La
disparition violente d’Allen Woody , au début des années 2000 fut un choc pour
tous les fans de gov’t mule. Le bassiste était le moteur du groupe , celui qui
permettait à ce jams band de développer une énergie dévastatrice , capable de
rivaliser avec la puissance zeppelinienne des black crowes. La tragédie se
situe surtout dans le fait que, après un début de carrière tonitruant, le
groupe commençait à se diriger vers un rock plus complexe. Timidement esquissé sur « life before insanity », ce virage prometteur permettait au
groupe de produire des ballades aux arrangements fouillés.
On
pensait que cette évolution n’avait pas eu le temps d’aller plus loin lors de
la période Woody, mais une vidéo est venue tous chambouler. Publiant ses
hommages au compte-goutte , Warren Hayne a diffusé un extrait d’un live que le
groupe effectua au Roxy , en 1999.
Nous
sommes quelques mois seulement avant la mort de son bassiste et, avide de
découvrir de nouvelles sonorités , gov’t mule a invité John Scotfield à se
joindre à eux le temps d’un concert. Le guitariste fait partie des pionniers de
cette fusion entre le blues et le jazz, qui contamina le rock dans les années
60-70.Cette fusion, il la développait déjà en compagnie de Gerry Mullighan et
Chet Baker, avant de rejoindre un John Duke qui ne jouait pas encore avec
Zappa.
Nourri par ses deux influences, l’homme a publié une série de disques qui s’insèrent
dans le revival jazz porté par zappa , soft machine , et autres fils du grand
Miles. La rencontre entre l’icône du jazz et les représentants modernes du rock
sudiste se fera autour d’une série de titres piochés dans le répertoire des
deux artistes , de John Coltrane, et de James Brown.
La
rencontre entre deux des plus grands guitaristes vivant auraient pu faire
craindre un duel pompeux, une série de mitraillages visant à aligner le plus
de notes possibles. Heureusement, il n’en est rien, et les musiciens oublient
totalement leur ego.
Charger
de diriger les explorations de ce nouveau big bang , Allen Woody est étonnamment
à l’aise dans ce registre plus groovy. Dans un premier temps, la puissance tout
en finesse qu’il développe avec Matt Abbs fait forcément penser aux Allman
Brothers. Le rythme sautillant, parcouru de divagations hypnotiques , est dans
la droite lignée de ce que le groupe de Duane livrait sur « in memory of
Elisabeth Reed ».
Mais
Hayne et Scotfield ont aussi fait leurs classes dans un tribute band de
grateful dead , ils savent comment faire évoluer une mélodie. Le rythme se fait
de plus en plus doux , les instrumentaux deviennent de confortables édredons
sonores , et l’odeur du jazz se fait fortement sentir. On ne dira jamais assez
de bien de afro blues et devil like it slow , qui flirtent avec les grandes
heures du mashavishnu orchestra.
Ce
n’est pas pour rien que ce disque est totalement instrumental, toute parole
aurait brisé la beauté de cette symbiose virtuose. Les musiciens n’effectuent
pas des reprises dans le sens le plus strict du terme , mais plutôt dans la
tradition des grands big bang de jazz. Le titre est un repère, une base qui
permet aux musiciens de progressivement construire une symbiose unique. La
musique devient alors l’expression d’âmes unies dans un combat visant à
maintenir la force mystique qu’ils ont créé.
Cette
symbiose permet au groupe de développer une version plus raffinée du groove de
funkadelique, sans que l’on ait l’impression de changer d’univers.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire