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samedi 30 novembre 2019

STEREOLAB : Cobra and Phases Group Play Voltage in the Milky Night (1999)

Formation :

Laetitia Sadier
Tim Gane
Mary Hansen
Simon Johns
Morgane Lhote
Andy Ramsay


Stéreolab est un groupe franco-britannique fondé au début des années 90 par Laetitia Sadier (et oui une française) et Tim Gane, anglais.
Groupe inclassable, unique, attachant, imprévisible, déroutant et atypique par excellence, quasiment insaisissable et définitivement hors des modes et hors du temps ; c'est pour cela que j'aime Stereolab même si tous leurs albums ne sont pas toujours au niveau où leur potentiel devrait les porter.

Stereolab a été catalogué au fil des albums : pop, pop 60's, pop psychédélique, progressif, easy listening, post rock, expérimental, musique avant-gardiste, électro, art rock, krautrock, variété, pop alternative, space rock, musique planante, musique électronique etc etc avec quelques influences de musique latino et même jazzy sur quelques titres. Sur Sens critique un internaute a proposé le terme de krautpop et effectivement je trouve que cela colle très bien.


Le groupe a l'art d'utiliser des instruments tels le xylophone ou le vibraphone à la sauce 60's rendant le tout à la fois vintage et moderne.
Dans un album, et c'est vrai ici, les influences et atmosphères sont multiples et c'est ça qui fait le charme du groupe car Stereolab a l'art du contre-pied bien que la base musicale de chaque album soit plus ou moins la même.
Stereolab a notamment l'art de procéder par « boucles » répétitives d'où d'une affiliation évidente avec le krautrock.
Autant j'avais été déçu par « Dots and loops » autant sur « Cobra and phases group play voltage in the milky night » leur sixième album l'alchimie prend mieux.
Pour moi on a affaire ici au meilleur album du groupe (devant « Emperor Tomato Ketchup » et « Mars audiac quintet » ; « Transient Random-Noise Bursts With Announcements » ayant également quelques qualités) ; c'est plus diversifié, les compositions sont plus recherchées et de meilleure qualité.


Il faut dire aussi que le groupe est un véritable stakhanoviste de l'enregistrement : une discographie longue comme le bras, plus de 10 albums en 15 ans de carrière sans compter les EP's, les remix et les compilations.
En général Stereolab n'est pas facile à appréhender car leur musique est à la fois simple et complexe mais « Cobra » est malgré tout plus accessible (même s'il reste déroutant à bien égard). Tout en restant iconoclaste, diversifié et surprenant !!
Comme à chaque album l'ambiance est vraiment unique et surprenante mais malheureusement comme souvent les morceaux sont de valeurs inégales, le groupe veut trop en faire, c'est un peu trop long et il y a du déchet (alors qu'en prenant les 10 meilleurs titres on aurait un album FA-BU-LEUX!! ). Dommage mais comme je l'ai dit plus haut Stereolab a beaucoup enregistré, peut-être trop, donc avec de la qualité forcément variable...


Cela débute par « Fuses » morceau jazzy avec cuivres et xylophone/vibraphone puis « People do it all the time » musique estampillée science fiction planante avec toujours des mélodies et des choeurs remarquables (le groupe, toujours emmené par l'emblématique et discrète Laetitia Sadier, est maître dans l'art de superposer et de mélanger les voix).
« The free design » un des meilleurs titres de « Cobra » , rythme salsa latino, sublime.
« Blips drips and strips » et « Infinity girl » encore un xylophone/vibraphone remarquablement utilisé et toujours ces voix et ces mélodies qui font mouches, des mélodies tout en finesse, tout en douceur mais appuyées par une musique impeccable.
« Italian shoes continuum » ambiance SF space pop on se croirait dans une série de SF des 60's.
« Oh hop detonation » l'autre morceau phare, rythmique entraînante et envoûtante (le genre de titre plus accessible enregistré par Stereolab). Celui dont la mélodie vous reste dans la tête un certain temps.


La deuxième partie est moins bonne.
« Puncture in the radax permutation » est plutôt réussi avec son final plein de violons.
« Blue milk » titre expérimental et hypnotique, plus que correct , j'aime bien.
Par contre « Velvet water » tout comme « The spiracles » sont à oublier, plus sirupeux, trop mièvre, trop mou !! C'est le côté» négatif de Stereolab ces petites « chansonnettes » sans grand intérêt.
Donc pour récapituler les meilleurs titres sont « The free design » et « Oh hop detonation » puis juste derrière « Blips drips and strips, « Infinity girl » et encore « People do it all the time ».
Au final beaucoup d'ambiances assez uniques et spéciales, une musique assez improbable, beaucoup de trouvailles vocales (en pop rock se sont souvent les groupes féminins ou à chanteuse qui innovent le plus dans ce domaine et Stereolab en est encore un exemple), une pop hors du temps, hors des modes, hors des normes, un album plus complet que « EmperorTomato Ketchup » (le disque le plus accessible du groupe et que beaucoup considèrent comme leur meilleur), « Mars Audiac Quintet» ou « Dots or loops ».
Même si Stereolab n'est pas facile d'accès et qu'il faut souvent écouter plusieurs fois avant d'apprécier j'adore ce groupe car il joue une musique pop d'apparence simple et entraînante mais qui se révèle d'une grande subtilité (malgré des défauts), musique qui prend sa pleine valeur sur scène où les improvisations et digressions musicales font merveille (à voir absolument live).


En tout cas il faut absolument avoir écouter Stereolab au moins une fois dans sa vie et ce « Cobra » est un bon compromis entre le côté expérimental du groupe et son côté plus accessible. L'album plus abouti et le plus complet aussi.
Je mets sans hésiter une bonne note pour les temps forts et pour l'originalité de l'ensemble (et malgré les quelques temps faibles)
Et n'oublions pas que Stereolab est assurément l'un des groupes les plus excitants de ces 30 dernières années (et qui vient de se reformer en 2019 pour des concerts après près de 15 ans d'absence).



