Ils étaient venus pour une
grande fête musicale, un plaisir de vieux routard prenant enfin le temps de
retrouver la joie simple de jouer. Beaucoup d’histoires commencent ainsi dans le
rock. Le musicien est un mage, dont le charisme dépend de ceux qui le
soutiennent. Alors il erre, à la recherche de confrères capables
de créer une harmonie sonore.
Il est vrai que, quand les
confrères ont quelques années de route derrière eux, la plupart en compagnie
de pointures tel que blackfoot ou Chris Robinson, l’harmonie doit être plus
simple à trouver. Les sudistes ont toujours eu cette tendance au brassage, c’est
une armée modifiant régulièrement ses divisions pour survivre aux assauts du
temps.
On se souviendra surtout
des exemple les plus frappants , comme ce jour béni ou Rickee Medlocke mit la
carrière de Blackfoot en veille , pour devenir la troisième lame de la section
Lynyrd Skynyrd. Aujourd’hui, ce rock sudiste est mort, et il n’en reste que
quelques brillantes étincelles au milieu d’un brasier plus que tiède.
Mais la flamme du sud ne s’est
pas éteinte, elle a simplement changé de forme, et ne se limite plus aux
groupes de rednecks mordus de hard blues. Pour surfer sur la déferlante « classic
rock », les groupes revendiquant l’héritage sudiste ont élargi leurs
influences. Chris Robinson fait dans le revival psyché folk rock , Warren Hayne
passe du funk au jazz , et blackberry smoke alterne hard blues et country rock
à la Steve Earl.
L’époque forge les
artistes, et c’est justement ce grand élargissement du traditionalisme rock qu’exprime
les hard working americans. Tout le monde les a d’ailleurs pris pour des jeunes
loups , les chemins du purisme musical n’attirant plus le grand public depuis
des années.
Il faut donc qu’ils
reprennent tout de zéro, et passent l’épreuve de la scène pour imposer un
nouveau projet musical. Les hard woking americans se voient comme une bande de
mercenaires au service d’une certaine vision du rock. Ils ont le courage
vindicatif qu’avaient les grands groupes à leur début , l’envie de balancer un
set dont le groove effacerait tous les errements du music business.
Le riff chaloupé de « blackland
farmer » annonce tout de suite leurs intentions, ramener le rock sur ses
terres natales. Le titre montre une énergie boogie blues que n’aurait pas renier
les blackberry smoke , c’est d’ailleurs le seul qui se rapproche du groupe de
Charlie Starr.
Pour le reste , on se
délecte surtout de ces mélodies teintées de douceur Californienne, une musique
qui voit s’accoupler la rugosité des bayous de louisianne, et les rêveries
country folk chères à Johnny Cash.
On retrouve donc le son des
grands oubliés de l’histoire, la douceur nostalgique de Don Nixx mélangée au
groove rustique du band. Si l’époque n’était pas aussi désespérante, ces titres
pourraient presque nous faire croire à un retour de cette tradition au sommet
des hits parades. Cette musique ne raconte pas l’Amérique , elle est l’Amérique,
presque plus que la statue de la liberté ou le mont Rushmore.
Ces sonorités-là étaient
celles qui rythmaient les migrations des damnés de la grande dépression, celles qui exprimaient le spleen des travailleurs de coton, où le désespoir des
prisonniers de folssom. De Johnny Cash à Bob Dylan, de Muddy Waters à Aerosmith,
elle est le fil conducteur qui relie toutes les grandes figures de la musique
américaine.
Cette responsabilité
perdue , Hard working americans semble la porter comme une mission sacrée. Quand
Guaranteed démarre sur l’intro foudroyante de « born to be wild » ,
le riff de Steppenwolf sonne comme le cri de guerre d’un gang affirmant que l’histoire
n’est pas terminée. Il peut exprimer son énergie avec d’autant plus de
conviction que le terrain est déjà conquis. Le refrain de Straight to hell est
ensuite repris par une foule aux anges , une foule charmée par ces bluettes à
l’arrière-goût psyché, par cette capacité à jouer des refrains fédérateurs avec
un talent d’improvisation digne des grands jam bands.
Sur la pochette, le groupe
affirme une dernière fois l’idée qu’il est venu défendre : « Jerry
Garcia est aussi important que Benjamin Franklin ». Ils réadaptent ainsi
la phrase d’Auguste Comte « Les morts gouvernent les vivants ».
Espérons que , comme le
Dead influença ce live , plusieurs générations de musiciens reprendront la
formule brillante des Hard Working Americans.
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