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vendredi 17 mai 2019

Amon Dull II : Yeti


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Lorsqu’on demandait au groupe guru guru pourquoi les musiciens allemands avaient tendance à propager leurs idées d’extrême gauche, il répondait que c’était sans doute lié au chaos laissé par Hitler. Quand le krautrock émerge, à la fin des année 60, la guerre s’est achevée il y a à peine vingt ans , autant dire hier. Ne voulant pas porter le deuil d’un événement qu’elle n’a pas vécu , les musiciens krautrock  vont naturellement se tourner vers un rock libertaire.

Amon Dull I et II font partis de ceux là, et regroupent d’abord une communauté de fans de Coltrane et Hendrix , célébrant leurs passions dans de longues jams sous LSD. Les deux groupes se séparent en 1968 et, alors que la partie la plus politisée du groupe veut s’allier aux mothers de Zappa , Amon Dull II finit par être signé sur un label munichois. Ne prenant pas au sérieux cette bande d’anarchistes défoncés, la maison de disque ne leur accorde que deux jours pour enregistrer leur premier disque.

Contre toute attente , le pari est tout de même réussi , et le succès de « phallus dei » permet au groupe d’enregistrer son second disque en toute liberté. Il faut dire qu’Amon Dull a pu travailler son art , forgeant ses jams hallucinées lors de l’année de tournée qui a précédé la sortie du premier album.

Mais c’est avec « Yeti » que le groupe atteint les sommets de l’acid rock.

La première partie , à l’origine contenue sur un premier vinyle, voit le groupe voyager entre son côté le plus hypnotique, et une sauvagerie électrique à faire rougir led zeppelin. Ouvrant le disque, Soap shock rock est déjà un monument d’instrumentation défoncé. Le groupe montre déjà toute son excentricité, les rythmiques s’emballent progressivement , avant de s’évanouir dans les fascinantes sonorités orientales de « flesh colour anti aircraft alarm ».

Vient ensuite la partie la plus « pop » du monument, avec ses cinq pièces montrant un groupe plus discipliné, capable d’une douceur inattendue. A ce titre « she came throught the shimey » développe une mélodie envoûtante, à grand renfort de violon plaintif et de clavier harmonieux. Cette veine mélodique est accentuée par un « the return of the rubezahl » aux sonorités orientales , dans la tradition d’un psychédélisme fasciné par les ambiances musicales du pays de Shéhérazade.

La violence revient progressivement sur « archangel thunderbird », où Renate garde sa voix claire, alors que les guitares qui l’accompagnent s’alourdissent.   Le trip paranoïaque refait ainsi surface, la guitare ridiculisant la violence des hard rockers le temps d’un « cerberus » tonitruant. Symbolisant le passage à un psychédélisme libéré de toutes limites , le titre démarre dans une tendre douceur acoustique , avant que les guitares n’envoient des notes qui semblent vouloir broyer votre cerveau.

A partir de là, la voix se fait plus lointaine , plus inquiétante .

La seconde partie est une pilule hallucinogène aux effets beaucoup plus puissants.  Contenue sur un second vinyle, cette seconde partie déploie trois improvisations sans filet , où le groupe semble toucher une sorte de perfection expérimentale.

Le principe est un pied de nez à tous ces groupes anglais, embarqués dans des calculs savants visant à rendre le rock plus « intellectuel ». Via ses improvisations , Amon Dull rend le rock au peuple , ce qui ne l’empêche pas d’atteindre un niveau de symbiose impressionnant. Le LSD a t’il permis à ces esprits fertiles de former une conscience supérieure, qui guident leurs accords comme si leurs corps était devenu de simples marionnettes ?

Certes , je m’égare dans les mythes proférés par Huxley , mais cette symbiose emmène le psychédélisme à un niveau de perfection hypnotique que peu de groupes peuvent égaler. Amon Dull II semble même abolir le temps , étirant ses improvisation pendant de longues minutes, en nous donnant l’impression de pouvoir assister à ce spectacle pendant une éternité.

Inutile de préciser que cet exploit ne sera jamais renouvelé. Faisant de Yeti (l’album) , le monument d’une génération souhaitant éclater toutes les barrières. La pochette délirante qui contient le disque fut d’ailleurs imaginée par le groupe, faisant de ce disque une œuvre complète.    


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