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dimanche 2 février 2020

Rock Storie : south rise again

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Notre récit commence en 1969, dans le célébre Fillmore west de Bill Graham. Hippie convaincu , Clint est un habitué de cette salle , Bill Graham étant pour lui le prophète annonçant de nouveaux cultes psychédéliques. C’est sa programmation qui le fit entrer dans le bain culturel des gobeurs d’acides, le dead et autres Jefferson Airplane lui ouvrant les portes d’un univers inédit.

Ce soir-là, c’est une autre révélation qui l’attendait. Quand raisonnent les premières notes de « whipping post » , Clint sent déjà que cette musique est solidement attachée à la tradition américaine. Planté au milieu des projecteurs, le guitariste a la moustache d’un général sudiste. Mais surtout, ses solos délirants donnent une nouvelle dimension à la culture des pionniers.

On s’attendrait presque à voir John Lee Hooker entrer, une guitare à la main, pour faire résonner son bon vieux jungle beat, le temps d’une jam obsédante. On a beaucoup jacassé sur Clapton,  ce « dieu», qui aurait donné une nouvelle jeunesse au blues. Mais les riffs qu’il développait avec John Mayall défrichaient déjà les terres du proto hard rock.

Les anglais ne se contentent jamais de la tradition, il faut toujours qu’il la déforme au gré de leurs lubies. Même le psychédélisme, musique qui s’épanouit à San Francisco, naquit grâce à la folie avant gardiste des Beatles.

Celui qui redore le mieux le blason poussiéreux des vieux Muddy , Hoocker , et autres BB King , c’est ce sudiste au feeling nourri par ce vieil objet d’admiration, que l’on nomme musique afro américaine.  La grandiose jam de « stratesboro blues , le brasier groovy de « hot lanta » , tous ces titres sont forgés dans le même moule que hoochie coochie man , c’est la même complainte, rallongée par des délires instrumentaux inspirées de l’inventivité jazz.

La soirée finie, Clint décide de quitter San Francisco pour visiter le sud profond. Le rock revient à ses racines, et il se doit de suivre ce retour. Le train qui le conduit roule au milieu des grands espaces , qui donneront les plus belles scènes d’easy rider , et une ouverture grandiose pour le biopic d’Oliver Stones sur les doors. Mais, sur le walkman de Clint , c’est le premier disque des allman qui tourne en boucle , lui faisant répéter à qui veut l’entendre que cette musique est le nouveau grand culte de notre époque.

Les hippies ne sont pas morts à Altamont , où dans le massacre commis par la Manson family. Tous ces événements constituent un folklore macabre, qui ne peut fasciner que les esprits les plus primaires. Ils n’ont aucune portée historique.

Le mouvement Hippie est mort aussi spontanément qu’il est né, ses héros ayant besoin de retrouver la terre ferme, après des années de rêveries délirantes. Janis Joplin aborda les terres d’un blues plus groovy et cuivré , le dead , les byrds , et l’airplane flirtaient avec la country , et canned heat ne tardera pas à signer un grandiose manifeste avec John Lee Hooker.

Un arbre sans racines ne peut que mourir, et le psychédelisme était monté trop haut, toisant les « bouseux » du haut de ses sommets hypnotiques. Clint est interrompu dans sa réflexion par le freinage brutal du train arrivé à destination. A la sortie du véhicule, le soleil à son zénith déploie ses lances incendiaires. La largeur des rues ne fait que renforcer cette impression de marcher en plein désert, et la soif amène rapidement Clint dans un bar digne d’un film de John Ford.

Sur la façade, une affiche annonce le concert du soir, une bande de solides sudistes nommée Lynyrd Skynyrd. Le public, lui aussi, semble sorti des grandes scènes de Sergio Leone. Certains se vantent d’avoir croisé Leadbeally, ou le grand Muddy . Ils montrent ainsi que , pour eux, le blues est aussi sacré que le Jack Daniels.

Au bar , un vieillard à la barbe hirsute gratifie notre héros de ses délires éthyliques.

« Ces mecs , Lynyrd , je leur ai causé tout à l’heure. »

Il marque une pause, et boit son tord boyaux avec une mimique virile façon John Wayne.

«  Des tantes qui ne jurent que par la pop anglaise, cette mode pour snobinard bourgeois. Et puis , c’est quoi ce nom imprononçable ! Il parait que c’est en hommage à un prof de sport qui leurs filait des roustes. Je ne sais pas qui l’a baptisé, mais la gnole qu’il buvait à ce moment-là devait être balèze. »

Clint n’aura pas le temps de répondre, un riff furieusement boogie venant secouer les certitudes de son interlocuteur. « I a m the one » ne fut pas choisi pour rien. C’est un des titres les plus traditionnels de Lynyrd , une musique dénudée jusqu’à l’os , pour n’en garder que la savoureuse moelle.

A côté de Clint , le vieux en restait bouche bée , comme le reste d’un public reconnu pour sa sévérité belliqueuse. Dans ce genre de salle, le blues est un culte, et chaque homme tentant de se l’approprier y risque littéralement sa vie. Mais Lynyrd avait gagné la partie dès les premières notes, ses riffs montrant une ferveur qui ne s’invente pas . Ces jeunots parlaient le même language que leur public.

Rejoint par Rickey Medlocke la veille, le gang termina sa prestation par un free birds tout en puissance soliste. Quand les dernières notes résonnent dans le bar , Rickey est le premier à venir fêter la performance. Cheveux noirs comme le pétrole, le musicien a hérité du charisme mystique de ses ancêtres cherokee. Le barman lui adresse le sourire qu’il réserve aux habitués.

«  Alors Rick , tu as finis par trouver un vrai groupe ! »

La phrase du barman fait l’effet d’une décharge sur le musicien, qui lui lâche un regard à figer un troupeau de buffles en pleine charge.

«  Un jour Blackfoot sera aussi célèbre dans le sud que les allman brothers. Mais en attendant il faut bien manger. »

La prédiction fait rire le barman qui, conscient de la puissance qu’est capable de déployer son interlocuteur lorsqu’il est sur scène , répond d’une voix pleine de conviction.

« ça va réveiller ces tapettes anglaises ! »

« Le rock est anglophone bande de crétins ! Free est aussi important que ce qui se construit ici ! »

Celui qui vient de rugir ainsi n’est autre que Ronnie Van Zandt , le tyrannique chanteur de Lynyrd. Pas aussi épais que Bob Hite , ses grosses paluches ont pourtant fait siffler les oreilles de plus d’un gaillard du coin.

Parmi eux , Gari Rossington se fait discret , il ne tient pas à ramasser la rouste que son chanteur lui réserve déjà à la moindre fausse note.

Ronnie poursuit sur un ton passionné aussi prenant que son chant chaleureux :

« On oppose toujours le rock anglais et américain, mais le rock serait mort depuis les années 50 si certains rosbifs n’étaient pas allés plus loin.

Le débat fut houleux et , sans le retranscrire entièrement ici , on remarquera qu’il résume bien l’affrontement entre traditionalisme et progressisme, que le duo beatles/ stones incarna dans les années 60.

Avant de partir, Clint ose interpeller les héros de la soirée.

« j’aimerais assister à l’enregistrement de votre premier disque . »    
Rickey pose son regard sévère sur lui.

« Qu’est-ce que tu cherches chez une bande de cul terreux comme nous ? Vu ton look tu dois être du genre à t’extasier sur le dead. »

Il est vrai que Clint n’avait pas abandonné son look de clochard céleste. L’apparence, c’est comme les convictions, on en change pas du jour au lendemain. Il trouve tout de même le courage de répondre.

«  Vous êtes l’avenir du rock, et si personne ne le fait, j’écrirais votre histoire. »

« Ok , rendez-vous au studio MCA demain. Il est installé dans un ancien bar paumé du coté de Jacksonville. On prendra la photo de la pochette là-bas aussi . »

Et c’est sur ces belles paroles que se termine ce premier épisode.    

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