Depuis 2015 , Beth Hart a
atteint un succès devenu rare dans le milieu du blues rock. Invité par Jeff
Beck ou Joe Bonamassa, la Californienne a ressuscité une ferveur qui semblait enterrée depuis des années. On évitera pourtant de la cantonner aux formules immuables
du blues du delta, tant Beth Hart aime aussi flirter avec le jazz , la country
, et bien sur le rock n roll.
Toujours entourée de
pointures , elle prêche l’élitisme autrefois incarné par les grands labels de
motown et autres maisons de disques légendaires. Ecouter un disque de Beth Hart,
c’est se replonger dans une époque où un grand disque de Miles Davis succédait
à un classique de John Lee Hooker , où les styles se croisaient et se
mélangaient dans une éruption impressionnante.
La liste des musiciens
présents sur ce « fire on the floor » annonce d’ailleurs la couleur.
On y retrouve l’élite des cadors de studios, des hommes ayant aussi bien
travaillé pour Iggy Pop , que pour le grand Miles Davis , Joe Cocker , et John
Lennon. Tous sont réunis pour donner à cette voix le tremplin qu’elle mérite, c’est
un orchestre capable de l’aider à explorer tous ses registres.
Sur les titres les plus langoureux, comme jazzmen et love gangster,
elle célèbre les retrouvailles du jazz et du blues. Ces deux facettes de la
musique américaine sont faites pour se compléter. Lou Reed voyait le blues
comme un jazz en trois accords, c’est oublier qu’une bonne section de cuivres transcende
le feeling irrésistible du grand blues. Bonamassa l’avait bien compris, mais se
servait plutôt de ses cuivres pour donner à son blues rock une ambiance de
music hall. Beth Hart part dans un registre plus introspectif, et la chaleur
jazzy sert surtout à renforcer ses mélodies sombres.
On a ensuite droit à une série de riffs brulants, un
retour au registre exploré sur les disque de reprises de Bonamassa , et sur
scène en compagnie de Jeff Beck. La guitare, puissante sans être extravagante,
réconcilie le feeling stonien avec la puissance de bombardier de Jimmy Page. A
ce titre, le riff de fat man pourrait faire le pont entre le blues et le hard
rock. Son riff primaire part dans des envolées corrosives, rappelant que led
zepp et autres withesnake étaient surtout des bluesmen fous de gros son.
Du rock au rythm n blues il n’y a qu’un pas, que Beth
Hart franchit magnifiquement sur my baby shot me down. On est alors transporté
dans les bars louches du Mississipi , le pianiste swingue comme si sa vie en
dépendait, et la voix rageuse de la chanteuse se mêle au rugissement électrique
de la guitare sur un rythme presque boogie.
On fait ensuite un détour du côté de la pop, mais il ne s’agit
pas de la pop sirupeuse qu’on nous sert depuis les années 80. La voix se fait
alors plus douce, la guitare plus discrète, mais c’est encore à la grande Janis
que « Good day to cry » et « woman I’ve been dreamin of »
font penser. Si vous ne pensez pas à « cry baby » * , quand la voix de Beth atteint des sommets à vous donner la chair de poule , c’est que vous
êtes amnésique.
Ces ballade plus sombres annoncent la direction que Beth
prendra sur l’incompris « war on my mind ». On ne saurait dire si
elle est plus à l’aise sur la légèreté pop de « coca cola », le rythm
n blues orgiaque de « my baby shot me down » et « fat man »
, ou les apitoiements poignant de « no place like home ».
Ces sonorités forment une seule matière , à partir de laquelle
elle transforme ses tourments en beauté universelle. De cette manière, elle est
aujourd’hui une des musiciennes les plus intéressantes de notre époque.
*titre issue de Pearl , l’album posthume de Janis Joplin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire