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samedi 12 octobre 2019

Lou Reed : Rock N Roll Animal


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Il y’a peu , avant d’écrire cette chronique , je lisais l’ « Œuvre » d’Emile Zola , m’étonnant de trouver chez son peintre maudit des préoccupations partagées par les grands artistes rejetés du rock. Transformez ce peintre en rocker , imaginez que l’œuvre qu’il construit n’est autre que Berlin , et vous découvrez le calvaire vécu par Lou Reed en 1973.

Sa grande œuvre , à jamais incomprise, n’obtiendra pas le rang si mérité de sgt pepper des seventies, et le chanteur se cache désormais derrière son personnage de Dandy décadent. Il avait compris que le public, obnubilé par les digressions instrumentales du hard rock et du prog, n’était pas encore prêt à subir ses histoires sordides sur fond de mélodies voluptueuses.

En 1973 , les dieux de la pop se nomment Black Sabbath , Led Zeppelin , et Deep Purple , et il fallait jouer aussi fort qu’eux pour se faire entendre. Lou va leur donner ce qu’ils veulent, après avoir promu Dick Wagner et Steve Hunter au rang de héro hard glam. Aminci par la drogue , le chanteur ressemble à un mix entre un personnage de Burroughs et Ziggy Stardust.

Son image marque ainsi une génération vouée au culte de l’artificiel et du narcissisme. Andy Warhol avait prouvé qu’une boite de conserve pouvait être une œuvre d’art, Lou allait beaucoup plus loin en annonçant que tout le monde pouvait l’être.

Une horde de jeunes imiterait bientôt ce style outrageant, profitant de son insouciance avant que « le Dandy ne meure sous les coups de boutoir du réel », comme disait ce cher Eudeline. Backstage , Lou n’est qu’un junkie pathétique , et il n’est pas rare de voir ses deux guitaristes le porter jusqu’à la scène. Là, la lumière des projecteurs agit comme la foudre sur le corps de ce frankenshtein rock , qui se voit soudain doté d’une aura impressionnante.

Columbia lui ayant forcé la main, afin de rattraper le naufrage de Berlin, Reed réduira ce live à un énième bourbier heavy rock. Au-delà du fait qu’aucun enfant de Led Zeppelin n’a su écrire des rimes aussi évocatrices que celles d’heroin , le jeu de ses deux émissaires est bien plus fin que celui des Iommi , Blackmore, et autres tacherons chevelus.

Pour ouvrir rock n roll animal , Steve Hunter compose une longue introduction instrumentale , sorte de boogie mécanique ouvrant la voie à un sweet jane métamorphosé. Dick Wagner offre une leçon de retenue aux hard rockers, leur réapprenant le gout du riff carré, du solo qui ne se perd pas dans des digressions interminables.  

Entre leurs mains , le chaos froid de « white light white heat » devient un brûlot fédérateur , où la guitare slide vient défier Duane Allman pendant quelques précieuses secondes. Issu de loaded , « rock n roll » n’a jamais si bien porté son nom , ses solos étincelants s’apparentant aux exploits classieux de Mick Ronson. Et puis il y’a heroin , froide observation des émotions successives d’un junkie, transformé ici en péplum rock.

Les stones avaient suivi cette voie provocatrice avec sister morphine , et il était temps que le poète de New York reprenne son trône de roi décadent. Cette version est un grand blues industriel, les solos déchirant la mélodie comme autant de transes narcotiques.

Comble de l’ironie, « lady day » voit tout le public communier devant la pièce maitresse d’un grand disque qu’elle a massivement rejeté. Et c’est là que se trouve justement le génie de rock n roll animal. Lou Reed s’y approprie le son de son époque pour imposer ses récits sombres.

Bien sûr, le disque sera un succès, un des rares albums où les ambitions commerciales et artistiques sont réconciliées. Lou Reed a beau avoir les même préoccupations, son histoire s’achève mieux que celle de Claude Lantier*.

·         Le peintre- Zola        

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