The White Stripes : Under Great Northern Lights


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D’abord tourné vers une carrière de prêtre, Jack White a découvert la musique comme Jeanne D'arc découvrit sa foi. Amoureux du blues originel, il apprenait une leçon essentielle : less is more. Les débuts sont difficiles et, bien que la scène de Détroit entre de nouveau en ébullition, rares sont les musiciens du coin qui puissent vivre de leur art.

Alors Jack se débrouille, et arrondit ses fins de mois en restaurant des vieux meubles, un métier qui lui apprend le goût du bel ouvrage. D’une certaine façon, c’est un homme pétri de valeur qui semble disparaitre, et son amour de l’authenticité, de la patience menant à la perfection, et d’une certaine simplicité, ne pouvait qu’en faire la coqueluche d’une nouvelle vague de rockers.

Car, si ils eurent une carrière extrêmement courte , the go fut un condensé de ce souffre musical qui renaissait dans la motor city. Ecoutez watcha doin , le premier et seul réel album de la formation , et vous comprendrez que Jack White a annoncé le renouveau du rock bien avant les strokes.

The go devait une bonne part de sa puissance de feu à la verve soliste d’un Jack tombé très jeune dans le chaudron stoogien , et qui dépoussière les formules incandescentes de ses héros sur un disque magnifiquement crade. Watcha doin était trop rugueux pour séduire le grand public, il avait la puissance sans calcul de fun house et kick out the jams , des albums qui ne pouvaient se vendre qu’au milieu du brasier seventies.

Mais Jack White menait déjà un projet parallèle, un groupe de deux musiciens qu’il comptait bien mener au sommet. Alors, quand son manager lui rappelle la clause d’exclusivité qui le lie à the go, il n’hésite pas une seconde à quitter un groupe dont il ne parvenait pas à prendre le contrôle.

Oui , Jack White voulait avoir un contrôle total sur son œuvre , et la docile Meg White ne risquait pas de lui opposer la même résistance que le quartet de Detroit. La suite on la connait, un premier album dès plus rugueux transforme les White Stripes en coqueluche d’un nouvel underground , avant que le groupe n’accède aux sommets suite à la sortie de « White blood cell » et « elephant ». 

Mais Meg White supporte mal les concerts devant des foules impressionnantes, et l’énorme popularité des White Stripes. Victime de crises d’angoisse , elle pousse le groupe à se séparer après la sortie de « Icky Thump » , un disque foisonnant qui clôt une carrière exemplaire.

Issu de la dernière tournée du duo , « under white northern light » finit d’imposer les rayures blanches dans la longue mythologie rock . Tout groupe qui se respecte impose son statut sur scène, c’est ce qui permit aux stones de se maintenir malgré une production discographique de plus en plus calamiteuse, et c’est ce qui fit la grandeur des gangs les plus vénérés.

Dans le grand nord canadien, Jack et Meg viennent promouvoir le culte d’Elmore James , et de toute cette musique dépouillée qui vous secoue les tripes. Dès l’ouverture sur le riff primitif de let’s shake hands , le groupe réveille notre cerveau reptilien à grands coups de rythmes primitifs.

On a beaucoup moqué le jeu de Meg White , en rappelant qu’elle savait à peine manier sa batterie lorsque le groupe fut créé. Mais c’est justement cette innocence que Jack White cherchait désespérément, cette simplicité donnant encore plus d’impact à ses riffs où se croisent l’influence des stooges et de led zepp.

Il faut bien comprendre que, de Cobain à lui, tout ce que le rock compte d’excitant fut construit pour balayer les finesses artificielles des eighties. Nirvana , Metallica , Guns N rose et les White stripes menaient le même combat pour un retour à une certaine férocité directe , même si leurs influences sont bien sûr très différentes.

Pour en revenir à ce live, c’est tout simplement la plus pure expression de ce que les white stripes font depuis dix ans, c’est-à-dire décupler le chaos sonore initié par le premier disque de the go. Black math et when I hear my name sont de véritables boogie sous hormone, avec un riff lourd comme un coït de mammouth .

Déshabillé devant une foule déchaînée, le blues n’a jamais été aussi poignant que sur les lamentations suaves de « Jolene » , aussi vibrant que « I just don’t know what to do with myself » , alors que « balls of biscuit » pourrait rivaliser avec les plus grands jungle beats de John Lee Hoocker.

Les white stripes sont passés maîtres dans cette virtuosité minimaliste, que les black keys et royal blood ne feront que parodier. Alors, quand seven nation army résonne plus violemment que jamais dans la salle Canadienne , il s’impose comme le dernier soupir d’un géant déclinant.

Après cela, Jack White ne pourra que passer à autre chose. L’avant-gardiste prenant alors la place du rocker sauvage, pour une deuxième partie de carrière, qui ne tentera jamais de rivaliser avec cette force minimaliste.      

    

jeudi 21 novembre 2019

The ramones : Gabba Gabba Hey : épisode 2


Rocket to russia

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Seul contre tous , voilà comment on peut encore résumer le statut des ramones lors de la sortie de ce disque. Les critiques qualifient leur musique de « son de dix milles chasses d’eau » , les radios refusent de passer leurs titres , et les disques ne se vendent pas.

Ceux-là n’ont pas encore compris que le génie des ramones est progressif, le groupe monte en puissance par paliers, comme un missile en plein décollage. Rocket to russia est justement le titre de ce dernier manifeste en trois accords, et le chemin parcouru en un an est encore une fois impressionnant.

A l’époque , le groupe tourne encore sans discontinuer et , si la cadence infernale qu’il s’inflige lui permet de progresser rapidement , elle met les nerfs des musiciens à rude épreuve. Quant Joey chante « I wanna be well » , il exprime autant ses propres névroses que les tensions qui commence à frapper son groupe.

Celles-ci nourrissent encore des riffs qui n’ont jamais été aussi incisifs que sur cretin hop et rockaway beach, alors que le groupe commence paradoxalement à révéler une certaine finesse minimaliste. Des embryons de mélodies commencent à pointer timidement leur nez , comme sur locket love et I don’t care , et leurs mélodies qui s’impriment dans notre mémoire comme des parodies de slogans révolutionnaires.

Et puis il y’a « surfin bird » et « we’re an happy family » , rock cartonneuse qui semblent joués par des personnages de tex avery. Encore une fois, le disque ne se vend pas, et la critique ira jusqu’à prendre ce gang de dadaiste punk pour des fafs , après les avoir entendu chanter « je suis un béret vert au vietnam ».

« Nous étions trop innocents » déclarera Joey , on lui répondra que c’est bien là que se situe leur grandeur. La politique, les ramones s’en foutent comme de leurs premiers diabolos menthe. Leur truc c’est le rock, le vrai , celui qui sera toujours le cri rageur de ceux « qui ont la fureur de vivre, de parler, qui veulent jouir de tout, qui jamais ne baillent ni ne disent une banalité, mais qui brûlent, brûlent, brûlent, comme une chandelle dans la nuit."*

Et pour eux, la vie est un combat dont les ramones ont fourni la bande son.


Road to ruin

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Des morceaux de plus de trois minutes , des solos certes minimalistes mais bien présents, le tout sur un album dépassant allégrement la demie-heure syndicale. Road to ruin est clairement l’album qui marque une nouvelle ère pour les ramones.

En amélioration constante depuis son premier brouillon libérateur, la fausse fratrie new yorkaise livre ici son disque le plus équilibré. Fini les riffs sonnants comme des tronçonneuses prêtes à déchiqueter toute notion de virtuosité rock , Johnny développe désormais son propre feeling. Et réussit désormais à varier les registres.

I just want to have somethin to do sonne comme une version punk des premiers led zeppelin , le guitariste ayant appris à laisser respirer ses décharges rythmiques, afin d'en décupler l’effet. On trouve toujours notre lot de rythmiques foudroyantes, comme bad brain ,ou i’m against it, mais la production ample s’éloigne du son tranchant des premiers disques.

Road to ruin n’est plus un pavé primitif, c’est un véritable album varié et travaillé. Le groupe réclame une reconnaissance qui tarde à venir, la ballade acoustique « don’t come close » s’alliant à la classieuse reprise de « needles and pins », et à la mélodie réconfortante de « questionengly », pour tenter d’imposer les ramones au sommet des ventes. Ajoutez à cela les progrès vocaux d’un Joey Ramones qui ne se contente plus de crier dans le micro, et vous obtenez le disque le plus abouti des marginaux américains.

Road to ruin est le plus parfait équilibre entre les ambitions commerciales du quartet , et sa rage juvénile, leur sergent pepper en quelque sorte. Mais, malheureusement, le succès ne sera toujours pas au rendez-vous, obligeant le groupe à poursuivre le rythme infernal de ses tournées.

Lassé de cette cadence, Tommy Ramones jette l’éponge à la fin des sessions d’enregistrement. Pour le remplacer, les ramones recrutent Marc Bells , qui est surtout connu pour avoir participé à l’enregistrement de blank generation des vodoids.

Une page se tourne, mais la prochaine n’est pas moins passionnante.

End of the century

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Parler de End of the century , c’est rejouer l’éternel combat entre les pros et les antis Spectors. Si son Wall of sound a inspiré Springsteen lors de l’élaboration du lumineux born to run , le boss ne devait sa réussite qu’à un équilibre que le cinglé pop serait bien incapable de reproduire.
                                                                                                                                                       
Ancêtre de la compression, qui transforme toute musique en glaviot informe, sa technique d’enregistrement se résume à une fange sirupeuse qui engloutit même le génie des beatles.  Pourtant, l’incompréhension autour de cet album est autant lié à l’erreur de jugement des rares fans des ramones qu’aux bourdes Spectoriennes.

Avant d’être des punk, les ramones étaient de grands fans des beatles et de la pop de la grande époque . Leurs racines sont là , dans ses refrains innocents et légers qui firent le succès des premiers titres des grands groupes de pop anglaise. C’est d’ailleurs pour cela que Spector choisit de commettre son prochain forfait sur les new yorkais, il avait compris que gabba gabba hey était l’équivalent moderne de « da doo ron ron ». Et, contre toute attente, la sauce va en partie prendre, end of the century s’affirmant comme un des rares disques du producteur qui ne donne pas envie de balancer sa platine par la fenêtre. 

L’enregistrement , lui , fut un enfer , le producteur se conduisant comme un véritable dictateur , usant de tous les moyens pour faire répéter le groupe, jusqu’à trouver la formule collant à ses idées foireuses. Ne se promenant jamais sans son arme, le docteur Jekyll des studios va jusqu’à pointer son pétard sur Dee Dee, pour l’obliger à recommencer ses parties de basse.

A la fin, l’expérience ne laissera de bons souvenirs à personne, et donnera naissance à un disque étonnant sans être brillant. Même si la rencontre entre le wall of sound et le wall of noise produit son lot de moments d’anthologie.

Les Ramones semblent transportés au milieu des sixties , l’annonce ouvrant l’album semble d’ailleurs tout droit sortie d’un vieux transistor. Voilà donc nos ramones balançant leurs refrains punks dans un décor vintage, Joey chantant « it’s the end of the seventies , it’s the end of the century » au milieu d’une production grandiloquente que n’aurait pas renié les groupes les plus raffinés.

Cette première partie n’est pas une compromission, c’est une révélation, les ramones renaissent grâce à ce son ample et plein d’écho qui fit le bonheur de John Lennon. Les premiers titres sont des réussites, les ramones se contentant de poursuivre les progrès effectués sur road to ruin, pendant que Spector ne fait qu’en souligner la simplicité pop. Classique du groupe de Dee Dee Ramone , Chinese rock montre un Spector qui a enfin compris qu’il n’était qu’un humble artisan chargé de mettre en valeur ses nouveaux protégés.

Et puis l’égo de l’escroc Spector reprend le dessus, et l’incite à répéter sur « baby i love you » le crime qu’il avait déjà commis sur « the long and winding road », les violons effectuant un travail de sape écœurant.

