jeff Beck est évoqué, mais c’est rapidement David Gilmour qui s’impose comme une évidence.

L’homme est proche de Syd Barrett et des autres musiciens, et accepte rapidement une proposition qu’il voit comme une occasion inespérée de faire décoller sa carrière. Sur scène, il ne côtoiera Barrett que quelques jours, son état déplorable obligeant le groupe à le renvoyer définitivement. A saucerful of secret marque donc une nouvelle ère pour le floyd, d’autant que Barrett n’a participé qu’à un seul de ses titres.

 « let there be more light » , qui a la lourde tâche d’ouvrir ce disque charnière, est un formidable manifeste. Composé de trois parties, le titre remplace la pop séduisante de Barrett par une ambitieuse fresque musicale, qui demande plusieurs écoutes pour dévoiler toutes ses qualités.

A saucerfull of secret est largement marqué par l’arrivée de Gilmour , dont la virtuosité incite le groupe à partir sur des chemins moins balisés , à quitter les sentiers battus du rock expérimental pour ouvrir les portes du cosmos. Véritable musique d’architecte, les titres du floyd deviennent des édifices complexes et tortueux, qui trouvent leur sommet avec set the control of the heart of the sun et le morceau titre.

Symphonie spatiale, fresque sonore capable de faire voyager les esprits , ces titres ont aussi suscité l’incompréhension de Norman Smith. Encore marqué par les codes de la pop , fusse t’elle expérimentale , l’ex producteur des beatles ne comprend pas ce morceau à rallonge, où le floyd manie les sons comme un alchimiste fou.

C’est que, après avoir compacté l’inventivité progressive sur des pastilles de quelques minutes, le floyd définissait les codes de la génération suivante, en rallongeant le format de la chanson pop. A ce titre , « set the light for the heart to the sun » est un véritable guide du futur prog rocker . A la composition, Waters imagine un poème hallucinant nourri par la science-fiction de Mickael Moorcock. Pendant ce temps, Nick Mason développe un jeu jazzy renforçant la transe méditative mise en place par ses collègues.

Si set the light for the heart of the sun est surtout le fruit de l’imagination de Roger Waters, il ouvre la voie au premier chef d’œuvre collectif du groupe, le monumental morceau titre. La première partie de ce requiem plonge l’auditeur dans un univers angoissant et solennel. Nous entrons dans un univers inconnu, et la mélodie semble représenter les turpitudes du voyageur égaré. Des tambours tribaux forment ensuite une rythmique spatiale angoissante, qui monte dans un crescendo hypnotique.

Puis, une éruption lointaine sert de fond sonore à un final plus apaisé, une mélodie complexe et fascinante née du chaos. Le ver symphonique était définitivement entré dans le fruit rock, et ce titre est l’édifice fascinant à partir duquel le prog construira sa légende.

On peut encore reprocher au floyd de rebasculer dans un format plus « basique », les autres titres montrant encore cet attachement à une pop fouillée typiquement britannique. Mais le nouveau floyd naissait véritablement sur ses requiems alambiqués , laissant son ex leader fermer le premier chapitre de sa carrière sur le final « jugband blues ».

Le roi Barrett se meurt, mais sa chute permet la naissance d’une nouvelle légende aussi flamboyante que la première.