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mercredi 19 février 2020

Bob Dylan' dream : épisode 1

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Encore un groupe qui le largue, Robert Zimmerman commence vraiment à sentir le poids glacial du désespoir.  
Au début, il crut que ces abandons étaient dus à son allure hésitante, sa personnalité austère, et son amour de la littérature. Il n’avait ni la stature, ni le charisme animal qu’on colle généralement aux rock stars , et passait autant de temps à écrire des poèmes qu’à jouer de la guitare. Mais le problème était bien plus simple et, à chaque fois, un de ces gosses de riches venait lui piquer une formation qu’il s’était épuisé à réunir.

Les prétendants avaient des relations, leurs parents jouissaient du pouvoir corrupteur de l’argent, et les musiciens ne sont pas plus vertueux que la plupart des hommes. Les parents de Robert, eux, étaient tombés dans la précarité depuis que son père avait perdu son emploi. Les supérieurs se sont alors empressés de le virer. L’homme était diminué, et le grand capital n’est pas là pour faire la charité. Ayant rejoint la classe modeste du Minnesota, les parents de Robert toléraient ses rêves de gloire, tant que ses résultats scolaires restaient assez élevés pour accéder à l’université. Lieu où il pourrait se tourner vers des activités plus constructives.

Mais Robert sait que, si il s’est inscrit dans quelques cours, ce n’est que pour profiter encore un peu de cet instant de liberté, qui précède l’entrée de l’adolescent dans le monde terne des responsabilités.  Il avait ensuite découvert «  sur la route » , et sa vision de son avenir s’en était trouvé renforcée. Il ne sera jamais un salarié, partagé entre un boulot souvent abrutissant et une vie de famille bien réglée.

«  Quelque part sur le chemin je savais qu’il y’aurait des filles, des visions, tout, quoi ; quelque part sur le chemin on me tendrait la perle rare. »

Ces mots de Kerouac raisonnèrent comme une directive céleste, et le gosse du Minnesota partit conquérir le succès, armé de sa machine à écrire et d’une guitare acoustique.  Il en était encore à chanter le blues , lorsqu’une discussion de bar lui montra la voie. 

« Tu ne connais pas Guthrie ! Il faut te mettre à la page mec, les grandes heures du blues son derrière lui. » Amusé par ce poète paumé chantant le blues , Allen lui offrit l’hospitalité. Avec son look de clochard cultivé, et sa barbe à la Ginsberg, il donnait confiance à un Robert de nature méfiante.

Le logement n’était ni particulièrement vétuste ni vraiment confortable, il faisait partie de ces bouts d’immeubles dans lesquels s’entassent les enfants de la classe laborieuse. La chambre contenait surtout une platine disque, sur laquelle Allen posa délicatement un 33 tours de Woodie Guthrie.

Pour le jeune Robert, ce fut une révélation, les mots résonnaient comme des vérités universelles, et la guitare exprimait autant en trois accords que Dylan Thomas en dix vers. 

« Dès le premier secret du cœur,
L’asservissement de l’âme,
Jusqu’au premier étonnement de la chair
Le soleil était rouge , la lune était grise ,
La terre était comme deux monts se touchant »

Dylan Thomas parlait sans doute d’amour, c’est pourtant ces quelques vers qui vinrent à l’esprit de Robert pour qualifier son coup de foudre artistique. C’est ainsi que Robert Zimmerman devint Bob Dylan, et que la folk remplaça le blues comme bande son de son parcours initiatique. 

Ayant appris que Guthrie était interné dans un hôpital psychiatrique , suite aux affres de la chorée de Huntington, Dylan pris de nouveau la route pour rejoindre celui à qui il doit sa vocation. Le parcours lui donna vraiment l’impression d’être Jack Cassady parcourant les plaines américaines, pour trouver sa voie.

Quand il arriva enfin à la porte de la chambre où se reposait son modèle, la femme de Woody lui ferma d’abord la porte au nez. Elle finit tout de même par céder, après que Dylan ait passé plusieurs heures à jouer les chansons de son mari sur le palier, pour montrer sa dévotion.

La rencontre entre ce jeune homme au visage enfantin et le vieux militant folk eut des airs de passage de témoin. Bob chantait l’utopie libertaire que son héros ne pouvait plus propager, et les deux hommes étaient liés par la complicité de ceux qui se savent voués à la même cause.

La rencontre dura quelques jours et, adoubé par celui qui brandissait sa guitare comme « une arme tuant les fascistes », Dylan se mit en quête d’une maison de disque.  Ses vagabondages le menèrent au Galisght, haut lieu de la culture folk, où se rencontraient tous les troubadours en quête de reconnaissance.

La salle était souterraine, et avait le charme froid des caves à brigands, que l’on voit parfois dans les films de capes et d’épées. Bob se dirigea immédiatement vers le taulier, qui le regardait d’un œil sévère, un regard qui aurait fait douter les voyageurs les plus avertis.  Mais il était lui-même trop froid pour s’inquiéter de cette posture peu accueillante.

«  Je m’appelle Bob Dylan et je cherche une scène où jouer »

L’homme se mit à rire avant de lâcher d’une voie rugueuse :

« On ne demande pas une place sur scène on la prend ! Monte donc , et si le public ne te vire pas tu pourras revenir demain. »

Alors Dylan montât sur scène, l’air un peu gauche et gêné, et se mit à déclamer les premiers vers de « blowin in the wind » en gratouillant une mélodie séduisante. Tout le public fut immédiatement conquis, et particulièrement Carolin Hester , une jeune chanteuse folk en pleine ascension , qui le recrute pour jouer sur l’album qu’elle enregistre au studio columbia.


                                                                                                                                            

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