Le reste de la seconde face est du même niveau, montrant ainsi que le mur du son et le mur du bruit ne cohabitent pas, ils se succèdent. Spector s’est réservé la seconde face, détruisant ainsi tout ce que le groupe avait réussi sur la première , et si les ramones parviennent à reprendre la main sur « rock n roll higt school », c’est sans doute grâce à une négligence de ce terroriste du son.

Au final , on obtient une demie réussite , un disque frustrant et massacré par le plus grand tartuffe de l’histoire du rock.


Pleasant dreams

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D’une certaine façon, Spector a tenu ses promesses avec end of the century. Sans doute boosté par la réputation surfaite du producteur, le disque devient vite le plus vendu du groupe. Les chiffres restent toutefois modestes, et couvrent à peine les frais d’enregistrement. Mais surtout, les fans de la première heure voient d’un mauvais œil cette main tendue au grand public, et sa participation à un ridicule film de série B.

Pendant ce temps, le punk commence déjà à s’essouffler. Avec Sandinista , les clash ont signé leur arrêt de mort , en produisant un triple album cacophonique et inécoutable en une fois. Vulgairement appelé new wave , les restes du punk survivent difficilement à travers les quelques pépites d’Elvis Costello et des Jam, pendant que blondie , Patti Smith , et les stranglers se noient dans les méandres de la pop synthétique.

Pleasant dreams sort donc au milieu de ce vide, et obtiendra le même mépris que ses prédécesseurs. Pour les fans , Spector a tué les ramones , et la production très pop de pleasant dreams ne fait que confirmer leur sentiment. L’homme était pourtant une étape logique dans le parcours d’un groupe qui n’a cessé de s’affiner, mais les ramones resteront toujours prisonnier de l’image de gentils sauvages qu’on leur a collé.
                                                               
Si il durcit le ton , la critique fustige sa violence primaire , alors que toute touche pop est vue comme une trahison par les fans, laissant le groupe coincé entre le marteau et l’enclume. Pleasant dreams est pourtant un bouillonant manifeste pop punk , we want the airwave s’affirmant comme le nouvel hymne rageur d’un groupe qui s’est toujours vu comme le sauveur du rock. Et d’hymnes , ce disque n’en manque pas. The KKK took my baby away botte le cul de la pop , pendant que le groupe pose des bases que les punk rockers ne feront que copier sur «  sitting in my room » , « this business is killing me » , et autres perles juvéniles.    

Au final , si les ramones ont sans doute accentué leur coté pop, pour échapper à la déchéance de la vague punk , ils sont les seuls à le faire en gardant une telle énergie. Non, Spector n’a pas tué les ramones , le groupe a juste digéré ses enseignements, pour les soumettre à grands coups d’hymnes punk rock .  

    

    

mercredi 20 novembre 2019

SCORPIONS : In Trance (1975)

Formation

Klaus Meine : chant
Rudolf Schenker : guitare
Uli Roth : guitare, chant
Francis Bucholtz : basse
Rudy Lenners : batterie




On peut dire que Scorpions revient de loin ; après l'échec de leur premier album « Lonesome crow » (plutôt dans un genre rock psychédélique mais loin d'être une réussite, un album atypique dans la carrière du groupe) Scorpions explose et seuls restent Klaus Meine et Rudolf Schenker ; coup de chance ils proposent à Uli Roth(grand fan de Hendrix devant l'éternel) et d'autres musiciens d'un autre obscur groupe allemand Down Road de se joindre à eux et c'est reparti...pour la carrière qu'on connait.

Avec sa nouvelle formation Scorpions amorce sa métamporphose d'un rock planant/psychédélique vers un rock hendrixien mélé de ballades et de hard rock 70's.
Et en effet après des années de galère la formation peut enfin se stabiliser : le brillant Michael Schenker est parti chez UFO mais il a été remplacé par un autre brillant guitariste (dans un style différent) Uli Roth et Scorpions peut dès lors vraiment dès lors prendre son envol définitif. D'ailleurs dans les années 70 le parallèle qu'on peut faire entre les carrières de Scorpions et de UFO est assez étonnant.
« In trance » est le troisième album de Scorpions (et premier produit par Dieter Dierks leur producteur fétiche) qui augmente le niveau disque après disque, et là on gravit encore une grande marche par rapport à « Fly to the rainbow » déjà plein de promesses mais avec encore pas mal de défauts.
Pour moi avec « In Trance » c'est le début de la grande époque de Scorpions, l'âge d'or créatif du groupe (1975-1980).


Je le place dans le top 4 du groupe avec « Virgin Killer », « Blackout » et « Lovedrive «  même s'il est avant tout un disque de transition entre le début planant et psychédélique de Scorpions (hendrixien) et les albums plus hard à venir (« Virgin killer » et « Taken by force »).
« In trance » est très diversifié, avec de très bons morceaux, quelques classiques du Scorpions 70's « Dark lady », « In trance », « Robot man ». Le duo R.Schenker / U.Roth fonctionne bien.
Ce dernier montre qu'il est un grand guitariste (mais un piètre chanteur, heureusement il ne chante que sur deux titres ; sur « Dark Lady » passe encore mais sur « Sun in my hand » c'est horrible).


On trouve déjà des balades de qualité « Life's like a river » (magnifique) , « Living and dying » (sublime) et « Evening wind ». Oubliez les slows sirupeux des années 80 et écouter les ballades de « In Trance » largement supérieures.
Trois perles auxquelles on peut rajouter « In trance » (le morceau), quatrième titre cool, mi ballade mi morceau hard.
« Top of the bill » me plaît moins avec une guitare qui vous électrifie mais où malheureusement Meine force trop sa voix.
Pour le reste il montre qu'il est l'un des plus grands chanteurs du hard toute période confondue.


Sur cet album le groupe digère relativement bien ses sources d'inspiration : hard rock classique, rock planant et influences hendrixiennes, sans oublier évidemment les ballades . Une alchimie déjà bien en place.
Hormis « Robot man » on constate que c'est sur les titres cool que le groupe est le plus à l'aise même si « Dark lady » qui ouvre l'album est plutôt intéressant.
On finit par un instrumental correct sans plus « Nights lights »
Du très bon mais aussi un peu moins bon, un album plein de qualités mais un peu trop inégal. Dommage mais la balance est néanmoins largement positive.


dimanche 17 novembre 2019

The Ramones : Gabba Gabba Hey : épisode 1


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Attention, cet article est un plaidoyer à la gloire de la simplicité, une tomate envoyée à la figure de ceux qui oublièrent que le rock est avant tout un cri primaire. En un mot comme en mille, c’est un manifeste pour réhabiliter la foisonnante discographie d’un groupe qui fit tant, avec seulement 3 accords. Sur ce, lançons notre cri de guerre et entrons dans la légende : Gabba Gabba Hey !

La jeunesse des ramones semble tirée d’une chanson de Lou Reed , avec ses dealers attendant leurs dûs aux coins des rues , et ses couples dysfonctionnels créant leurs propres purgatoires. Johnny et Dee Dee venaient de ses bas-fonds new yorkais , et Dee Dee a connu la « fièvre blanche » dès ses quinze ans , afin d’oublier les délires d’une mère déséquilibrée et d’un père alcoolique.  Johnny n’est pas issu d’un milieu plus reluisant, et copiera vite le tempérament autoritaire d’un père qui n’hésite pas lui demandé « alors j’ai élevé une fiotte ? » à la moindre de ses défaillances.

Cet environnement particulièrement dur va forger le caractère agressif de Johnny, qui trouve vite en Dee Dee un compagnon de misère. Avec sa coupe au bol et son air paumé, Dee Dee ressemble à un fan des beatles perdu dans un roman de Burrough , alors que Johnny développe une rage qui force naturellement le respect.

Ce parcours erratique, les amènes à croiser la route de Tommy et Joey, comme si leur air paumé les avaient prédestiné à créer un groupe. Fondateur du gang , Tommy dira lui-même que personne n’aurait parié un kopec sur cette bande de marginaux , qui joue en public avant même de maitriser leur instrument.

Après plusieurs tâtonnements, les rôles se définissent, Dee Dee découvre « qu’il y’a un do sur cette putain de basse » , et Joey s’affirme comme le digne frontman de ce gang de marginaux. Ayant frôlé l’hôpital psychiatrique, après qu’on lui eut diagnostiqué une « schizophrénie paranoïaque, il se nourrira de cette expérience pour chanter les classiques délirants qui jalonneront l’histoire du groupe.

Le rock est la seule bouée de sauvetage des Ramones , le seul milieu susceptible de leur donner une place, et ils s’y jettent comme si leur vie en dépendaient . D’abord tiraillé entre un chanteur et un bassiste obnubilés par les beatles , et un guitariste vénérant la violence led zepplinienne , tout ce petit monde se met d’accord en découvrant le premier album des New York Dolls.

Véritable chainon manquant entre la simplicité des premiers beatles et la violence crue de led zepp, le groupe de Johnny Thunder montre la voie d’une agressivité sonore libérée de toutes préoccupations musicales.   
                                                                                                                               
Tout le monde peut le faire ! Voilà le message des Dolls , message que les ramones vont propager à un rythme infernal. D’abord catastrophique, leurs concerts prennent progressivement la forme de bombardements libérateurs , où les faux frères New Yorkais prennent à peine le temps de s’arrêter entre les titres.
                                      
Johnny résumera cette philosophie de manière un peu pompeuse en affirmant «  le rock se mourrait et nous voulions le sauver ». C’est que le rock commençait à sérieusement se regarder le nombril, se prenant lamentablement au sérieux à travers ses instrumentaux interminables , ses solos vertigineux , et ses concepts élitistes. Quand Dee Dee hurle « one , two, tree, four » , c’est plus pour annoncer une nouvelle salve contre cet académisme d’opérette, que pour fixer la mesure de titres souvent calqués sur la même cadence.   

Le groupe devient rapidement la coqueluche du CBGB ,un  club bluegrass sur le déclin, qui se refait une santé en devenant le haut lieu de l’underground Américain. Entre ses murs , les Iggy Pop , blondie , Patti Smith et la crème du nihilisme rock écrit les premières pages de sa légende. C’est aussi là que, subjugué par l’énergie des faux frères ramonseques , Mclaren trouve le dernier élément de son plan de conquête des charts : il se nommera sex pistols.

On retiendra aussi cette phrase lancée par Joey à Joe Strummer « Nous sommes nuls. Si tu attends d’être bon pour former un groupe, tu seras trop vieux quand ça arrivera ». En 1976, Danny Fields, l’homme qui découvrit le MC5 et les stooges , invite ces « nuls » à enregistrer leur premier album.
La cartoo… Euh la légende peut commencer.

Ramones

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Premier journaliste français ayant chroniqué ce disque , Philippe Manœuvre réussit au moins à résumer l’incompréhension , voire le mépris , dont le groupe sera victime tout au long de sa carrière .
« On avait besoin de nouveaux stooges , pas de mecs avec des T shirts mickeys » déclare t’il quelques années plus tard.

Les ramones ne faisaient pourtant que perpétuer le message du groupe d’Iggy Pop , en le radicalisant. « search and destroy » et « blitzkrieg bop » sont fait du même bois , ils rendent aux gamins une musique confisquée par les expérimentations prétentieuses des dinosaures de stades.

Fini les solos à rallonge , les instrumentaux se perdant dans des délires alambiqués , ce premier album se résume à quinze parpaings pop ne dépassant jamais les 3 minutes. Trois accords , trois phrases , trois minutes , voilà la sainte trinité promue par les ramones , et servit par une production ultra minimaliste.

« Now I wanna sniff some glue » donnera son nom au magazine emblématique de la scène punk , qui passera une bonne partie de son existence à défendre vaillamment la verve ramonesque. Récités comme des mantras , les refrains entétants de « 53 rd » , « blitzkrieg bop » , et autres « sheena is a punk » viennent nettoyer le rock de la boue complaisante dans laquelle il s’était englué.

Mal vendu , descendu par la critique , « ramones » deviendra tout de même le disque underground le plus influent depuis le premier velvet.


Leave Home

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« Résumons nous : Les ramones représentent une partie infime de cette énergie que les stooges ont canalisé au péril de leurs vies, avec une maestra bien connue. »
Non , Monsieur Manœuvre , les ramones n’étaient pas un simple coup tenté par un manager aux dents longues.

Leur nihilisme,  les ramones le font survivre grâce au rythme infernal de leurs tournées comme les stooges avant eux. Là , leurs riffs deviennent moins mécaniques , les mélodies plus fluides, mais la simplicité reste. Le message est le même , « carbonna not glue » s’incrivant dans le même sillon décadent que sniff some glue, dans une série qui ressemble à une version minimaliste d’heroin.

La seule différence majeure entre ce disque et le précèdent, c’est que Johnny Ramones n’a plus l’air de tenir une guitare pour la première fois de sa vie. Plus carré , les refrain s’imposent comme une version sous speed de la pop sixties, « now i wanna be a god boy » bénéficiant d’un refrain taillé pour devenir aussi culte que « all you need is love », avant que les chœurs ne fassent leurs  apparitions sur swallow my pride. Avec les bruitages pop de beach boys de cartoon , ils montrent le besoin de reconnaissance d’un groupe qui commence à draguer le grand public.    


vendredi 15 novembre 2019

Mott The Hoople : Wildlife


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Depuis 1969 , et alors que mott the hoople ne parvient toujours pas à obtenir un large succès , la country est devenue la nouvelle grande préoccupation de l’époque. S’il est admis que le chaos d’Altamont signa la fin du rêve hippie, cette mort est actée musicalement par ce changement pour le moins radical.

Le psychédelisme était une musique révolutionnaire, aventureuse , et ayant pour ambition d’exprimer ce désir de liberté , et de changement, qu’illustrait brillamment Kerouac dans les pages de « sur la route ». La country, elle, était une musique traditionnelle, une musique de pionnier. Pendant des années, les deux cultures étaient bien séparées, les disquaires marquant les disques de Muddy Water et John Lee Hoocker du sceau de « race record ».

Si le rock est devenu si important, c’est avant tout parce qu’il a su marier deux influences qui exprimaient les mêmes idéaux. La country, comme le folk n’étaient rien d’autre qu’un « blues de blanc », et ce n’est pas pour rien que la voix rocailleuse de Cash semblait parfois proche des grands bluesmens (écoutez sa version de rusty cage et le live à San Quentin si vous en doutez).

En somme, après des années passés à planer sous l’effet du LSD , les groupes de San Francisco atterrissaient et redécouvraient le charme des mélodies rustiques. Berceau du mouvement psyché, la ville devenait désormais le centre de ce retour à la terre.

A l’origine de ce changement, il y’a celui qui fut toujours le guide de ces jeunes freaks, Bob Dylan. Démarré dès 1967, son virage country a d’abord dégouté le public hippie, qui réévaluera l’album « John Whesley Hardin » après que ses héros creusent le même sillon.  

Parmi les chefs d’œuvres ayant converti ces hippies , on trouve le premier album que d’ex airplane produisirent sous le nom de hot tuna , workinman’s dead , sweartheart of the rodeo , et wildlife… Enfin non, pour wildlife ce fut plus compliqué.

Le premier défaut de mott sera d’abord d’être anglais , à une époque où l’angleterre est bien loin des mélodies campagnardes de l’Amérique. L’Angleterre, c’est encore le hard rock, et les excès progressifs de groupes qui continuent de répondre à un géant psychédélique enterré. In the court of the crimson king et led zepp I , voilà encore les disques qui définissent la culture musicale anglaise lorsque wildlife sort , en 1970.

Dylanien à une époque ou Dylan perdait déjà progressivement son influence, et privé du soutien d’une scène qui s’épanouissait à plusieurs kilomètres , wildlife ne pouvait que confirmer la réputation de groupe maudit que le mott commence à se trainer.

Sur plusieurs mélodies, le groupe sonne presque comme le band, qui vient de sortir music from the big pink un peu plus d’un an auparavant. « wrong side of the river » est d’ailleurs doté d’une mélodie nostalgique que n’aurait pas renié le groupe de Robbie Robertson. Et je ne parle même pas de ses bluettes, où le clavier se fait plus solennel, soutenant des chœurs qui semblent parfois fouler les terrains balisés par Crosby Still et Nash.

Pour faire bonne mesure, le groupe ouvre l’album par le boogie « whiskey women » , avant de botter le cul d’Eddie Cochran sur un final redéfinissant le rock des pionniers. Comme je l’ai dit précédemment, le blues et la country ne sont que les deux faces d’une même pièce, et cette pièce se nomme rock n roll.     

        

lundi 11 novembre 2019

CRASS : Penis Envy (1981)


Formation :
Eve Libertine - chant
Joy De Vivre - chant sur "Health Surface", choeurs
Phil Free - guitare
B.A.Nana (N.A.Palmer) - guitare
Pete Wright - basse
Penny Rimbaud - batterie


« Penis Envy » est le troisième album de CRASS, le groupe fondateur de l'anarcho-punk, le groupe qui fonctionne comme un collectif. Pour commencer il faut bien avoir toujours en tête que dans ce courant musical la pochette et l’esthétisme en général (look, logo) et les textes (surtout les textes, qui ici sont engagés et intéressants) sont aussi importants voire plus que la musique. Le but étant ouvertement de faire passer un message politique, anarchiste et/ou pacifiste, de politiser les punks (en opposition par rapport aux punks uniquement dans un trip « destroy », « provocateurs » ou nihiliste et n’ayant aucune vision politique hormis de se revendiquer « anti-système »). De faire réfléchir. Le groupe s’en prend dès le départ à Clash, politisé certes, mais qui a signé chez le gros label CBS et les accuse de critiquer le capitalisme tout en signant sur une multinationale (cf morceau « Punk is dead » sur le premier LP), ce à quoi Clash rétorquera que cela permet d’avoir une audience et une portée beaucoup plus grandes, une meilleure visibilité (et de fait le London calling de Clash aura une audience plus importante que n’importe quel album de CRASS). Le débat n’est toujours pas résolu et reste ouvert (deux conceptions différentes de l’attitude à avoir face aux majors), malgré tout les faits montrent qu’au final c’est toujours la multinationale qui a le dernier mot (et très rares sont les groupes qui ont assez de poids pour ne pas faire de compromis). Toujours est-il que CRASS fidèle à ses idées créée son propre label, et le mouvement aura ses propres réseaux de distributions, ses propres réseaux de concerts (squats, centres autogérés) ses propres fanzines, les bases du DIY (do it yourself = le faire par soi-même) sont posées. CRASS dès ses débuts joue une musique basique, ultra primaire (notamment sur les deux premiers albums).

De prime abord, à la première écoute, c'est vrai que cela peut sembler très basique et primaire mais en écoutant plus attentivement on se rend compte qu'au delà de l'aspect minimaliste évident les compositions sont plus travaillées et mélodiques qu'elles n'y paraissent notamment sur « Where is Colombus ? » voire « Systematic death ».
Car musicalement parlant « Penis Envy » est le meilleur album du groupe », plus abouti que les deux précédents, le plus accessible aussi, avec les deux chanteuses au micro, Eve Libertine (la chanteuse principale), secondée de Joy de vivre (l’habituel chanteur de CRASS Steve Ignorant n’est donc pas présent sur cet album). J’ai d’ailleurs toujours trouvé que les voix féminines pouvaient amener des ambiances différentes au punk rock, quelque chose de plus, d’intéressant et là c’est clairement le cas avec un timbre de voix assez inhabituel pour l’époque (cf titre « Poison is a pretty pill »). On a beaucoup reproché à CRASS sa pauvreté musicale mais là le groupe s’est surpassé, c’est toujours minimaliste (mais ce punk minimaliste c'est aussi la marque de fabrique du collectif) mais ça tient parfaitement la route à tout point de vue. Oui CRASS sait jouer ! 

Le son, notamment des guitares, est assez typique des premiers groupes anarcho-punk anglais. Mais la voix atténue un peu le côté austère de l’ambiance générale. Sur cet album les textes, habituellement axés sur un pacifisme intransigeant et sur l’anarchisme, prennent ici une thématique plus féministe. Musicalement il y a vraiment de bonnes chansons, ma préférée étant « Where next Colombus ? » avec un refrain qui ne vous lâchera plus. Un très grand titre. Mais aussi « Bata motel », « Systematic death », « Poison is pretty pill » et “Berkertex bribe”. Et je ne vois que deux titres un peu faibles « What the fuck ? » (avec son texte récité) et « Our weeding ». En tout cas ce Penis Envy me réconcilie avec CRASS car j’avoue que musicalement parlant je ne suis pas trop fan du premier LP « The feeding of the 5000 » même s’il contient la plupart des standards du groupe.

Après la dissolution du groupe fondateur l’anarcho-punk verra quelques divergences apparaître entre ceux qui veulent rester sur la ligne anarcho-pacifiste de CRASS et d’autres qui auront une vision et une stratégie un peu différente (Conflict…), avec malgré tout une base et un cadre communs : le DIY… mais cela est une autre histoire et pour le moment ne boudons pas le plaisir d’écouter ce « Penis Envy » un classique de ce courant, plus important qu’il n’y paraît, mais souvent méconnu dans la mesure où l’intransigeance des groupes les confinait dans un (relatif) anonymat, alors que certains avaient un indéniable talent (Subhumans, Citizen Fish, Inner Terrestrials ou Oï Polloï…pour rester en Grande Bretagne).

Et puis si d'un point de vue strictement musical Clash est sans doute supérieur à CRASS ces derniers représentent l'autre facette, l'autre Histoire du mouvement punk, celle du Do it Yourself et celle de certains principes de fonctionnement non négociables.

Mott the hoople : Mad Shadow


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La plupart des groupes ne sont jamais aussi bons qu’à leur début, quand leurs riffs nourrissent le puissant brasier de leurs ambitions juvéniles. Mocky disait que, pour réussir, un artiste doit avoir faim, son art n’étant ainsi que l’expression de son désir de réussir. Cette vision peut paraitre un peu galvaudée, mais elle a guidé les plus belles années du rock.

Des groupes comme led zepp , les blue oyster cult, ou black sabbath étaient en mission pour imposer leurs visions, et passer devant la concurrence. Puis le commerce reprend ses droit, imposant une vision plus standardisée de ces groupes , ou les dirigeant vers des voies plus populaires.

Si ce n’est pas forcément le cas pour les groupes précédemment cités , cela explique qu’ACDC n’a jamais dépassé la puissance spontanée des albums produits par vanda et young, et je ne parle même pas des deux premiers aerosmith, qui valent bien la virtuosité sacralisée de « rock ».
                           
Pour mott the hoople , le constat est encore plus cruel. Ecouter les premiers disques du groupe, c’est se rendre compte que Bowie a sacrifié l’essence de leur charisme pour les livrer aux hordes de disciples de ziggy stardust. « all the young dude » est tout de même un très bon disque, mais il ne représentait plus la puissance de ce qui fut surtout une furieuse bande de rockers crasseux. Malheureusement, le public est lui-même buté, et ne donne du succès à un disque que si il s’insère dans la vague dominante.

 Le premier album de Mott ne devait son succès qu’au hard rock naissant, dans lequel ses riffs tonitruants semblaient s’insérer. L’album était brillant , mais le soufflet est vite retombé , laissant « mad shadows » sortir dans une indifférence unanime. Il faut dire que le disque n’a rien fait pour creuser le même sillon prometteur, le groupe ayant décidé d’affuter son feeling stonien.

En ce sens , « mad shadows » est une grandiose déclaration d’intention , un brasier rythm n blues au milieu duquel le groupe dynamite jumping jack flash des stones. Et puis il y’a les ballades comme « I can feel », où brille la voix inimitable de Ian Hunter. Là encore, ces ballades sont bien loins des douceurs pop de « all the young dude », la guitare sortant rapidement de son silence pour imposer un solo tout en puissance contenue.

Mott the hooples garde sa force, mais celle-ci est désormais plus maitrisée, comme si le grand bazar du premier album était mêlé au blues fascinant de beggar banquet, le disque que les stones ont sorti quelques mois auparavant.

Commercialement , ce virage va s’avérer désastreux , le rythm n blues de mad shadows paraissant bien poli à côté des grandes déflagrations que sont les premiers albums de black sabbath et led zeppelin.

Et ce n’est pas le final cataclysmique de thread of iron qui allait berner les disciples de la nouvelle religion heavy, qui avaient bien compris que ce disque était un nouveau brulot rythm n blues. Et c’est justement sa force , « mad shadows » affirme une nouvelle facette de la personnalité musicale de mott the hoople, en délivrant une énergie d’une nouvelle nature, incomprise de tous.

Y gouter c’est découvrir que, contrairement à ce qui est aujourd’hui admis, mott the hoople était bien meilleur sans Bowie.    
                                                                         

samedi 9 novembre 2019

Mott the hoople : mott the hoople


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On reproche toujours à la critique d’être cartésienne, de prétendre séparer le bon grain de l’ivraie, d’écrire un évangile rock qui, dans son appellation même,  est une aberration. La critique, au contraire, est saine parce qu’elle incite à la réflexion et au doute, qui resteront toujours de puissants remèdes contre le fanatisme.

Plus que croire, les fanatiques exigent que nous ne doutions pas, que nous prenions leurs opinions brutes et complètes. Le critique, lui, ne peut que douter, chaque disque lui ouvrant les portes d’une nouvelle vision de sa musique.
                                                                          
Quand le coffret mental train est sorti*, il n’a pas du s’en vendre beaucoup. Ceux qui achetaient encore des disques suivaient le plus souvent les conseils avisés des magazines, et des « discothèques rocks idéales » qui se multiplient sur les étals des libraires. Or, mott the hoople n’a jamais était la tasse de thé de la critique rock, qui fut juste forcée de reconnaitre son talent lorsque Bowie les aida à accoucher du superbe « all the young dude ».

Les plus aventureux y ajoutaient les plus rugueux « mott » , « the hoople », et le sulfureux live. La messe était ainsi dite, et on oubliait tous les passionnants tâtonnements qui précédèrent la sortie de ces albums. Car, avant que Bowie ne les convertisse à l’esthétique glam, Mott était un gang de sauvages maudits.

A ses débuts, le groupe trouve une rampe de lancement en Italie , où il déploie un rythm n blues d’une puissance à faire rougir les compagnons de Pete Townshend.  Une petite maison de disque s’intéresse rapidement au groupe, mais , si elle lui permet d’enregistrer ses premiers titres, elle ne parvient pas susciter l’intérêt des gros distributeurs que sont EMI et polydor.

Le groupe rentre donc à Londres , qu’il fait swinguer plusieurs années après le passage des who , stones et autres kinks.Là-bas , ceux qui se nommaient the shakedown sound sont renommés mott the hoople par leurs manager , et island record décide de sortir les albums de ce qui est alors un groupe prometteur.

Parait ensuite un disque qui est à mott the hoople ce que « john mayall and the bluesbreaker » fut pour Clapton , l’expression la plus pure de ce que les musiciens souhaitaient offrir. L’ouverture cueille le rock à froid, en faisant de « you really got me » un magma sonore, d’une puissance que même Van Halen ne parviendra à égaler quelques années plus tard.

Si il existe une version définitive du brulot des kinks , elle se trouve bien dans ce raffut instrumental , où les riffs fulgurants viennent gifler la concurrence proto hard rock. La plupart des critiques de l’époque prirent d’ailleurs ce disque pour une autre réponse aux riffs stridents des yardbirds , le condamnant ainsi à un succès éphémère.

D’autres, plus fins, lui reprochent cette hésitation entre mélodie Dylanesque et rugissement de rocker crasseux. Cette hésitation entre classe et spontanéité qui tiraillera le groupe tout au long de sa carrière , et qui s’exprime ici dans son plus simple appareil a même trouvé une étiquette pour la qualifier : garage rock.

Mais c’est vite oublier le travail du producteur Guy Stevens qui , tout juste sorti de la production du premier free, décide de mettre un peu d’ordre dans le grand foutoir produit par le groupe. Et, contrairement à Bowie, il ne fera rien d’autre, et se contentera de donner un feeling presque stonien à ces envolées juvéniles.

Comment résumer ce disque ? C’est les stones singeant les who , c’est Dylan déversant ses mélodies devant le clavier de Keith Emerson , c’est ce que le rock a de plus puissant tout en prenant le temps de soigner sa grâce pop.

« Wrath and roll » et « rock n roll queen » sont des riffs irrésistibles, dont le minimalisme est un véritable « fuck ! » envoyé aux enfants d’Hendrix, un rock carré et efficace que seul Keith Richard semblait encore capable de produire.

Juste avant , Ian Hunter s’était pris pour Dylan, annonçant les mélodies campagnardes de wildlife sur  « Laugh At Me » et « Backsliding Fearlessly » . Et puis le groupe a tout foutu en l’air , clôturant la mélodie grandiloquente de « laugh at me » dans un monumental chaos sonore, sans doute un des moments les plus rock capturé sur disque.

Ici , mott the hoople n’est pas seulement une formation tiraillée entre ses influences , c’est un réceptacle ardent, qui s’est imprégné de ce que le rock a produit de meilleur, et qui décide de le dégommer violement. Ian Hunter disait que Bowie voyait le groupe comme «  un gang de bikers maudit ». La malédiction réside surtout dans le fait que ce premier disque soit tombé dans l’oubli. 

*Coffret regroupant la période island de Mott , soit les quatre premiers disques, un live , et une compil de singles.