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jeudi 12 mars 2020

Rolling stones blues : épisode 1



Le train arrive enfin à la gare de Londres , La ville où Keith va rencontrer son avenir. Enfin viré d’une école d’art qu’il n’appréciait que pour ses passionnés de blues, il ressort d’un premier entretien d’embauche. A l’époque, le gouvernement avait mis en place des bourses, ce qui permettait à une bande d’enfants de prolos d’user leurs fonds de culottes sur les bancs des universités.

Les universités d’art ont ainsi vu passer une poignée de futures gloires du rock, comme Roger Daltrey, Roger Waters et lui-même. Dans ces facultés, on tentait d’apprendre à Keith le graphisme. Ses talents de dessin devaient encourager le consommateur à claquer son maigre salaire dans un produit dont il n’a pas forcément besoin.

Calé dans son siège de bureau, son potentiel employeur le toisait avec l’air sévère de ceux qui choisissent les élus pouvant accéder au bonheur creux de la société de consommation.

-          C’est prometteur ! Mais il me faudrait plus de matière pour vraiment juger votre travail à sa juste valeur. Pouvez-vous m’apporter un autre book demain ?  

Les employeurs sont ainsi, le temps est de leur coté, et ils en profitent un maximum.

-          Non, et je ne vais certainement pas en refaire un pour vendre des nouilles , des godasses , ou je ne sais quelle autre cochonnerie.
-          Comment ?

Le visage de l’entrepreneur s’était fermé, il paraissait encore plus ridiculement solennel qu’auparavant. Comme si il était un empereur attendant le repentir de son subalterne.

-          Tu as très bien entendu.

Et Keith sortit, après avoir balancé son book à la poubelle sous le regard interloqué de son interlocuteur ahuri. Il cherchait désormais une porte de sortie. Ses 18 ans approchaient, et ses parents ne manqueraient pas de le mettre face à ses responsabilités, quand il aura atteint l’âge fatidique.

Certes , le service militaire avait disparu , mais les parents anglais n’étaient pas prêts à entretenir leurs progénitures deux ans de plus. C’est à tous ces problèmes que Keith pensait, avant de tomber nez à nez avec un jeune homme, qui se promenait avec ses vinyles de Chuck Berry sous le bras.

Il reconnut aussitôt Mick Jagger, qu’il avait croisé pour la première fois quand il était encore en culotte courte. Il vit dans cet homme un compagnon de misère , avec qui il se mit rapidement à reproduire les grands classiques du rythm n blues et du rock.

 La sauce commence à prendre quand il croise la route de Dick Taylord , un bassiste ayant une vision très conservatrice du blues. Entre un Taylor vomissant le mercantilisme rock , et un Keith ayant découvert sa passion après avoir entendu « heartbreak hotel », les relations n’étaient pas toujours au beau fixe.

Mais ce nouveau gang commençait à trouver ses premiers concerts , et Keith fut subjugué par le charisme flamboyant de son chanteur. Le groupe jouait dans des salles plus que pourries, des trous où on ne leur laissait qu’un espace ridicule.

Certains soirs, la largeur de la scène ne devait pas dépasser celle d’une table, ce qui n’empêchait pas Mick de virevolter comme un James Brown du blues. Il fallait le voir se tortiller sur son petit espace, luttant en première ligne pour imposer un gang qui n’avait pas encore de nom.

D’ailleurs , la formation n’était pas fixe non plus , et l’histoire n’a pas retenu le nom des batteurs et guitaristes ayant rejoint notre trio le temps d’un soir. Un jour de relâche , Mick et Keith partirent mesurer la concurrence dans un pub Londonien. Sur scène, un lutin blond chantait « dust my brom » comme si il était possédé par les fantômes du Bayou Louisianais.
Derrière lui, un batteur au jeu jazzy donnait à sa musique un swing imparable.

Le meilleur moyen de réunir des musiciens est de les faire jouer ensemble et, quand les dernières notes de « dust my brom » se furent évaporées, Keith et Mick montèrent sur scène. Keith lança spontanément le riff de Johnny be good , et c’est comme si sa guitare avait connecté des hommes qui n’avaient jamais joué ensemble.

La batterie se calait magnifiquement sur son jeu rythmique, et Brian Jones était si synchrone que les deux guitares sonnaient avec une force incroyable. C’était l’harmonie parfaite au service du rock n roll. Après ce concert historique, les musiciens ne se quittèrent plus, et la maison de Brian devint le monastère où ils apprenaient à maitriser leur art.

Entre temps, Dick Taylord avait quitté le groupe, il refusait de céder aux sirènes du rock. Ironie de l’histoire, le musicien fondera par la suite les pretty things , qui seront qualifiés de sous stones quand le  groupe de Mick Jagger sera au sommet.

Pour le remplacer, les musiciens restant choisirent Bill Wyman. L’homme avait un ampli, et le groupe n’avait pas le temps de faire la fine bouche. Brian Jones contacta ensuite la rédaction de Jazz News , un magazine qui publiait des petites annonces, pour aider les musiciens à la recherche de lieux où jouer.

Le journaliste leur demande donc le nom du groupe, instaurant ainsi un silence de quelques minutes. Trop occupés par leur son, les apprentis rockers n’avaient pas pris le temps de se choisir un nom. Dans le bazar sans nom de l’appartement, Keith remarque un vieux 45 tours de Muddy Waters nommé « rollin stones blues », il s’appelleront donc les rolling stones.

Le futur plus grand groupe du monde est enfin prêt à lancer l’invasion anglaise.

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