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jeudi 5 septembre 2019

Ty Segall : First Taste

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« Ce roman est destiné aux hommes vivants, si il en reste. »
Cette phrase, présentant le dernier roman de Bukowsky, pulp, représente ce que nous vivons depuis quelques années.
La mort physique n’est rien, elle s’apparente à un doux sommeil sans fin, la vraie disparition est ailleurs.

Ce qui devrait faire peur au pékin moyen n’est pas l’état de sa pitoyable carcasse, qui finira de toute façon par s’affaisser sous les coups d’un mode de vie de plus en plus sédentaire, mais la conservation de ce formidable outil d’émerveillement que constitue sa curiosité. Le problème est que ses plus grands représentants, ces hommes qui ont tant nourris notre petit cinéma cérébral, sont morts ou à la retraite.
A une époque où le jeunisme est devenue une véritable religion , au point qu’une fillette à peine pubère peut donner des leçons à une assemblée de députés , cette introduction paraîtra sans doute blasphématoire. Ce n’est pas ma faute si les chaises laissées vacantes par Cavanna , Sergio Leone , et dernièrement Mocky sont restées vides.

A la place, nous avons droit à des hommes sandwich sans charisme, des écrivains sans verves, et des cinéastes sans imagination. Tous ont le même discours, les mêmes idées , et noient l’esprit critique dans leurs bien-pensances vaseuses. Quel livre récent est encore capable de vous surprendre ? Quel film a pu vous marquer à vie, au point de faire partie de cette personnalité qui devrait toujours être le résultat d’une réflexion personnelle ? Quel album peut se vanter, comme abbey road , de procurer les même frissons de plaisirs cinquante ans après sa sortie ?
Paradoxalement, en musique, un nom a pu ressortir de la guimauve puante qui compose notre vie culturelle. Ty Segall a commencé dans le garage rock crasseux, citant T Rex et les stooges dans un garage rock tonitruant, sans excès de respect, comme si il faisait l’inventaire de ses armes avant de partir à la conquête du monde.

Même dans ses productions les plus accessibles, le blondinet développait un son unique et personnel. Quant à ses disques les plus référencés, comme ce manipulator aux teintes glams et stoogiennnes , il cohabitaient avec une rythmique renouant avec la folie de la grande époque psychédélique.
On parlait alors de nouveau guitar hero , et manipulator semblait s’imposer comme l’aboutissement de toutes ses expériences passées. Heureusement, il a tout saboté , produisant des galettes souvent sauvages et volontairement rugueuses. Tel un Zappa des temps modernes, le musicien a fini par bâtir un monument expérimental à grand coups de collages et autres bidouillages . Cette œuvre s’appelait « emotionnal mugger ».
Alors j’aborde ce « taste » avec un mélange d’appréhension et d’excitation : Qu’a-t-il bien pu inventer ?

Et bien Taste renoue justement avec le goût de l’expérience qui fit le sel d’emotionnal mugger. Le morceau d’ouverture démarre sur un déluge de batterie, avant de laisser place à des guitares grasses et incisives, qui n’auraient d’ailleurs pas fait tache sur ses disques les plus radicaux.
C’est clairement parmi ces disques géniaux et uniques que se range « taste ». Le synthé s’ajoute d’ailleurs à cette fanfare minimaliste, la flûte venant souligner la mélodie allumée de « I sing them ».
Si Segall peut se permettre ces folies, c’est aussi parce qu’il maîtrise l’art de créer des refrains qui resteront bien plus longtemps en mémoire que la fiente putride qui constitue la musique mainstream. Sa musique , si l’auditeur ose s’y aventurer à plusieurs reprises, laissera une trace brillante et indélébile dans son cerveau pollué.

De cette manière , taste rappelle que la pop n’a qu’un seul objectif : Créer de nouveaux moyens d’expression , de nouveaux sons . En un mot comme en mille de nouvelles idées.
Avec ce disque , les moyens d’y parvenir paraissent de nouveaux illimités. L’auditeur reprend ainsi son rôle de spectateur attentif, qui doit s’investir pour juger ce qu’on lui propose à sa juste valeur.
Il sera ainsi récompensé par des réussites telles que celles présentées ici. Alors je rêve que ce disque fasse un tabac , obligeant les comptables en costume qui ont pris le pouvoir dans le business de la musique à revoir leurs copies.

Mieux , je rêve que ces hommes soient remplacés par des personnes aussi ouvertes que celles qui , avant eux , ont su laisser leurs chances aux grands groupes, que nous avons tant vénérés. Ty Segall pourrait ainsi récupérer le titre de musicien incontournable qu’il mérite tant.
Je rêve donc je suis…

https://ty-segall.com/

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