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dimanche 22 septembre 2019

Bob Dylan : Desire


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Les beatles ont lancé le culte de l’album , faisant ainsi passer le rock dans une nouvelle dimension. Les 33 tours sont désormais des œuvres construites, et l’enchainement des morceaux devient un sujet épineux pour lesquels se battent les musiciens. Issu du folk , Dylan sera d’abord loin de ces réflexions .

Porteur de la même tradition que Guthrie , il produisait une musique rustique , réduite à sa plus simple expression pour véhiculer ses messages humanistes. On peut le regretter, mais l’histoire retiendra surtout blowin in the wind , hard rain , ou the time they are a changin , laissant la ribambelle de brillantes folk song qui les accompagnent croupir dans ce puits merveilleux, qui fait le bonheur des fans.

Le virage sera radical en 1965, lorsque le barde passera à l’électrique sous les huées de fans rétrogrades. A partir de là , ses disques furent plus réfléchis , à l’image du voyage qu’il propose désormais sur higway 61 revisited . On suivait les mues artistiques du poète, comme on suit les réflexions d’un auteur.
                                                                                    
Le reste de sa carrière ne sera qu’une longue suite d’incompréhensions, ses brusques changements obligeant la critique à revoir régulièrement son jugement. Vue au départ comme une trahison, Dylan se convertissant à une musique adorée par l’amérique profonde, que les hippies jugent beauf et raciste, John Whesley hardin sera célébré quand les byrds et le grateful dead suivront ses chemins terreux.

Mais le mal était fait et , de john whesley à planet waves, Dylan sera systématiquement lapidé par une critique qui fera juste une pause pour célébrer les basement tapes, un disque enregistré au milieu des sixties, et loin du Dylan traditionaliste qu’elle ne peut supporter.

Heureusement, la série noire pris fin en 1975, le public ne pouvant que s’incliner face à la série de peintures musicales somptueuses qui composent blood on the tracks. Le spleen lié au naufrage de son mariage a donné un nouveau souffle à Dylan , qui opte pour une musique douce et sobre, seulement chargée de ponctuer sa prose.

Mais , quand le disque sort , Dylan est déjà passé à autre chose , la déprime ayant laissé place à une douce euphorie, qu’il souhaite restituer en studio. Pour la première fois , il conçoit ses textes avec un auteur , montrant ainsi un désir d’ouverture qui le dirigera lors de la création de desire.  

Le voilà donc de retour à Greenwich Village , la ville où tout a commencé , et où il donne naissance aux vers de desire, en compagnie de l’auteur de Calcutta. Quelques jours plus tard, lors d’un voyage en voiture, il invite Scarlett Rivera à le rejoindre.

La scène est digne d’un roman d’Heminghway :
La violoniste voit s’arrêter près d’elle une voiture verdâtre. Caché par la femme qui l’accompagne, un homme lui demande son numéro de téléphone, ce à quoi elle répond qu’elle ne le donne pas aux inconnus. Il l’invite alors à participer à l’enregistrement de son album dans le studio de Columbia. Dylan a choisi la musicienne juste pour le violon qu’elle portait ce jour-là, comme si il renouait avec la simplicité des jours où il essayait d’écrire sa légende, armé de ses textes et de sa guitare sèche.

La routine est un poison mortel pour l’artiste, et Dylan a trouvé son antidote. Les séances sont de véritables réunions de bohémiens, réunissant parfois une vingtaine de musiciens.

Placé en ouverture du disque, Hurricaine renoue avec la verve contestataire des débuts, Dylan prenant même quelques libertés avec la vérité, pour défendre un Hurricane Carter qu’il voit comme le symbole de ce racisme qui subsiste en Amérique.  

Mais sa folk a désormais des airs de complainte tzigane , le violon portant une tension dramatique qui explose dans des cœurs condamnant la partialité de la justice. Dylan changera quelques lignes de ce pamphlet musical pour éviter un procès. La version finale garde tout de même une beauté dramatique digne de ses plus belles œuvres.

Les images s’enchainent ensuite en même temps que les influences. Le grand Bob place la déesse Isis au milieu d’un décor de western, qui permet à un piano enjoué de côtoyer son harmonica rustique, le tout sur un fond de violon bluegrass, genre qu’il a initié sur le mal aimé self portrait. La légèreté de ses textes est parfois ambiguë , et on se demande si le décor de carte postale de « mozambique » n’est pas en réalité un hommage à la prise de pouvoir des communistes dans le pays.

Musicalement , le titre est porté par une mélodie légère , où une dizaine de musiciens s’embarquent dans une grande fête musicale. Cette légèreté atteint des sommets lors des chœurs, ou la voix de Dylan et d’Emilou Harris s’unissent dans une grande cérémonie païenne.  

On s’embarque ensuite pour Sainte Marie de la mer , théâtre d’une grande cérémonie gitane , que Dylan raconte dans une vibrante complainte mystique. « one more cup of cofee » connaitra une seconde jeunesse lorsque les white stripes en feront un blues nostalgique, mais cette version n’atteindra pas ce degré de ferveur fascinante.

Plus terre à terre , les larmoiements de violons de oh sister s’adressent sans doute à John Hammond , le premier qui a cru en ce jeune fan de Guthrie. On rencontre ensuite Joey Gallo , parrain de la mafia que Dylan idéalise un peu trop. Mais comment lui en vouloir à l’écoute de cette gracieuse odyssée sonore ?

La splendeur de cette mélodie fera d’ailleurs dire à Jerry Garcia , le leader de grateful dead, qu’il s’agit d’une des meilleures chansons jamais écrite.

Puis vient la petite baisse de régime, Clapton ne parvenant pas à faire de romance in durango un morceau mémorable. Lancé sur un rythme hispanisant, le titre part rapidement dans un joyeux bazar rythmique ou l’on peine à reconnaitre le touché de ce prestigieux invité.
                              
Dans un autre album, son ambiance de fête hippie aurait pu être insupportable, mais ici il témoigne de la joie qui anime le barde en cette année 1975. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il sera systématiquement joué lors de la rollin thunder revue , tournée qui redonna à Dylan le goût de la scène.

Rejouer pour le plaisir, voilà la seule ambition qui le guida au moment de produire ce disque. Et, à son écoute, on constate rapidement que ce plaisir est contagieux.  



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