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jeudi 26 septembre 2019

Endless Boogie : Le blues du futur


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De John Lee Hooker à Iggy Pop , des cannead Heat à Lou Reed , l’avenir du rock américain s’est toujours joué dans les bas-fonds de l’underground.  C’est là que Warhol construisit sa factory , atelier décadent qui donnera naissance à l’album à banane , là aussi que canned heat s’initia au blues lors de longues jams passionnées.

Cette culture souterraine est la marque d’une philosophie disparue, celle qui veut que le musicien doit faire ses preuves, explorer les bas-fonds et passer des années avec son art comme seul réconfort , pour espérer un jour percer.

Il sont nombreux les artistes ayant foulé le béton, le ventre vide mais l’esprit libre, suivant ainsi un parcours initiatique indispensable aux vrais marginaux. Mais cette philosophie semble morte et , condamnée à réussir immédiatement ou jamais , les artistes piochent dans un grand vivier de références qu’il ne parviennent souvent qu’à ressasser avec plus ou moins de brio.

Car il faut une vraie expérience pour donner vie au blues, cette musique étant comme le cheval blanc dompté par Napoléon dans une peinture historique. C’est au terme d’années de lutte que les jeunes ambitieux pourront dompter la bête, et l’emmener dans des contrées qu’elle n’aurait pas traversé d’elle-même.

Voilà pourquoi Endless Boogie est un groupe d’une importance vitale, il détient cette expérience liée aux derniers originaux de cette époque morne. Il faut dire que ces musiciens ont de la bouteille, et n’ont sorti leurs premiers méfaits qu’après avoir passé des années terrés dans les bas fonds culturels de New York.
                                                                                     
Le premier album montrait d’ailleurs un groupe qui n’a jamais cessé de lutter. Lutter contre la tentation d’imiter ses héros, lutter aussi pour maintenir le feeling poisseux du blues lors de plus de 10 minutes de jams fiévreuses.   A l’époque où la technologie et le commerce raccourcissent tout, de la taille des fichiers musicaux à la durée des productions visuelles, Endless Boogie ne s’épanouit que dans de longs instrumentaux hypnotiques.

Là , les accords deviennent une véritable machine à remonter le temps , des stooges sous dopes joue le blues en compagnie de Muddy Water , ACDC déploie son hard blues en compagnie de Keith Richard , adaptant son énergie juvénile au feeling du riff master. D’une voix paranoïaque,  le chanteur imite Iggy Pop en se curant le nez, et le temps ne semble plus avoir de prise sur l’auditeur.

Dans le dernier rock et folk, Iggy Pop qualifiait la musique de Miles Davis en ces termes « Il ne cherchait pas de son, même pas de mélodie, il se contentait juste de jouer. Et c’est pour ça que cette musique est intemporelle. »

Et c’est exactement ce que fait endless boogie , il joue , entamant ses jams comme Cavanna entamait ses livres , c’est-à-dire sans réellement savoir où tout ça va le mener. Les américains sont comme Iggy, une certaine finesse se cache derrière leur apparence rugueuse. Mais , là où chez beaucoup celle-ci nécessite des heures de dur labeur , la leur ne s’exprime que dans la spontanéité .

Je ne vais pas vous rejouer le bon vieux « back in mono » , ou ressasser un hommage de vieux chroniqueur sénile bercé par les hymnes no future de Richard Hell et des pistols. Non , endless boogie est au-dessus de ses tendances passagères , et est aussi isolé que beefheart en son temps.

On a pourtant cru à une explosion, lorsque long island avait déclenché l’admiration de rock critiques ayant troqué leur flair contre une nostalgie abrutissante. Vu avec plus d’enthousiasme, le groupe aurait pu devenir énorme , et soulever des foules gigantesques, lors d’orgies sonores qui auraient renvoyer tous leurs concurrents à leurs tablatures.
Mais , caricaturé comme le fils d’une alliance contre nature entre les stooges et cannead Heat , le groupe ne fut qu’une lubie de plus dans un monde mainstream sans ambitions. Il est vrai que long island est un disque moins original que ces prédécesseurs, les trois premiers étant bien plus innovants.

Full house head et focus level sont des chefs d’œuvre, deux cris rageurs où les influences ne sont que des ombres lointaines. Le groupe y élève la répétition au rang d’art brut, partant dans des rythmiques à deux ou trois accords que n’aurait pas renié le crazy horse, si il avait quitté les mélodies campagnardes pour embrasser  la chaleur poisseuse du Mississipi.

Ces musiciens semblent tous frapper sur le même mur, élargissant la faille qu’ils créent à grands coups de solos Hendrixiens. Le stoner n’a jamais atteint les sommets orgasmiques qu’ils atteignent lorsque le rythme monte en pression, comme une centrale nucléaire prête à exploser. Chaque titre nous fait progressivement entrer dans un univers inconnu, où le blues vous tient par la main pour vous mener dans des contrées inexplorées.

Plus violent depuis long island , le groupe a juste augmenté sa puissance de frappe, flirtant un peu plus avec la violence abrasive de détroit. Les deux disques qui sont issus de ce changement, long island et vibe killer sont de grands albums, mais ils ne représentent pas encore le sommet que le groupe avait atteint à ses débuts.

On peut donc s’attendre à ce que ce nouveau cratère donne lieu à une explosion plus violente, plus puissante , et où le feeling blues sera remplacé par un chaos free jazz réinventant le brasier initié par fun house. Et nous voilà en haut de ce Vésuve , à attendre le déluge tant espéré avec une excitation que seuls les grands groupes peuvent provoquer.   

                                                                                                    



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