Rubriques

samedi 21 septembre 2019

SLEATER-KINNEY : Call the doctor (1996)


Formation

Carrie Brownstein : guitare, chant

Corin Tucker : guitare, chant

Laura Mac Farlane : batterie, chant



Formé à Olympia (Oregon), berceau du mouvement Riot Grrrls, par Carrie Brownstein (ex Excuse 17) et Corin Tucker (ex Heaven to Betsy) accompagnées par Laura Mac Farlane batterie mais qui cédera sa place dès le troisième album à Janet Weiss.
Excuse 17 et Heaven to Betsy avaient fait des concerts ensemble dans la première moitié des 90's.
Dans le mouvement Riot Grrrls, Heaven to Betsy était le troisième groupe du « noyau dur » avec Bratmobile et bien sûr Bikini Kill.
Le mouvement riot grrrls prend forme au début des 90's aux USA, avec pour but de « féminiser » le mouvement punk, y faire rentrer des revendications féministes dans un univers machiste (un peu moins dans l’anarcho-punk anglais mais beaucoup dans le mouvement hardcore US à de rares exceptions près : Nation of Ulysses, Fugazi, Bad Religion…) tout en gardant un esprit DIY (production sur de petits labels, diffusion de fanzines), une contre-culture en opposition à la culture de masse « mainstream » et contre l’attitude rock stars de nombreux musiciens y compris « alternatif ».

Musicalement parlant peu de groupes du noyau dur des Riot Grrls sont connus avec une exception de taille : Bikini Kill ; les autres groupes sont Bratmobile, Heavan to Betsy, Huggy Bears…Sleater Kinney étant venu un peu plus tard ; quant à L7, Lunachicks, Seven year bitch et Babes in Toyland, plus connus, elles sont « sympathisantes » du mouvement de par les thèmes abordés (essentiellement féministes) mais ne peuvent pas être entièrement affiliés aux Riot Grrrls sauf si on prend le terme au sens large ce qui est souvent mon cas.
Avec Sleater-Kinney il y a bien sur le côté engagé des Riot grrrls mais l'attitude est plus « soft », SK n’a jamais fait dans la provoc ou le sulfureux : revendicative, engagée mais sérieuse.
On est loin de la furie et de la tornade Babes in Toyland (si le mouvement Riot Grrrls ne t’intéresse pas mais que tu veux néanmoins écouter seulement un titre histoire de ne pas mourir idiot alors c’est « Dust cake boy » de Babes in toyland qu’il te faut) ni du côté provoc de Bikini Kill qui adorait se faire détester.

Après un premier LP éponyme très prometteur sorti en 1995 mais encore très brut, très influencé par la vague grunge et riot grrrls punk, pas assez poli pour vraiment marquer les esprits.
Avec ce second album « Call the doctor » sorti en 1996 on a droit à ce subtil mélange de pop/rock, de noise et de punk mélodique qui est en quelque sorte la marque de fabrique musicale du groupe c'est à dire énergie, finesses des mélodies et trouvailles vocales.
On est dans les années post grunge et l'âge d'or des Riot Grrrls est passé, la plupart des groupes ont disparu, sont sur le déclin ou ont du mal à trouver leur place. Mais pas Sleater-Kinney dans la mesure où leur musique s'inscrit dans une démarche un peu différente.
A noter que ce deuxième album (le dernier avec Laura Mac Farlane à la batterie) sort sur Chainsaw, label de Donna Dresch , grande prêtresse du punk féminin et queercore à travers fanzines, groupes et labels (en l’occurrence Chainsaw, le grand label des Riot Grrrls avec Kill Rock Stars).
« Call the doctor » est peut-être le meilleur album du groupe (encore que beaucoup sont de valeur sensiblement égale), là où l'équilibre punk et pop est le meilleur, là où le travail des voix est le plus abouti ; disons le tout de suite au fil des albums suivant le groupe tout en gardant une certaine énergie va évoluer de plus en plus vers la pop classique.

Je trouve cet album plus équilibré que le premier album mais aussi que « Dig me out » le suivant également très bon mais avec moins de titres qui font mouche.
Si musicalement parlant ça tient parfaitement la route, entre punk (très) mélodique et pop minimaliste mais énergique, la grande force du groupe, la particularité, ce sont les voix qui s’entremêlent (les trois musiciennes chantent à tour de rôle et sur certains titres elles chantent à plusieurs même si Corin reste la chanteuse principale) ; les trouvailles dans les harmonies vocales sont en effet la marque de fabrique de Sleater-Kinney, l’atout numéro 1 du groupe : chorus, refrains, superpositions, chassé-croisé des voix c’est magnifiquement travaillé et impeccable.

Autre particularité Sleater-Kinney joue avec deux guitaristes mais sans bassiste, d’où un son assez original car à la manière du chant les guitares se superposent harmonieusement.
Ajouter à cela la façon de composer qui met en opposition le côté « douceur » et le côté « rage » et on a donc des morceaux qui ne ressemblent pas à ce qu’on entend ailleurs dans les années 90 (c’est même très différent des autres groupes de Riot Grrrls).
La première partie c'est à dire les 5 premiers titres est excellente (notamment l'enchaînement des titres 3,4 et 5, les meilleurs morceaux de l’album à savoir « Little mouth », « Anonymous » et « Stay where you are », une petite merveille que ces trois titres, à écouter en boucle, c'est ça que j'aime chez Sleater-Kinney).

La seconde face est un peu moins bonne même si « I wanna be your Joey Ramone » (ah l'humour du titre et qui en plus a le bon goût d'être excellent) et « Heart attack » sont de bons morceaux.
En fait seule « Good things » est légèrement raté.
Sans doute le meilleur album de Sleater-Kinney en tout cas celui où la pêche et l’énergie communicative du trio semble s’exprimer le mieux.
Malheureusement encore un groupe trop méconnu et qui pourtant a joué un rôle important dans le mouvement des Riot Grrls durant les années 90 et plus généralement dans le rock alternatif indépendant. Vraiment dommage mais il n'est jamais trop tard pour le découvrir !
Après un break le groupe s’est reformé, a enregistré un album en 2015 « No cities to love » et vient de sortir courant août 2019 un nouveau disque « The center won't hold », dont les trois morceaux que j'ai pu écouter sont assez …quelconques (de l’électro pop sans aucune originalité même dans les voix !), ça n’a malheureusement plus grand-chose à voir les débuts.

Sleater-Kinney est donc le dernier groupe de l’ « épopée » riot grrls des années 90 encore en activité (on peut rajouter L7) mais le changement de style et l’évolution qu’a pris le groupe s’avère décevant.
On pourra néanmoins les voir en concert à Paris en février 2020 (à priori il s’agit de l’unique date en France programmé à ce jour).

En tout cas, par son attitude, son intransigeance (dans le choix des labels par exemple), sa longévité et sa qualité Sleater-Kinney est un groupe qui force le respect.
Pour finir voici ce qu’en dit Manon Labry, auteure d’un très bon bouquin sur le mouvement Riot Grrrls (« Riot Grrrls – chronique d’une révolution punk féministe », éditions La Découverte 2016 ; très bon ouvrage que je conseille, musicalement c’est axé sur Bikini Kill et Bratmobile essentiellement) : « Et si ce nom ne vous dit rien (…) ce sera l'occasion pour vous de découvrir l'une des plus fantastiques formations rock de ces vingt dernières années (…) auteur de huit albums plus réjouissants les uns que les autres, novateurs, extrêmement ouvrés, mais sans jamais d'excès » (page 135)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire